Les particularités historiques de la Chine

La Démocratie Nouvelle

Mao Zedong

III. Les particularités historiques de la Chine

   Nous voulons une nouvelle culture nationale chinoise, mais quelle doit être au juste cette culture nouvelle ?

   Toute culture (en tant que forme idéologique) est le reflet de la politique et de l’économie d’une société déterminée, mais elle exerce à son tour une influence et une action considérables sur la politique et l’économie de cette société ; l’économie est la base, la politique l’expression concentrée de l’économie((Voir V. I. Lénine : A nouveau les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotski et Boukharine.)). Tel est notre point de vue fondamental sur le rapport qui existe entre la culture d’une part, la politique et l’économie d’autre part, de même que sur le rapport entre la politique et l’économie. Ainsi, une forme donnée de politique et d’économie détermine d’abord une forme donnée de culture, laquelle, ensuite, exerce à son tour une influence et une action sur cette politique et cette économie. Marx a dit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience((K. Marx : Contribution à la critique de l’économie politique, Préface.)). » Il a dit encore : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais il s’agit de le transformer((K. Marx : « Thèses sur Feuerbach », XI, dans Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande de F. Engels.)) » Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, ces formulations scientifiques apportent une solution correcte à la question du rapport entre la conscience et l’être, et elles constituent les notions fondamentales de la théorie active, révolutionnaire, du reflet, que Lénine développa par la suite de façon approfondie. Quand nous discutons des problèmes de la culture chinoise, nous ne devons pas oublier ces notions.

   Ainsi posée, la question est très claire : les éléments réactionnaires que contient la vieille culture de la nation chinoise, éléments que nous voulons éliminer, sont indissolublement liés à la vieille politique et à la vieille économie ; de même, la culture nouvelle de la nation chinoise que nous voulons édifier est indissolublement liée à la politique nouvelle et à l’économie nouvelle. La vieille politique et la vieille économie de la nation chinoise sont la base de sa vieille culture, tandis que sa politique nouvelle et son économie nouvelle seront la base de sa culture nouvelle.

   Qu’entend-on par vieille politique et vieille économie ? Et par vieille culture de la nation chinoise ?

   A partir des dynasties des Tcheou et des Ts’in, la société chinoise devint féodale, tout comme sa politique et son économie. Et la culture prédominante, reflet de cette politique et de cette économie, était une culture féodale.

   Depuis que le capitalisme étranger a pénétré en Chine et que les éléments du capitalisme se sont développés peu à peu au sein de la société chinoise, la Chine est devenue progressivement un pays colonial, semi-colonial et semi-féodal. Aujourd’hui, elle est coloniale dans les régions occupées par le Japon et pratiquement semi-coloniale dans les régions sous la domination du Kuomintang ; mais, dans les unes comme dans les autres, c’est le régime féodal ou semi-féodal qui prédomine. Tel est le caractère de la société chinoise actuelle, telle est la situation de la Chine d’aujourd’hui. La politique et l’économie de cette société sont à prédominance coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la culture qui prédomine, reflet de cette politique et de cette économie, est aussi coloniale, semi-coloniale et semi-féodale.

   C’est contre ces formes politique, économique et culturelle dominantes qu’est dirigée notre révolution. Ce que nous voulons éliminer, c’est cette vieille politique et cette vieille économie coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la vieille culture qui est à leur service. Ce que nous voulons édifier est tout l’opposé, à savoir la politique, l’économie et la culture nouvelle de la nation chinoise.

   Mais alors, quelles sont la politique et l’économie nouvelle de la nation chinoise ? Et quelle est sa nouvelle culture ?

   Dans le cours de son histoire, la révolution chinoise doit passer par deux phases ; la première, c’est la révolution démocratique, la seconde, la révolution socialiste ; ce sont deux processus révolutionnaires de caractère différent. Ce que nous appelons ici démocratie n’appartient plus à l’ancienne catégorie, n’est plus l’ancienne démocratie, mais relève de la nouvelle catégorie ; c’est la démocratie nouvelle.

   Nous pouvons donc affirmer que la politique nouvelle de la nation chinoise, c’est la politique de démocratie nouvelle ; que son économie nouvelle, c’est l’économie de démocratie nouvelle ; que sa nouvelle culture, c’est la culture de démocratie nouvelle.

   Telle est, à l’heure actuelle, la particularité historique de la révolution chinoise. Tout parti politique, toute personne qui y prend part sans comprendre cette particularité ne pourra guider cette révolution ni la mener à la victoire, mais sera reniée par le peuple et réduite à se lamenter misérablement dans son coin.

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