Naxalbari vit et prospère dans le Dandakaranya

Naxalbari vit et prospère dans le Dandakaranya

Varavara Rao

2017

   « En Inde, le soulèvement armé révolutionnaire paysan de Naxalbari, qui fêtera son 50ème anniversaire – a été influencé et inspiré par la Grande révolution culturelle prolétarienne de Chine. Naxalbari a été un événement qui s’est déroulé sous la direction du camarade Charu Majumdar – l’un des deux grands dirigeants, enseignants et fondateurs du PCI (Maoïste) [Parti Communiste d’Inde (Maoïste)], les camarades Charu Majumdar et Kanhai Chatterjee – qui a marqué un nouveau départ dans l’histoire de la révolution démocratique du pays. »

   C’est l’observation faite par le Comité central du PCI (Maoïste) lors de son appel à célébrer les quatre grands événements de l’histoire pour atteindre le socialisme dans le monde, y compris le cinquantième anniversaire de Naxalbari.

   Il est évident que les Maoïstes – plus encore au sein du PCI (Maoïste) – sont les véritables héritiers du Mouvement Naxalbari en Inde, outre certains groupes révolutionnaires et individus dans tout le pays. La révolution de Nouvelle démocratie en Inde, un précurseur du socialisme ne pourra être accomplie à moins qu’un parti bolchevik ne soit construit avec l’esprit bolchévique pour réaliser la révolution indienne rassemblant toutes ces forces révolutionnaires.

   Naxalbari s’élève comme une ligne de démarcation dans tous les aspects de la politique, de la société et de la culture semi-féodales et semi-coloniales entre les classes exploitantes et exploitées, les dirigeants et les gouvernés, la bourgeoisie compradore et les grandes masses de paysans et la classe ouvrière, la politique parlementaire et la voie populaire alternative. En un mot, la lutte de classe sous la direction de la classe ouvrière comme avant-garde pour saisir le pouvoir de l’État par le peuple, les forces productives pour changer les relations de production.

   Le mouvement de Naxalbari a défini pour la première fois le caractère de l’Etat comme la dictature semi-féodale et semi-coloniale, la dictature bourgeoise compradore. Il a pris le maoïsme, le marxisme-léninisme de cette époque comme point de vue mondial. Il a rejeté la politique parlementaire. Il a choisi le chemin de la révolution de nouvelle démocratie et a mené une guerre prolongée contre l’État, la lutte armée comme forme de lutte principale. Son programme économique de lutte pour la terre a été lancé à Naxalbari le 23 mai 1967, lorsque les villages Santals de Naxalbari et Kheribari ont occupé les terres et déclaré leur droit à la terre jusqu’au 25 mai et en renonçant à leur vie pour le protéger contre l’intervention des forces armées de l’Etat.

   Son programme militaire est une guerre de guérilla jusqu’à ce qu’il libère les villages et finisse par entrer en guerre face à face pour faire tomber l’Etat central. Aujourd’hui, il a atteint sa phase de guerre mobile dans le Dandakaranya, allant du Bastar au Chhattisgarh à Gadchiroli au Maharashtra.

   Son programme politique est « tout le pouvoir au peuple » comme celui des Soviétiques en Russie soviétique, des Communes en République populaire de Chine. Ce programme politique était en fait embryonnaire à Naxalbari, Srikakulam, Wynad et d’autres zones de lutte des paysans adivasi, même pendant la lutte armée paysanne du Telangana (1946-51).

   Le programme a pris une forme ferme, vivante et limpide en adoptant la résolution de former les Comités de Grama Rajya en 1995 lors du Plenum Spécial du PCI (ML) Peoples War [Parti Communiste d’Inde (Marxiste-Léniniste) Guerre Populaire]. Bien qu’il ait été écrasé dans des centaines de villages dans le nord du Telangana en 1995-2003, avec des tueries déguisées en faux échanges de coup de feu et d’autres formes extra-constitutionnelles sanguinaires afin de mettre en œuvre les politiques de la mondialisation impérialiste, elle a pu se maintenir dans le Dandakaranya et, depuis douze ans, elle a atteint le niveau de la Janatana Sarkar, une autorité autonome, auto-suffisante et de front uni en accord avec les sans terre, la petite paysannerie, la paysannerie moyenne et la paysannerie riche. Les Adivasi, Dalit et classes opprimées se gouvernent sous la direction du Parti, avec l’Armée de Guérilla de Libération du Peuple protégeant le pouvoir populaire de substitution. Et c’est pourquoi aujourd’hui la guerre contre le peuple est menée en particulier dans l’Inde orientale et centrale, dans les zones Adivasi de Jangalmahal au Bengale, Saranda au Jharkhand, au Dandakaranya, à la frontière Andhra-Orissa et dans les Ghâts occidentaux.

   Le PCI (ML) de l’Andhra Pradesh a en fait fait perdurer l’esprit de Naxalbari en prenant l’expérience de la lutte armée paysanne au Telangana dans la mise en place de la ligne de masse et la formation d’organisations de masse, en particulier après le recul du mouvement Srikakulam. Après ce recul et le martyr de Charu Mazumdar en 1972, un rapport autocritique a été rédigé et des efforts ont été faits pour former un Comité Central d’Organisation qui a finalement résisté lors de l’état d’urgence et établi la «Route vers la révolution» lors de la réunion du Comité Régional du Telangana en 1976. En raison de l’héritage de la lutte armée au Telangana, Virasam – L’Association des écrivains révolutionnaires a été formée en 1970, Jana Natya Mandali, une grande vague du mouvement culturel populaire s’est formée en 1972, Pilupu – un magazine pour les masses opprimées a été lancé en 1973 et en 1974 Radical Students Union – RSU – a également été formé.

   Au cours de l’état d’urgence, les étudiants radicaux ont dû passer dans la clandestinité et ont mené des études sur les relations foncières dans les villages qui peuvent être comparées aux études du Hunan sous la direction de Mao Zedong, ce qui a entraîné une grande vague massive d’occupation des terres par les sans-terre et les pauvres travailleurs agricoles en particulier les Dalits et les classes opprimées. La deuxième conférence de la RSU à Warangal a demandé aux étudiants et aux jeunes de « rejoindre les villages » pour propager la politique de la révolution de nouvelle démocratie et aider les personnes sans terre à occuper la terre et à lutter pour la protéger.

   En septembre 1978, à Jagityal, un meeting, connu sous le nom de «Jagityal Jaitra Yatra», a été organisé en occupant des terres dans 150 villages et en déclarant le droit du peuple à le faire. Dès lors, c’est une histoire continue de lutte de classe avec une ligne de masse. Le PCI (ML) Peoples war a été formé en 1980 et a envoyé des escouades au Sironcha du Maharashtra et au Bastar en Madhya Pradesh dans le cadre du projet Dandakaranya.

   La perspective de Dandakaranya prévoyait que, contrairement à une zone de base libérée au Yenan de Chine, la révolution indienne pourrait avoir besoin de plus de bases pour établir la Révolution de Nouvelle démocratie, puisqu’elle constituera aussi une révolution innovante pour parvenir au socialisme dans le monde.

   En 1999, le PCI (ML) Party Unity qui est actif au Bengale, au Bihar, à Delhi et au Punjab fusionne avec Peoples War en prenant le nom de PCI (ML) Peoples War.

   Le 21 septembre 2004, le PCI (ML) Peoples war et le Centre Communiste Maoïste fort de sa longue histoire de la lutte des classes au Bihar et au Bengale sous la direction de Dakshinadesh se sont réunis et ont été unis en tant que PCI (maoïste).

   Le congrès d’unification du PCI (Maoïste) a eu lieu en 2007 après le premier congrès du PCI (ML) en 1970. Au cours des dix dernières années, la guerre populaire s’est poursuivie dans ce pays sous la direction du PCI (maoïste). C’est encore une fois, une différence entre les divers partis du PCI (ML) participant aux élections parlementaires et parlant en même temps de la lutte armée et le PCI (Maoïste) qui boycotte les élections et mène la lutte armée comme principale forme de lutte de classe.

   Malgré les hauts et les bas, les avancées et les revers, une fois la ligne de masse adoptée en 1976, il y a eu un parcours cohérent. Aujourd’hui, nous voyons le mouvement dans plus d’un état, même selon le gouvernement central dans 16 états où agit l’organisation du PCI (maoïste) et dans de nombreux États en particulier au Dandakaranya, à la frontière Andhra-Orissa, au Jharkhand et au Bihar et dans les Ghats occidentaux, des luttes armées sont menées avec le soutien d’organisations de masse. Et au Dandakaranya, il y a la Milice Bhoomkal qui est l’Armée de Guérilla du Peuple qui protège le pouvoir populaire.

   Bien qu’il s’agisse d’une lutte pour la terre, que ce soit à Naxalbari, Srikakulam ou au Telangana dans les années 1970, c’est une véritable lutte anti-féodale et anti-impérialiste incarnée par le slogan « la terre à ceux qui la cultivent », mais visant à la prise du pouvoir d’Etat par le peuple. C’est pour cela que les dirigeants compradores du Centre et les États le regardent avec crainte et le considèrent comme la « plus grande menace interne » pour le système et l’Etat.

   La politique de la mondialisation impérialiste adoptée par le gouvernement indien en 1991, en tant que nouvelle politique économique a prouvé la vision de Naxalbari caractérisant l’État comme une collusion de forces compradores, féodales et impérialistes.

   Le chemin de Naxalbari mis en œuvre au Dandakaranya, Bihar et Jharkhand, dans la zone frontalière entre l’Andhra et l’Orissa, dans les Ghats occidentaux et au Jangalmahal adopte un programme de développement populaire alternatif afin de protéger les richesses naturelles et le travail humain pillés par les multinationales et les grandes entreprises en Inde orientale et centrale.

   Quel que soit le parti politique au pouvoir dans la politique parlementaire – qu’il s’agisse d’un parti de l’Inde ou d’un parti régional -, il adopte la politique de mondialisation et, par conséquent, les patriotes, les démocrates, les écologistes et tous ceux qui veulent sincèrement défendre la souveraineté du peuple doivent se solidariser avec les luttes des larges masses de ce pays, en particulier les Adivasis, les Dalits, les paysans, les travailleurs, les femmes, les musulmans, les étudiants et les jeunes sans emploi dans différents secteurs non organisés sous la direction du PCI (maoïste) et d’autres forces révolutionnaires pour une politique alternative – autonome et autosuffisante, autonomie qui inaugurera la Révolution de Nouvelle Démocratie. C’est le rêve de milliers de martyrs qui ont perdu leur vie en se battant contre ce système d’exploitation et l’Etat.

   Il ne faut pas entrer dans les détails de la dégénérescence de la politique parlementaire, en particulier à la lumière des 72 voix pour Irom Sharmila à Manipur et des élections en Uttar Pradesh où le BJP a pu obtenir la majorité absolue sans donner un seul siège aux musulmans.

   Donc, le seul l’espoir laissé aux forces démocratiques dans ce pays est la Révolution de Nouvelle Démocratie, la tâche démocratique inachevée qui nous a été confiée il y a 50 ans par le mouvement Naxalbari.

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