La Conférence des Organisatrices-Communistes des Femmes de l’Orient

La Conférence des Organisatrices-Communistes des Femmes de l’Orient

Alexandra Kollontaï

   Pour la première fois, non seulement en Russie Soviétiste, mais pour la première fois au monde, s’est réunie une Conférence des femmes Communistes d’Orient et des organisatrices des ouvrières des Républiques et territoires Soviétistes musulmans. Cette Conférence, appelée par le Département central [pour le travail parmi les femmes du CC du PCR(b)] s’est tenue du 5 au 7 avril. On y a examiné la situation économique et juridique des femmes d’Orient, l’action parmi les artisanes, les formes et les méthodes d’organisation, la propagande et la préparation à la première Conférence panrusse des ouvrières et paysannes des nationalités orientales. Le premier jour fut fait un court rapport sur la politique générale.

   II y avait là 45 organisatrices travaillant parmi les femmes orientales. Etaient représentées les Républiques : des Tatares, des Bachkirs, le Turkestan, l’Azerbaïdjan, la Crimée, la Kirghizie, les Montagnards du Caucase, la Sibérie, et plusieurs provinces comprenant une population de race turque ou d’autres musulmans.

   La conférence montra de façon évidente que l’influence de notre Parti, répandue par l’intermédiaire de ses sections féminines, s’étend aujourd’hui sur les territoires les plus lointains de la Russie Soviétiste. Dans ces localités mêmes où naguère encore régnait l’esclavage séculaire de la femme, une profonde fermentation court aujourd’hui dans les masses. Non seulement la femme musulmane rejette son voile, mais encore elle prend part à l’organisation soviétiste.

   La Conférence a montré que les principes généraux mis en œuvre par notre Parti pour attirer les masses féminines dans l’œuvre active du Communisme restent parfaitement applicables et viables en Orient. Il suffit de modifier les détails en se conformant aux particularités locales. Ainsi, par exemple, tenant compte de l’asservissement des ouvrières dans la famille et dans la vie quotidienne, nos sections féminines commencent d’ordinaire leur éducation soviétiste par la protection de la maternité, l’alimentation communale, etc… Parmi les peuples d’Orient, où la femme est esclave avant tout des préjugés religieux, de l’inégalité dans le mariage, de coutumes et mœurs du passé, le centre de la propagande se transporte naturellement dans l’enseignement et les clubs, de façon à développer les connaissances d’une part, et d’autre part à rapprocher les modes d’existence du régime soviétiste plus libre, sauvegardant les intérêts de la femme. De là, comme en Bachkirie, les déléguées nommées aux tribunaux populaires, la participation des sections féminines à l’élaboration des lois locales et à leur application, etc …

   Comme une des formes premières de cette propagande pour attirer les masses féminines les plus retardataires dans la vie sociale et politique, la Conférence a signalé les clubs, qui renferment à la fois une école élémentaire, une crèche, un réfectoire, en un mot toutes sortes d’institutions capables de donner l’exemple de ce que peut le Pouvoir des Soviets pour la femme d’Orient, pourvu que cette dernière fasse preuve d’initiative. Les clubs ont été déclarés aussi la forme primitive d’organisation des masses féminines autour des sections communistes, puisque cette forme est applicable même dans les peuplades nomades, comme les Kirghizes, les Ouzbeks, etc…

   La Conférence a établi le principe que les sections féminines doivent chercher avant tout leur soutien non point parmi les ménagères, mais parmi les éléments qui, par leur situation sociale et leurs conditions de vie, sont les plus aptes à comprendre le communisme, c’est-à-dire les ouvrières salariées et les artisanes. Ces dernières sont particulièrement nombreuses au Turkestan. Toute la propagande des sections féminines doit partir de la proposition fondamentale que seul l’affranchissement économique de toute la population et l’établissement du communisme sur les ruines du régime féodal rendront possible le plein affranchissement de la femme dans la vie, dans le droit et dans la famille. La Conférence s’est occupée avec beaucoup d’attention de l’organisation des artisanes en ateliers spéciaux.

   Un vif échange d’opinions eut lieu sur la convocation du Congrès panrusse des femmes d’Orient. Il a été décidé de le réunir le 2 juin à Moscou. Une grande part du travail de préparation est déjà faite, et les Communistes d’Orient, même dans les lointaines provinces, ont déjà tenu à cet effet une série de conférences et de congrès régionaux ou de districts.

   Toute la Conférence s’est poursuivie avec une ardeur et une harmonie étonnantes ; malgré la variété des nations représentées, on y sentait le véritable esprit internationaliste. La Conférence a envoyé, en réponse à un télégramme reçu, une adresse à Lénine et une adresse aux ouvrières d’Occident par l’intermédiaire de l’Internationale Communiste et du Secrétariat International des ouvrières.

   Cette réunion, peu nombreuse, mais active, ne manquera pas de produire ses fruits, elle favorisera la préparation du Congrès panrusse, elle deviendra une des pierres angulaires de l’édifice qui est peu à peu construit par l’effort commun des Communistes hommes et femmes d’Orient et d’Occident, de la société Communiste réalisée par la dictature de la classe ouvrière.

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