Nos tâches

Nos tâches

Alexandra Kollontaï

   Les travailleuses et travailleurs de notre pays font maintenant face à une tâche sérieuse d’une grande responsabilité. Nous devons construire la nouvelle Russie, une Russie dans laquelle les travailleurs, employés, domestiques, ouvriers, couturières et celles qui sont simplement femmes des travailleurs, auront une vie meilleure que celle qu’ils avaient pendant le règne maudit de Nicolas le sanglant.

   Cependant, la tâche de consolider la victoire et le pouvoir d’état en faveur du prolétariat et de la petite paysannerie, d’élaborer et exécuter une législation telle qu’elle limitera les appétits des exploiteurs capitalistes et défendra les intérêts des ouvriers, n’est pas la seule tâche à laquelle doivent faire face les travailleurs et travailleuses de Russie. Le prolétariat de Russie occupe maintenant une position spéciale par rapport aux travailleurs et travailleuses des autres pays.

   La grande révolution russe nous a placés, travailleurs et travailleuses russes, au premier rang du collimateur de ceux qui combattent la cause et les intérêts des ouvriers dans le monde.

   Nous pouvons parler, écrire et agir plus librement que les travailleuses et travailleurs d’autres pays.

   Comment dès alors, nous pourrions nous pas employer cette liberté, gagnée par le sang de nos camarades, à concentrer sans tarder nos forces, les forces des femmes du prolétariat, pour mener une inlassable lutte de masse en vue d’en finir le plus vite possible avec la guerre mondiale ?

   Nos camarades femmes, les travailleuses d’autres pays, nous attendent pour emboîter ce pas.

   La guerre est maintenant le mal le plus redoutable s’accrochant à nous. Tandis que la guerre continue nous ne pouvons pas construire la nouvelle Russie, ne pouvons pas résoudre le problème du pain, de l’alimentation, nous ne pouvons pas interrompre la croissance du coût de. Tandis qu’avec chaque heure qui passe la guerre continue à tuer et estropier nos enfants et maris, nous, femmes du prolétariat, ne pouvons pas être en paix!…

   Si notre première tâche est d’aider nos camarades à construire la nouvelle Russie démocratique, notre deuxième tâche, non moins urgente et tout autant chère à nos coeurs, est celle de réveiller les travailleuses pour déclarer la guerre à la guerre.

   Cela signifie d’abord expliquer constamment aux travailleuses et travailleurs que ce n’est pas notre guerre, qu’elle est faite au nom des intérêts financiers des grands patrons, des banquiers et des fabricants. Cela signifie aussi unir les forces des travailleuses et des travailleurs autour de ce parti qui défend non seulement les intérêts du prolétariat russe, mais se bat aussi épargner au sang des prolétaires de couler pour la gloire des capitalistes.

   Camarade ouvrières! Nous ne pouvons plus nous résigner à la guerre et à la hausse des prix! Nous devons nous battre. Rejoignez nos rangs, les rangs du parti social-démocrate du travail! Cependant, cela ne suffit pas de rejoindre le parti. Si nous voulons vraiment accélérer la paix, les travailleurs et travailleuses doivent battre pour permettre que le pouvoir d’état soit transféré des mains des grands capitalistes – ceux qui sont vraiment responsables de tous nos chagrins, de tout le sang versé sur les champs de bataille – aux mains de nos représentants, les députés des Soviets des soldats et ouvriers.

   Dans la lutte contre la guerre et la hausse des prix, dans la lutte pour garantir le pouvoir en Russie pour les dépossédés, pour les travailleurs, dans la lutte pour un nouvel ordre et de nouvelles lois, beaucoup dépend de nous, les ouvrières. On compte les fois où les succès dans la cause des ouvriers n’ont dépendu que de l’organisation des seuls hommes. Maintenant, suite à cette guerre, il y a eu un changement aigu de la position des femmes du prolétariat. On rencontre maintenant partout le travail des femmes. La guerre a forcé les femmes à prendre des emplois auxquels elles n’auraient jamais pensé auparavant. Tandis qu’en 1912 il n’y avait que 45 femmes pour 100 hommes travaillant en usines, il n’est maintenant pas rare de trouver 100 femmes pour 75 hommes.

   Le succès de la cause des ouvriers, le succès de la lutte des ouvriers pour une vie meilleure – journée de travail, salaire, assurance maladie, assurance chômage, pensions de vieillesse, etc – le succès de leur lutte pour défendre le travail de nos enfants, pour obtenir de meilleures écoles, dépend maintenant non seulement de la conscience et de l’organisation des hommes, mais du nombre d’ouvrières entrant dans les rangs du prolétariat organisé. Plus nous entrerons dans les rangs des militants et plus tôt nous ferons reculer les capitalistes.

   Toute notre force, tout notre espoir, se trouve dans l’organisation!

   Maintenant notre mot d’ordre doit être : camarade ouvrières! Ne soyez pas isolées. Isolées, nous ne sommes que des fétus de pailles que n’importe quel patron peut tordre à sa volonté, mais organisées nous sommes une force puissante que personne ne peut briser.

   Nous, les ouvrières, étions les premières pour dresser le drapeau rouge aux jours de la révolution russe, les premières pour sortir dans les rues lors de la Journée des femmes. Empressez-vous maintenant de rejoindre les rangs des principaux militants pour la cause des ouvriers, rejoignez les syndicats, le parti social-démocrate, les Soviets des ouvriers et soldats!

   Nos rangs se sont unis, nous viserons à mettre rapidement fin à la guerre sanglante entre nations; nous nous opposerons à tous ceux qui ont oublié le grand précepte d’unité prolétarienne, de solidarité ouvrière internationale.

   Ce n’est que dans la lutte révolutionnaire contre les capitalistes et dans l’union avec les travailleuses et travailleurs du monde entier, que nous réaliserons un nouvel avenir, plus radieux : la fraternité socialiste des ouvriers.

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