Le soulèvement du 9 septembre 1944 a ouvert la voie à la construction du socialisme dans notre pays

La démocratie populaire

Georges Dimitrov

II — Le soulèvement du 9 septembre 1944 a ouvert la voie à la construction du socialisme dans notre pays

DU 9 SEPTEMBRE 1944 AUX ÉLECTIONS A LA GRANDE ASSEMBLÉE NATIONALE

   L’Insurrection populaire armée du 9 septembre représente un tournant historique dans le développement de notre pays.

   Le 9 septembre 1944, le pouvoir politique fut, chez nous, enlevé à la bourgeoisie capitaliste, à la minorité exploitrice monarcho-fasciste et passa aux mains de la grande majorité du peuple, des travailleurs des villes et des villages, la classe ouvrière et son avant-garde communiste jouant un rôle actif et dirigeant. Ayant remporté la victoire, avec l’aide décisive de l’héroïque Armée soviétique, l’Insurrection du 9 septembre a ouvert la voie à la construction du socialisme dans notre pays.

   La concordance entre l’Insurrection antifasciste du 9 septembre 1944 et la marche triomphale de l’Armée soviétique à travers les Balkans non seulement assura la victoire de l’Insurrection, mais lui donna une grande ampleur. La haine contre le fascisme, accumulée deux décades durant, la résolution avec laquelle les masses travailleuses tenaient à régler leurs comptes avec lui, jaillirent irrésistiblement et balayèrent d’un seul coup le régime réactionnaire. L’appareil policier bourgeois-fasciste, destiné à opprimer les travailleurs, fut détruit en quelques jours. L’on procéda dès le 9 septembre déjà, à la formation de la milice, force armée appelée à écraser la résistance des éléments ennemis et à défendre les conquêtes de l’insurrection populaire. La clique des grands capitalistes, groupée autour de la monarchie et étroitement liée à l’impérialisme allemand, fut renversée.

   Le pouvoir de l’Etat passa aux mains de l’union de combat des ouvriers, paysans, artisans et travailleurs intellectuels, unis au sein du Front de la Patrie, sur l’initiative et sous la direction de notre Parti. Un changement radical fut apporté au caractère du pouvoir de l’Etat : l’institution servant à l’oppression et à l’exploitation des masses, au profit des classes capitalistes, s’écroula et un pouvoir populaire, instrument de la destruction du capitalisme, de l’affranchissement graduel des travailleurs de toute exploitation, se formait.

   Il est vrai qu’au 9 septembre 1944, l’ancienne machine de l’Etat bourgeois ne fut pas entièrement détruite. Dans le gouvernement formé à ce moment, les communistes étaient en minorité. De très importants postes dans l’Etat se trouvaient aux mains de gens, qui s’avérèrent par la suite peu sûrs, voire hostiles à l’égard du Front de la Patrie. Mais le Parti était l’âme et la force motrice du mouvement populaire antifasciste. A la base, l’autorité se trouvait, en fait, aux mains des comités du Front de la Patrie. Notre Parti détenait le portefeuille de l’Intérieur, et contrôlait l’institution nouvellement créée des officiers politiques dans l’armée. Cela, dans l’intérêt général, étant donné que lui seul était à même d’organiser l’écrasement définitif de la clique monarcho-fasciste renversée, d’assurer l’ordre intérieur et la participation efficace de l’armée, en pleine réorganisation, à la guerre patriotique. Sa force et son influence prédominantes au sein du peuple, ainsi que sa position dans les comités du Front de la Patrie, lui assuraient la possibilité d’exercer, en fait, son rôle dirigeant dans le gouvernement, de mener avec succès la lutte tant contre les éléments fascistes et réactionnaires, que contre leurs amis dans les rangs du Front de la Patrie.

   Ainsi que nous l’avons relevé en d’autres occasions, des hommes nouveaux, issus de la classe ouvrière, du peuple, prirent place à la tête du pouvoir. Les énormes masses, opprimées jusque-là sous la botte de la dictature fasciste, s’éveillèrent à la vie active et, sous la direction du Parti, adhérèrent aux nombreux organismes qui gèrent la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays.

   Un nouvel Etat se constituait, un Etat populaire démocratique, appelé à se développer et à se perfectionner de plus en plus.

   Bien que les tâches immédiates de l’insurrection du 9 septembre eussent été démocratiques, cette insurrection n’a pas pu ne pas ébranler à sa base même le système capitaliste et ne pas dépasser les cadres de la démocratie bourgeoise.

   Cette particularité principale du soulèvement découle du fait que la suppression du fascisme, la garantie des droits démocratiques des travailleurs, leur consolidation et leur développement ne peuvent être établis, sans porter atteinte à la domination capitaliste. Car, le fascisme n’est rien d’autre qu’une dictature terroriste, sans frein, du grand Capital. Il ne peut être radicalement supprimé, si l’on ne touche pas à la domination des capitalistes ; les droits démocratiques des travailleurs ne peuvent être garantis, si le grand Capital conserve sa toute-puissance politique et économique. Voilà pourquoi l’Insurrection populaire du 9 septembre, portant au premier plan les tâches d’un caractère démocratique, ainsi que le grand devoir national : la participation de notre peuple à la guerre, pour la défaite définitive de l’hitlérisme, ne pouvait que diriger plus tard son glaive contre la domination du capitalisme, elle ne pouvait que lui porter d’autres coups sérieux et préparer les conditions de sa suppression, de l’abolition de ce système en général et le passage de la nation au socialisme.

   Mais, pour transformer ces possibilités en une réalité, notre Parti devait mener une lutte sérieuse et pénible. Il fallait tout d’abord consolider la victoire du 9 septembre. Le Parti devait bien comprendre la situation dans laquelle l’insurrection s’était produite, les principales mesures qui s’imposaient, les taches qui pouvaient être immédiatement réalisées.

   L’Insurrection du 9 septembre s’est déroulée dans les conditions des hostilités contre l’Allemagne hitlérienne, qui se poursuivaient encore. Il n’y a aucun doute que les exigences de la guerre primaient tout. Il ne fallait donc rien entreprendre, qui pût nuire aux opérations militaires.

   Dans le jugement porté sur l’activité de notre Parti pendant la période du développement du pays, qui va du 9 septembre à la fin de la guerre et à la signature du traité de paix, on ne devrait nullement perdre de vue cette circonstance importante, ni le fait que notre pays, en tant qu’ex-satellite de l’Allemagne hitlérienne, se trouvait sous le contrôle d’une commission spéciale interalliée, où siégeaient des représentants anglo-américains, hostiles au gouvernement populaire.

   D’autre part, dans l’intérêt de sa propre existence nationale et de la sauvegarde de ses libertés, la Bulgarie se devait de participer aux hostilités contre l’Allemagne hitlérienne, aux côtés et sous la direction de l’Union soviétique.

   Ceci imposait une analyse réaliste de la situation, tant internationale qu’intérieure. Il ne fallait s’attaquer qu’aux questions les plus mûres, ne pas brûler les différentes étapes du développement de la lutte menée par la classe ouvrière et les travailleurs des villes et des campagnes contre le capitalisme. Sous ce rapport, notre Parti avait pleine conscience de ses responsabilités historiques devant les ouvriers et tous les travailleurs.

   Lors du 9 septembre, notre Parti lança le mot d’ordre de pousser à son maximum la cohésion de toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple, au nom de l’écrasement décisif et impitoyable de la clique monarcho-fasciste pour la mobilisation de toutes les ressources matérielles et morales de la nation, ainsi que leur participation organisée à la lutte commune des peuples épris de liberté, sous l’égide de l’Union soviétique. Telle fut la tâche capitale posée par notre Parti au lendemain du 9 septembre et, comme il est notoire, cette tâche fut accomplie avec succès. La Bulgarie apporta, dans la mesure de ses forces son tribut à la libération des Balkans des occupants hitlériens, à la victoire définitive sur ces derniers.

   « Tout pour le front, tout pour la victoire », tel fut le principal mot d’ordre lancé par le Parti, le Front de la Patrie et l’Etat, au cours de cette période ; tous les autres problèmes lui étaient subordonnés. Le Parti luttait contre tout écart de ce mot d’ordre. Il se déclara catégoriquement opposé aux tendances gauchistes dans ses différents groupes, à l’impatience de certains camarades, estimant qu’il devait s’attaquer immédiatement aux transformations socialistes.

   La ligne du rassemblement maximum de toutes les forces antifascistes, démocratiques et patriotiques du peuple, y compris de quelques éléments anti-allemands de la bourgeoisie, au nom de la défaite complète de la clique fasciste, de la participation victorieuse à la guerre antihitlérienne, de la sauvegarde de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat, était la seule politique judicieuse. Son succès constituait la condition préalable à la conservation et au développement ultérieur des acquisitions historiques de l’insurrection populaire du 9 septembre. Elle permettait au Parti de se lier aux masses les plus larges du peuple, de renforcer ses positions, d’isoler les ennemis de l’insurrection et du pouvoir populaire. Cette ligne politique a été appliquée avec fermeté et persévérance par notre Comité central.

   Les forces fascistes déclarées reçurent un coup écrasant durant cette période. Les principaux représentants du fascisme et de la politique pro-allemande, coupables d’avoir conclu l’alliance criminelle avec les impérialistes hitlériens et d’avoir placé le pays devant une troisième catastrophe nationale, furent sévèrement châtiés. Leurs organisations furent dissoutes. Les groupements sociaux, politiques, économiques et culturels des travailleurs prirent un essor sans précédent. De nombreuses et importantes réformes démocratiques furent réalisées. Les femmes reçurent des droits égaux à ceux des hommes et la possibilité de participer activement à la vie sociale, économique et culturelle de l’Etat. Un vaste champ d’activité et de développement fut ouvert à la jeunesse.

   L’Etat accorda aussi l’égalité des droits aux minorités nationales et prit leurs écoles à sa charge. Une loi sur la réforme agraire, réduisant les domaines agricoles privés à 20 hectares (excepté dans la

   Dobroudja, où le maximum a été fixé à 30 hectares), fut mise en application.

   Une loi sur la confiscation des biens illicites fut votée. Des initiatives importantes assurant à l’armée son caractère populaire furent réalisées, notamment la création de l’institution des officiers politiques : les postes d’officiers politiques furent confiés aux fils éprouvés du peuple, ayant combattu le fascisme. On a procédé à la réorganisation de l’appareil de l’Etat sur de nouveaux principes populaires. On a stabilisé les droits et les libertés démocratiques des larges masses. Ces réformes, et d’autres encore, furent consacrées par l’abolition de la monarchie et la proclamation de la République populaire.

   Au cours de cette période, les efforts sur le front économique étaient dirigés principalement vers le redressement de l’économie nationale ruinée par la guerre, cruellement pillée par les Allemands et éprouvée par deux années de sécheresse. Des transformations sérieuses ne figuraient pas et ne pouvaient figurer à l’ordre du jour au cours de cette période.

   La guerre non achevée, la situation internationale non réglée du pays, nanti d’une commission interalliée de contrôle, commission à laquelle participaient des représentants britanniques et américains, voilà qui ne permettait pas de toucher sérieusement à la base économique de la réaction. Les grandes entreprises industrielles, bancaires et commerciales, restaient entre les mains des capitalistes et propriétaires privés.

   En fait, les capitalistes n’étaient déjà plus les maîtres absolus de leurs entreprises et de leurs avoirs, comme dans le passé. Des contrôles publics et de l’Etat furent instaurés sur leur activité. Le rôle social des syndicats ouvriers s’accrut considérablement. Mais, bien que le pouvoir des capitalistes fût limité, ces derniers continuaient à être les patrons de leurs entreprises et en profitaient pour entraver, plus ou moins, d’une façon ou d’une autre, le développement de la production et des initiatives gouvernementales.

   Disposant d’une base économique, ils avaient la possibilité d’exercer une certaine pression sur le pouvoir public. Une lutte sérieuse était nécessaire pour chasser définitivement ces éléments de leurs positions politiques et économiques.

   Le coup porté à la clique fasciste le 9 septembre fut tellement écrasant que la bourgeoisie se tint quelque temps tranquille. Mais cela ne signifiait nullement qu’elle eût renoncé à son intention de ramener le pays en arrière.

   S’appuyant sur sa hase économique et sur l’aide que les milieux réactionnaires anglais et américains lui accordaient, la bourgeoisie capitaliste s’efforça bientôt de réaliser ses intentions. Elle avait ses hommes dans le Front de la Patrie, des éléments réactionnaires, camouflés dans quelques-uns des partis, appartenant à cette organisation. Ne se décidant pas encore à lutter ouvertement contre le pouvoir populaire, elle utilisa ces derniers éléments. Peu après le 9 septembre, ceux-ci engagèrent une lutte acharnée contre le Parti ouvrier, contestèrent son rôle dirigeant, déployèrent tous leurs efforts pour désorganiser la production, pour entraver l’application des initiatives gouvernementales, afin de compromettre le Parti, affaiblir le Front de la Patrie, bref, préparer les conditions favorables à la réaction politique.

   Notre Parti dut organiser les masses des travailleurs, pour riposter d’une façon décisive aux efforts conjugués de la réaction intérieure et internationale, dirigés contre les conquêtes du 9 septembre. Il dut faire preuve d’une vigilance accrue, d’une grande habileté de manœuvre, de tact et de résolution, pour vaincre dans cette lutte complexe. Sous la conduite de son Comité central, notre Parti s’acquitta de sa tâche avec honneur. Pendant cette période, en tant que dirigeant du Front de la Patrie, des travailleurs et de tout notre peuple, il se montra à la hauteur de la situation.

   Les travailleurs de notre pays se rappellent avec quelle énergie et fermeté le Parti les appela à manifester dans les rues contre le fameux quatrième arrêté des partisans de Damian Veltchev, au moyen duquel les éléments réactionnaires, dans le gouvernement et dans le Front de la Patrie, voulaient sauver du verdict populaire les bourreaux du peuple, camouflés dans l’armée, et les tenir en réserve pour le coup d’Etat qu’ils se proposaient d’effectuer. En même temps, notre Parti démasqua le prétendu chef « agrarien », l’agent étranger Guéméto, en qui les milieux réactionnaires américains plaçaient de grands espoirs, dans leur lutte contre le pouvoir populaire. Guéméto essaya de créer un bloc de tous les éléments réactionnaires au sein même du Front de la Patrie et de les opposer ouvertement à notre Parti. Ces éléments entreprirent une action pour supprimer les comités du Front de la Patrie, qui, selon eux, avaient fait leur temps, pour transformer cette organisation en une coalition ordinaire de partis, contre la participation de la Bulgarie à la guerre. Ils entreprirent une lâche propagande contre la milice et contre les tribunaux populaires, prêchant et prônant le défaitisme dans le pays et au front.

   Notre Parti sut démasquer, aux yeux des masses, Guéméto et sa politique. Il parvint à isoler et à détruire ce repaire ennemi, en resserrant ses liens et en renforçant sa collaboration avec les forces saines du Front de la Patrie, et plus particulièrement celles de l’Union agrarienne. En peu de temps, le fameux Guéméto (G. M. Dimitrov) se trouva comme un général sans armée ; conspué par le peuple, il chercha refuge à la légation des U.S.A. à Sofia et s’enfuit en Amérique.

   Les débuts malencontreux et la faillite de ce principal agent chez nous des impérialistes américains et anglais, obligèrent ceux-ci à rechercher d’autres hommes de main. Avec la fin de la guerre, la pression des milieux réactionnaires anglo-américains s’accentua sur notre pays. C’est sur leurs ordres que les hommes de Nicolas Petkov et Grigor Tchechmédjiev se séparèrent du Front de la Patrie et formèrent une opposition antinationale forcenée, un instrument non déguisé de l’impérialisme américain.

   La situation internationale du pays non encore réglée, l’intervention ouverte des impérialistes d’outreAtlantique dans les affaires intérieures du pays, l’ajournement des élections fixées au 26 août 1945, les grandes difficultés économiques, alimentaires et autres, causées par le pillage allemand et les destructions de la guerre, créèrent une situation favorable aux états-majors de l’opposition, à leur entreprise de sabotage et de décomposition dirigée contre le Front de la Patrie.

   Malgré cela, l’opposition antipopulaire subit une lourde et écrasante défaite. La campagne, destinée à boycotter les élections à l’Assemblée nationale, échoua piteusement. Plus tard, lors des élections pour l’Assemblée constituante, bien que l’opposition ait eu recours aux chantages les plus ignominieux, aux menaces d’intervention étrangère, à la démagogie, aux mensonges et aux calomnies contre les communistes, en déformant le programme du Front de la Patrie, celui-ci remporta une brillante victoire, et recueillit 70 % des suffrages. Notre Parti en obtint à lui seul plus de 50 % et la majorité des sièges. Les résultats du scrutin ont prouvé que les masses travailleuses accordent toute leur confiance à notre Parti et fondent en lui leurs espoirs, en tant que force dirigeante dans le gouvernement du pays et dans sa transformation socialiste. Les élections régulières et libres, avec suffrage universel, égal pour tous et secret, consacrèrent définitivement, et cela aussi par la voie parlementaire, le rôle dirigeant de notre Parti dans le Front de la Patrie, ainsi que dans tous les domaines de notre vie nationale. Le Parti pouvait avancer toujours plus fermement et plus sûrement sur la voie ouverte par l’Insurrection populaire du 9 septembre.

   Malgré les manœuvres de l’opposition, le traité de paix fut signé. Les relations diplomatiques avec l’Angleterre et les Etats-Unis furent rétablies. Le vaste travail politique, entrepris par le Front de la Patrie, pour gagner les paysans et les citadins, abusés par l’opposition, finit par isoler complètement celle-ci des travailleurs. Séparés du peuple et méprisés par lui, ses chefs s’orientèrent vers les complots pour renverser le gouvernement par la violence, avec l’aide de l’étranger, ce qui conduisit plus tard l’Union pseudo-agrarienne de Nicolas Petkov à sa perte.

   C’est sous la direction de notre Parti que furent découverts et énergiquement réprimés de nombreux complots réactionnaires. La conjuration de Damian Veltchev fut dévoilée et liquidée. L’armée fut graduellement épurée des officiers réactionnaires.

   Notre Parti mena jusqu’au bout la lutte, contre l’opposition désireuse de restaurer le passé, en travaillant à la plus grande unité de toutes les forces démocratiques et patriotiques saines, groupées sous le drapeau du Front de la Patrie. Il mit complètement à jour la trahison envers la nation, commise par ces agents étrangers qu’étaient les chefs de l’opposition. C’était là une lutte de classes aiguë. Les ennemis de la classe ouvrière étaient aussi ceux de la nation. En même temps, le Parti mettait tout en œuvre pour renforcer les positions de cette classe, pour consolider l’union entre les ouvriers et les paysans, pour resserrer les rangs du Front de la Patrie. Le Parti considérait qu’à l’avenir aussi, il devait marcher à la tête de l’armée politique croissante de cette organisation, en utilisant avec discernement les forces et les possibilités de ses divers unités et éléments, au profit du développement démocratique et progressiste du pays. Il savait bien que des groupes isolés, des hésitants, dépourvus d’esprit de suite, quitteraient les rangs de cette armée, avec le caractère nouveau des futures tâches du Front de la Patrie.

   Il comprenait clairement qu’il fallait, à l’intérieur même, mener une lutte conséquente contre les agents du fascisme et de la réaction capitaliste. Mais le Parti savait aussi que, dans le processus du travail et de la lutte commune sous sa direction, les différents détachements de cette armée se connaîtraient et se rapprocheraient davantage, qu’ils renforceraient toujours plus la cohésion du Front de la Patrie, que son autorité et son rôle directeur ne cesseraient de grandir en son sein.

   Personne ne doute maintenant que la politique de notre Parti pour une union maximum de toutes les forces démocratiques et patriotiques, sous le drapeau du Front de la Patrie, renforça les positions de la classe ouvrière, conduisit à la victoire complète du peuple sur la réaction et assura la réalisation du programme du Front de la Patrie.

   Le rôle dirigeant de la classe ouvrière trouva aussi son expression dans la composition du nouveau gouvernement populaire, formé après les élections à la Grande Assemblée nationale.

   Les principaux postes de commande dans l’Etat furent occupés par des communistes et par des membres éprouvés du Front de la Patrie.

   Ce dernier se consolida lui aussi. Les éléments de droite (les Damian Veltchev, Youroukov et autres) en furent chassés. Notre principale alliée, l’Union agrarienne, écarta, sous la direction de ses chefs éprouvés, fidèles à l’œuvre du Front de la Patrie, ses adhérents hésitants et à double face, elle se déclara clairement et sans ambiguïté en faveur de l’alliance de combat entre ouvriers et paysans, pour la construction du socialisme et la réorganisation socialiste de l’agriculture sur la base des fermes coopératives, pour une politique suivie de limitation et de liquidation des éléments koulaks, exploiteurs au village. La confiance, la connaissance et le rapprochement mutuels entre les partis du Front de la Patrie se renforcèrent. L’assaut de la réaction intérieure et internationale fut ainsi repoussé. La lutte se termina par la victoire de la classe ouvrière, du peuple.

   Une étape, extrêmement importante, semée des luttes, rudes et acharnées, menées par notre Parti et le Front de la Patrie, pour la défense des conquêtes historiques de l’insurrection du 9 septembre, fut ainsi couverte.

   Nous devons bien souligner : si l’assaut de la réaction intérieure et internationale, qui eut lieu durant cette période, n’a pas revêtu la forme d’opérations armées, c’est non seulement grâce aux mesures prises résolument par l’autorité populaire, à la vigilance et à l’énergie de notre Parti, mais aussi, dans une mesure considérable, grâce à la présence, dans le pays, d’unités de l’Armée soviétique libératrice, qui, à elles seules, paralysaient la réaction.

VERS LA CONSTRUCTION DES BASES DU SOCIALISME CHEZ NOUS

   La victoire du peuple dirigé par notre Parti, sur les tentatives de retour en arrière de la réaction capitaliste, créa les possibilités et les conditions d’un rapide développement politique et économique du pays et de la mise à exécution des tâches fondamentales de transformation et d’édification du pouvoir populaire.

   Dans la situation issue des élections à la Grande Assemblée nationale et de la constitution d’un gouvernement, sous la direction immédiate de notre Parti, le développement des forces productrices, l’accroissement de la puissance économique du pays, du bien-être des travailleurs, n’étaient pas réalisables sans s’attaquer radicalement à la base économique de la classe capitaliste. Et l’expérience bulgare confirma la thèse léniniste-stalinienne, spécifiant que, dans les conditions du capitalisme en décomposition, et de la crise organique de la démocratie bourgeoise qui fait naître le fascisme, aucune réforme démocratique sérieuse et durable n’est possible, qu’on ne peut aller de l’avant sans entamer les fondements du capitalisme, sans faire de pas vers le socialisme. Or, ceci devenait pour notre pays d’autant plus possible que nous pouvions compter sur l’aide fraternelle d’un puissant Etat socialiste : l’Union soviétique.

   La voie du plein déploiement des tâches du gouvernement populaire, des réorganisations révolutionnaires dans le domaine de l’économie nationale, de la destruction de la base économique de la réaction, du passage du capitalisme au socialisme, sous la direction du Parti, était d’ores et déjà ouverte. Bien entendu, ce passage ne put être opéré sans une lutte de classe intransigeante contre les éléments capitalistes dans le pays.

   Dans cette situation, le Parti devait indiquer à temps de nouvelles tâches, afin d’armer de perspectives claires ses cadres, le Front de la Patrie et les masses des travailleurs. Il faut dire, cependant, qu’il y eut quelque retard. Bien que les principaux problèmes de la période précédente aient déjà été résolus d’une manière générale, le Parti continua à travailler en grande partie sous le signe de ses anciens mots d’ordre. Nous avons apporté une certaine lenteur à la défaite de l’opposition réactionnaire. Nous continuions à parler de la possibilité d’harmoniser les intérêts des industriels et des commerçants privés avec les intérêts généraux de l’Etat, alors que la situation, dans son ensemble, autorisait l’application de mesures décisives pour supprimer la domination du gros Capital et qu’existaient déjà les possibilités, ainsi que les forces nécessaires permettant de passer plus résolument à l’édification des fondements du socialisme.

   Nous n’avons jamais perdu de vue la perspective générale de notre évolution vers le socialisme. Nous avons toujours eu nettement conscience de ce que la suppression du fascisme, la réalisation de toute une série de réformes, indiquées déjà dans le programme du Front de la Patrie du 17 juillet 1942, sont indissolublement liées à notre but final : le socialisme et le communisme. Nous avons souligné plus d’une fois déjà, que du point de vue de notre Parti, en tant qu’avant-garde de la classe ouvrière, la réalisation jusqu’au bout du programme du Front de la Patrie, équivaut à la création des conditions indispensables à notre peuple pour aller vers le socialisme. Nous avons toujours souligné qu’il n’y a aucune contradiction entre notre politique du Front de la Patrie et la lutte tendant à l’unité de toutes les forces démocratiques et progressistes dans le Front, pour la réalisation de son programme, d’une part, et la lutte pour le socialisme, d’autre part. Mais il est nécessaire de dire qu’à cette époque-là, la transition vers le socialisme nous semblait être la question d’un avenir relativement éloigné, que la situation intérieure et extérieure ne permettait pas encore d’entreprendre pratiquement des transformations aussi radicales.

   Cependant, vers la fin de l’année 1946, le programme du Front de la Patrie, ainsi qu’il avait été proclamé en 1942 et précisé dans la déclaration du premier gouvernement populaire, était déjà exécuté dans ses grandes lignes. Au surplus, avec la proclamation de la République populaire et l’élaboration du Plan économique biennal, nous étions allés, en fait, plus loin que ce premier programme. Le développement du processus de transformations révolutionnaires, entrepris le 9 septembre, se heurtait déjà inexorablement à la nécessité de mesures décisives, en vue de liquider la grande propriété privée, de la mise en œuvre d’une politique suivie de la limitation des éléments capitalistes au village, d’une profonde refonte de l’appareil de l’Etat et en conséquence de l’élaboration d’un nouveau programme du Front de la Patrie avec la perspective, clairement formulée, de la marche vers le socialisme, de la réorganisation de ce Front, en vue de l’accomplissement de cette grande tâche et du renforcement énergique du rôle dirigeant du Parti.

   Par le ralentissement du rythme du développement économique, social et politique du pays, notre Parti fit preuve pour quelque temps d’une certaine sous-estimation des forces de la classe ouvrière, des masses travailleuses et des siennes, ainsi que d’une surestimation de celles de la réaction. Comme l’a démontré la XVIe session plénière du Comité central, il est prouvé que notre Parti « n’avait pas une vue suffisamment claire des perspectives et du rythme de notre évolution vers le socialisme ». Il n’était pas armé de l’analyse marxiste-léniniste logique du tournant du 9 septembre, des possibilités qu’il avait créées et ne réussissait pas à discerner à temps les différentes étapes de son développement. Mais, bien qu’avec un certain retard et une argumentation insuffisante, il put heureusement formuler les nouvelles tâches imposées par la situation et en assurer la solution.

   Ceci confirme une fois encore, qu’il est plus facile d’acquérir les principes du marxisme-léninisme que l’aptitude à les appliquer correctement et en temps voulu, à chaque nouvelle étape du développement social. Pour acquérir la maîtrise de cet art difficile, afin que le Parti n’agisse trop tard ou trop tôt, ses dirigeants, grands ou petits, doivent travailler inlassablement et s’instruire assidûment.

   Nous resterons à jamais reconnaissants de l’aide inappréciable et opportune que nous recevons du grand Parti bolchevik et avant tout, personnellement du camarade Staline, sous la forme de conseils et d’éclaircissements sur les questions de la politique de notre Parti en tant que force dirigeante de la démocratie populaire, aide qui nous permit de corriger rapidement les erreurs commises.

   De nombreuses réformes fondamentales ont été réalisées sous notre direction, au cours des derniers 18 mois. Ces réformes furent d’une importance décisive pour la consolidation définitive de la démocratie populaire et la création des conditions indispensables à l’édification, chez nous, des bases économiques du socialisme.

   La nouvelle Constitution républicaine fut votée, consacrant législativement les conquêtes historiques de l’Insurrection du 9 septembre et la forme démocratique-populaire du gouvernement ; elle ouvrit la voie au développement ultérieur du pays. C’est sur l’initiative et sous la direction de notre Parti qu’on procéda à la nationalisation de l’industrie, des banques privées, du commerce extérieur et intérieur de gros, de la propriété bâtie, des forêts et des machines agricoles.

   La grande partie des moyens de production et d’échange devint ainsi propriété publique.

   La nationalisation de l’industrie est l’entreprise révolutionnaire la plus importante dans le domaine de l’économie. Elle consacre définitivement le développement planifié du pays, sur la voie du socialisme.

   Dans le domaine de l’industrie, du crédit et du transport, le secteur public a presque entièrement monopolisé le commerce extérieur et le commerce intérieur de gros. Pour ce qui est du commerce intérieur de détail, le secteur public dépasse de beaucoup le secteur privé.

   Dans le domaine de l’économie rurale et de l’artisanat, le secteur public a acquis une base solide ; il ne cesse de se renforcer par la création de plus de 70 stations de tracteurs et machines agricoles, de fermes coopératives dépassant le millier, avec plus de 300.000 hectares de terre arable, de fermes agricoles d’Etat avec 100.000 hectares, de coopératives artisanales de travail, ainsi que par le vaste développement du mouvement coopératif, dans les villes et à la campagne.

   Parallèlement à ces profondes transformations, on entreprit, conformément à notre Constitution populaire, une réorganisation radicale de tout l’appareil de l’Etat. Malgré certaines faiblesses, cet appareil continue à s’améliorer, à se perfectionner, en tant qu’appareil d’un Etat démocratique populaire.

   Sur l’initiative et sous la direction de notre Parti, le Front de la Patrie se transforma en une organisation politique et sociale unie, aux statuts communs et doté d’un programme rénové, formulant de nouvelles tâches, en vue de la réorganisation du pays et de sa marche vers le socialisme. C’est ainsi que grâce au travail dur et soutenu de notre Parti, le Front de la Patrie cessa complètement d’être une coalition politique, pour devenir l’organisation de l’union de combat des travailleurs de la ville et de la campagne, qui reconnaissent pleinement le rôle dirigeant de la classe ouvrière et de notre Parti. La nécessité de l’édification du socialisme est maintenant reconnue par tous les partis et organisations sociales, composant le Front de la Patrie.

   Le second congrès du Front de la Patrie marque une étape très importante dans son développement. Les éléments hostiles, hésitants et peu sûrs, qui y étaient entrés, dans l’intention de le décomposer et de le réduire de l’intérieur à l’impuissance, s’en allèrent ou en furent expulsés. Le Front de la Patrie ne peut qu’y gagner. Des forces nouvelles, issues du peuple travailleur et de ses organisations de masse, affluèrent à leur place après le second congrès.

   Sous la direction de la classe ouvrière, le Front de la Patrie, en tant qu’organisation politico-sociale de masse, de l’alliance de lutte entre les travailleurs des villes et des campagnes, est à l’heure actuelle plus fort et plus cohérent que jamais. Les conditions les plus favorables existent pour une collaboration et un rapprochement encore plus étroits entre les partis du Front de la Patrie.

   Se servant de méthodes de propagande différentes, en fonction des particularités des milieux dans lesquels ils travaillent, les différents partis contribuent à gagner les larges couches de la population à la cause commune : l’édification des bases du socialisme par la démocratie populaire.

   Actuellement, le Front de la Patrie incarne l’unité politique et morale croissante des masses laborieuses de notre pays, condition primordiale et facteur puissant, pour mener jusqu’au bout la lutte contre les éléments capitalistes et pour la pose des fondements du socialisme.

   Sa transformation en une organisation sociale et politique unie, dotée d’un programme essentiellement socialiste et d’une discipline obligatoire, reconnaissant sans réserve le rôle dirigeant du Parti, est, sans doute, une grande réalisation. C’est pour cela que nous repoussons résolument toute sous-estimation de l’importance et du rôle de cette organisation.

   Celle-ci a été et continue d’être une nécessité vitale pour notre pays. Et il nous est impossible de ne pas condamner ces communistes, qui, par leur attitude dédaigneuse à l’égard de l’organisation politique et sociale unie, portent eux-mêmes de l’eau au moulin des ennemis de classe, intéressés à la décomposition du Front de la Patrie.

   Il va de soi que certains partis, dans le cadre de ce Front, peuvent décider de fusionner avec d’autres ou bien cesser leur activité, en tant que groupements indépendants, s’ils trouvent cela opportun et logique.

   Ceci est de leur ressort.

   Ces profondes transformations, ainsi que le changement survenu dans la distribution des forces politiques et de classes dans le pays, avec l’appui actif et l’aide de l’Union soviétique, créèrent la possibilité de poser la question du passage à l’édification des bases du socialisme chez nous, comme une tâche nécessaire, vitale, pratique. Telle est actuellement la ligne générale de notre Parti.

   A la tête de la classe ouvrière, et en union avec les travailleurs des villes et des campagnes, il applique fermement cette ligne générale, cela dans les conditions d’une lutte de plus en plus aiguë contre les éléments capitalistes, avec une confiance inébranlable en sa victoire, en dépit de toutes les difficultés, de tous les obstacles de l’intérieur et, surtout, de l’extérieur.

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