VI. Philosophie de la nature. Le monde organique (fin)

L’anti-Dühring

Friedrich Engels

Philosophie
VI. Philosophie de la nature. Le monde organique (fin)

   “ Que l’on considère… ce qu’il fallait de connaissances positives dans notre chapitre sur la philosophie de la nature pour le munir de toute la science qu’il suppose. Il a d’abord pour fondement toutes les conquêtes essentielles des mathématiques, puis, les principales constatations de la science exacte en mécanique, en physique, en chimie ainsi que, d’une manière générale, les résultats de la science de la nature en physiologie, zoologie et autres domaines semblables de la recherche.”

   Telles sont la confiance et la décision avec lesquelles M. Dühring parle de l’érudition de M. Dühring en mathématiques et dans les sciences de la nature. Pourtant, à voir ce maigre chapitre en lui-même, sans parler de ses résultats encore plus maigres, on ne pressentirait jamais la profondeur radicale des connaissances positives qui y sont cachées. En tout cas, pour prononcer les oracles à la Dühring sur la physique et la chimie, on n’a pas besoin de savoir autre chose de la physique que l’équation qui exprime J’équivalent mécanique de la chaleur, et autre chose de la chimie que le fait que tous les corps se divisent en éléments et en combinaisons d’éléments. Quiconque en outre peut parler, comme M. Dühring, p. 131, des “ atomes qui gravitent”, prouve uniquement par là qu’il est entièrement “ dans l’obscurité ” quant à la différence entre atomes et molécules. On sait que les atomes n’existent pas pour la gravitation ou pour d’autres formes de mouvement mécaniques ou physiques, mais seulement pour l’action chimique. Et lorsqu’on lit le chapitre sur la nature organique, on ne peut, devant ce verbiage vide, contradictoire, enveloppé sur les points décisifs de sibyllines absurdités, et devant l’absolue nullité du résultat final, on ne peut se défendre, a priori déjà, de l’idée que M. Dühring parle ici de choses qu’il connaît remarquablement mal. Cette opinion se fait certitude lorsqu’on en vient, dans la théorie de l’être organique (biologie), à sa proposition de dire désormais composition au lieu d’évolution. Qui peut proposer une chose pareille, prouve qu’il n’a pas le moindre soupçon de la formation de corps organiques.

   Tous les corps organiques, à l’exception des plus infimes, se Composent de cellules, de petits grumeaux d’albumine visibles seulement sous un fort grossissement et qui contiennent un noyau cellulaire. En général, la cellule développe aussi une membrane extérieure et son contenu est alors plus ou moins liquide. Les corps cellulaires les plus bas se composent d’une seule cellule; l’immense majorité des êtres organiques sont pluri-cellulaires, ce sont des complexes homogènes de nombreuses cellules, qui, dans les organismes inférieurs, sont encore de même nature et, chez les êtres plus élevés, affectent des formes, des groupements et des activités de plus en plus différenciés. Dans le corps humain, par exemple, les os, les muscles, les nerfs, les tendons, les ligaments, les cartilages, la peau, bref, tous les tissus, sont soit composés, soit issus de cellules. Mais tous les êtres organiques cellulaires, depuis l’amibe, qui est un petit grumeau d’albumine simple, le plus souvent sans membrane, avec un noyau cellulaire à l’intérieur, jusqu’à l’homme, et depuis la plus petite desmidie unicellulaire jusqu’à la plante à l’évolution la plus élevée, ont en commun la manière dont les cellules se multiplient : par scissiparité. Le noyau cellulaire s’étrangle d’abord par le milieu, l’étranglement qui sépare les deux lobes du noyau est de plus en plus accentué; en fin de compte, ils se séparent et forment deux noyaux cellulaires. Le même processus se produit dans la cellule elle-même, chacun des deux noyaux devient le centre d’une accumulation de protoplasme qui est rattachée à l’autre par un étranglement de plus en plus étroit, jusqu’à ce qu’enfin l’une et l’autre se séparent et continuent à vivre comme cellules indépendantes. C’est par ces divisions cellulaires répétées que le sac germinal de l’œuf animal se transforme peu à peu, après fécondation, pour devenir l’animal adulte complet, et c’est ainsi que s’accomplit chez l’animal développé le remplacement des tissus usés. Pour appeler composition un tel processus et traiter la dénomination d’évolution de “ pure imagination”, il faut, à coup sûr, quelqu’un qui ne connaît absolument rien de ce processus, – si difficile que ce soit à admettre aujourd’hui : il y a ici uniquement, et cela au sens le plus littéral du mot, évolution, mais de composition, pas trace !

   Sur ce que M. Dühring entend en général par vie, nous aurons encore quelques mots à dire plus loin. Dans le détail, voici ce qu’il se représente sous le terme de vie.

   “ Le monde inorganique, lui aussi, est un système de mouvements automatiques; mais c’est seulement là où commence la structure véritable ainsi que l’entremise de canaux spéciaux pour la circulation des substances à partir d’un point intérieur et selon un schéma germinal transmissible à un être plus petit, que l’on peut, au sens strict et rigoureux du terme, se mettre à parler de vie proprement dite. ”

   Cette phrase est, au sens strict et rigoureux du terme, un système de mouvements automatiques (quoi qu’il faille entendre par là), faits d’ineptie, sans compter la complication désespérée de la grammaire. Si la vie commence seulement là où débute la structure proprement dite, nous devons déclarer mort tout le règne des protistes de Haeckel et peut-être bien davantage encore, selon la façon d’entendre le concept de structure. Si la vie commence seulement là où cette structure est transmissible par un schéma germinal plus petit, tous les organismes au moins jusques et y compris les organismes monocellulaires ne sont pas vivants. Si l’entremise de canaux spéciaux pour la circulation des substances est la caractéristique de la vie, il nous faut, en plus des précédents, rayer de la série des êtres vivants toute la classe supérieure des cœlentérés, à l’exception tout au plus des méduses, donc tous les polypes et autres phytozoaires. Mais si c’est la circulation des substances par des canaux spéciaux à partir d’un point intérieur qui vaut comme caractéristique essentielle de la vie, il nous faut déclarer morts tous les animaux qui n’ont pas de cœur ou qui en ont plusieurs. C’est-à-dire, en plus de ceux que nous avons déjà cités, tous les vers, astéries et rotifères (annuloïda et annulosa, selon la classification de Huxley), une partie des crustacés (les écrevisses) et même, enfin, un vertébré, l’amphioxus. En outre, toutes les plantes((Thomas HUXLEY : Lectures on the elements of comparative anatomy, conférence V, Londres, 1864. Engels a utilisé ici : Henry Alleyne NICHOLSON : A Manual of Zoology, Londres, 1870.)).

   Ainsi, lorsque M. Dühring se mêle de caractériser la vie proprement dite au sens strict et rigoureux du terme, il donne quatre critères qui sont en contradiction totale, dont l’un condamne à la mort éternelle non seulement tout le règne végétal, mais encore à peu près la moitié du règne animal. Vraiment, personne ne saurait dire qu’il nous a trompés en nous promettant “ des résultats et des vues foncièrement originaux ” !

   A un autre endroit, on lit :

   “ Dans la nature aussi, il y a à base de tous les organismes, du plus bas au plus élevé, un type simple [et ce type, on le] rencontre déjà au complet, avec son essence universelle, dans le mouvement le plus subalterne de la plante la plus imparfaite. ”

   Cette assertion est derechef, “ au complet”, une ineptie. Le type le plus simple qu’on rencontre dans toute la nature organique est la cellule; et, certes, elle est à la base des organismes les plus élevés. En revanche, parmi les organismes les plus bas, il s’en trouve une quantité qui sont encore très inférieurs à la cellule : la protamibe, simple grumeau d’albumine sans aucune différenciation, toute une série d’autres monères et tous les syphonés. Dans leur ensemble, ces êtres ne sont reliés aux organismes supérieurs que parce que leur composant essentiel est l’albumine et qu’en conséquence ils accomplissent les fonctions des albumines, c’est-à-dire vivre et mourir.

   Plus loin, M. Dühring nous conte encore ceci :

   “ Physiologiquement, la sensation est liée à la présence d’un appareil nerveux quelconque, si simple soit-il. Aussi est-ce la caractéristique de toutes les créatures animales d’être capables de sensation, c’est-à-dire d’une appréhension subjective consciente de leurs états. La limite précise entre la plante et l’animal se place là où s’accomplit le bond à la sensation. Les êtres de transition que l’on connaît estompent si peu cette limite qu’au contraire ce sont précisément ces formations extérieurement indécises ou indiscernables qui font d’elle un besoin logique. ”

   Et plus loin :

   “ Par contre, les plantes manquent entièrement et à jamais de la moindre trace de sensation et aussi de toute disposition à en éprouver. ”

   Premièrement, Hegel dit (Philosophie de la nature, § 351, annexe) que “ la sensation est la différentia specifica, le signe absolument distinctif de l’animal”. Voilà donc une nouvelle “grossièreté” de Hegel qu’une simple annexion de la part de M. Dühring élève au noble rang d’une vérité définitive en dernière analyse.

   Deuxièmement, nous entendons parler ici pour la première fois d’êtres de transition, de formations extérieurement indécises ou indiscernables (quel charabia !) entre la plante et l’animal. Que ces formes intermédiaires existent; qu’il y ait des organismes dont nous ne pouvons absolument pas dire s’ils sont plantes ou animaux; que nous ne puissions donc pas fixer nettement la limite entre la plante et l’animal, – voilà précisément ce qui crée pour M. Dühring le besoin logique d’avancer un critérium dont il concède, au même moment, qu’il n’est pas péremptoire ! Mais nous n’avons même pas besoin de remonter au domaine équivoque entre animaux et plantes : peut-on dire que les sensitives qui, au moindre contact, replient leurs feuilles ou ferment leurs corolles, peut-on dire que les plantes insectivores soient dépourvues de la moindre trace de sensation et de toute disposition à en éprouver ? C’est ce que M. Dühring lui-même ne saurait affirmer sans “ demi-poésie antiscientifique”.

   Troisièmement, c’est derechef une “ libre création et imagination ” de M. Dühring, que d’affirmer que la sensation serait psychologiquement liée à la présence d’un appareil nerveux, si simple soit-il. Non seulement tous les animaux primitifs, mais encore les phytozoaires, tout au moins dans leur grande majorité, ne présentent pas de trace d’appareil nerveux. Ce n’est qu’à partir des vers qu’on en trouve un régulièrement et M. Dühring est le premier à émettre l’assertion que ces animaux n’auraient pas de sensation parce qu’ils n’ont pas de nerfs. La sensation n’est pas liée nécessairement à des nerfs, mais bien à certains corps albuminoïdes qui ne sont pas encore déterminés avec précision.

   D’ailleurs, les connaissances biologiques de M. Dühring sont suffisamment caractérisées par la question qu’il ne craint pas de soulever vis-à-vis de Darwin : “Faut-il croire que l’animal provient par évolution de la plante ?” De telles questions ne peuvent être posées que par quelqu’un qui ne sait absolument rien ni des animaux ni des végétaux.

   De la vie en général, M. Dühring ne sait nous dire que ceci :

   “ L’échange de substances qui s’accomplit moyennant une schématisation plastiquement créatrice [au nom du ciel, que veut dire cela ?] reste toujours un caractère distinctif du processus vital proprement dit. ”

   C’est tout ce que nous apprenons de la vie, et cette “schématisation plastiquement créatrice” nous laisse enlisés jusqu’aux genoux dans le charabia absurde du plus pur jargon dühringesque. Si donc nous voulons savoir ce qu’est la vie, il faudra bien que nous cherchions par nous-mêmes.

   Que l’échange organique de substances soit le phénomène le plus général et le plus caractéristique de la vie, cela a été dit un nombre incalculable de fois depuis trente ans par les spécialistes de chimie physiologique et de physiologie chimique, et M. Dühring n’a fait ici que le traduire dans le langage élégant et limpide qui lui est propre. Mais définir la vie comme échange organique de substances, c’est définir la vie comme étant … la vie; car échange organique de substances ou échange de substances avec une schématisation plastiquement créatrice, c’est précisément une expression qui a besoin d’être expliquée à son tour par la vie, par la distinction entre l’organique et l’inorganique, c’est-à-dire entre le vivant et le non-vivant. Cette explication ne nous a donc pas fait avancer d’un pas.

   L’échange de substances en tant que tel se produit aussi en dehors de la vie. Il y a en chimie toute une série de processus qui, moyennant un apport suffisant de matières premières, reproduisent toujours leurs propres conditions, et cela en ayant un corps déterminé pour substrat. Ainsi, dans la fabrication de l’acide sulfurique par combustion du soufre. Il se produit alors du bioxyde de soufre SO2 et si l’on amène de la vapeur d’eau et de l’acide nitrique, le bioxyde de soufre absorbe de l’hydrogène et de l’oxygène ci se transforme en acide sulfurique, SO4H2. L’acide nitrique abandonne de l’oxygène et se réduit à l’état d’oxyde d’azote; cet oxyde d’azote reprend aussitôt dans l’air de l’oxygène nouveau et se transforme en oxydes supérieurs de l’azote, mais seulement pour rendre aussitôt cet oxygène au bioxyde de soufre et recommencer le même processus, de sorte que, théoriquement, une quantité infiniment petite d’acide nitrique suffirait pour transformer en acide sulfurique une quantité illimitée de bioxyde de soufre, d’oxygène et d’eau. – En outre, l’échange de substances se produit lorsque des liquides passent par des membranes organiques mortes et même inorganiques ainsi que dans les cellules artificielles de Traube. Il apparaît ici derechef que l’échange de substances ne nous fait pas avancer d’un pas; car l’échange original de substances qui doit expliquer la vie, a lui-même besoin d’être expliqué à son tour par la vie. Il faut donc nous y prendre autrement.

   La vie est le mode d’existence des corps albuminoïdes((A l’époque où écrivait Engels la biochimie et la biologie moléculaire en étaient à peine à leurs premiers balbutiements.
L’importance du rôle que jouent les protéines dans les phénomènes de la vie a été confirmé dans toutes les recherches récentes. Toutes les réactions chimiques qui se déroulent dans une cellule vivante exigent l’intervention d’une protéine particulière, encore appelée enzyme. Ce sont, de plus, des enzymes spéciales, dites allostériques, qui, grâce au pouvoir qu’elles ont de prendre successivement diverses formes dans l’espace, règlent l’ordre dans lequel s’enchaînent ces réactions. Ce sont aussi des protéines qui, en s’unissant électivement à certaines substances extérieures à la cellule, permettent à celles-ci de franchir la membrane, tandis que d’autres protéines règlent, de manière analogue, les fonctions d’excrétion.
Cependant d’autres substances, dont Engels ne pouvait pressentir l’existence, jouent un rôle d’une importance fondamentale dans les phénomènes de la vie. C’est notamment le cas des nucléotides qui interviennent dans tous les transferts d’énergie au sein de la matière vivante et des acides nucléiques sur lesquels repose la conservation héréditaire des caractères des êtres vivants.))
, et ce mode d’existence consiste essentiellement dans le renouvellement constant, par eux-mêmes, des composants chimiques de ces corps.

   On prend ici le corps albuminoïde au sens de la chimie moderne, qui rassemble sous ce nom tous les corps composés de façon analogue à l’albumine ordinaire et appelés aussi substances protéiques. Le nom est maladroit, parce que, de toutes les substances qui lui sont apparentées, l’albumine ordinaire joue le rôle le moins vivant, le plus passif, étant, à côté du jaune d’œuf, uniquement substance nutritive pour le germe qui se développe. Cependant, tant qu’on n’en sait pas plus long sur la composition chimique des substances albuminoïdes, ce nom est encore le meilleur, parce que plus général que tous autres.

   Partout où nous rencontrons la vie, nous la trouvons liée à un corps albuminoïde, et partout où nous rencontrons un corps albuminoïde qui n’est pas en cours de décomposition, nous trouvons aussi, immanquablement, des phénomènes vitaux. Il n’y a pas de doute que la présence d’autres combinaisons chimiques est nécessaire dans un corps vivant pour provoquer des différenciations particulières de ces phénomènes vitaux; pour la vie pure et simple, elles ne sont pas nécessaires, si ce n’est dans la mesure où elles interviennent comme aliments et sont transformées en albumine. Les êtres vivants les plus bas que nous connaissions ne sont précisément rien que de simples grumeaux d’albumine, et ils manifestent déjà tous les phénomènes essentiels de la vie.

   Mais en quoi consistent ces phénomènes vitaux qui se rencontrent également partout, chez tous les êtres vivants ? Avant tout en ceci que le corps albuminoïde tire de son milieu et absorbe d’autres substances appropriées, se les assimile, tandis que d’autres parties plus vieilles du corps se décomposent et sont éliminées. D’autres corps, des corps non vivants, se transforment, se décomposent ou se combinent aussi dans le cours naturel des choses; mais, alors, ils cessent d’être ce qu’ils étaient. Le rocher qui s’effrite sous l’influence de J’air, n’est plus un rocher; le métal qui s’oxyde se convertit en rouille. Mais ce qui dans les corps sans vie est cause de ruine est pour l’albumine condition fondamentale de vie. L’instant où cesse cette métamorphose ininterrompue des éléments composants dans le corps albuminoïde, cet échange permanent de nutrition et d’élimination, est aussi l’instant où le corps albuminoïde lui-même cesse d’être, où il se décompose, c’est-à-dire meurt. La vie, mode d’existence du corps albuminoïde, consiste donc avant tout en ceci qu’à chaque instant, il est lui-même et en même temps un autre; et cela, non pas en raison d’un processus auquel il est soumis de l’extérieur, comme il peut aussi arriver pour des corps sans vie. Au contraire, la vie, l’échange de substances qui résulte de la nutrition et de l’élimination, est un processus qui s’accomplit par lui-même, qui est inhérent, inné à son substrat, l’albumine, et sans lequel l’albumine ne peut être. D’où il résulte que si la chimie réussissait jamais à produire artificiellement de l’albumine, cette albumine manifesterait nécessairement des phénomènes vitaux, si faibles fussent-ils. On peut à la vérité se demander si la chimie découvrira en même temps la nourriture qui convient à cette albumine ?

   De cet échange de substances qui se fait par la nutrition et l’élimination en tant que fonction essentielle de J’albumine, et de la plasticité qui lui est propre, dérivent tous les autres facteurs les plus simples de la vie : excitabilité, – qui est déjà incluse dans l’action réciproque entre l’albumine et sa nourriture; contractibilité, – qui se manifeste déjà à un degré très bas dans l’absorption de la nourriture; faculté de croissance, – qui, au niveau le plus bas, comprend la procréation par division; mouvement interne, – sans lequel ni l’absorption ni l’assimilation de la nourriture ne sont possibles.

   Notre définition de la vie est naturellement très insuffisante, du fait que, bien loin d’inclure tous les phénomènes vitaux, elle doit an contraire se limiter aux plus généraux et aux plus simples de tous. Toutes les définitions sont scientifiquement de peu de valeur. Pour savoir d’une façon réellement exhaustive ce qu’est la vie, il faudrait que nous parcourions toutes les formes sous lesquelles elle se manifeste, de la plus basse à la plus élevée. Cependant, pour l’usage courant, de telles définitions sont très commodes et il est parfois difficile de s’en passer; elles ne sauraient non plus être préjudiciables, pourvu qu’on n’oublie pas leurs lacunes inévitables.

   Mais revenons à M. Dühring. Quand il ne se sent pas très à l’aise dans le domaine de la biologie terrestre, il sait comment se consoler : il se réfugie dans son ciel étoilé.

   “ Ce n’est pas seulement la constitution particulière d’un organe doué de sensibilité, mais déjà le monde objectif dans sa totalité qui est organisé pour produire le plaisir et la douleur. Voilà pour quelle raison nous admettons que l’opposition du plaisir et de la douleur, et cela exactement sous la forme qui nous est connue, est une opposition universelle et doit être représentée dans les différents mondes de l’univers par des sentiments essentiellement homogènes … Or cette concordance n’a pas une mince signification, puisqu’elle est la clef de l’univers des sensations … De ce fait, le monde cosmique subjectif ne nous est pas beaucoup plus étranger que le monde objectif. Il faut concevoir la constitution des deux règnes d’après un type concordant, et nous avons ainsi les premiers éléments d’une théorie de la conscience dont la portée dépasse de loin la terre toute seule. ”

   Que peuvent peser quelques grossières bévues dans la science de la nature d’ici-bas pour celui qui a dans sa poche la clef de l’univers des sensations ? Allons donc((En français dans le texte)) !

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