2. La population industrielle s’accroît aux dépens de la population agricole

Le développement du capitalisme en Russie

Lénine

Chapitre I : LES ERREURS THÉORIQUES DES ÉCONOMISTES POPULISTES

II. La population industrielle s’accroît aux dépens de la population agricole

   A l’époque qui précède l’économie marchande, l’industrie de transformation et d’industrie d’extraction ; à la tête de laquelle se trouve l’agriculture, sont réunies; avec le développement de l’économie marchande ont voit les branches industrielles se détacher l’une après l’autre de l’agriculture. Dans les pays où l’économie marchande est peu développée (ou pas développée du tout), la population est presque entièrement agricole, ce qui d’ailleurs ne veut pas dire qu’elle ne s’occupe que d’agriculture; cela signifie seulement que cette population traite elle-même les produits agricoles, que l’échange et la division du travail sont presque inexistants. Le développement de l’économie marchande signifie donc eo ipso qu’une portion sans cesse accrue de la population se détache de l’agriculture, c’est-à-dire que la population industrielle s’accroît aux dépens de la population agricole. « La nature du mode capitaliste de production entraîne une diminution constante de la population paysanne par rapport à la population non agricole. Dans l’industrie (au sens étroit du mot), en effet, l’accroissement du capital constant par rapport au capital variable est lié à l’accroissement absolu du capital variable malgré sa diminution relative; tandis que dans l’agriculture, le capital variable nécessaire à l’exploitation d’un terrain déterminé diminue de façon absolue; il ne peut donc s’accroître que dans la mesure où de nouvelles terres sont cultivées, ce qui présuppose à son tour un accroissement plus important encore de la population non agricole » (Das Kapital. III, 2, 177. Trad. russe, p. 526((K. Marx, le Capital, livre III, tome III, Editions Sociales, Paris, 1960, pp. 28-29. )). On ne saurait donc concevoir le capitalisme sans un accroissement de la population industrielle et commerciale aux dépens de la population agricole, et nul n’ignore que ce phénomène prend un très grand relief dans tous les pays capitalistes. Il est à peine besoin de démontrer que dans la question du marché intérieur ce fait a une énorme importance, car il est indissolublement lié à l’évolution de l’industrie et à l’évolution de l’agriculture; la formation de centres industriels, leur nombre croissant et l’attraction qu’ils exercent sur la population ne peuvent manquer d’influer profondément sur toute la vie des campagnes et d’entraîner un essor de l’agriculture marchande et capitaliste. Dans leurs développements purement théoriques comme dans leurs raisonnements sur le capitalisme en Russie, les représentants de l’économie populiste ignorent complètement cette loi (au chapitre VIII de notre ouvrage, nous parlerons en détail des particularités que l’on observe dans la façon dont elle se manifeste en Russie). Cette ignorance est tout à fait significative. Le fait que la population abandonne l’agriculture pour l’industrie et les répercussions de ce fait sur l’agriculture, tels sont les petits détails que MM. V. V. et N.-on ont omis dans leurs théories sur le marché intérieur du capitalisme((Dans notre article «Pour caractériser le romantisme économique (Sismondi et nos sismondistes nationaux) » (Œuvres, t. 2, pp. 125-268), Nous avons signalé que les romantiques d’Europe occidentale et les populistes russes professaient des vues analogues sur le problème de l’accroissement de la population industrielle.)).

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