Les buts de la guerre

De la guerre prolongée

Mao Zedong

Les buts de la guerre

  1. Nous ne nous occuperons pas ici des buts politiques de la guerre ; les buts politiques de la Guerre de Résistance sont « l’expulsion des impérialistes japonais et l’édification d’une Chine nouvelle où règnent la liberté et l’égalité », nous en avons déjà parlé plus haut.

   Nous aborderons ici les buts fondamentaux de la guerre, de la guerre en tant que politique avec effusion de sang, en tant que destruction mutuelle de deux armées opposées.

   La guerre n’a d’autre but que « de conserver ses forces et d’anéantir celles de l’ennemi » (anéantir les forces de l’ennemi, c’est les désarmer, « les priver de toute capacité de résistance », et non pas les anéantir toutes physiquement).

   Dans l’antiquité, on se servait, pour faire la guerre, de lances et de boucliers : la lance servait à attaquer et à anéantir l’ennemi, le bouclier à se défendre et à se conserver soi-même.

   Jusqu’à nos jours, c’est du développement de ces deux types d’armes que résultent toutes les autres.

   Les bombardiers, les mitrailleuses, l’artillerie à longue portée, les gaz toxiques sont des développements de la lance, et les abris, les casques d’acier, les fortifications bétonnées, les masques à gaz, des développements du bouclier.

   Les chars d’assaut sont une nouvelle arme, où se trouvent combinés la lance et le bouclier.

   L’attaque est le moyen principal pour anéantir les forces de l’ennemi, mais l’on ne saurait se passer de la défense.

   L’attaque vise à anéantir directement les forces de l’ennemi, et en même temps à conserver ses propres forces, car si l’on n’anéantit pas l’ennemi, c’est lui qui vous anéantira.

   La défense sert directement à la conservation des forces, mais elle est en même temps un moyen auxiliaire de l’attaque ou un moyen de préparer le passage à l’attaque.

   La retraite se rapporte à la défense, elle en est le prolongement, tandis que la poursuite est la continuation de l’attaque.

   Il est à noter que, parmi les buts de la guerre, l’anéantissement des forces de l’ennemi est le but principal, et la conservation de ses propres forces le but secondaire, car on ne peut assurer efficacement la conservation de ses forces qu’en anéantissant massivement les forces de l’ennemi.

   Il en résulte que l’attaque, en tant que moyen fondamental pour anéantir les forces de l’ennemi, joue le rôle principal et que la défense, en tant que moyen auxiliaire pour anéantir les forces de l’ennemi et en tant que l’un des moyens pour conserver ses propres forces, joue le rôle secondaire.

   Bien qu’en pratique on recoure dans beaucoup de situations surtout à la défense et, dans les autres, surtout à l’attaque, celle-­ci n’en reste pas moins le moyen principal, si l’on considère le déroulement de la guerre dans son ensemble.

  1. Comment expliquer l’exhortation au sacrifice héroïque dans la guerre ? N’est­-ce pas en contradiction avec l’exigence de la « conservation de ses forces » ?

   Non, cela n’est pas en contradiction. Ce sont des contraires qui cependant se conditionnent l’un l’autre.

   La guerre est une politique sanglante, pour laquelle il faut payer, et souvent très cher. Sacrifier (ne pas conserver) partiellement et temporairement ses forces vise à conserver l’ensemble des forces pour toujours.

   C’est justement pour cela que nous avons dit que l’attaque, qui est essentiellement un moyen destiné à anéantir les forces de l’ennemi, permet en même temps de conserver nos propres forces. C’est également pour cette raison que la défense doit être accompagnée de l’attaque et ne doit pas être une défense pure et simple.

  1. La conservation de ses propres forces et l’anéantissement des forces de l’ennemi en tant que buts de la guerre constituent l’essence même de la guerre et le fondement de tout acte de guerre.

   Cette essence de la guerre en pénètre toutes les activités, depuis les procédés techniques jusqu’à la stratégie.

   Les buts de la guerre que nous venons d’indiquer représentent le principe fondamental de la guerre ; tout concept ou principe d’ordre technique, tactique, opérationnel ou stratégique en est absolument inséparable.

   Que signifie, par exemple, dans le tir, « se couvrir soi­-même et exploiter sa puissance de feu » ?

   Le premier point est nécessaire pour conserver ses forces et le second pour anéantir l’ennemi.

   Le premier point a donné naissance à des méthodes telles que la mise à profit du relief et des autres accidents du terrain, l’avance par bonds, la disposition des troupes en ordre dispersé, et le second à d’autres méthodes comme le déblayage du champ de tir, l’organisation du système de feu.

   Quant aux forces de choc, aux forces de fixation et aux réserves employées en tactique, les premières sont destinées à l’anéantissement des forces de l’ennemi, les deuxièmes à la conservation de ses propres forces, les troisièmes, suivant la situation, à l’un ou à l’autre, soit à l’anéantissement de l’ennemi (elles appuient alors les forces de choc ou servent à poursuivre l’ennemi), soit à la conservation de ses propres forces (elles soutiennent alors les forces de fixation ou servent de forces de couverture).

   Ainsi, aucun principe, aucune action d’ordre technique, tactique, opérationnel ou stratégique ne peut en quoi que ce soit s’écarter des buts de la guerre, et ceux­-ci régissent la guerre dans son ensemble et en orientent le cours du début à la fin.

  1. Dans la conduite de la Guerre de Résistance, il faut que les commandants à tous les échelons ne perdent de vue ni les caractéristiques fondamentales, réciproquement contraires de la Chine et du Japon ni les buts de la guerre.

   Ces caractéristiques fondamentales, réciproquement contraires, des deux pays se manifestent dans la lutte de chaque partie pour la conservation de ses propres forces et l’anéantissement des forces adverses.

   Le problème consiste, pour nous, à faire, dans chaque combat, tous nos efforts pour remporter une victoire, qu’elle soit grande ou petite, pour désarmer une partie des troupes de l’ennemi et pour détruire une partie de ses forces humaines et matérielles.

   L’accumulation de ces succès partiels dans l’anéantissement de l’ennemi nous vaudra de grandes victoires stratégiques qui nous permettront d’atteindre nos buts politiques : l’expulsion définitive de l’ennemi hors du pays, la défense de la patrie et l’édification d’une Chine nouvelle.

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