Les opérations offensives dans une guerre défensive, les opérations de décision rapide dans une guerre de longue durée et les opérations à l’extérieur des lignes dans la guerre à l’intérieur des lignes

De la guerre prolongée

Mao Zedong

Les opérations offensives dans une guerre défensive, les opérations de décision rapide dans une guerre de longue durée et les opérations à l’extérieur des lignes dans la guerre à l’intérieur des lignes

  1. Passons maintenant à l’étude de la stratégie concrète de la Guerre de Résistance.

   Nous avons déjà dit que notre stratégie dans la Guerre de Résistance est celle d’une guerre prolongée et cela est absolument exact.

   Mais c’est là une façon générale de définir cette stratégie et non une façon concrète.

   Nous allons donc examiner cette question : Comment faut­-il conduire d’une façon concrète la guerre prolongée ?

   Voici notre réponse : à la première et à la deuxième étape, quand l’ennemi pratique l’offensive, puis passe à la consolidation des territoires occupés, nous devons mener des campagnes et des combats offensifs dans la défense stratégique, des campagnes et des combats de décision rapide tout en poursuivant en stratégie une guerre de longue durée, des campagnes et des combats à l’extérieur des lignes tout en nous trouvant sur le plan stratégique à l’intérieur des lignes.

   Dans la troisième étape, nous passerons à la contre­-offensive stratégique.

  1. Etant donné que le Japon est un puissant Etat impérialiste et que nous sommes un pays faible, semi-­colonial et semi­-féodal, le Japon poursuit une offensive stratégique et nous­-mêmes nous nous trouvons sur la défensive stratégique.

   Le Japon cherche à appliquer la stratégie de la guerre de décision rapide et nous, nous devons adopter consciemment la stratégie d’une guerre prolongée.

   Le Japon se sert d’une armée terrestre de plusieurs dizaines de divisions (actuellement, elle s’élève déjà à trente divisions) d’une capacité de combat relativement forte, ainsi que d’une partie de sa flotte de guerre pour encercler la Chine et en faire le blocus sur terre et sur mer, et il utilise son aviation militaire pour la bombarder.

   Actuellement, son armée terrestre s’est déjà installée sur un large front, de Paoteou à Hangtcheou, sa flotte atteint les côtes des provinces du Foukien et du Kouangtong ; ainsi ses opérations à l’extérieur des lignes ont pris une grande ampleur.

   Quant à nous, nous faisons la guerre à l’intérieur des lignes.

   Tout cela résulte du fait que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles. Tel est l’un des aspects de la situation.

  1. Mais, d’un autre côté, nous voyons un tableau tout à fait contraire. Bien que le Japon soit fort, il manque de troupes, et bien que la Chine soit faible, elle dispose d’un immense territoire, d’une forte population et d’une armée nombreuse.

   Deux conséquences importantes en découlent : premièrement, comme l’ennemi, avec une armée peu nombreuse, est entré dans un grand pays, il ne pourra y occuper qu’une partie des grandes villes, des principales voies de communication et certaines régions de plaine.

   Ainsi, il subsistera dans les régions prises par l’ennemi de vastes territoires que celui­ci ne sera pas en état d’occuper, ce qui nous procurera un vaste champ d’action pour les opérations de partisans.

   Si nous considérons la Chine dans son ensemble, à supposer même que l’ennemi parvienne à occuper la ligne Canton­, Wouhan et ­Lantcheou et les régions attenantes, il lui sera très difficile de s’emparer des régions au-delà de cette ligne, ce qui donnera à la Chine un arrière général et des bases d’importance vitale pour poursuivre une guerre prolongée et remporter finalement la victoire.

   Deuxièmement, comme l’ennemi oppose des forces peu nombreuses à une armée importante, il se trouvera nécessairement encerclé.

   Stratégiquement, comme il nous attaque de plusieurs directions, l’ennemi se trouve à l’extérieur des lignes tandis que nous sommes à l’intérieur, il fait une guerre offensive alors que nous sommes sur la défensive ; tout cela peut sembler fort désavantageux pour nous.

   En réalité, nous avons la possibilité de mettre à profit nos deux avantages : l’étendue de notre territoire et l’importance numérique de notre armée, et, au lieu de poursuivre obstinément une guerre de position, nous pouvons appliquer avec souplesse les méthodes de la guerre de mouvement, en opposant à une seule division de l’ennemi plusieurs de nos divisions, à une dizaine de milliers de ses combattants plusieurs dizaines de milliers des nôtres, en fondant de plusieurs directions sur une seule colonne de l’ennemi pour l’encercler soudain et l’attaquer à l’extérieur des lignes.

   De cette manière, l’ennemi, qui, sur le plan stratégique, opère à l’extérieur des lignes et mène l’offensive, en sera réduit, lors des campagnes et des combats, à agir à l’intérieur des lignes et à passer à la défensive.

   En revanche, nos troupes, qui, sur le plan stratégique, opèrent à l’intérieur des lignes et se trouvent sur la défensive, agiront lors des campagnes et des combats à l’extérieur des lignes et attaqueront.

   C’est ainsi qu’il convient d’agir face à l’avance d’une, voire de toute colonne ennemie.

   Les deux conséquences que nous venons d’indiquer découlent de cette particularité que l’ennemi est un petit pays et la Chine un grand pays.

   D’autre part, l’armée ennemie est peu nombreuse, mais forte (par son armement et par sa préparation militaire), et notre armée est nombreuse, mais faible (du point de vue de l’armement et de sa préparation militaire mais non pas de son moral) ; c’est pourquoi, dans les campagnes et les combats, nous ne devons pas seulement nous servir de notre supériorité numérique pour opérer à l’extérieur des lignes en contraignant l’ennemi à se battre à l’intérieur des lignes, mais aussi adopter le principe des opérations de décision rapide.

   Pour aboutir à une décision rapide, il faut attaquer l’ennemi en marche et nous garder en général de frapper ses unités en cantonnement.

   Nous devons rassembler d’avance et secrètement des forces puissantes des deux côtés de la route que doit suivre l’ennemi et nous jeter sur lui inopinément lorsqu’il est en marche, l’encercler et l’attaquer sans lui donner le temps de reprendre ses esprits et terminer le combat rapidement.

   Si le coup porté réussit, nous aurons anéanti soit toutes les forces de l’ennemi, soit la plus grande partie, soit une partie quelconque de ses forces.

   Et même si le combat tourne moins bien, l’ennemi n’en aura pas moins subi de lourdes pertes en blessés et en tués.

   Il doit en être ainsi dans chacun de nos combats.

   Sans avoir de prétentions excessives, si nous arrivons, ne serait-­ce qu’une fois par mois, à remporter une victoire relativement importante, comme celle de Pinghsingkouan ou celle de Taieultchouang, cela affaiblira considérablement le moral de l’ennemi, exaltera celui de notre armée et nous attirera des sympathies dans le monde entier.

   Ainsi, notre stratégie, orientée vers une guerre prolongée, se traduira sur les champs de bataille par des opérations de décision rapide, et l’ennemi, dont la stratégie visait à une décision rapide, se trouvera contraint d’en venir, à la suite d’un grand nombre de défaites dans les campagnes et les combats, à une guerre de longue durée.

  1. Le principe opérationnel pour les campagnes et les combats que nous venons de définir peut se résumer dans la formule : « opérations offensives de décision rapide à l’extérieur des lignes ».

   Il est à l’opposé de notre stratégie : « opérations défensives de longue durée à l’intérieur des lignes », mais il est précisément indispensable à l’application de cette stratégie.

   Si nous menions également, dans les campagnes et les combats, des « opérations défensives de longue durée à l’intérieur des lignes », ainsi qu’on l’a fait par exemple au début de la Guerre de Résistance, cela ne répondrait absolument pas à cette double condition que le pays ennemi est petit et le nôtre grand, et que l’ennemi est fort alors que nous sommes faibles.

   Jamais, en ce cas, nous n’atteindrions notre but stratégique d’une guerre prolongée, et nous serions vaincus.

   Voilà pourquoi nous avons toujours préconisé l’organisation des forces du pays en un certain nombre de puissantes armées de campagne, chacune faisant face à une des armées de campagne de l’ennemi mais avec un effectif deux, trois ou quatre fois plus élevé que celle­-ci, de façon à engager l’ennemi, sur de vastes théâtres de guerre, dans des opérations conformes au principe exposé ci­-dessus.

   Ce principe peut et doit être adopté non seulement pour les opérations de l’armée régulière, mais aussi pour la guerre de partisans.

   Il est valable non seulement pour une certaine étape de la guerre, mais pour toute la durée de la guerre.

   A l’étape de la contre­-offensive stratégique, lorsque notre équipement technique se sera amélioré et que nous ne serons plus du tout dans la situation du faible s’opposant au fort, si nous continuons à réaliser, avec des forces supérieures en nombre, des opérations offensives de décision rapide à l’extérieur des lignes, nous aurons encore plus largement la possibilité de capturer en grande quantité prisonniers et matériel. Supposons par exemple que nous opposions à une division motorisée de l’ennemi deux, trois ou quatre de nos divisions motorisées, nous serions encore plus sûrs d’anéantir cette division.

   Plusieurs solides gaillards ont facilement raison d’un seul. C’est une vérité élémentaire.

  1. Si nous menons résolument des « opérations offensives de décision rapide à l’extérieur des lignes » sur les champs de bataille, nous modifierons en notre faveur le rapport des forces, non seulement sur ces champs de bataille, mais progressivement dans l’ensemble de la guerre.

   Sur les champs de bataille, il faut que nous attaquions et que l’ennemi se défende, que nous opérions avec des forces supérieures à l’extérieur des lignes et que l’ennemi, inférieur en nombre, combatte à l’intérieur des lignes, que nous recherchions une décision rapide et que l’ennemi ne soit pas en mesure de faire durer les combats pour attendre l’arrivée des renforts ; alors, de fort qu’il était, l’ennemi deviendra faible et perdra sa supériorité, tandis que nous-­mêmes, de faibles que nous étions, deviendrons forts et conquerrons la supériorité.

   Après de nombreux combats à l’issue victorieuse, notre situation générale par rapport à l’ennemi se modifiera.

   Cela signifie qu’en remportant un grand nombre de victoires sur les champs de bataille lors d’opérations offensives de décision rapide à l’extérieur des lignes, nous accroîtrons nos forces peu à peu et peu à peu nous affaiblirons l’ennemi, ce qui ne manquera pas d’agir sur le rapport général des forces et d’y provoquer des changements.

   Quand nous en serons là, ces changements nous assureront, avec d’autres facteurs de notre propre situation, avec les modifications dans la situation intérieure de l’ennemi et avec une situation internationale favorable, la possibilité d’arriver à l’équilibre des forces, puis à la supériorité sur l’ennemi.

   C’est alors que sonnera l’heure de notre contre-­offensive et de l’expulsion de l’ennemi hors de notre pays.

  1. La guerre, c’est une compétition de forces, mais au cours de la guerre, ces forces elles-­mêmes se modifient par rapport à ce qu’elles étaient au début.

   Les efforts subjectifs pour remporter le plus grand nombre possible de victoires et commettre le moins possible d’erreurs constituent ici le facteur décisif.

   Les conditions objectives donnent la possibilité de telles modifications, mais pour que cette possibilité passe dans la réalité, il faut une ligne juste et des efforts subjectifs. C’est, dans ce cas, le facteur subjectif qui joue le rôle décisif.

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