Initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes

Problèmes stratégiques de la guerre de partisans contre le Japon

Mao Zedong

IV. Initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes

   Ce chapitre se subdivise en quatre parties : 1) la liaison entre la défensive et l’offensive, entre la guerre de longue durée et les opérations de décision rapide, entre les opérations à l’intérieur des lignes et les opérations à l’extérieur des lignes ; 2) l’initiative dans toute action militaire ; 3) la souplesse dans l’utilisation des forces ; 4) l’établissement d’un plan pour chaque opération.

   Voyons le premier point.

   Dans la mesure où le Japon est un pays puissant et mène l’offensive, et où nous-mêmes sommes un pays faible et sommes sur la défensive, l’ensemble de la Guerre de Résistance se définit du point de vue stratégique comme une guerre défensive et de longue durée. A considérer les lignes où se déroulent les opérations, l’ennemi opère à l’extérieur des lignes et nous à l’intérieur des lignes. C’est là un aspect de la question. Mais il y en a un autre, exactement contraire. Bien que l’armée ennemie soit forte (du point de vue de son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres facteurs), elle est numériquement faible ; bien que notre armée soit faible (également du point de vue de son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres facteurs), elle est numériquement très forte ; en outre, il faut tenir compte du fait que l’ennemi, qui envahit notre pays, appartient à une nation étrangère, tandis que nous résistons à l’agression étrangère sur notre propre sol. Tout cela détermine la ligne stratégique suivante : tout en appliquant la stratégie de la guerre défensive, on peut et on doit entreprendre des campagnes et des combats offensifs ; en appliquant la stratégie de la guerre de longue durée, on peut et on doit entreprendre des campagnes et des combats de décision rapide ; et en appliquant la stratégie de la guerre à l’intérieur des lignes, on peut et on doit entreprendre, dans les campagnes et les combats, des opérations à l’extérieur des lignes. Telle est la ligne stratégique qui doit être appliquée durant toute la Guerre de Résistance. Cela est valable aussi bien pour la guerre régulière que pour la guerre de partisans. La seule différence en ce qui concerne la guerre de partisans se trouve dans le degré et la forme de réalisation. Dans la guerre de partisans, les opérations offensives prennent généralement la forme d’attaques par surprise. Dans la guerre régulière, bien qu’on doive et qu’on puisse entreprendre aussi des attaques par surprise, on n’arrive à surprendre l’ennemi qu’à un degré moindre. La guerre de partisans exige, dans une très grande mesure, une décision rapide ; cependant, le rayon de l’encerclement dans lequel les partisans saisissent l’ennemi au cours des campagnes et des combats à l’extérieur des lignes est restreint. Tout cela distingue les opérations des partisans des opérations régulières.

   II en découle que, dans leurs opérations, les détachements de partisans doivent concentrer autant de forces que possible, agir en secret et avec la rapidité de l’éclair, exécuter contre l’ennemi des raids inattendus et obtenir une décision rapide des combats ; il faut éviter par tous les moyens de rester passif dans la défensive et de prolonger les combats, et il faut se garder d’éparpiller ses forces au moment d’engager une action. Bien entendu, dans la guerre de partisans, on a recours à la défensive non seulement sur le plan stratégique mais aussi sur le plan tactique ; la fixation de l’ennemi et les opérations de protection dans les combats, l’organisation de la défense dans les défilés, dans les lieux d’accès difficile, le long des cours d’eau et dans les agglomérations rurales pour user et épuiser l’ennemi, les opérations de couverture en cas de retraite, etc. sont autant d’éléments de la défense tactique dans la guerre de partisans. Mais l’orientation essentielle doit y être l’offensive, c’est une guerre d’un caractère offensif plus marqué que la guerre régulière. En outre, l’offensive des partisans doit prendre la forme d’attaques par surprise ; ici plus encore que dans la guerre régulière, il est inadmissible de se trahir par des fanfaronnades bruyantes. Bien qu’il y ait des cas, dans la guerre de partisans, où les combats se prolongent pendant plusieurs jours, par exemple lors d’une attaque contre un ennemi peu nombreux, isolé et privé d’aide extérieure, on doit, en règle générale, y rechercher plus encore que dans la guerre régulière la conclusion rapide des combats, ce qui est imposé par le fait même que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles. La guerre de partisans, par sa nature même, se fait avec des forces dispersées, ce qui donne à ses opérations un caractère d’ubiquité. En outre, une série d’autres tâches qui lui sont dévolues, celles de harceler l’ennemi, de l’immobiliser, d’exécuter des sabotages et d’effectuer le travail de masse, exigent la dispersion des forces. Cependant, les détachements et les corps de partisans doivent concentrer leurs forces principales lorsqu’ils se donnent pour tâche d’anéantir les forces de l’ennemi et surtout lorsqu’ils s’efforcent de briser l’offensive de l’ennemi. « Concentrer de grandes forces pour battre de petites unités de l’ennemi » demeure l’un des principes des opérations militaires dans la guerre de partisans.

   Il en découle également, du point de vue de la Guerre de Résistance dans son ensemble, que l’on ne peut atteindre les buts de la défensive stratégique et parvenir à la victoire définitive sur l’impérialisme japonais que par l’accumulation d’un grand nombre de campagnes et de combats offensifs tant dans la guerre régulière que dans la guerre de partisans, c’est-à-dire en remportant un grand nombre de victoires dans ces opérations offensives. Ce n’est qu’en livrant un grand nombre de combats rapides, c’est-à-dire en remportant des succès dans des opérations de décision rapide au cours des campagnes et des combats offensifs, que l’on peut atteindre les buts stratégiques de cette guerre prolongée : d’une part, gagner du temps pour accroître notre capacité de résistance, d’autre part, attendre, tout en hâtant leur venue, des changements dans la situation internationale et l’effondrement interne de l’ennemi pour passer à la contre-offensive stratégique et chasser les bandits japonais hors de Chine. Il faut concentrer des forces supérieures dans chaque combat et engager, aussi bien dans la période de la défensive stratégique que dans la période de la contre-offensive stratégique, des opérations à l’extérieur des lignes dans chaque campagne ou combat pour encercler l’ennemi et l’anéantir ; s’il n’est pas possible d’encercler toutes ses forces, il faut en encercler une partie ; s’il n’est pas possible d’anéantir complètement les forces encerclées, il faut en anéantir une partie ; enfin, s’il est impossible de faire prisonnières en masse ces troupes encerclées, il faut infliger à l’ennemi les plus grandes pertes possibles en tués et en blessés. C’est seulement en livrant un grand nombre de ces combats d’anéantissement que nous pourrons changer la situation en notre faveur, rompre définitivement l’encerclement stratégique, c’est-à-dire ruiner le plan de l’ennemi qui voulait se battre à l’extérieur des lignes, et, finalement, joignant nos efforts à l’action des forces internationales et à la lutte révolutionnaire du peuple japonais, tomber de tous les côtés sur l’impérialisme japonais et lui donner le coup de grâce. Ces résultats, nous les obtiendrons surtout par les opérations régulières, tandis que les opérations de partisans auront à jouer un rôle moins important. Les unes et les autres ont toutefois ceci de commun qu’il faudra accumuler de nombreuses petites victoires pour en faire une grande victoire. C’est dans ce sens que nous parlons du grand rôle stratégique de la guerre de partisans dans tout le cours de la Guerre de Résistance.

   Passons maintenant aux problèmes de l’initiative, de la souplesse et du plan dans la guerre de partisans.

   Qu’est-ce que l’initiative dans la guerre de partisans ?

   Dans toute guerre, les parties belligérantes s’efforcent par tous les moyens de conquérir l’initiative, que ce soit sur le champ de bataille, dans un théâtre d’opérations, dans une zone de guerre ou même au cours de toute la guerre, car initiative signifie liberté d’action pour une armée. Quand une armée a perdu l’initiative et se trouve acculée à la passivité, elle est privée de la liberté d’action et s’expose à être défaite ou anéantie. Sur le plan stratégique, il est évidemment plus difficile de prendre l’initiative dans la guerre défensive et les opérations à l’intérieur des lignes que dans la guerre offensive et les opérations à l’extérieur des lignes. Cependant, l’impérialisme japonais présente deux points faibles principaux : premièrement, ses forces armées ont des effectifs insuffisants et, deuxièmement, il fait la guerre en terre étrangère. En outre, la sous-estimation des forces de la Chine et les contradictions à l’intérieur du camp des militaristes japonais ont conduit le commandement japonais à commettre toute une série d’erreurs telles que de n’avoir accru ses effectifs que petit à petit, d’avoir manqué de coordination stratégique, de ne plus avoir, à certains moments, de direction d’attaque principale, d’avoir laissé passer le moment propice pour certaines opérations et de n’avoir pas su anéantir les troupes encerclées, ce qui peut, dans son ensemble, être considéré comme le troisième point faible de l’ennemi. Ainsi, les militaristes japonais, en dépit de l’avantage qu’ils ont de faire une guerre offensive et d’opérer à l’extérieur des lignes, perdent l’initiative un peu plus chaque jour, parce que leurs effectifs sont insuffisants (le Japon est un petit pays, sa population est peu nombreuse et ses ressources insuffisantes, c’est un pays impérialiste féodal, etc.), parce qu’ils font la guerre en terre étrangère (et une guerre impérialiste, donc barbare) et parce qu’ils commettent des maladresses dans le commandement. Actuellement, le Japon ne veut pas encore terminer la guerre et ne le peut pas. Il n’a pas arrêté son offensive stratégique, mais la situation générale lui interdit de dépasser certaines limites ; c’est la conséquence logique de ses trois points faibles. Avaler toute la Chine est au-dessus de ses forces. Le jour viendra où le Japon perdra complètement l’initiative ; déjà on en perçoit les premiers signes. D’un autre côté, la Chine se trouvait, au début de la guerre, dans une position plutôt passive ; mais maintenant qu’elle a accumulé de l’expérience, elle commence à s’engager dans une voie nouvelle, celle de la guerre de mouvement, c’est-à-dire des opérations offensives, des opérations de décision rapide et des opérations à l’extérieur des lignes dans les campagnes et les combats, ce qui, avec la ligne de conduite de développer partout la guerre de partisans, fait passer progressivement l’initiative de son côté.

   Dans la guerre de partisans, le problème de l’initiative est encore plus important. En effet, dans la plupart des cas, les détachements de partisans opèrent dans des conditions difficiles : ils n’ont pas d’arrière, ils sont faibles en face d’un ennemi puissant, ils manquent d’expérience (quand ils sont nouvellement organisés), ils sont isolés les uns des autres, etc. Il n’en est pas moins possible de prendre l’initiative dans la guerre de partisans, à condition surtout de mettre à profit les trois points faibles de l’ennemi indiqués ci-dessus. Profitant de l’insuffisance en effectifs des forces ennemies (du point de vue de l’ensemble de la guerre), les partisans peuvent sans crainte englober dans leurs opérations de vastes territoires ; profitant de ce que l’ennemi fait la guerre en terre étrangère et qu’en outre ses méthodes sont particulièrement barbares, les partisans peuvent hardiment s’assurer le soutien de millions et de millions d’hommes ; profitant des maladresses du commandement ennemi, les partisans peuvent donner libre carrière à toute leur ingéniosité. Bien entendu, l’armée régulière doit, elle aussi, utiliser tous ces points faibles de l’ennemi pour en forger les armes de sa propre victoire, mais il importe tout particulièrement aux détachements de partisans de le faire. Les points faibles des détachements de partisans eux-mêmes peuvent être éliminés peu à peu au cours de la lutte, et quelquefois ces points faibles sont même ce qui leur permet de prendre l’initiative. Ainsi, c’est justement grâce à leurs faibles effectifs que les détachements de partisans peuvent opérer à l’arrière de l’ennemi, apparaissant et disparaissant comme par magie et enlevant à l’ennemi toute possibilité d’action contre eux. Pareille liberté de mouvement est impossible aux troupes régulières, trop massives.

   Lorsque l’ennemi dirige contre eux une offensive concentrique, en plusieurs colonnes, les détachements de partisans ont beaucoup de difficultés à garder l’initiative et ils la perdent facilement. Dans ces conditions, si l’on n’apprécie pas correctement la situation et si l’on prend des décisions erronées, on risque de tomber dans la passivité et de ne pouvoir briser l’encerclement. Cela peut aussi se produire lorsque l’ennemi se défend et que nous attaquons. Par conséquent, prendre l’initiative n’est possible que si on apprécie correctement la situation (chez soi et chez l’ennemi) et si on prend des décisions militaires et politiques justes. Avec une appréciation pessimiste, ne correspondant pas à la situation objective, et avec les décisions de caractère passif qui en découlent, nous nous priverions certainement nous-mêmes de l’initiative et nous nous condamnerions à la passivité. De la même façon exactement, une appréciation exagérément optimiste, ne correspondant pas à la situation objective, et les décisions aventureuses (risques injustifiés) qui en découlent nous feraient perdre l’initiative et nous mettraient finalement dans la même position que les pessimistes. L’initiative n’appartient en propre à aucun homme de génie ; elle ne peut naître que d’une étude réfléchie et d’une appréciation correcte de la situation objective, des décisions militaires et politiques correctes d’un chef intelligent. Ainsi, l’initiative est le fruit d’un effort conscient, elle n’est jamais donnée toute prête.

   S’il arrive que des erreurs dans l’appréciation ou dans les décisions ou encore une pression irrésistible de l’ennemi aient réduit des unités de partisans à la passivité, le problème consiste pour elles à s’efforcer d’en sortir. C’est de la situation concrète que dépend la façon d’en sortir. Dans bien des cas, il faut « se retirer ». Savoir se retirer est l’une des caractéristiques des partisans. Se retirer est le principal moyen pour sortir de la passivité et pour reprendre l’initiative. Mais ce n’est pas là le seul moyen. Très souvent, c’est au moment même où l’ennemi exerce sa pression la plus forte et où les difficultés sont pour nous les plus grandes que la situation commence à devenir défavorable pour l’ennemi et favorable pour nous. Il arrive souvent que le retour à une situation favorable et la reprise de l’initiative sont dus aux efforts que l’on fait pour « tenir encore un peu ».

   Venons-en maintenant à la souplesse.

   La souplesse, c’est la manifestation concrète de l’initiative. La souplesse dans l’utilisation des forces est encore plus nécessaire dans la guerre de partisans que dans la guerre régulière.

   Il faut que les dirigeants de la guerre de partisans comprennent que la souplesse dans l’utilisation des forces est le principal moyen pour changer la situation en notre faveur et pour nous emparer de l’initiative. Les particularités de la guerre de partisans exigent que les forces soient utilisées avec souplesse, conformément aux tâches posées et aux conditions telles que la situation de l’ennemi, la configuration du terrain et les sentiments de la population locale. Les principales formes d’utilisation des forces sont la dispersion, la concentration et le déplacement. Le dirigeant de la guerre de partisans se sert des détachements de partisans comme un pêcheur de son filet ; le pêcheur doit savoir jeter son filet et il doit savoir aussi le ramener. Lorsqu’il le jette, il faut qu’il connaisse parfaitement la profondeur des eaux, la vitesse du courant, qu’il sache s’il y a ou non des écueils. De même, lorsque les détachements de partisans sont utilisés en ordre dispersé, leur commandant doit veiller soigneusement à ce qu’ils ne subissent pas de pertes dues à une méconnaissance de la situation et aux opérations erronées qu’elle entraîne. Exactement comme le pêcheur, pour ramener son filet, doit en tenir fermement les extrémités dans ses mains, ainsi, dans la guerre de partisans, le commandant doit assurer la liaison et les communications avec tous ses détachements et garder en main une partie suffisante de ses forces principales. Pour prendre du poisson, il faut changer souvent de place ; les détachements de partisans doivent aussi se déplacer fréquemment. Dispersion, concentration et déplacement sont les trois formes d’une utilisation souple des forces dans la guerre de partisans.

   En général, la dispersion des forces dans la guerre de partisans, ou, comme on dit, « la division du tout en parties », s’applique principalement dans les cas suivants : 1) lorsque l’ennemi passe à la défensive, qu’il nous est temporairement impossible d’agir avec des forces concentrées et que nous voulons créer une menace pour l’ennemi sur un large front ; 2) dans les régions où les forces de l’ennemi sont faibles, lorsque nous voulons les harceler et les désorganiser partout à la fois ; 3) lorsqu’il n’est pas possible de briser une offensive concentrique de l’ennemi et qu’il y a lieu de distraire son attention pour pouvoir nous dérober ; 4) lorsque les conditions de terrain ou des difficultés de ravitaillement l’exigent ; 5) lorsque le travail de masse doit s’effectuer dans des régions étendues. Cependant, quelle que soit la situation, lorsqu’on disperse les forces, on ne doit pas perdre de vue : 1) qu’il ne faut pas disperser les forces également partout, mais en conserver toujours une partie relativement importante dans une région propice aux mouvements, pour être en mesure de parer aux événements imprévus et pour l’employer à la principale des tâches imposées aux forces dispersées ; 2) qu’il faut donner à chacun des détachements séparés une mission bien précise, et lui indiquer son rayon d’action, la durée des opérations, un point de ralliement, les moyens de liaison, etc.

   La concentration des forces, ou, comme on dit, « l’intégration des parties en un tout », est une méthode employée principalement pour anéantir les forces de l’ennemi lorsqu’il déclenche une offensive. Mais elle peut quelquefois s’appliquer quand l’ennemi est sur la défensive, pour anéantir certaines de ses troupes en station. La concentration des forces ne signifie pas une concentration absolue. On concentre les forces principales pour les utiliser dans une direction importante, tandis que, dans les autres directions, on laisse ou on envoie une partie des forces pour fixer l’ennemi, le harceler, exécuter des sabotages ou faire du travail de masse.

   La souplesse dans la dispersion ou la concentration des forces, en rapport avec la situation, est la méthode principale de la guerre de partisans ; mais il faut également savoir déplacer (ou transférer) les forces avec souplesse. Quand l’ennemi se sent sérieusement menacé par les partisans, il ne tarde pas à envoyer des troupes pour les attaquer ou les écraser. C’est alors que les partisans doivent juger de la situation : si le combat peut être livré, il faut le livrer sur le lieu même, sinon, il faut, sans perdre de temps, passer rapidement dans un autre lieu. ’Parfois, pour écraser les unités ennemies une à une, il faut, dès qu’on en a anéanti une en un endroit, se porter rapidement en un autre endroit pour en anéantir une seconde ; il arrive parfois aussi que, dans un endroit donné, la situation ne soit pas favorable au combat : il faut alors rompre immédiatement avec l’ennemi et aller livrer combat ailleurs. Si la menace de l’ennemi se fait particulièrement pressante, les partisans ne doivent pas s’attarder dans un même lieu, mais se déplacer avec la rapidité du vent et du torrent. En général, le déplacement doit s’effectuer dans le secret et rapidement. Il faut recourir fréquemment à des moyens ingénieux pour tromper l’ennemi, lui tendre des pièges ou le désorienter, par exemple : faire des démonstrations d’un côté pour attaquer de l’autre, se montrer subitement ici et un moment après ailleurs, tantôt attaquer l’ennemi et tantôt rompre le combat, opérer de nuit, etc.

   La souplesse dans la dispersion, la concentration et le déplacement des forces est la manifestation concrète de l’initiative dans la guerre de partisans. La routine et la lourdeur conduisent inévitablement à la passivité et à des pertes inutiles. La valeur d’un chef intelligent se révèle non dans sa compréhension de l’importance d’employer les forces avec souplesse, mais dans son aptitude, le moment venu, à disperser, concentrer et déplacer ses forces selon la situation concrète. L’art d’apprécier une situation et de choisir avec bonheur le moment favorable n’est pas chose facile. Seuls peuvent l’acquérir ceux qui font preuve d’objectivité dans l’étude, de persévérance dans la recherche, et de pénétration. Pour que la souplesse ne se transforme pas en action impulsive, un examen sérieux de la situation est indispensable.

   Passons enfin au problème du plan.

   Pour remporter la victoire dans la guerre de partisans on ne peut se passer d’un plan. Agir au hasard signifie jouer à la guerre de partisans, ou se comporter en profane. Les opérations, aussi bien pour toute une région de partisans que pour un détachement ou un corps isolé, doivent toujours être précédées de l’établissement d’un plan aussi poussé que possible. C’est le travail préparatoire à faire avant toute action. La connaissance de la situation, la détermination des tâches, la disposition des forces, l’instruction militaire et politique, l’approvisionnement en vivres, la mise en ordre de l’équipement, la recherche de l’appui de la population, etc., tout cela constitue le travail du dirigeant qui doit réfléchir soigneusement à tout, appliquer les décisions et en contrôler l’exécution. Sans cela, aucune initiative, aucune souplesse, aucune offensive n’est possible. Il est vrai que les conditions de la guerre de partisans ne permettent pas l’établissement de plans aussi détaillés que celles des opérations régulières, et qu’il serait faux d’espérer élaborer un plan d’une haute précision dans la guerre de partisans, mais dans les limites fixées par la situation objective, il est indispensable d’établir un plan aussi précis que possible. La lutte contre l’ennemi n’est pas une plaisanterie. Il est bon qu’on le sache.

   Tout ce qui vient d’être dit sert à illustrer le premier des problèmes stratégiques de la guerre de partisans : initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes. C’est là le principe stratégique capital de la guerre de partisans. Si ce problème est résolu, la poursuite victorieuse de la guerre de partisans, en ce qui regarde la direction militaire, sera dans une grande mesure assurée.

   On a parlé plus haut de bien des choses, mais tout se rapporte à un seul et même problème : celui des opérations offensives dans les campagnes et les combats. On ne peut avoir définitivement l’initiative que si l’offensive a été victorieuse. Il faut entreprendre des opérations offensives de sa propre initiative, et non parce qu’on se trouve dans l’obligation d’attaquer. La souplesse dans l’utilisation des forces répond à un seul problème central : la conduite d’opérations offensives ; de même, le plan est surtout nécessaire pour assurer la victoire dans les opérations offensives. La défense tactique n’a aucun sens si elle ne soutient pas directement ou indirectement une offensive. La décision rapide a trait à la durée de l’offensive, et l’extérieur des lignes à la sphère de l’offensive. L’offensive est le seul moyen pour anéantir les forces de l’ennemi en même temps que le principal moyen pour conserver les nôtres. La défense et la retraite pures et simples ne jouent qu’un rôle temporaire et partiel pour la conservation de nos forces et ne peuvent être en rien un moyen d’anéantissement des forces de l’ennemi.

   Le principe ci-dessus indiqué s’applique, dans l’ensemble, aussi bien à la guerre régulière qu’à la guerre de partisans, seule sa forme de réalisation diffère en degré dans l’un et l’autre cas. Mais pour conduire la guerre de partisans, il est important, indispensable, de pas perdre de vue cette différence, qui fait précisément que les méthodes de la guerre de partisans se distinguent de celles de la guerre régulière. Si l’on ignore cette différence, il est impossible de conduire la guerre de partisans à la victoire.

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