Pourquoi posons-nous les problèmes stratégiques de la guerre de partisans ?

Problèmes stratégiques de la guerre de partisans contre le Japon((Au début de la Guerre de Résistance contre le Japon, un grand nombre de personnes, aussi bien dans le Parti qu’en dehors du Parti, avaient sous-estimé l’importance du rôle stratégique de la guerre de partisans et mis leurs espoirs dans la guerre régulière, et en particulier dans l’action de l’armée du Kuomintang. Le camarade Mao Zedong réfuta ce point de vue et montra dans cet écrit quelle était la voie juste pour développer la guerre de partisans antijaponaise. Cela permit à la VIIIe Armée de Route et à la Nouvelle IVe Armée, qui ne comptaient guère plus de 40.000 hommes au début de la Guerre de Résistance en 1937, de former au moment de la capitulation du Japon en 1945 une puissante armée forte d’un million d’hommes, après avoir créé un grand nombre de bases révolutionnaires et joué un rôle considérable dans la Guerre de Résistance. De ce fait, Tchiang Kaï-chek n’osa, durant cette guerre, ni capituler devant le Japon, ni déclencher une guerre civile générale; et lorsqu’il la déclencha en 1946, l’Armée populaire de Libération créée à partir de la VIIIe Armée de Route et de la Nouvelle IVe Armée était déjà suffisamment forte pour faire face à l’offensive de Tchiang Kaï-chek.))

Mao Zedong

Mai 1938

CHAPITRE PREMIER

POURQUOI POSONS-NOUS LES PROBLÈMES STRATÉGIQUES DE LA GUERRE DE PARTISANS?

Dans la Guerre de Résistance contre le Japon, la guerre régulière joue le rôle principal, et la guerre de partisans un rôle auxiliaire. Nous avons déjà résolu correctement ce problème. Dès lors, seuls des problèmes tactiques semblent se poser dans la guerre de partisans; pourquoi posons-nous donc aussi les problèmes de stratégie?

Si la Chine était un petit pays, où le rôle des opérations de partisans se réduit à appuyer, directement et à courte distance, les opérations des troupes régulières au cours des campagnes, évidemment il ne se poserait que des problèmes tactiques, et il ne serait aucunement question de stratégie. D’un autre côté, si la Chine était un pays aussi puissant que l’Union soviétique, de sorte que tout envahisseur pourrait en être chassé rapidement ou qu’il ne serait pas en mesure d’y occuper un vaste territoire même s’il y restait plus longtemps, les opérations de partisans ne joueraient également qu’un rôle d’appui au cours des campagnes, et il est évident que seuls des problèmes tactiques se poseraient, et qu’il ne serait pas question de stratégie.

Cependant, les circonstances suivantes font que des problèmes stratégiques se posent dans la guerre de partisans: la Chine n’est pas un petit pays, elle n’est pas non plus un pays comme l’Union soviétique; la Chine est un pays grand, mais faible. Ce pays grand mais faible est attaqué par un autre pays, petit, mais fort, cependant, il connaît actuellement une époque de progrès: là est toute la question. En raison de cette situation, notre ennemi a pu occuper un territoire très vaste, et la guerre a pris le caractère d’une guerre de longue durée. Le territoire envahi par l’ennemi dans notre grand pays est très vaste, mais du fait que nous avons pour ennemi un petit pays qui n’a pas de forces armées suffisantes et que, dans le territoire qu’il a envahi, beaucoup de régions échappent à son contrôle, la guerre de partisans antijaponaise consistera essentiellement non pas en des opérations à l’intérieur des lignes pour appuyer les opérations de campagne de l’armée régulière, mais en des opérations indépendantes, à l’extérieur des lignes. En outre, du fait que la Chine connaît une époque de progrès, c’est-à-dire qu’il existe en Chine une puissante armée et de larges masses populaires dirigées par le Parti communiste, la guerre de partisans antijaponaise sera une guerre non pas de petite, mais de grande envergure. De là naît tout un ensemble de problèmes tels que la défense stratégique et l’attaque stratégique. Comme la guerre sera longue et par conséquent acharnée, la guerre de partisans doit accomplir un grand nombre de tâches inhabituelles; ainsi se posent également les problèmes des bases d’appui, du passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement, etc. Il en résulte que la guerre de partisans antijaponaise en Chine sort du cadre de la tactique et frappe à la porte de la stratégie; ainsi, l’examen de la question de la guerre de partisans sous l’angle de la stratégie s’avère indispensable. Il est à noter en particulier qu’une guerre de partisans aussi étendue et d’aussi longue durée est quelque chose de fort nouveau dans toute l’histoire des guerres, quelque chose qu’on ne saurait séparer de l’époque où nous vivons — les années 30 et 40 du XXe siècle — ni de l’existence du Parti communiste et de l’Armée rouge. Là est le nœud de la question. Sans doute, notre ennemi caresse encore de beaux rêves en se comparant aux Mongols qui avaient asservi la Chine au temps de la dynastie des Song, aux Mandchous qui avaient assujetti la Chine des Ming, aux Anglais qui avaient pris l’Amérique du Nord et l’Inde, aux conquérants des pays latins qui avaient occupé l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, etc. De tels rêves n’ont plus de valeur pratique dans la Chine d’aujourd’hui, car elle présente certains facteurs qui n’existaient pas lors des événements historiques qu’on vient d’évoquer. L’un de ces facteurs est cette guerre de partisans, qui constitue un fait fort nouveau. Si notre ennemi néglige ce facteur, il le paiera cher.

C’est la raison pour laquelle les opérations de partisans antijaponaises doivent être examinées sous l’angle de la stratégie, bien qu’elles ne jouent qu’un rôle auxiliaire dans l’ensemble de la Guerre de Résistance.

Alors, pourquoi n’appliquerait-on pas aux opérations de partisans les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance?

Les problèmes stratégiques de la guerre de partisans antijaponaise sont certes étroitement liés aux problèmes stratégiques de la Guerre de Résistance dans son ensemble et ont avec eux beaucoup de points communs; mais, d’un autre côté, la guerre de partisans se distingue de la guerre régulière, elle a ses particularités. C’est pourquoi la stratégie de la guerre de partisans possède, elle aussi, un grand nombre de caractères spécifiques. On ne peut donc pas transposer tels quels les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance dans la guerre de partisans du fait des particularités qu’elle comporte.

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