Réponse aux camarades kolkhoziens

Réponse aux camarades kolkhoziens

Staline

Pravda, n° 92, 3 avril 1930

   On sait par les journaux que l’article de Staline « Le vertige du succès » et la résolution que l’on connaît du Comité central sur la lutte contre les déformations de la ligne du Parti dans le mouvement de collectivisation agricole, ont éveillé de nombreux échos dans les rangs des praticiens de ce mouvement.

   A ce propos, j’ai reçu, ces derniers temps, une série de lettres de camarades kolkhoziens, me demandant de répondre aux questions qui y étaient posées. Mon devoir était de répondre à ces lettres, à titre privé. Mais cela m’a été impossible, car plus de la moitié des lettres reçues ne portaient pas l’adresse de leurs auteurs (ils avaient oublié de donner leur adresse).

   Or les questions touchées dans ces lettres sont d’un immense intérêt politique pour tous nos camarades. On comprendra de même que je n’aie pu laisser sans réponse ceux des camarades qui avaient oublié de me donner leur adresse. Ainsi je me suis trouvé devant la nécessité de répondre publiquement, c’est-à-dire par la presse, aux lettres des camarades kolkhoziens, en y relevant toutes les questions utiles. Je l’ai fait d’autant plus volontiers que j’avais sur ce point une décision expresse du Comité central.

   Première question. — Quelle est la racine des erreurs dans la question paysanne ?

   Réponse. — C’est la façon erronée de traiter le paysan moyen. C’est la violence dont on use dans les rapports économiques avec le paysan moyen. C’est l’oubli du fait que l’alliance économique avec les masses de paysans moyens doit se baser, non sur des mesures de contrainte, mais sur une entente avec le paysan moyen, sur l’alliance avec ce dernier. C’est l’oubli du fait que la base du mouvement kolkhozien, à cette heure, est l’alliance de la classe ouvrière et des paysans pauvres avec le paysan moyen contre le capitalisme en général, contre les koulaks en particulier.

   Tant que l’offensive contre les koulaks fut menée en un front unique avec le paysan moyen, tout alla bien. Mais lorsque certains de nos camarades, grisés par les succès, glissèrent insensiblement de la voie de l’offensive contre le koulak à la voie de la lutte contre le paysan moyen ; lorsque, courant après un pourcentage élevé de collectivisation, ils employèrent la violence contre le paysan moyen, le privant du droit électoral, le dépossédant et l’expropriant, l’offensive dévia, le front unique avec le paysan moyen se trouva compromis et, comme de juste, le koulak put tenter de se remettre sur ses pieds.

   On oubliait que la violence, nécessaire et utile dans la lutte contre nos ennemis de classe, est inadmissible et néfaste quand on l’exerce contre le paysan moyen, qui est notre allié.

   On oubliait que les charges de cavalerie, nécessaires et utiles pour résoudre les problèmes d’ordre militaire, ne valent rien et sont néfastes quand il s’agit de résoudre les problèmes de l’édification kolkhozienne, laquelle d’ailleurs est organisée en alliance avec le paysan moyen.

   C’est là la racine des erreurs dans la question paysanne. Voici ce que Lénine dit des rapports économiques avec le paysan moyen :

   « Nous devons nous baser par-dessus tout sur cette vérité qu’on ne saurait rien obtenir ici, quant au fond, par les méthodes de violence. La tâche économique se présente ici tout autrement, il n’y a pas là de sommet que l’on puisse couper, en laissent toutes les fondations, tout l’édifice. Le sommet représenté dans les villes par les capitalistes, n’existe pas ici. User de la violence serait compromettre toute l’affaire… Il n’y a rien de plus stupide que l’idée même de la violence exercée dans les rapports économiques avec le paysan moyen. » (« Rapport sur le travail à la campagne au VIIIe congrès du P.C. (b) R. », t. XXIV p. 168, éd. Russe.) 

   Plus loin :

   « La violence à l’égard de la paysannerie moyenne constitue le plus grand mal. C’est une couche nombreuse, forte de millions d’hommes. Même en Europe, où nulle part elle n’atteint à cette force, où sont prodigieusement développés la technique et la culture, la vie urbaine, les chemins de fer, où il eût été si facile d’y songer, — personne, aucun des socialistes les plus révolutionnaires n’a jamais préconisé des mesures de violence à l’égard de la paysannerie moyenne. » (Ibidem, p. 167.)

   C’est clair, je pense.

   Deuxième question. — Quelles sont les erreurs principales dans le mouvement de collectivisation agricole ?

   Réponse. — Elles sont, ces erreurs, au nombre de trois au moins.

   1. On a violé le principe léniniste de la libre adhésion lors de la formation (des kolkhoz. On a violé les indications essentielles du Parti et le statut-type de l’artel agricole sur le principe de la libre adhésion lors de la formation des kolkhoz.

   Le léninisme enseigne qu’il faut amener les paysans sur la voie de l’économie collective, en s’en tenant au principe de la libre adhésion, en les convainquant des avantages de l’économie commune, collective sur l’économie individuelle.

   Le léninisme enseigne qu’on ne peut convaincre les paysans des avantages de l’économie collective, que si on leur montre et démontre en fait, par l’expérience, que le kolkhoz est meilleur que l’exploitation individuelle, qu’il est plus avantageux ; que le kolkhoz permet au paysan, au paysan pauvre et au paysan moyen, de se tirer du besoin et de la misère.

   Le léninisme enseigne que ces conditions faisant défaut, les kolkhoz ne peuvent être solides. Le léninisme enseigne que toute tentative d’imposer par la force l’économie collective, que toute tentative d’implanter les kolkhoz par la contrainte, ne peut donner que des résultats négatifs, ne peut que repousser les paysans loin du mouvement de collectivisation agricole.

   En effet, tant que cette règle essentielle fut observée, le mouvement de collectivisation agricole alla de succès en succès. Mais certains de nos camarades, grisés par les succès, négligèrent cette règle, montrèrent une hâte excessive et, courant après un pourcentage élevé de collectivisation, fondèrent des kolkhoz en usant de la contrainte. Il n’est pas étonnant que les résultats négatifs d’une telle « politique » ne se soient pas fait attendre. Les kolkhoz qui avaient poussé trop vite fondirent avec la même rapidité qu’ils avaient mise à naître, et une partie des paysans qui, hier encore, témoignaient une confiance extrême aux kolkhoz, s’en détournèrent.

   Là est la première et principale erreur commise dans le mouvement de collectivisation. Voici ce que Lénine dit du principe de libre adhésion dans la formation des kolkhoz :

   « Actuellement, notre tâche est de passer au travail en commun de la terre, de passer à la grande exploitation collective. Mais il ne saurait y avoir aucune contrainte de la part du pouvoir des Soviets ; aucune loi ne l’impose. La commune agricole se constitue volontairement, le passage au travail en commun de la terre ne peut être que volontaire, il ne saurait y avoir la moindre contrainte sous ce rapport de la part du gouvernement ouvrier et paysan ; la loi l’interdit. Si quelqu’un d’entre vous observait de telles contraintes, vous devez savoir que c’est un abus, que c’est une infraction à la loi, que nous nous attachons de toutes nos forces à rectifier et que nous rectifierons. » (« Ier congrès des ouvriers agricoles de la province de Petrograd. Réponse aux questions », t. XXIV, p. 43.)

   Plus loin :

   « C’est seulement dans le cas où nous réussirons à montrer en fait aux paysans les avantages de la culture en commun, collective, par associations, par artels ; c’est seulement si nous réussissons à aider le paysan à s’organiser en associations, en artels, que la classe ouvrière, tenant en mains le pouvoir d’Etat, prouvera réellement au paysan qu’elle a raison, attirera réellement à ses côtés, de façon durable et effective, la masse innombrable des paysans.

C’est pourquoi on ne saurait exagérer l’importance des entreprises de toute sorte destinées à favoriser le travail de la terre par association, par artel. Nous avons des millions d’exploitations isolées, éparpillées, dispersées au fond des campagnes perdues… Lorsque nous aurons prouvé pratiquement, par une expérience accessible au paysan, que le passage à l’agriculture fondée sur l’association, sur l’artel, est nécessaire et possible, alors seulement nous serons en droit de dire que, dans un pays paysan aussi vaste que la Russie, un pas sérieux a été fait dans la voie de l’agriculture socialiste. » (« Discours au Ier congrès des communes et artels agricoles », t. XXIV, pp. 579-580.) 

   Enfin, encore un passage des œuvres de Lénine :

   « En encourageant les associations de toute sorte, ainsi que les communes agricoles des paysans moyens, les représentants du pouvoir des Soviets ne doivent pas user la moindre contrainte au moment de leur fondation. Seules ont de la valeur les associations qui ont été constituées par les paysans eux-mêmes, sur leur libre initiative, et dont les avantages ont été vérifiés par eux dans la pratique.

Une hâte excessive dans cette affaire est nuisible, car elle ne peut que renforcer les préventions de la paysannerie moyenne contre les innovations. Les représentants du pouvoir des Soviets, qui se permettent d’employer la contrainte non seulement directe, mais même indirecte, afin de rallier les paysans aux communes, doivent subir les plus sévères sanctions et être écartés du travail à la campagne. » (« Résolution sur l’attitude envers la paysannerie moyenne, VIIIe congrès du P.C. (b) R. », t. XXIV, p. 174.) 

   C’est clair, je pense.

   Il est à peine besoin de démontrer que le Parti appliquera avec toute la rigueur voulue ces indications de Lénine.

   2. On a violé le principe léniniste de la prise en considération des conditions diverses dans les différentes régions de l’U.R.S.S., en ce qui concerne la formation des kolkhoz. On a oublié qu’il existe en U.R.S.S. des régions infiniment variées, avec une structure économique et un niveau de culture différents.

   On a oublié que parmi ces régions il en est d’avancées, moyennes et arriérées. On a oublié que les rythmes du mouvement de collectivisation agricole et les méthodes de construction des kolkhoz ne peuvent être identiques pour ces régions, lesquelles sont elles-mêmes loin d’être identiques.

   « Ce serait une erreur, dit Lénine, si nous copiions simplement, d’après un standard, les décrets pour toutes les régions de la Russie, si les bolcheviks-communistes, les travailleurs des administrations soviétiques en Ukraine et sur le Don se mettaient à les généraliser aux autres régions, sans discernement, en bloc »… car « nous ne nous lions en aucune façon par un standard uniforme, nous ne décidons pas une fois pour toutes que notre expérience, l’expérience de la Russie centrale, peut être entièrement appliquée à toutes les régions de la périphérie. » (« Rapport du Comité central au VIIIe congrès du P.C. (b) R. », t. XXIV, pp. 125-126.)

   Lénine dit plus loin que :

   « Standardiser la Russie centrale, l’Ukraine, la Sibérie, les soumettre à un certain standard serait la plus grande sottise. » (t. XXVI, p. 243, éd. Russe.)

   Enfin Lénine fait un devoir aux communistes du Caucase de

   « comprendre les particularités de leur situation, de la situation de leurs Républiques, qui se distingue de la situation et des conditions de la R.S.F.S.R., comprendre la nécessité de ne pas copier notre tactique, mais de la modifier après mûre réflexion en tenant compte de la diversité des conditions concrètes. » (« Directives aux communistes du Caucase et aux membres du Comité révolutionnaire de Géorgie », t. XXVI, p. 191.)

   C’est net, je pense.

   Fort de ces indications de Lénine, le Comité central de notre Parti, dans sa résolution Sur tes rythmes de la collectivisation agricole (voir la Pravda du 6 janvier 1930) a divisé les régions de l’U.R.S.S., au point de vue des rythmes de collectivisation, en trois groupes, dont le Caucase du Nord, la Moyenne et la Basse Volga peuvent avoir terminé, pour l’essentiel, la collectivisation au printemps de 1931 ; les autres régions à céréales (Ukraine, région centrale des Terres noires, Sibérie, Oural, Kazakhstan, etc.) peuvent la terminer, pour l’essentiel, au printemps de 1932, tandis que les autres régions peuvent échelonner la collectivisation jusqu’à la fin de la période quinquennale, c’est-à-dire jusqu’à 1933.

   Il me semble que c’est clair.

   Mais que s’est-il passé en fait ? Il s’est trouvé que certains de nos camarades, grisés par les premiers succès du mouvement de collectivisation agricole, ont bel et bien oublié et les indications de Lénine, et la décision du Comité central.

   La région de Moscou, dans sa course fiévreuse aux chiffres enflés de collectivisation, orienta ses militants vers l’achèvement de la collectivisation au printemps de 1930, bien que disposant d’au moins trois ans (fin 1932). La région centrale des Terres noires, ne voulant pas « rester en arrière des autres », orienta ses militants vers l’achèvement de la collectivisation au premier semestre 1930, bien que disposant d’au moins deux ans (fin 1931).

   Et ceux de la Transcaucasie et du Turkestan, dans leur ardeur à « rejoindre et dépasser » les régions avancées, s’orientèrent vers l’achèvement de la collectivisation dans le « plus bref délai », bien que disposant de quatre années entières (fin 1933). On conçoit qu’avec un tel « rythme » éperdu de collectivisation, les régions moins préparées au mouvement de collectivisation se virent obligées, dans leur ardeur à « dépasser » les régions mieux préparées, d’exercer une forte pression administrative, en essayant de suppléer, par leur propre zèle administratif, à l’absence de facteurs d’accélération des rythmes du mouvement de collectivisation. On connaît les résultats. Tout le monde connaît le méli-mélo qui en est résulté, dans ces régions, et qu’il a fallu débrouiller en faisant intervenir le Comité central.

   Là est la deuxième erreur dans le mouvement de collectivisation.

   3. On a violé le principe léniniste qui interdit de sauter par¬dessus une forme inachevée du mouvement, dans la formation des kolkhoz. On a violé le principe léniniste : ne pas devancer le développement des masses, ne pas décréter le mouvement des masses, ne pas se détacher des masses, mais se mouvoir avec les masses et les faire avancer, en les amenant à nos mots d’ordre et leur ménageant la facilité de se convaincre, par leur propre expérience, de la justesse de nos mots d’ordre.

   « Lorsque le prolétariat de Petrograd et les soldats de la garnison de Petrograd ont pris le pouvoir, dit Lénine, ils savaient parfaitement que l’édification à la campagne rencontrerait de grandes difficultés ; qu’il fallait avancer ici plus graduellement ; que c’eût été la plus grande bêtise de vouloir ici essayer d’introduire à coups de décrets et de lois le travail collectif de la terre ; que seule une quantité infime de paysans conscients pouvaient y consentir, mais que l’immense majorité des paysans ne posaient point ce problème. Et c’est pourquoi nous nous sommes bornés à ce qui était absolument nécessaire au développement de la révolution : ne devancer en aucun cas le développement des masses, mais attendre que de la propre expérience de ces masses, de leur propre lutte, naisse un mouvement en avant. » (« Discours pour l’anniversaire de la Révolution, 6 novembre 1918 ». t. XXIII, p. 252, éd. russe.)

   Partant de ces indications de Lénine, le Comité central a constaté, dans sa résolution que l’on connaît Sur les rythmes de la collectivisation agricole (voir la Pravda du 6 janvier 1930) que : a) la forme principale du mouvement de collectivisation est en ce moment l’artel agricole ; b) par conséquent, il est indispensable d’élaborer un statut-type de l’artel agricole, comme forme principale du mouvement de collectivisation ; c) on ne peut permettre, dans notre travail pratique, que l’on « décrète » d’en haut le mouvement de collectivisation, ni que l’on « joue à la collectivisation ». C’est dire que nous devons maintenant nous orienter, non vers la commune, Tuais vers l’artel agricole, comme forme principale de la constitution des kolkhoz ; qu’on ne peut permettre de sauter par-dessus l’artel agricole vers la commune, qu’on ne doit pas suppléer au mouvement de masse des paysans vers les kolkhoz, en « décrétant les kolkhoz », « en jouant aux kolkhoz ».

   C’est clair, je pense.

   Mais que s’est-il passé en fait ? Il s’est trouvé que certains de nos camarades, grisés par les premiers succès du mouvement de, collectivisation agricole, ont bel et bien oublié et les indications de Lénine, et la décision du Comité central. Au lieu d’organiser un mouvement de masse en faveur de l’artel agricole, ces camarades se sont mis à « faire passer » les paysans individuels directement au statut de la commune.

   Au lieu de consolider la forme-artel du mouvement, ils se sont mis à « collectiviser » de force le petit bétail, la volaille, le bétail laitier non destiné au marché, les habitations.

   Les résultats de cette précipitation inadmissible pour un léniniste sont maintenant connus de tous. Naturellement, en règle générale, on n’a pas créé de communes stables. Mais en revanche, on a perdu nombre d’artels agricoles. Il est vrai qu’il en est resté de « bonnes » résolutions. Mais à quoi voulez-vous qu’elles servent ? Là est la troisième erreur dans le mouvement de collectivisation.

   Troisième question. — Comment ces erreurs ont-elles pu se produire, et comment le Parti doit-il les corriger ?

   Réponse. — Elles se sont produites sur la base de nos succès rapides en matière de collectivisation. Parfois les succès donnent le vertige. Souvent ils engendrent une présomption et une fatuité excessives. Cela peut arriver aisément surtout aux représentants du Parti exerçant le pouvoir. Surtout dans un parti comme le nôtre, dont la force et l’autorité sont presque incommensurables. Ici, des manifestations de la vanité communiste, que Lénine a combattue avec acharnement sont parfaitement possibles. Ici, est parfaitement possible la foi en la toute-puissance du décret, de la résolution, de la disposition prise.

   Ici, le danger est parfaitement réel de voir les mesures révolutionnaires du Parti transformées en une vaine proclamation à coups de décrets bureaucratiques, par quelques représentants du Parti, sur tel ou tel point de notre immense pays.

   Je veux parler non seulement de militants locaux, mais aussi de certains dirigeants d’organisations régionales, mais aussi de certains membres du Comité central.

   « La vanité communiste, dit Lénine, est le fait d’un homme qui, membre du Parti communiste d’où il n’a pas encore été expulsé, se figure pouvoir s’acquitter de toutes ses tâches à coups de décrets communistes. » (t. XXVII, pp. 50-51, éd. Russe.)

   Voilà sur quel terrain sont nées les erreurs dans le mouvement de collectivisation agricole, les déformations de la ligne du Parti dans l’édification des kolkhoz.

   Quel peut être le danger de ces erreurs et de ces déformations si elles continuent à l’avenir, si elles ne sont pas liquidées ’rapidement et jusqu’au bout ?

   Le danger ici, c’est que ces erreurs nous conduisent en ligne droite au discrédit du mouvement de collectivisation agricole, au désaccord avec le paysan moyen, à la désorganisation des paysans pauvres, à la confusion dans nos rangs, à l’affaiblissement de toute notre construction socialiste, au rétablissement des koulaks. Bref, ces erreurs ont tendance à nous pousser hors de la voie de la consolidation de l’alliance avec les masses paysannes essentielles, hors de la voie de la consolidation de la dictature du prolétariat, sur la voie de la rupture avec ces niasses, sur la voie d’une politique sapant la dictature du prolétariat.

   Ce danger est apparu dès la seconde moitié de février, au moment même où une partie de nos camarades, aveuglés par les succès antérieurs, s’éloignaient au galop de la voie léniniste. Le Comité central du Parti mesura ce danger, et ne tarda pas à intervenir en chargeant Staline de donner un avertissement aux camarades qui en prenaient trop à leur aise, dans un article spécial sur le mouvement kolkhozien. Il en est qui pensent que l’article « Le vertige du succès » est le résultat de l’initiative personnelle de Staline. C’est absurde évidemment.

   Ce n’est point pour laisser l’initiative personnelle à qui que ce soit dans une pareille affaire, que le Comité central existe chez nous. Ce fut une investigation à fond entreprise par le Comité central. Et lorsqu’apparurent la profondeur et l’étendue des erreurs commises, le Comité central ne tarda pas à sévir contre ces erreurs, de toute la force de son autorité, en publiant sa fameuse résolution du 15 mars 1930.

   Il est difficile d’arrêter dans leur course forcenée et (de ramener dans la bonne voie des gens qui se ruent, tête baissée, vers l’abîme. Mais notre Comité central se nomme Comité central du Parti léniniste précisément parce qu’il sait surmonter des difficultés autrement grandes. Et ces difficultés, il les a déjà surmontées pour l’essentiel. Il est difficile, en pareil cas, à des détachements entiers du Parti d’arrêter leur course, de rentrer à temps dans la bonne voie et de reformer leurs rangs en pleine marche. Mais notre Parti se nomme Parti de Lénine précisément parce qu’il possède une souplesse suffisante pour surmonter de telles difficultés. Et il a déjà surmonté ces difficultés pour l’essentiel.

   Le point principal ici, c’est de faire preuve de courage, de reconnaître ses erreurs et de trouver en soi la force de les redresser dans le plus bref délai.

   La crainte de reconnaître ses erreurs, après la griserie des succès récents, la crainte de l’autocritique, le refus de corriger ses erreurs rapidement et résolument, — là est la difficulté principale. Il suffit de vaincre cette difficulté, il suffit de rejeter loin de soi les chiffres enflés des directives et le maximalisme bureaucratique et paperassier, il suffit d’aiguiller son attention sur les tâches économiques et d’organisation des kolkhoz, pour qu’il ne reste plus nulle trace de ces erreurs.

   Il n’y a aucune raison de douter que le Parti n’ait déjà surmonté, pour l’essentiel, cette difficulté périlleuse.

   « Tous les partis révolutionnaires qui ont péri jusqu’ici, dit Lénine, ont péri parce qu’ils se laissaient aller à la présomption, ne savaient pas voir ce qui faisait leur force, et craignaient de parler de leurs faiblesses. Mais nous nous ne périrons pas, parce que nous ne craignons pas de parler de nos faiblesses, parce que nous apprendrons à les surmonter. » (Lénine, t. XXVII, pp. 260-261, éd. Russe.)

   Ces paroles de Lénine, on ne saurait les oublier.

   Quatrième question. — La lutte contre les déformations de la ligne du Parti n’est¬-elle pas un pas en arrière, un recul ?

   Réponse. — Evidemment non. Seuls peuvent parler ici de recul les gens qui considèrent la continuation des erreurs et des déformations comme une offensive, et la lutte contre les erreurs comme un recul. Offensive par l’accumulation des erreurs et des déformations, la belle « offensive » que voilà !

   Nous avons mis en avant l’artel agricole comme forme essentielle du mouvement de collectivisation dans le moment présent, et nous avons établi un statut type pour servir de guide dans la formation des kolkhoz. Reculons-nous sur ce point ? Evidemment non ! Nous avons mis en avant l’affermissement, en matière de production, de l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre avec le paysan moyen, comme base du mouvement de collectivisation dans le moment présent. Reculons-nous sur ce point ? Evidemment non ! Nous avons mis en avant le mot d’ordre de liquidation des koulaks comme classe, en tant que mot d’ordre principal de notre travail pratique à la campagne, dans le moment présent. Reculons—nous sur ce point ? Evidemment non !

   Dès janvier 1930 nous avons adopté un certain rythme pour la collectivisation de l’agriculture de l’U.R.S.S., dont nous avons divisé les régions en groupes déterminés en assignant à chaque groupe un rythme particulier. Reculons-nous sur ce point ? Evidemment non ! Où donc voyez-vous un « recul » du Parti ?

   Nous voulons que ceux qui ont commis des erreurs et des déformations renoncent à leurs erreurs. Nous voulons que les brouillons renoncent à leurs pratiques brouillonnes et reviennent aux positions du léninisme.

   Nous voulons cela, car ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra continuer l’offensive réelle contre nos ennemis de classe. Est-ce à dire que nous fassions ainsi un pas en arrière ? Evidemment non ! Cela veut dire seulement que nous voulons mener une offensive bien comprise, et non pas jouer, en brouillons, à l’offensive. N’est-il pas clair que seuls des originaux et des surenchérisseurs de « gauche » peuvent considérer une telle position du Parti comme un recul ?

   Les gens qui bavardent à propos de recul ne comprennent pas deux choses pour le moins :

   1. Ils ignorent les lois de l’offensive. Ils ne comprennent pas qu’une offensive sans que soient consolidées les positions conquises, est une offensive vouée à l’échec. Quand une offensive peut-elle réussir, disons, dans une opération militaire ? Lorsque les gens ne se bornent pas à une avance en bloc, mais s’attachent en même temps à consolider les positions conquises, à regrouper leurs forces en tenant compte de la situation changée, à rallier les arrières, à ramasser les réserves.

   Pourquoi tout cela ? Pour se prémunir contre les surprises, combler certaines brèches dont aucune offensive n’est garantie, et préparer ainsi le complet anéantissement de l’ennemi. La faute des armées polonaises en 1920, à ne prendre que le côté militaire, c’est qu’elles ont dédaigné cette règle.

   C’est ce qui explique, entre autres, qu’après s’être avancées en bloc jusqu’à Kiev, elles durent refluer également en bloc jusqu’à Varsovie. La faute des armées soviétiques en 1920, à ne prendre toujours que le côté militaire, c’est que, lors de leur offensive sur Varsovie, elles ont répété la faute des Polonais.

   Il faut en dire autant des lois de l’offensive sur le front de la lutte de classes. On ne saurait mener avec succès une offensive visant à détruire l’ennemi de classe, sans consolider les positions conquises, sans regrouper ses forces, sans assurer des réserves pour le front, sans faire rallier les arrières, etc.

   La vérité est que les brouillons ne comprennent pas les lois de l’offensive. La vérité est que le Parti les comprend et les applique.

   2. Ils ne comprennent pas la nature de classe de l’offensive. Ils la proclament. Mais contre quelle classe, en alliance avec quelle classe ? Nous menons l’offensive contre les éléments capitalistes de la campagne en alliance avec le paysan moyen, car seule une telle offensive peut nous donner la victoire. Mais comment faire si l’ardeur excessive de quelques détachements du Parti aidant, l’offensive commence à dévier de la bonne voie et tourne sa pointe contre notre allié, contre le paysan moyen ? Nous faut-¬il une offensive en général, et non une offensive contre une classe déterminée, en alliance avec une classe déterminée ? Don Quichotte se figurait, lui aussi, qu’il attaquait des ennemis, en marchant à l’assaut des moulins. On sait pourtant qu’il s’est fendu le front dans cette offensive, s’il est permis de la nommer ainsi.

   Apparemment les lauriers de don Quichotte troublent le sommeil de nos surenchérisseurs de « gauche ».

   Cinquième question. — Quel est chez nous le danger principal, celui de droite ou celui de « gauche » ?

   Réponse. — Le danger principal chez nous est celui de droite. Le danger de droite a été et reste le danger principal.

   Ce point de vue ne contredit il pas la thèse connue de la résolution du Comité central du 15 mars 1930, disant que les fautes et déformations des surenchérisseurs de « gauche », constituent maintenant le frein principal du mouvement de collectivisation agricole ? Non, il ne contredit pas cette thèse, La vérité est que les fautes des surenchérisseurs de « gauche », en ce qui concerne le mouvement de collectivisation agricole, sont telles qu’elles favorisent le renforcement et la consolidation de la déviation de droite dans le Parti. Pourquoi ?

   Parce que ces fautes présentent la ligne du Parti sous un faux jour, c’est-à-dire qu’elles facilitent le discrédit du Parti, et, par conséquent, elles facilitent la lutte des éléments de droite contre la direction du Parti. Le discrédit de la direction du Parti est justement ce terrain premier sur lequel peut se déchaîner la lutte des fauteurs de la déviation de droite contre le Parti.

   Ce terrain, ce sont les surenchérisseurs de « gauche » qui le fournissent à ces derniers, par leurs erreurs et leurs déformations. C’est pourquoi, afin de combattre avec succès l’opportunisme de droite, il faut vaincre les erreurs des opportunistes de « gauche ». Les surenchérisseurs de « gauche » sont objectivement les alliés des fauteurs de la déviation de droite.

   Tel est le lien original entre opportunisme de « gauche » et déviationnisme de droite.
C’est par ce lien qu’il faut expliquer le fait que certains « hommes de gauche » parlent assez souvent d’un bloc avec les droitiers. C’est par là encore qu’il faut expliquer ce fait curieux qu’une partie des « gauchistes » qui, hier encore, « conduisaient » leur folle offensive et essayaient de collectiviser l’U.R.S.S. en quelque deux ou trois semaines, versent aujourd’hui dans la passivité, laissent tomber les bras et abandonnent bel et bien le champ de lutte aux fauteurs de la déviation de droite, s’orientant ainsi vers un recul véritable (sans guillemets !) devant la classe des koulaks. Le moment actuel a ceci de particulier que la lutte contre les fautes des surenchérisseurs de « gauche » est pour nous la condition et une forme originale de la lutte victorieuse contre l’opportunisme de droite.

   Sixième question. — Comment expliquer le reflux d’une partie des paysans hors des kolkhoz ?

   Réponse. — Le reflux d’une partie des paysans signifie que, ces derniers temps, il était né chez nous un certain nombre de kolkhoz peu solides, qui s’épurent maintenant des éléments instables. Cela signifie que les kolkhoz fictifs vont disparaître, que les kolkhoz solides resteront et se fortifieront. Je pense que c’est là un phénomène parfaitement normal.

   Il est des camarades que cela fait tomber dans le désespoir, dans la panique et qui se cramponnent convulsivement aux pourcentages enflés. D’autres se réjouissent malignement et prophétisent l’« échec » du mouvement de collectivisation agricole. Les uns et les autres se trompent cruellement. Les uns et les autres sont loin de comprendre en marxistes l’essence du mouvement de collectivisation. Ce sont d’abord tous ceux que l’on appelle les âmes mortes, qui s’en vont des kolkhoz. Ce n’est même pas un départ, c’est la constatation d’un vide.

   Avons-nous besoin d’âmes mortes ? Évidemment non. Je pense que les Caucasiens du Nord et les Ukrainiens ont parfaitement raison de dissoudre les kolkhoz peuplés d’âmes mortes, et d’en organiser de vraiment vivants et de vraiment stables. Le mouvement de collectivisation ne peut qu’y gagner.

   En second lieu, ceux qui s’en vont, ce sont les éléments étrangers, franchement hostiles à notre cause. Il est clair que plus vite ces éléments seront mis à la porte, et mieux cela vaudra pour le mouvement de collectivisation. Enfin, ceux qui s’en vont, ce sont les éléments hésitants qu’on ne peut qualifier ni d’éléments étrangers, ni d’âmes mortes. Ce sont ces mêmes paysans que nous n’avons pas encore su convaincre, aujourd’hui, de la justesse de notre cause, mais que nous convaincrons à coup sûr demain.

   Le départ de ces paysans est une perte sérieuse, quoique temporaire, pour le mouvement de collectivisation.

   C’est pourquoi la lutte pour les éléments hésitants des kolkhoz est maintenant l’une des tâches les plus urgentes du mouvement de collectivisation.

   Il s’ensuit que le reflux d’une partie des paysans hors des kolkhoz n’est pas seulement un phénomène négatif. Il s’ensuit que, dans la mesure où ce reflux libère les kolkhoz des âmes mortes et des éléments qui leur sont nettement étrangers, il marque un processus salutaire d’assainissement et de consolidation des kolkhoz. Il y a un mois l’on estimait que nous avions dans les régions à céréales plus de 60 % d’exploitations collectivisées. Il est clair maintenant que si on veut parler des kolkhoz réels et tant soit peu stables, ce chiffre était manifestement exagéré. Si le mouvement de collectivisation agricole se stabilise, après le reflux d’une partie des paysans, au chiffre de 40 % de collectivisation dans les régions à céréales — et ceci est réalisable à coup sûr, — ce sera un succès immense pour le mouvement de collectivisation à l’heure actuelle.

   Je prends la moyenne pour les régions à céréales, sachant bien qu’il existe chez nous des régions de collectivisation intégrale atteignant 80, 90 %. 40 % de collectivisation dans les régions à céréales ; c’est dire qu’au printemps de 1930 nous aurons accompli le double du plan quinquennal initial de collectivisation. Qui osera nier le caractère décisif de cette conquête historique dans le développement socialiste de l’U.R.S.S. ?

   Septième question. — Les paysans hésitants agissent-ils bien en quittant les kolkhoz ?

   Réponse. — Non, ils agissent mal. En quittant les kolkhoz ils vont contre leurs propres intérêts, car seuls les kolkhoz permettent aux paysans de se tirer de la misère et de l’ignorance.

   En quittant les kolkhoz, ils se mettent dans une situation pire, puisqu’ils se privent des facilités et avantages que le pouvoir des Soviets accorde aux kolkhoz. Les erreurs et déformations commises dans les kolkhoz ne sont pas une raison pour les quitter. Les erreurs, il faut les corriger d’un commun effort, en restant dans le kolkhoz. Elles seront d’autant plus faciles à corriger que le pouvoir des Soviets les combattra de toutes ses forces. Lénine dit que :

   Le système de la petite exploitation, en régime de production marchande, ne peut pas affranchir l’humanité de la misère des masses, de leur oppression. (« Les tâches du prolétariat dans notre révolution », t. XX, p. 122, éd. Russe.)

   Lénine dit que :

   « Impossible de sortir de la misère par la petite exploitation.» (« Discours à la Ire conférence de la R.S.F.S.R. sur le travail à la campagne », t. XXIV, p. 540, éd. Russe.)

   Lénine dit que :

   « Si nous nous confinons comme autrefois dans les petites exploitations-fussions, nous citoyens libres sur une terre libre, nous n’en serons pas moins menacés d’une perte certaine. » (« Discours sur la question agraire au Ier congrès des députés paysans de Russie », t. XX, p. 417.)

   Lénine dit que :

   « Ce n’est que par un travail en commun, un travail par artel, par association, que nous pourrons sortir de l’impasse où nous a acculés la guerre impérialiste, » (t. XXIV, p. 537.)

   Lénine dit que :

   « Il est nécessaire de passer à la culture en commun dans les grandes exploitations modèles, sans quoi nous ne nous tirerons pas de la débâcle, de la situation vraiment désespérée où se trouve la Russie, (t. XX, p. 418.)

   Que signifie tout cela ?

   Cela signifie que les kolkhoz sont le seul moyen permettant aux paysans de se tirer de la misère et de l’ignorance.

   Il est clair que les paysans n’agissent pas bien en quittant les kolkhoz.

   Lénine dit que :

   « Vous savez tous évidemment, par toute l’activité du pouvoir des Soviets, quelle importance considérable nous attachons aux communes, aux artels, et, en général, à toutes les organisations qui visent à transformer, à contribuer progressivement à la transformation de la petite économie paysanne individuelle en une économie collective, par association ou par artel. » (« Discours au Ier congrès des communes et artels agricoles » t. XXIV, p. 579.)

   Lénine dit que :

   « Le pouvoir soviétique a donné nettement la préférence aux communes et aux associations qu’il a mises au premier plan. » (La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, t XXIII, p. 399, éd. Russe.)

   Qu’est-ce que cela signifie ?

   Cela signifie que le pouvoir des Soviets accordera aux kolkhoz des facilités et avantages par rapport aux exploitations individuelles. C’est dire qu’il accordera aux kolkhoz des facilités en ce qui concerne la cession de terres, leur approvisionnement en machines, en tracteurs, en blé de semence, etc., et en ce qui concerne les dégrèvements d’impôts et l’octroi de crédits.

   Pourquoi le pouvoir des Soviets accorde-t-il des facilités et avantages aux kolkhoz ?

   Parce que les kolkhoz sont le seul moyen pour affranchir les paysans de la misère.

   Parce qu’aider les kolkhoz est la manière la plus efficace d’aider les paysans pauvres et moyens.

   Ces jours-ci, le pouvoir des Soviets a décidé de libérer de toute imposition, pour deux ans, toutes les bêtes de travail (chevaux, bœufs, etc.) collectivisées dans les kolkhoz, toutes les vaches, les porcs, les moutons et la volaille, aussi bien ceux en la possession collective des kolkhoz que ceux en la possession individuelle des kolkhoziens.

   Le pouvoir des Soviets a décidé en outre d’ajourner jusqu’à la fin de l’année le payement des dettes contractées par les kolkhoziens à titre de crédits, et d’annuler toutes amendes et pénalités imposées, avant le premier avril, aux paysans membres des kolkhoz. Enfin il a décidé d’ouvrir sans faute, dans le courant de l’année, un crédit de 500 millions de roubles à l’intention des kolkhoziens. Ces facilités aideront les paysans-kolkhoziens. Elles aideront ceux des paysans-kolkhoziens qui ont su résister au reflux, qui se sont trempés dans la lutte contre les ennemis des kolkhoz, qui ont su défendre les kolkhoz et garder le grand drapeau du mouvement de collectivisation agricole.

   Ces facilités aideront les kolkhoziens, paysans pauvres et moyens, qui forment maintenant le noyau essentiel de nos kolkhoz, qui consolideront et cristalliseront nos kolkhoz, et gagneront des millions et des millions de paysans au socialisme. Ces facilités aideront les paysans kolkhoziens, qui forment maintenant les cadres essentiels des kolkhoz et méritent pleinement d’être appelés les héros du mouvement de collectivisation. Ces facilités, les paysans sortis des kolkhoz n’en bénéficieront pas. N’est-il pas clair que les paysans commettent une faute en sortant des kolkhoz ?

   N’est-il pas clair qu’ils ne peuvent s’assurer le bénéfice de ces facilités qu’en revenant aux kolkhoz ?

   Huitième question. — Que faire des communes, ne faut-il pas les dissoudre ?

   Réponse. — Non, il ne le faut point, il n’y pas de raison de les dissoudre. Je parle des communes véritables, et non des communes fictives. En U.R.S.S., dans les régions à céréales, existe une série de communes magnifiques, qui méritent d’être encouragées et soutenues. Je veux parler des vieilles communes qui ont résisté aux années d’épreuves et se sont trempées dans la lutte, justifiant ainsi pleinement leur existence.

   En ce qui concerne les nouvelles communes constituées tout récemment, elles ne pourront continuer d’exister que si elles se sont organisées volontairement, avec l’appui actif des paysans et sans que soit imposée à ces paysans la mise en commun de leurs moyens de consommation.

   La formation et la gestion des communes est une chose compliquée, difficile. Les grandes communes stables ne peuvent subsister et se développer que si elles disposent de cadres expérimentés et de dirigeants éprouvés. Le passage brusque du statut de l’artel au statut des communes ne peut que repousser les paysans du mouvement de collectivisation.

   C’est pourquoi il faut traiter cette affaire d’une façon particulièrement sérieuse, et sans aucune précipitation. L’artel est une chose plus facile et plus accessible à la conscience des grandes masses paysannes.

   C’est pourquoi l’artel est, à l’heure présente, la forme la plus répandue du mouvement de collectivisation. Ce n’est qu’au fur et à mesure du renforcement et de la consolidation des artels agricoles que peut se créer un terrain propice au mouvement de masse des paysans vers la commune.

   C’est pourquoi la commune, qui est la forme suprême, ne saurait être que dans l’avenir le chaînon principal du mouvement de collectivisation.

   Neuvième question. — Que faire des koulaks ?

   Réponse. — Jusqu’ici nous n’avons parlé que du paysan moyen. Le paysan moyen est un allié de la classe ouvrière, et notre politique envers lui doit être amicale. Il en va autrement du koulak. Le koulak est l’ennemi du pouvoir des Soviets. Avec lui, il n’y a et il ne peut y avoir de paix pour nous.

   Notre politique à l’égard du koulak est la politique de liquidation de ce dernier comme classe. Cela ne signifie évidemment pas que nous puissions le liquider d’un seul coup. Mais cela signifie que nous mènerons les choses de façon à l’encercler et à le liquider.

   Voici ce que disait Lénine du koulak :

   « Les koulaks sont les exploiteurs les plus féroces, les plus brutaux, les plus sauvages ; ils ont maintes fois rétabli, comme l’atteste l’histoire des autres pays, le pouvoir des grands propriétaires fonciers, des tsars, des popes, des capitalistes. Les koulaks sont plus nombreux que les grands propriétaires fonciers et les capitalistes. Cependant ils sont une minorité dans le peuple… Ces buveurs de sang se sont enrichis de la misère du peuple pendant la guerre, ils ont amassé de l’argent par milliers et par centaines de milliers en faisant monter les prix du blé et des autres produits. Ces scorpions se sont engraissés aux dépens des paysans ruinés par la guerre, aux dépens des ouvriers affamés. Plus l’ouvrier souffrait de la faim dans les villes et les usines, et plus ces sangsues se gorgeaient du sang des travailleurs, plus elles s’enrichissaient. Ces vampires accaparaient et accaparent encore les terres seigneuriales, ils asservissent encore et encore les paysans pauvres. » (« Camarades ouvriers ! Marchons au dernier, au décisif combat ! », t. XXIII, pp. 206-207, éd. Russe.)

   Nous avons toléré ces buveurs de sang, ces scorpions et ces vampires, en appliquant une politique de limitation de leurs tendances exploiteuses.

   Nous les avons tolérés, parce que nous n’avions rien pour remplacer les exploitations des koulaks, la production des koulaks. Maintenant nous avons la possibilité de remplacer avantageusement leur économie par l’économie de nos kolkhoz et de nos sovkhoz. Il n’y a aucune raison maintenant de tolérer plus longtemps ces scorpions et ces buveurs de sang.

   Tolérer plus longtemps ces scorpions et ces buveurs de sang qui mettent le feu aux kolkhoz, qui assassinent les militants kolkhoziens et cherchent à saboter les semailles, c’est aller contre les intérêts des ouvriers et des paysans.

   Aussi la politique de liquidation des koulaks comme classe doit-elle être appliquée avec toute l’insistance et tout l’esprit de suite dont les bolcheviks sont capables.

   Dixième question. — Quelle est la tâche pratique immédiate des kolkhoz ?

   Réponse. — La tâche pratique immédiate des kolkhoz, c’est la lutte pour les semailles, pour l’extension maximum des surfaces ensemencées, pour une bonne organisation des semailles. Toutes les autres tâches des kolkhoz doivent, maintenant, être adaptées à la tâche des semailles.

   Tous les autres travaux des kolkhoz doivent, maintenant, être subordonnés au travail d’organisation des semailles. Cela signifie que la stabilité des kolkhoz et de leur cadre de militants actifs sans-parti, les capacités des dirigeants des kolkhoz et de leur noyau bolchevik seront vérifiées, non sur des résolutions tapageuses et des allocutions grandiloquentes, mais dans les faits, d’après la bonne organisation des semailles.

   Mais pour remplir avec honneur cette tâche pratique, il faut tourner l’attention des militants kolkhoziens vers les questions économiques de l’organisation des kolkhoz, vers les problèmes de leur structure intérieure.

   Jusqu’à ces derniers temps, la course aux chiffres élevés de collectivisation était la préoccupation principale des militants des kolkhoz, et les gens ne voulaient pas voir la différence entre la collectivisation véritable et la collectivisation fictive. Maintenant, il faut briser avec cet engouement pour les chiffres. Maintenant, l’attention des militants doit être concentrée sur la consolidation des kolkhoz, sur leur cristallisation organique, sur l’organisation du travail pratique dans les kolkhoz. Jusqu’à ces derniers temps, l’attention des militants des kolkhoz était concentrée sur l’organisation de grandes unités collectives, sur l’organisation de ce qu’on appelle les « géants », « géants » qui dégénéraient assez souvent en d’encombrants offices bureaucratiques, n’ayant pas de racines économiques dans les bourgs et villages. Le travail de façade absorbait, de la sorte, le travail pratique. Maintenant, il faut briser avec cet engouement pour le travail de façade.

   Maintenant, l’attention des militants doit être aiguillée sur le travail économique et d’organisation des kolkhoz dans les bourgs et villages. Quand ce travail aura porté ses fruits, les « géants » apparaîtront d’eux-mêmes.

   Jusqu’à ces derniers temps, on ne s’est pas suffisamment préoccupé d’attirer les paysans moyens au travail de direction dans les kolkhoz. Or, il existe parmi les paysans moyens des agriculteurs avisés, qui pourraient devenir d’excellents militants agricoles dans l’œuvre de construction des kolkhoz.

   Il faut qu’il soit remédié maintenant à cette insuffisance dans notre travail. Maintenant la tâche est d’attirer au travail de direction, dans les kolkhoz, l’élite des paysans moyens, de les laisser développer leurs facultés dans ce domaine.

   Jusqu’à ces derniers temps, on n’accordait pas suffisamment d’attention au travail parmi les paysannes. La période écoulée a montré que le travail parmi les paysannes était, chez nous, le point le plus faible de notre activité. Maintenant, il faut que cette insuffisance soit liquidée résolument et sans retour. Jusqu’à ces derniers temps, les communistes d’une série de régions s’en tenaient à ce point de vue qu’ils pouvaient résoudre par leurs propres forces tous les problèmes touchant la construction des kolkhoz.

   Partant de ce point de vue, ils n’accordaient pas une attention suffisante à la nécessité d’attirer les sans-parti au travail responsable dans les kolkhoz, d’appeler les sans-parti au travail de direction, d’organiser un large cadre de militants actifs sans-parti. L’histoire de notre Parti a démontré — et la période écoulée de la formation des kolkhoz a montré une fois de plus — qu’une telle position est foncièrement erronée.

   Si les communistes s’enfermaient dans leur coquille, s’ils s’isolaient des sans-parti par un mur, ils compromettraient toute leur entreprise. Si les communistes ont pu se couvrir de gloire dans les batailles pour le socialisme, et si les ennemis du communisme ont été battus, c’est, entre autres, parce que les communistes ont su intéresser au travail l’élite des sans-parti ; parce qu’ils ont su puiser des forces parmi les larges couches de sans-parti ; parce qu’ils ont su entourer leur Parti d’un large cadre de militants actifs sans-parti. Maintenant, ce défaut de notre travail parmi les sans-parti doit être supprimé résolument et sans retour. Corriger ces insuffisances de notre travail, les liquider à fond, c’est précisément orienter dans la bonne voie le travail économique des kolkhoz.

   Ainsi :

   1. Bien organiser les semailles, telle est la tâche.

   2. Concentrer l’attention sur les problèmes économiques du mouvement de collectivisation, tel est le moyen pour résoudre cette tâche.

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