Coup pour Coup

Coup pour Coup

Gauche Prolétarienne

[Supplément à la Cause du Peuple n°20]

   « La tâche centrale et la forme suprême de la Révolution, c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. »
MAO TSE-TOUNG

I. Guerre ou paix ?

   Nous ne cachons pas que nous sommes résolument opposés aux syndicats.

   Comme les mineurs du Limbourg saccageant les maisons syndicales aux cris de « Syndicats bandits » ; comme les mineurs de Suède, du Danemark rejetant leurs soi-disant délégués, comme les ouvriers de la Fiat imposant dans leur lutte le mot d’ordre : « Nous sommes tous des délégués ».

   Et si dans l’Europe de la paix, des contrats, et de la prospérité capitalistes, les ouvriers commencent à lutter sans demander l’autorisation syndicale, c’est que dans l’occident décadent, une idée neuve se répand comme la foudre : à bas la paix sociale ; il faut de nouvelles formes de combat, il faut en finir avec la pratique actuelle des syndicats.

   D’un côté ceux qui déclarent la guerre à l’ordre social bourgeois ; de l’autre, ceux qui veulent organiser coûte que coûte la paix sociale.

   Les gouvernants les plus lucides disent ouvertement qu’ils veulent encourager le syndicalisme pour avoir un pouvoir « compensateur » dans les usines.

Que dit Chaban à la télé ?

   « Mon pari, c’est… l’existence et le développement de syndicats suffisamment représentatifs pour s’engager, et désireux de le faire contractuellement, en se consacrant à la défense des intérêts professionnels. »

   Dans les grandes entreprises, il est vital pour les capitalistes de prévoir les mouvements sociaux et de les prévenir ; pour atteindre cet objectif, un partage entre le pouvoir patronal et le pouvoir syndical est nécessaire : patrons et syndicats s’engagent par des contrats de progrès comme à l’EDF ou des accords comme à Berliet à respecter ensemble certaines limites.

   Quand c’est possible on rogne, sans trop en avoir l’air, le droit de grève. Cela permet à la direction de l’entreprise de prévoir et de calculer le prix « de la lutte de classes ».

   C’est arrivé à un tel point qu’en Allemagne par exemple, des actions industrielles sont bien cotées en Bourse quand l’entreprise concernée possède de « puissants syndicats ».

   Mais la paix sociale c’est une paix dans l’esclavage ; c’est comme quand on reçoit une gifle et qu’en tend l’autre joue.

   Accepter cette paix, c’est subir le terrorisme patronal sans réagir :

– accepter des normes et des cadences inhumaines en disant amen et « c’est la technique qui le veut » ;
– accepter des assassinats déguisés en accidents de travail en disant amen, « c’est la fatalité qui le veut ».

   C’est : accepter d’être ravalé au rang de marchandise. Nous refusons, nous ne tendrons plus l’autre joue, nous ferons la guerre, judicieusement mais totalement jusqu’à la victoire : jusqu’au moment où nous imposerons la paix, la vraie, la paix dans la liberté.

   A ce moment les terroristes, ceux qui tuent les ouvriers et martyrisent les familles pauvres, ceux qui auront survécu, seront à la chaîne : le travail productif à la longue leur donnera des idées plus justes.

II. Résister ou capituler

   Quand on est agressé on peut soit résister, soit s’abstenir, quitte à chercher quelques moyens de pression pour dissuader l’agresseur.

   Mais l’expérience montre que la bonne dissuasion c’est la résistance.

   Quand dans un atelier les cadences sont augmentées, on peut soit les saboter EN TRAVAILLANT MOINS, en réduisant la production, soit faire pression par une pétition à la direction pour qu’elle consente à ne pas trop nous demander ; mais si elle a augmenté les cadences c’est parce qu’elle veut nous demander trop ; donc pas la peine de faire pression, résistons.

   Un chef salaud nous traite comme des moins que rien ; va-t-on faire pression sur son supérieur pour que ça cesse ? au mieux on le mutera, et il emmerdera dans un autre atelier les ouvriers.

   Non, tant qu’on ne lui aura pas rabattu la grande gueule proprement, il ne changera pas sa manière de faire. Donc pas de pression, la résistance !

   Un ouvrier est assassiné dans un chantier ou au fond de la mine.

   Qu’est-ce qu’on fait ?

   On attend que le ministre de l’Industrie grâce à nos pressions fasse une enquête ?

   On voit ce que ça donne à la raffinerie de Feyzin : ce ne sont pas les vrais criminels de la haute qui passeront en justice.

   Et la direction des Charbonnages passera-t-elle aux assises ?

   Comme nous sommes réalistes, nous savons que non. Alors on laisse faire ?

   Non, on résiste : on sabote l’outil de production sur le chantier ou on avertit par des moyens frappants la direction des Charbonnages qu’il faudra faire attention : que si elle croit à la fatalité du coup de grisou qui tue, pas nous.

   On résiste.

   Il y a toujours sur chaque aspect de la vie de l’exploité deux voies : résister ou capituler.

   La capitulation camouflée : c’est « faire pression ». Pétain aussi, sous l’occupation allemande, faisait pression sur les autorités allemandes.

   Or cette tendance remonte très loin : au début du siècle un chef syndicaliste, Griffuelhes disait « faire pression c’est l’objet du mouvement syndical ».

   C’est cette pratique syndicaliste-là que nous refusons. A la même époque à peu près les militants ouvriers les plus audacieux ne l’entendaient pas de cette oreille.

   Quand après une grande grève des postiers, on licencia par centaines, des groupes révolutionnaires de partisans s’organisèrent pour saboter à grande échelle les fils télégraphiques : sabotage par représailles jusqu’à la réintégration des licenciés.

   Résistance et non pas pression.

   Chaque ouvrier pris individuellement sait bien qu’il y a deux attitudes : la révolte ou l’acceptation.

   Mais individuellement on n’arrive à rien, il faut transformer la révolte individuelle, la haine personnelle de l’ouvrier en une révolte collective, en une haine de classe.

   Notre point de vue c’est qu’il faut systématiser ces idées de la révolte et de la résistance et non pas les idées de l’acceptation, de la servilité.

   Le syndicalisme qui, lui, « fait pression », systématise non la révolte mais la servilité.

   De par sa situation même d’exploité, le prolétaire a l’instinct de la résistance.

   Dans sa tête des tas d’idées se forment pour en finir avec l’insupportable.

   Il invente des ruses de guerre, il pense à casser la gueule à un chef, à séquestrer le patron, à saboter l’organisation du travail, en désorganisant la production voulue par le patron, à saboter l’outil de production de telle manière à frapper le patron (dans son portefeuille) et non le consommateur éventuel.

   Notre travail c’est de nous appuyer sur ces ruses pour faire de l’usine-bagne un terrain bourré d’embûches pour le patron.

   Les syndicalistes disent qu’ils veulent faire une pression constante sur la direction ; nous, nous la harcèlerons sans interruption.

   Sur tous les aspects de l’exploitation et de l’asservissement. Nous donnons des coups au patron qui lui fassent perdre du fric ou qui lui fassent perdre son arrogance.

   Les groupes qui s’édifient dans cette pratique sont des groupes de résistance non des groupes de pression. Ils imposent leur loi à l’oppresseur, ils ne plient pas devant la loi du patron.

III. Protection légale ou protection des masses

   Ça n’est pas légal de casser la gueule collectivement à un chef ou de saboter les cadences.

   Les groupes de résistants forcément se mettent hors de la loi des patrons.

   C’est normal, la loi n’est pas faite pour le pauvre, mais pour les patrons.

   Résister c’est donc faire une chose illégale. De tous temps les oppresseurs ont inversé les rôles, ils appelaient terroristes les résistants et hommes respectueux de la loi les profiteurs et les assassins.

   Le colonel Fabien, héros de la résistance, était un terroriste et le commandant SS et le milicien fasciste l’autorité légale.

   Qui est le terroriste ? Celui qui assassine le mineur ou celui qui résiste aux assassinats et venge les mineurs ?

   Il y a deux morales.

   Quand Dassault tue, c’est pour le développement de l’aéronautique et de notre commerce extérieur ; quand un ouvrier résiste c’est un voyou.

   C’est clair : on ne se laissera pas ligoter par cette loi.

   Les syndicalistes, eux, estiment que le sommet du progrès c’est qu’ils sont reconnus légalement.

   Passe encore : ça pourrait être une victoire de se faire reconnaître par la loi.

   Mais si ça signifie : s’en tenir à la loi, ne rien faire qui risque de remettre en question cette légalité, à quoi ça conduit ? à accepter la loi du patron, à FAIRE RESPECTER LA LOI DU PATRON.

   On devient un bon policier : le syndicalisme c’est devenu la police syndicale.

   Il y a très souvent des militants ouvriers honnêtes, ils sont légion, qui sont des délégués, avec leur mandat légal de délégué, les heures où ils peuvent faire légalement leur travail syndical.

   En apparence c’est une aubaine, et il faudrait tout faire pour avoir cette aubaine, entrer au syndicat, se faire élire délégué.

   En réalité c’est tout différent. La liberté accordée par le patron c’est une liberté surveillée.

   Dès qu’on ne fait plus du syndicalisme, qu’on ne fait plus « légalement de la pression », on vous enlève cette liberté et même votre droit au travail, bref on licencie le délégué qui fait un travail qui ne respecte pas la loi du patron, un délégué qui organise la résistance ouvrière.

   Le seul résultat qu’aura obtenu le bon délégué, c’est d’avoir semé des illusions dans la masse sur les possibilités légales de combat, d’avoir renforcé la peur du gendarme, d’avoir ajourné le moment de la résistance organisée.

   Plus vite et plus profondément on extirpera cette peur de la loi du patron, cette peur du gendarme, mieux cela ira pour organiser la résistance victorieuse à l’oppression.

   Il faut se pénétrer de cette évidence : pour les ouvriers il n’y a pas de « protection légale ».

   Pour les militants ouvriers, les plus conscients et les plus résolus parmi les ouvriers, encore moins : leur seule protection c’est celle que leur offrent les masses qui les soutiennent.

   Le partisan qui frappera les assassins des mineurs sait que dans les corons la masse des mineurs le protégera.

   Nous ne prenons pas la carte syndicale et nous ne briguons plus les mandats syndicaux parce que pour nous la tâche de l’heure c’est d’aider les masses à rejeter la loi des patrons, à opposer leur volonté collective de résistance au terrorisme patronal.

IV. Unir ou diviser

   Pour que la résistance soit capable de vaincre l’oppression, il faut l’union.

   Il faut unir tous ceux qui peuvent être unis : l’ouvrier et l’ouvrier ; l’ouvrier et sa femme, l’ouvrier et son enfant, l’ouvrier et l’étudiant, l’ouvrier et le petit paysan, le petit commerçant.

   Unir l’ouvrier et l’ouvrier, c’est unir l’ouvrier d’origine française et l’ouvrier immigré.

   Que font les syndicalistes ? ils divisent l’ouvrier français et l’ouvrier immigré : il n’y a pas beaucoup d’ouvriers immigrés dans les syndicats, c’est qu’ils sont en marge de la loi des patrons ; la preuve c’est qu’ils ne participent pas aux élections.

   Les syndicalistes et leurs frères de classes les petits seigneurs de banlieue, ils font ce qu’ils ont fait à Argenteuil ou à Ivry ou à Aubervilliers, ils se rendent complices des patrons et du gouvernement : on rase les bidonvilles mais en ne reloge pas ; les logements c’est en priorité pour les permanents dans les HLM.

   Unir l’ouvrier et l’ouvrier, c’est rejeter la hiérarchie patronale, les salaires et les catégories différentes pour un même travail.

   Que font les syndicalistes ? ils soutiennent cette hiérarchie (même en mettant les formes) ; ils divisent.

   Ils unissent ce qui doit être en lutte : l’ouvrier et l’ingénieur-flic mais ils divisent ce qui doit être uni : l’ouvrier et l’ouvrier : l’OS et l’OS, l’OS et l’OP…

   L’ingénieur-flic parce qu’il reçoit lui aussi « un salaire » serait logé à la même enseigne que l’ouvrier et il devrait être uni à lui ; mais deux ouvriers qui font le même travail (et un travail productif, pas un travail de flic dans l’usine) ne devraient pas avoir le même salaire.

   Cette logique de bandit c’est la logique même des patrons : la logique « diviser pour régner » « faire semblant d’unir pour enchaîner ».

   Unir l’ouvrier et sa femme, c’est unir par exemple la lutte d’usine et la lutte contre les loyers, la vie chère.

   Que font les syndicalistes ?

   Ils divisent : le syndicat d’usine fait pression dans l’usine et l’union des femmes françaises fait pression dans la cité.

   Unir l’ouvrier et l’étudiant, c’est détruire les murs des facultés pour que par exemple l’étudiant et l’ouvrier mènent un combat commun contre un patron despote.

   Que font les syndicalistes ?

   Ils divisent : l’étudiant doit étudier et dans son syndicat faire pression pour avoir de meilleures études ; et l’ouvrier doit travailler et dans son syndicat faire pression pour mieux travailler.

   C’est accepter la division entre ceux qui triment et ceux qui « pensent », c’est la logique des bandits, des patrons.

   C’est clair : le syndicalisme divise le peuple, la résistance unifie le peuple pour vaincre l’oppression, comme nous le verrons dans le prochain article.

V. Coup pour Coup

   Pourquoi nous nous opposons au syndicalisme ?

   Parce qu’il fait la paix quand il faudrait faire la guerre.

   Parce qu’il capitule quand il faudrait résister ; qu’il fait pression quand il faudrait frapper.

   Parce qu’il accepte la loi des patrons quand il ne faudrait reconnaître que la légalité des masses combattant pour une cause juste : celle de l’émancipation.

   Parce qu’il divise quand il faudrait unir.

   Le syndicalisme, à notre époque, accepte la division du travail imposée par le patron ; et dans ce cadre il prétend défendre les intérêts professionnels des couches sociales divisées par le capitalisme.

   A la place des héroïques syndicalistes du passé, des prolétariens de la CGTU, des premiers partisans de la lutte contre l’envahisseur, aujourd’hui on trouve des bureaucrates embourgeoisés.

   Le syndicalisme, aujourd’hui, c’est les lendemains qui ne chanteront jamais.

   La résistance, elle, prend pour devise : COUP POUR COUP ; UNIS NOUS VAINCRONS.

C’est l’heure des Partisans

I. Contre les terroristes

   Ce que nous voulons d’abord, c’est le pouvoir. Avec le pouvoir, on peut tout ; sans pouvoir, on ne peut rien.

   Pour transformer le monde, il faut prendre le pouvoir.

   1906, 1920, 1936, 1947, 1968 : à chaque fois dans une explosion de colère et de ressentiment, le prolétariat se lève, entame la grève générale mais comme il ne prend pas le pouvoir, rien ne change vraiment ; les forces de répression reprennent peu à peu le dessus.

   Il faut recommencer.

   De la même manière ?

   Ce serait ne jamais arriver au but.

   Non, nous ne voulons pas répéter mai 68.

   Mai 68 a changé quelque chose en France : on ne croit plus à la paix entre exploiteurs et exploités. Voilà la grande conquête de mai, que nous sommes les plus acharnés à consolider.

   Mais ce que nous voulons c’est continuer mai : mai a brisé la paix sociale ; après mai organisons la guerre sociale !

   Au peuple qui veut cette guerre libératrice, il faut donner confiance.

   Le capital infecte toute la société depuis longtemps ; des assauts prolétariens répétés ne sont pas venus à bout de sa puissance.

   Tout cela donne une impression de force : on a tellement prédit la chute du régime bourgeois qu’on n’y croit plus.

   Et même certains s’habituent un peu.

   Ils finissent par se convaincre que ce n’est pas si mal après tout : il y a du pain pour tout le monde ou à peu près ; il y a la télé, la démocratie.

   Il faut liquider la force de ces mensonges qui trompent aussi des gens du peuple. Notre objectif immédiat c’est que la vérité s’impose dans les esprits, libère les esprits.

   Dans la tête de chaque exploité il y a deux idées fondamentales : d’un côté la volonté de se battre, de l’autre la peur de l’avenir.

   D’où vient cette peur ? Du climat de terreur entretenu par les bourgeois.

   Ceux-ci occupent toutes les positions dans la société et les défendent à n’importe quel prix.

   Ils dirigent les écoles et ils y sèment la peur : peur de se révolter, peur du chef, peur de perdre son emploi, peur du CRS qu’on peut appeler d’un moment à l’autre.

   Ils dirigent les écoles et y sèment la crainte et la soumission.

   Ils dirigent tout : la cité, l’usine, l’école, la rue.

   Ils décident tout : notre vie, notre niveau de vie, notre mort.

   Car ils n’hésitent pas à tuer, sur un chantier, une chaîne ou au fond de la mine.

   Ces monstres avancent masqués : quand ils assassinent, c’est un accident du travail ; quand ils affament c’est une loi économique, quand ils matraquent et torturent dans leurs commissariats, c’est que nous sommes des voyous.

   Démasquer les monstres, combattre cette poignée de profiteurs qui sèment la terreur, saper l’autorité de leur classe, voilà l’objectif immédiat.

   C’est cela donner aujourd’hui confiance au peuple.

   On a raison de se révolter contre les terroristes au pouvoir, voilà la vérité qui vaincra.

II. Dans l’usine debout partisans !

   Ce qui est décisif pour lutter contre ces terroristes c’est de se battre là où ils ont la base de leur pouvoir : l’usine.

   Dans l’usine comment va-t-on démasquer les monstres ? Suffit-il de distribuer un tract lorsqu’un patron déguise un assassinat d’ouvrier en « accident du travail » ?

   Non, il faut riposter à l’assassinat violemment, par exemple comme aux chantiers de Dunkerque, saboter une grue pour démasquer le capital.

   Dans une petite usine des ouvriers ont peint au mercurochrome un patron et lui ont foutu dessus une pancarte : « je paie mes ouvriers 600 F » ; c’est de cette manière qu’on démasque les affameurs et non pas en faisant des tracts recto verso avec plein de chiffres et de pourcentages qui passent au-dessus de la tête.

   C’est donc en frappant le monstre que quelque chose change : on apprend à voir clair, on commence à avoir confiance, on relève la tête.

   Quand les nazis et les collabos faisaient la loi en France, que fallait-il faire pour armer le peuple contre les terroristes ?

   Frapper, comme les premiers résistants, les partisans, l’officier nazi.

   Voilà pourquoi nous disons : « si tu ne frappes pas le patron, rien ne change ».

   Donc, pour donner confiance à la masse, il faut frapper l’ennemi.

   Ce principe guide notre travail dans l’usine.

   Frapper le patron, c’est cristalliser la révolte ouvrière ; c’est prendre appui sur l’instinct de résistance de l’ouvrier pour passer à l’offensive.

   La cible que l’on vise, c’est celle qui concentre la haine de classe de la masse des ouvriers.

   On ne frappe pas n’importe quand n’importe où.

   Au moment où la révolte collective des ouvriers dans un atelier prend corps, on frappe.

   A l’endroit visé par cette révolte on frappe. C’est cela que nous appelons « riposter du tac au tac » à chaque exaction patronale.

   Frapper le chef-flic qui emm… tous les ouvriers un par un, c’est permettre de transformer la révolte individuelle de chaque ouvrier en révolte collective, en pratique révolutionnaire.

   Notre pratique, ce n’est pas de temps en temps, quand l’occasion se présente, de frapper un coup ici un coup là et le reste du temps on ne fait rien.

   Notre pratique, c’est de rendre la révolte individuelle de chaque ouvrier non seulement collective mais aussi continue.

   D’installer la guerre de manière permanente dans les ateliers.

   Contre les cadences, contre le système de rémunération (les salaires meurt-de-faim, les différences de salaires arbitraires, les primes antigrèves), contre toutes les conditions qui font du travail un esclavage, contre les accidents-assassinats. L’exploitation est continue, la révolte aussi.

   Il faut saboter sans trêve le despotisme patronal. Il faut dans chaque atelier que les coups partent, que l’agitation reste, qu’une force ouvrière organisée naisse.

   Coup pour coup : les cadences on les brise, les chefs on les mate, et si c’est le patron, on peut le séquestrer ; on travaille trop pour un salaire insuffisant, travaillons moins jusqu’à ce qu’on nous paie plus. Voilà des exemples simples de coups qui partent pour riposter à une saloperie patronale.

   Ces exemples sont tirés de la vie : « La Cause du Peuple » les expose régulièrement.

   Le principe est simple : tant que l’usine n’est pas à nous elle est au patron, on a le droit de saboter l’organisation patronale du travail.

   L’agitation reste.

   Est-ce compliqué ?

   Non ; il suffit de faire des tracts simples qui visent chaque fois au bon endroit, des affichettes qu’on peut coller n’importe où ; et pour coller ou diffuser il faut ruser, c’est bien, ça fait partie de la guerre : on manifeste d’un atelier à l’autre ou bien dès que le chef tourne le dos on en profite et s’il ne tourne jamais le dos alors il faudra le mettre le dos au mur pour qu’il comprenne et pour qu’on puisse coller, diffuser.

   Ce n’est pas compliqué il faut être audacieux et toujours liés aux gars tout autour.

   Enfin, il faut qu’une force organisée naisse.

   Ce n’est pas non plus très compliqué.

   Il y a les gars qui sont d’accord avec les tracts avec les affichettes, qui sont prêts à faire de même ; il faut leur faire faire.

   Quand il faut frapper fort et sec par exemple : barbouiller la voiture d’un chef crapule, ou lui casser la gu… pour qu’il comprenne, ou bien organiser une baisse de la production pour casser les cadences, on discute et on agit ensemble.

   Pour discuter il faut se saisir de toutes les occasions (un moment de grève, le vestiaire, le bistrot, la cité).

   Ça sert à quoi de discuter ? A s’entendre sur l’objectif d’action immédiat dans l’atelier mais aussi sur l’avenir : on discute à partir des autres expériences de lutte de ce qu’il faut faire, on s’unifie sur les voies pour abattre le régime des patrons. C’est de cette manière qu’on commence à s’organiser.

   Et ce n’est pas compliqué.

   Résumons-nous : que faut-il faire dans l’atelier ? Une sorte de guérilla incessante.

   En on mène le travail de propagande politique en poursuivant cette lutte de guérilla.

   C’est par cette méthode uniquement que les masses les plus larges apprennent à ne plus respecter la loi du patron.

   Au début, ce sont des petits groupes de partisans qui, s’appuyant sur la résistance des masses, frappent ; au fil de la lutte des masses les plus nombreuses entrent dans la guerre : d’un atelier à l’autre, contre tous les aspects du terrorisme patronal.

III. Partisans au service du peuple

   La révolte ne s’arrête pas aux portes de l’usine.

   Les transports bétaillères (et en plus ça augmente), les logements infects, les impôts, tous ces aspects, ça concerne les travailleurs et les partisans comme les cadences dans les usines.

   Notre résistance, c’est une résistance à toute l’organisation sociale actuelle.

   En s’appuyant sur les masses dans les usines, les partisans ouvriers n’hésitent pas à mener des campagnes à l’extérieur des murs de l’usine.

   Prenons l’exemple de Renault-Billancourt : les partisans dans les ateliers ont préparé les esprits à ne pas tolérer une nouvelle augmentation des transports.

   Après qu’est-ce qu’ils font ? une pétition comme la C.G.T. ?

   C’est tromper les ouvriers, anéantir leur résistance. Ils s’organisent pour imposer le passage gratuit dans le métro. Que faut-il pour atteindre cet objectif ?

   De l’audace et être liés aux gars : tout le monde est contre, premier point ; tout le monde est averti que ça ne passera pas cette augmentation, deuxième point.

   Voilà comment on est liés aux gars pour préparer l’action ; puis on sort de l’usine en manifestation avec des mots d’ordre qui reflètent les aspirations ouvrières : « Vie chère, vie d’esclave, assez ».

   Et on passe sans payer avec des chants prolétariens pour remuer le sous-sol.

   Qui peut nous en empêcher ?

   La maffia du métro ? Les flics en civil ? Les flics en uniforme ? Il y a dans les ateliers tout ce qu’il faut comme instruments pour leur en ôter l’envie.

   S’ils nous barrent le chemin, tant pis pour eux.

   Et tous les jours depuis un mois les ouvriers de plus en plus nombreux d’une équipe passent sans payer.

   En même temps un groupe de partisans s’emparent de stocks de tickets à la station Passy : c’est distribué en masse et dans la joie populaire à tous les ouvriers.
Voilà comment on résiste à la hausse.

   Et tous les ouvriers comprennent le message : il signifie : on peut résister, on peut gagner.

   Et la résistance partout est encouragée.

   Si les prix de la cantine augmentent on résistera aux nouveaux bourgeois du Comité d’Entreprise comme aux vieilles raclures patronales.

   Ces campagnes contre les transports ou les impôts menés à l’extérieur de l’usine renforcent la résistance et les groupes de partisans à l’intérieur de l’usine ; ces campagnes font partie intégrante de notre pratique de partisans dans les usines.

   De plus elles permettent de briser les murs de l’usine.

   Les transports ou les impôts ça ne concerne pas que l’ouvrier, ça lie l’ouvrier aux petites gens.

   Et quand on résiste à la hausse des loyers comme dans les grosses cités (La Duchère à Lyon par exemple), quand on résiste dans les HLM Renault, ça unit l’ouvrier et sa femme et même les enfants.

   Si les partisans de l’usine, de la Régie par exemple, aident les habitants des HLM Renault à résister ; si au cours de leur résistance les habitants frappent le même patron et par exemple manifestent à l’intérieur de l’usine contre le patron ; il n’y aura pas d’un côté l’ouvrier et de l’autre le reste de la population laborieuse, d’un côté l’usine de l’autre côté la ville-usine.

   L’ouvrier et l’ouvrier, l’ouvrier et sa femme seront unis, dans la résistance.

   Quand les partisans frappent, en sortant de l’usine, les gérants criminels dans les foyers ou croupissent leurs frères étrangers, alors l’unité entre l’ouvrier français et l’ouvrier immigré se forge.

   Le petit paysan qui veut vivre, résiste à la ruine, à la mort.

   Que fait-on ?

   Des réunions entre pontes syndicaux des différentes « professions » ?

   Non, on fait comme à Nantes ; les partisans ouvriers qui, régulièrement, vont dans les fermes pour discuter avec les petits paysans sont avec eux quand il faut séquestrer Guichard.

   Toutes les couches populaires frappent à l’heure actuelle en ordre dispersé l’Etat monopoliste répressif.

   Aux partisans ouvriers de prendre l’affaire du peuple en mains.

   On fait comme dans un atelier. On y va, on discute, on participe à l’action de partisans en donnant son avis parce que parfois on peut ne pas être d’accord avec telles formes d’action non prolétariennes du petit commerçant.

   Voilà comment on forge les combattants, on forge la masse populaire.

   Voilà comment les partisans se mettent au service du peuple.

   Quand les partisans vengent un ouvrier assassiné, ils préparent leur dictature sur les oppresseurs ; quand ils distribuent gratuitement des tickets pris à l’ennemi ils préparent la démocratie : dans une démocratie authentiquement populaire, les transports seront gratuits.

   Les partisans fraient la voie de la liberté.

IV. Action de partisans, action de masse

   Nos ennemis au sein du peuple, les collabos, ont sorti de la poubelle une très vieille insulte : nous serions des fanatiques du commando, et on s’en foutrait de l’action de masse.

   Les collabos n’ont rien inventé, ils en sont d’ailleurs incapables : ils ont la pensée de leurs maîtres les patrons et cette pensée est aujourd’hui très pauvre.

   Déjà en 1940-1941, des liquidateurs au sein du Parti Communiste attaquaient les premiers francs-tireurs et partisans avec cet argument :

   « nous communistes – disaient ces trouillards – nous sommes contre l’action individuelle et pour l’action de masse ».

   En fait, ce qu’ils voulaient dire, c’est : « nous liquidateurs, nous sommes pour la capitulation et contre la résistance ».

   Si on avait écouté les liquidateurs il n’y aurait jamais eu la levée en masse du peuple contre l’occupant. Comme hier, aujourd’hui nous nous éloignerons des traîtres et des liquidateurs.

   Toutes nos actions de partisans partent des masses, toutes les actions de partisans visent la mobilisation des masses.

   Quand un groupe de partisans dans un atelier sabotent les cadences, dans un autre atelier se lève spontanément un autre groupe pour saboter. N’est-ce pas une action qui mobilise les masses ?

   Quand de jour en jour les ouvriers sont plus nombreux à passer dans le métro sans payer, n’est-ce pas une mobilisation des masses ?

   Quand au début c’est un petit groupe qui a séquestré pendant un quart d’heure le chef et que dans une deuxième étape c’est comme à Usinor des centaines d’ouvriers venus de tous les ateliers qui séquestrent les grands chefs, n’est-ce pas une mobilisation des masses ?

   Progressivement les actions de partisans ont un caractère de masse de plus en plus accentué ; dès la première action les partisans ont partis des masses pour frapper au fur et à mesure de la mobilisation de type partisan.

   Et, un jour, des usines entières soulevées seront protégées par les partisans contre l’armée des oppresseurs.

   Ce que cache « l’argument » des liquidateurs c’est l’esprit de capitulation : quand ils parlent d’action de masse c’est de l’inaction de masses syndicales qu’ils parlent : les débrayages bidons les occupations bureaucratiques ou en masse les ouvriers sont chez eux dispersés pendant qu’un petit groupe reste dans l’usine pour la belote.

   Nous sommes, c’est vrai contre l’inaction de masse, pour les actions de partisans.

   Parce que les actions de partisans partent de l’instinct de résistance prolétarienne et permettent la mobilisation progressive des masses les plus larges.

V. Pour que les masses s’arment

   Pour donner confiance au peuple, il faut démasquer les terroristes.

   Pour ôter le masque aux monstres, il faut les frapper.

   Pour frapper, il faut s’organiser en partisans, il faut que les partisans unissent l’ouvrier à l’ouvrier, l’ouvrier au peuple.

   Pour former la grande puissance populaire, pour former une muraille indestructible, il faut qu’à travers les combats de partisans, des masses plus en plus larges participent à la résistance.

   Alors la majorité du peuple comprendra par sa propre expérience qu’il faut en finir avec cet ordre social, que c’est possible, qu’il faut seulement opposer à l’armée blanche des terroristes, l’armée des CRS et des tortionnaires, l’armée rouge du peuple.

   Alors, la vérité selon laquelle « le pouvoir est au bout du fusil », cette vérité vaincra.

Construire le Parti de la Nouvelle Résistance

   Coup pour Coup !

   Pourquoi nous nous opposons au syndicalisme ?

   Parce qu’il fait la paix quand il faudrait faire la guerre.

   Parce qu’il capitule quand il faudrait résister ; qu’il fait pression quand il faudrait frapper.

   Parce qu’il accepte la loi des patrons quand il ne faudrait reconnaître que la légalité des masses combattant pour une cause juste : celle de l’émancipation.

   Parce qu’il divise quand il faudrait unir.

   Le syndicalisme, à notre époque, accepte la division du travail imposée par le patron ; et dans ce cadre il prétend défendre les intérêts professionnels des couches sociales divisées par le capitalisme.

   Le syndicalisme, aujourd’hui, c’est les lendemains qui ne chanteront jamais.

   La résistance, elle, prend pour devise : COUP POUR COUP; UNIS NOUS VAINCRONS.

I. La Nouvelle Résistance

   Le pouvoir sera contraint de tenir pour « hors-la-loi » des centaines de milliers d’ouvriers, étudiants, agriculteurs et commerçants.

   De plus en plus nombreux, sont ceux qui refusent la loi des patrons.

   Contre l’Etat monopoliste répressif, se lèvent, vague après vague, les différentes couches populaires.

   Les étudiants bloquent l’Université, parce qu’ils veulent un autre avenir dans lequel seront construits des rapports entièrement nouveaux entre le travail et la culture, entre les travailleurs et les intellectuels.

   Les paysans et les commerçants bloquent les routes, la circulation des hauts fonctionnaires et des ministres, la collecte de l’impôt, parce qu’ils refusent de mourir au profit d’une minorité.

   Et les ouvriers, en première ligne, bloquent l’organisation du travail et de la production patronale : ils n’hésitent pas à bloquer l’effort de productivité du patron en sabotant les cadences, à paralyser l’appareil répressif dans l’usine en résistant aux gardes-chiourmes de la direction.

   Pourquoi cette audace ? parce qu’ils jugent possible de se libérer, qu’ils ne considèrent pas comme un droit mais un vol le profit patronal, et qu’ils estiment le moment venu de se battre pour que le pouvoir de diriger revienne aux travailleurs, et que cesse l’exploitation et l’oppression.

   Cette tendance du développement social est claire, confirmée par les faits tous les jours : dans chaque fraction du peuple, les éléments les plus résolus, rejetant la loi de l’oppression, entrent en action et parlent au nom de tous.

   Pendant la dernière guerre, ceux qui résistaient étaient une « minorité » d’abord, mais ils parlaient au nom de tous ceux qui refusaient la capitulation, c’est-à-dire de l’écrasante majorité.

   Il faut avoir l’intelligence d’un policier pour nier que les récentes actions des petits commerçants reflètent l’aspiration de la masse ou bien pour nier que les séquestrations de patron à Usinor et ailleurs soient profondément populaires et approuvées par la majorité réelle des ouvriers.

   Et il faut avoir la même intelligence pour ne pas voir à travers toutes ces actions dispersées dans le peuple leur trait commun ; la résistance à l’oppression.

   La « nouvelle résistance » commencée en mai 68 ; ce n’est donc pas un mot d’ordre qui tombe du ciel ; il est né sur la terre, du sein des masses.

   Et, c’est vrai, cette nouvelle résistance renoue avec la résistance populaire armée contre l’envahisseur et ses collaborateurs de 1940 à 1945.

   « II y a dans ce pays un bruit de bottes et c’est insupportable ».

   Cette phrase a été prononcée au procès de Nicoud et elle est juste.

   Le pouvoir bourgeois menacé se conduit comme un occupant: pour que rien ne soit laissé à l’initiative de masses, tout doit être occupé, télé est la logique actuelle du pouvoir bourgeois.

   La volonté de résister à l’oppression, à cette occupation de notre vie, d’unir le peuple dans la résistance, d’armer
le peuple pour la Résistance, le combat de parti sans pour que s’édifie cette armée de la Résistance, voilà ce qui est fondamentalement commun aux deux époques.

   S’appuyer sur l’expérience des francs-tireurs, unir les anciens résistants prolétariens et tous les jeunes issus de la nouvelle résistance de mai, ce sont là des objectifs concrets et corrects.

   Mais des imbéciles voudraient nous faire dire ce que ne disons pas : nous ne disons pas que nous voulons répéter
l’ancienne Résistance, tout simplement parce que la situation n’est pas la même, que les forces sociales en présence sont différentes ; nous ne disons pas non plus que nous nous appuyons sans réserve sur ce qu’a été la Résistance de 40 en
45 : la capitulation des dirigeants du P. »C. »F. face aux gaullistes des bureaux de Londres, l’opportunisme qui les a conduits à voler au peuple ses armes à la Libération, toute cette tradition est pour nous comme le sang vicié que nous rejetons.

   Cette tradition a conduit à l’alliance entre gaullistes et révisionnistes qui débouche sur Grenelle.

   Nous nous réclamons des francs-tireurs qui, dans les masses, faisaient de la propagande tout en poursuivant la guérilla.

   Nous voulons continuer le combat du colonel Fabien et non celui de Maurice Thorez.

   Et nous le continuons dans des conditions entièrement nouvelles.

   Dans le monde entier, la contestation de l’ordre social se répand et elle n’épargne plus le repaire des exploiteurs : l’Occident.

   A travers la révolte, une pensée nouvelle s’impose contre l’ancien, les vieux mythes, les vieilles idées, par exemple en France les vieilles idées syndicalistes.

   Systématiser cette pensée, unifier la révolte, organiser la résistance, voilà ce qu’il nous faut faire. Construire le Parti de la nouvelle résistance voilà ce qu’il faut faire.

II. Quel parti ?

   Il faut organiser la nouvelle résistance pour qu’à la dispersion des coups portés à l’ennemi de classe succède la concentration des coups, pour que l’union triomphe de la division.

   Et pour s’organiser largement, il faut un solide noyau : un Parti.

   Quel Parti ?

   Il y a des gens qui depuis mai 68 vont partout disant : on ne peut rien faire sans un parti ; la conclusion qu’ils tirent c’est : ne faisons rien, construisons un parti et après on verra.

   En juin 68, les ouvriers révolutionnaires voulaient résister à la contre-offensive des gaullistes soutenus par la direction du P. »C. »F et de la C.G.T. : ceux-ci, on s’en souvient, s’entendaient pour briser le mouvement des masses au moyen de Grenelle et des élections.

   Fallait-il capituler ? ou bien organiser la résistance ?

   C’était là une question fondamentale qui engageait l’avenir.

   Certains voulaient capituler : ils disaient : « maintenant on ne peut plus rien faire ; si on continue à se battre on va se faire massacrer.

   Arrêtons-nous pour faire un parti et quand on sera organisés, on reprendra la lutte. »

   Si on avait suivi ces gens-là, les étudiants et les ouvriers n’auraient pas résisté en commun à Flins contre la police.

   La résistance prolétarienne ne serait pas née.

   Et l’avenir aurait été compromis. Car à Flins et à Sochaux, c’est l’avenir qui se préparait.

   A Flins et à Sochaux quelque chose de nouveau apparaît : l’indépendance des ouvriers révolutionnaires, unis aux étudiants, par rapport aux syndicats qui pactisaient avec les gaullistes.

   Si aujourd’hui, on peut construire un Parti nouveau qui organise la résistance populaire, c’est parce qu’il y a eu Flins et Sochaux.

   Ces gens qui poussaient à la capitulation voulaient construire un parti mais refusaient la lutte.

   Ils ne veulent pas construire un Parti de lutte de classes, un parti de la résistance, ils veulent un club de discussion et de propagande.

   Ces gens-là sont des poux : on les voit encore à la porte des usines ; ils essaient d’y importer leurs vices : la discussion creuse et la propagande coupée de la vie.

   Nous ne voulons ni de ces gens, ni de leur parti.

   Le parti que nous voulons naît dans la lutte de classes, dans la résistance. Il se construit à partir des éléments les plus actifs dans le mouve ment de résistance des masses. Un élément avancé : c’est celui qui est le plus résolu, le plus conscient dans la lutte des masses. Le parti doit être composé de tels éléments. Prenons un exemple : dans un atelier, un ouvrier est particulièrement actif pour aider les gars autour de lui à briser les cadences, à tenir tête au patron. Il a la confiance de la masse ; il faut qu’il élève sa conscience de classe, en particulier, il faut qu’il voie plus loin que son usine, qu’il comprenne le combat des étudiants et qu’il les aide à se battre ou bien qu’il aille dans les fermes pour aider les petits paysans à résister à la ruine. Il faut qu’à partir de son expérience de l’usine et de son expérience hors de l’usine, il ait les idées bien claires sur les amis et les ennemis de la classe ouvrière, sur la tactique à adopter, les perspectives à donner aux masses. Une fois qu’Û a atteint ce stade, on peut dire que c’est un élément avancé du prolétariat. C’est à partir de tels éléments qu’on construit un authentique Parti.

II. Un Parti prolétarien

   Les gens dont nous parlions tout à l’heure se réunissent entre eux parce qu’ils pensent avoir des idées avancées (c’est dans leur écrasante majorité des intellectuels bourgeois) et disent aux masses : « suivez-nous ».

   Au contraire, il faut aller aux masses, leur dire : « organisez-vous » en les aidant à participer à la résistance.

   On ne peut donc pas décréter la fondation d’un parti ; c’est à un moment déterminé dans la lutte, dans la résistance qu’il devient possible et nécessaire de fonder un authentique noyau dirigeant de la cause du peuple.

   A quel moment faut-il construire le parti prolétarien dont les masses ressentent la nécessité depuis qu’en juin 68 elles subirent, désarmées et inorganisées, la répression des gaullistes et des révisionnistes ?

   C’est ce qu’il faut maintenant analyser.

   Les idées nouvelles se sont d’abord emparées des jeunes parce que les jeunes sont les plus rebelles aux idées conservatrices ; c’est le mouvement de la jeunesse – et particulièrement les étudiants – qui a ouvert la voie et pris les premières initiatives d’avant-garde.

   Voilà pourquoi les premiers regroupements des éléments avancés qui voulaient faire la révolution et qui rejetaient le révisionniste se firent essentiellement sur la base des étudiants.

   Mai 68 fut l’heure de la vérité pour ces regroupements : à partir de mai 68, il fallait systématiser la pratique nouvelle des masses, les aspirations de la classe ouvrière telles qu’elles se révélaient dans le mouvement parti de la révolte étudiante, et qui était devenu un immense mouvement populaire.

   A partir de mai 8, la contestation devient une idée des masses populaires : la résistance ouverte par Flins et Sochaux s’approfondit et s’élargit.

   A partir de mai 68, la contestation devient une idée résistance populaire ; les initiatives d’avant-garde, celles qui font avancer l’histoire, viennent de plus en plus nettement du prolétariat dans les usines ; à partir de la rentrée de 69, cela devient parfaitement clair : c’est le mouvement étudiant qui attend du prolétariat révolutionnaire les initiatives qui vont lui permettre de se développer ; ce n’est plus le prolétariat révolutionnaire qui attend, comme en mai et tout juste après mai, les initiatives du mouvement étudiant.

   Depuis mai donc s’ouvre pour la construction du Parti une deuxième grande étape.

   Jusqu’en mai, il y avait de nombreux ouvriers révolutionnaires qui s’opposaient à l’orientation capitularde de la direction PCF/CGT mais le mouvement de masse le plus avancé, c’était le mouvement de la jeunesse et les éléments et organisations les plus avancées se trouvaient dans ce mouvement.

   Depuis mai, la grande question est celle de l’union de ces éléments avec les éléments prolétariens avancés issus de la résistance prolétarienne.

   Il fallait unir entre eux les intellectuels et les ouvriers révolutionnaires ; mais ce n’est pas tout ; il faut faire fermeté, l’expérience et l’intelligence du prolétarien : il faut que le prolétariat prenne la direction dans le cours de cette union.

   Le Parti de la nouvelle résistance doit s’appuyer sur l’intelligence et la fermeté des ouvriers d’avant-garde ; il ne peut pas s’appuyer principalement sur les intellectuels.

   Ceux-ci sont capables d’audace, de clairvoyance, comme ils l’ont montré en mai mais ils n’ont pas l’esprit de suite, la fermeté l’expérience et l’intelligence du prolétariat.

   Celui-ci, par sa pratique de producteur, d’exploité, de lutteur, possède la vérité de la lutte de classe et de la résistance.

   Il faut travailler à la participation des intellectuels à la construction du Parti mais la classe ouvrière destinée à exercer sa direction en tout dans la société doit d’abord exercer sa direction dans son Parti.

   Nous ne voulons donc pas un Parti où il y aurait dans chaque organisme de base un intellectuel faisant la paire avec un ouvrier : l’intellectuel apposant la théorie et l’ouvrier la pratique, l’intellectuel dominant l’ouvrier, comme un professeur domine ses élèves.

   Il faut qu’il y ait un afflux de sang neuf prolétarien dans la gauche prolétarienne, issue de l’union des étudiants, lycéens et ouvriers, telle qu’elle s’était faite lors de la résistance prolétarienne à Flins en 68.

   Quand et comment s’opérera cet afflux qui renversera le rapport de forces entre prolétariat et intellectuels, au bénéfice du prolétariat ? quand dans les principales régions-usines, ces régions de France où tout le peuple travailleur souffre et lutte autour de l’usine, base du pouvoir capitaliste, les ouvriers révolutionnaires remporteront au cours de la lutte violente leurs premiers succès exemplaires.

   Ces succès montreront à la masse des travailleurs qu’une nouvelle voie est vraiment ouverte : celle de la résistance, et qu’il est possible de quitter les organisations prétendument prolétariennes qui n’organisent que la capitulation face à la classe des patrons.

   Quand les partisans ouvriers auront remporté ces succès à l’intérieur de l’usine et auront aidé autour de l’usine à organiser la résistance populaire contre tous les aspects de l’oppression (dans la cité, auprès des jeunes, des pents paysans ); alors il y aura un afflux de sang neuf prolétarien ; pour la masse des travailleurs la nouvelle résistance aura pris forme; et en masse les éléments avancés du combat prolétarien s’uniront dans le Parti prolétarien, qui pourra ainsi être construit.

   Ce que nous faisons maintenant, c’est précisément : nous concentrer dans ces régions-usines, là où les combats populaires ont pour solide arrière l’usine.

   Là d’où naîtra un authentique parti prolétarien.

   Un parti qui unira solidement les meilleurs parmi les nouveaux partisans, un parti dont l’ossature sera constituée par les plus conséquents des partisans, ceux qui viennent de l’usine en sortent pour aider le peuple à s’unir dans la résistance.

   C’est cette orientation qui nous permettra de construire le parti composé des éléments prolétariens d’avant-garde, le parti à caractère de masse, que nous voulons pour diriger la révolution populaire.

   Pour la résistance,contre la capitulation, pour l’union contre la division, pour le progrès contre la réaction, pour vaincre, il nous faut construire ce parti.

Ce que nous voulons

   Nous voulons en finir avec les mouchards et les gendarmes, avec cette terreur sournoise qui s’installent partout, dans l’usine, la rue, les têtes.

   Et pourquoi ces indicateurs, pourquoi ces terroristes qui parlent au nom d’une majorité truquée et silencieuse ?

   Pour que les forces du capital survivent à leur décadence, que les De Wendel, Bercot et Schneider connaissent un deuxième âge industriel ; pour que les grandes familles d’exploiteurs soient plus fortes et plus dures.

   Pour qu’un petit nombre, s’appuyant sur tous les appareils de domination existants, exploitent l’écrasante majorité.

   Nous voulons en finir avec les gaullistes.

   Pour finir avec tout ce qu’il y a derrière.

   Puisque nous voulons en finir avec ces occupants d’un nouveau genre, il faut en finir avec leurs collaborateurs.

   Qui permet aux gaullistes et à la vermine patronale derrière de pavoiser, de limiter au maximum le mouvement des masses, d’imposer sur tout le territoire la loi de terreur ?

   La police syndicale.

   Ceux qui ont le masque de l’ouvrier et le ventre du bourgeois, ceux qui aujourd’hui, comme à Dunkerque ou Berliet, contrôlent l’embauche pour éviter « l’infiltration d’éléments révolutionnaires » ; ceux que le patron appelle, comme à Vallourec, pour que cesse la séquestration de ces « salariés » que sont les directeurs d’usine.

   La police syndicale s’est fixé comme objectif : empêcher à tout prix que Nanterre soit à Billancourt et que Billancourt soit à Nanterre.

   Nous devons donc en finir avec la police syndicale.

   Et c’est commencé.

   A Dunkerque, sur les chantiers, les nouveaux partisans ont victorieusement infligé des représailles au patronat responsable de l’assassinat d’ouvriers ; ils ont repoussé toutes les provocations et entraîné la masse des travailleurs dans la résistance.

   A Billancourt et Citroën, des milliers d’ouvriers ont pendant des semaines imposé leur loi dans le métro, en résistant à la hausse.

   A Aulnoy, les ouvriers ont séquestré la direction, résisté aux C.R.S. et dans toute la ville c’était un soulèvement populaire.

   On verra dans le Nord, le Sud, le Centre de la France des centaines de milliers d’exploités se dresser, impétueux, invincibles, tel l’ouragan et aucune force ne pourra les retenir.

   Ils briseront toutes les chaînes et s’élanceront sur la voie de la libération.

   Camarade, ouvrier, pour te libérer il faut te battre ; l’espoir, c’est la lutte.

   Pas demain ou plus tard, la lutte dès maintenant.

   Dans l’atelier, le patron, pour tirer de toi tout ce qu’il veut et pour briser ta volonté, augmente les cadences.

   BRISE LES CADENCES !

   Chaque fois que tu essaies avec tous les gars autour de toi de frapper le patron, il y aura un chef pour t’en empêcher.

   MATE LES PETITS CHEFS !

   Quand tu veux un salaire qui fasse vivre la famille, bats-toi pour ce salaire.

   Pour un salaire qui te convienne, même si cela gêne les prévisions patronales.

   Pour un salaire qui te convienne et pas pour un salaire qui donne au haut de l’échelle dix fois plus qu’au bas.

   Cette échelle, on la renverse.

   On ne vend pas l’unité ouvrière pour quelques miettes.

   Alors méfie-toi des pourcentages compliqués sur les tracts des syndicats.

   BATS-TOI POUR LE SALAIRE, CONTRE LA HIERARCHIE !

   Chaque fois que le patron, parce qu’il s’en fout de la santé, de la sécurité et de la vie des ouvrier, assassine un camarade, il faut riposter.

   VENGE CHAQUE VICTIME DU CAPITAL !

   Puisque pour gagner plus de profit il sabote ta vie, SABOTE LE PROFIT !

   A chacune des conditions de ton travail, le capital essaie d’imposer sa loi.

   Pour t’abrutir et t’humilier aussi bien que pour économiser ; ils développent l’économie à tes dépens ; ils s’enrichissent par ton exploitation.

   Ça peut changer ; on peut transformer l’atmosphère d’esclavage d’un atelier : il suffit de ne rien laisser passer sans révolte.

   A la loi de la terreur, oppose la loi de la révolte.

   IMPOSE TA LOI !

   Tous ces objectifs sont parfaitement réalisables tout de suite. Il faut simplement s’unir avec tous les gars autour de toi, Français et immigrés ils sont de la même classe ; et exclure tous ceux qui ont déserté cette classe : la police syndicale

   CHASSE LA POLICE SYNDICALE DE L’USINE !

   Il faut bien l’avoir dans la tête : rien n’est à toi, tout est à l’exploiteur.

   Alors quand tu désorganises la production ou que l’outil de travail est endommagé, tu as frappé le patron au portefeuille.

   Tant que l’usine est au patron, tout lui appartient et la production c’est sa production.

   Ce sera différent quand nous prendrons les usines.

   Pour le bifteck et pour la liberté, il faut se battre aussi en dehors de l’usine : car en dehors aussi on est volés et écrasés.

   Quand le métro devient plus cher, RESISTE A LA HAUSSE.

   A Billancourt et Citroën ils l’ont fait : passer en masse sans payer.

   Et ce qui vaut pour le métro vaut aussi pour le loyer, l’impôt.

   Puisqu’ils montent, il faut aussi que la résistance monte.

   Et quand dans la ville, les plus opprimés de tes camarades, les travailleurs immigrés se dressent contre les gérants et les mairies qui les affament et les parquent, DEFENDS-LES JUSQU’AU BOUT.

   Combats le racisme et protège l’unité des ouvriers comme ce qu’il y a de plus précieux.

   Soutiens tout ce qui combat l’ennemi : il faut s’unir avec tous ceux qui donnent des coups à l’ennemi.

   UNITE avec l’étudiant qui se bat pour sortir d’une Université qui lui réserve l’avenir d’un cadre-flic et qui sort de cette Université pour se battre aux côtés des ouvriers et du peuple.

   UNITE avec le petit agriculteur, commerçant ou artisan, qui se battent contre les gros, contre la ruine.

   Tous aujourd’hui se battent.

   Et même tous se battent d’une certaine manière qui leur est commune : ils se battent sans tenir pour sacrée la légalité patronale : ils séquestrent, ils bloquent, ils saccagent des locaux ennemis, ils récupèrent des biens à l’ennemi (par exemple des tickets de métro).

   Ces méthodes de partisans coûtent très cher et font très mal aux patrons et à leur Etat.

   Alors ceux-ci arrêtent les résistants ; ils interdisent la diffusion de la vérité sur ces luttes-là : ils saisissent régulièrement « La Cause du Peuple ».

   Enfin, ils mettent sur pied une loi terroriste pour liquider la résistance populaire.

   LIBERONS LES RESISTANTS. BRISONS LA LOI TERRORISTE.

   Pour réaliser tous ces objectifs et c’est possible il faudra que tu dises inlassablement et partout dans le peuple :
ORGANISEZ-VOUS.

   Si nous voulons réaliser ces objectifs, c’est qu’il faut vivre. Résister, agir pour vivre : se nourrir avec sa famille, se loger.
Mais au fond nous voulons tout.

   Car de toute façon ce n’est pas une vie.

   Alors il faut tout le pouvoir : pour assurer réellement le bifteck et pour garantir effectivement la liberté.

   Il faut donc le dire dans toutes les manifestations à l’intérieur et à l’extérieur de l’usine : LE POUVOIR AUX TRAVAILLEURS.

   Quand nous aurons pris le pouvoir, détruit la racaille : C.R.S., C.D.R., tous les. bandits armés qui sont les gardes du corps pour les patrons, tout changera.

   Dans l’usine : il n’y aura plus de patron, il n’y aura plus cette hiérarchie de despotes et de parasites.

   Les ouvriers, les techniciens et les cadres politiques désignés par les masses coopéreront pour diriger la production et la gestion.

   Ils n’auront plus comme objectif : le profit.

   Ils produiront pour le peuple, ils respecteront les grandes lignes de développement fixées par le pouvoir populaire.

   Si le peuple a besoin de plus de vêtements et de moins de voitures, nous produirons plus de vêtements et moins de voitures.

   Les idées, les créations des travailleurs serviront de base pour l’innovation et le progrès technique.

   Dans l’usine les ouvriers dans tous les domaines seront les maîtres. L’Université actuelle se/a totalement détruite : actuellement il y a ceux qui pensent et ceux qui triment et l’Université sert à renforcer cette division.

   Le pouvoir populaire, en s’appuyant sur les travailleurs et la masse des étudiants et des enseignants révolutionnaires, définira un nouveau système d’éducation, qui combine le travail manuel et le travail intellectuel, qui permette massivement aux travailleurs d’y participer, qui réponde aux besoins d’une production et d’une culture populaire.

   Tout ne se fera pas du jour au lendemain : mais ce que nous voulons au terme de combats incessants, c’est qu’il n’y ait plus d’un côté des « travailleurs » et de l’autre « des intellectuels », mais qu’il n’y ait plus que des travailleurs cultivés.
Dans l’agriculture et le commerce : les gros, les accapareurs, les capitalistes de la terre, les directions des hypermarchés et autres seront renversés et en s’appuyant sur la masse des travailleurs, la coopération sera la règle.

   Aujourd’hui la coopération cela signifie : la formation d’une couche privilégiée, ceux qui s’en sortent : l’existence des gros, des grosses banques, la subordination aux industriels capitalistes, tout cela fait que les formules actuelles de coopération sont un mirage pour la majorité et une aubaine seulement pour une minorité.

   Sous la direction du pouvoir populaire et des travailleurs de l’agriculture et du commerce, cela change radicalement.

   Avec le pouvoir populaire nous changerons complètement la vie de tous les jours : la circulation dans les villes et les villes elles-mêmes ; la ville se rapprochera de la campagne.

   Il faut que les travailleurs décident du sort des routes et du sort des arbres. Il faut qu’ils décident de tout : puisqu’avec le pouvoir ils peuvent décider de leur vie.
Sans le pouvoir on n’a rien ; avec le pouvoir on a tout.

   LE POUVOIR EST AU BOUT DU FUSIL!

   Puisque nous voulons tout, le pain et les roses, puisqu’il faut vaincre et vivre, notre mot d’ordre aujourd’hui c’est :

   VIVE LA NOUVELLE RÉSISTANCE POPULAIRE !

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