Correspondance

Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien

#12 – Marx et l’Éducation

Correspondance

   À propos du manuel d’histoire Duvillage

   Nos lecteurs comprendront que nous ajoutions, comme nous l’avons d’ailleurs annoncé, quelques compléments à la réponse que nous avons déjà faite aux explications que nous a adressées le camarade Clémendot au sujet de son livre mentionné dans notre Cahier sur les Manuels d’histoire et la guerre impérialiste.

   Disons tout de suite, pour dissiper toute équivoque et placer le débat sur son vrai terrain, que nos critiques ne s’adressaient nullement à la personnalité de l’auteur, dont nous reconnaissons volontiers l’effort sincère.

   Certes, nous croyons que Clémendot est pacifiste. Nous enregistrons qu’il s’est séparé de Gustave Hervé et qu’il l’a courageusement dénoncé.

   Mais là n’est pas la question. Il s’agit, en effet, d’un texte précis et que voici à nouveau:

   « Puisque tu aimes ta patrie, tu dois la servir et la défendre. Si un jour son indépendance est menacée, tu devras, à l’exemple de tes pères, être prêt à lui donner ta vie… Tu devras, sans le plaindre, faire tous les sacrifices pour assurer sa force. »

   En quoi un tel langage diffère-t-il de celui des livres les plus chauvins? Clémendot sait bien qu’en régime capitaliste les prolétaires n’ont pas de patrie et que, dans la paix comme dans la guerre, les intérêts du prolétariat sont fondamentalement opposés à ceux de la bourgeoisie.

   Il est vrai qu’il invoque pour sa décharge que son manuel fut publié en 1913.

   Pourquoi, dans ces conditions, a-t-il autorisé après la guerre la vente de ce manuel, sans le remaniement qui s’imposait?

   Clémendot déclare n’avoir point parlé de « la défense nationale des coffres-forts ». Mais cela ne suffit pas, puisqu’il continue à préparer les fils d’ouvriers et de paysans à mourir pour la patrie bourgeoise.

   « En U.R.S.S., affirme-t-il, on enseigne exactement la thèse exposée dans ma « vue générale », puisque la Russie a le service militaire obligatoire et l’armée la plus forte du monde. »

   En parlant ainsi Clémendot commet une erreur grave. II ne voit pas la différence qu’il y a entre une armée capitaliste, faite pour défendre « les coffres-forts » à la fois contre les armées capitalistes étrangères et le prolétariat, et une armée rouge, créée par le prolétariat pour le renversement du capitalisme national et destinée à protéger les conquêtes du prolétariat contre ses ennemis extérieurs et intérieurs.

   Si le prolétariat des pays capitalistes « n’a pas de patrie » et dans une guerre ne défend pas son intérêt, l’ouvrier soviétique, lui, a une patrie, et, en cas du guerre, ce qu’il défend, ce ne sont pas les richesses d’une minorité capitaliste, mais les richesses conquises, créées et possédées par tout le prolétariat organisé. Et, précisément, les prolétaires des pays bourgeois doivent défendre l’U.R.S.S. contre les attaques de leur propre impérialisme; car l’U.R.S.S, est actuellement leur vraie, leur seule patrie. Ils doivent monter autour d’elle une garde vigilante et active aux côtés de l’armée rouge, que Clémendot, à tort, compare aux années bourgeoises et, dans son aveuglement sur ce point, considère numériquement comme la plus forte du monde. Les chiffres, d’ailleurs, lui donnent à cet égard un démenti formel, L’armée de la France impérialiste, quatre fois moins peuplée, est de beaucoup plus forte que l’armée rouge. Clémendot oublie-t-il que l’U.R.S.S. a plus de 160 millions d’habitants? Ne devrait-il pas plutôt signaler qu’elle a 3,8 soldats pour 1.000 habitants, au lieu      de 17 en France, et ajouter qu’elle est le seul pays qui, dans les conférences internationales, ait préconisé le désarmement général?

   Mais l’armée rouge, armée du prolétariat, sera invincible, non seulement parce que les ouvriers et les paysans qui la composent sont prêts à verser leur sang pour la défense des conquêtes d’octobre 1917, mais aussi parce que les ouvriers et les paysans des nations capitalistes sont avec eux dans cette lutte à mort entre le monde nouveau socialiste et le vieux monde capitaliste croulant.

   Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit du confusionnisme de Clémendot au sujet de la « défense nationale » (voir Cahier, numéro 11).

   Nous pensons que notre contradicteur se sera rendu compte de la faiblesse de son argumentation. Il est impossible, en effet, de séparer l’idée de la défense nationale de l’idée de la défense même du régime bourgeois qu’il prétend combattre.

   Somme toute, Clémendot ne parvient pas à justifier ce que nous avons reproché à son livre. Tel qu’il est même en tenant compte des commentaires que l’auteur a cru devoir apporter aux remarques que nous avons faites, ce manuel est de nature à développer l’esprit chauvin à l’école. C’est pourquoi Clemendot, dont nous savons qu’il participe, par ailleurs, à la lutte contre la guerre, devrait reconnaître que nos critiques sont fondées et que le souci de dénoncer l’enseignement qui la prépare nous a seul animé lorsque nous les avons formulées avec franchise, comme sans arrière-pensée à son égard.

Encore les manuels scolaires

   Un de nos abonnés d’Alsace-Lorraine nous a adressé deux extraits suggestifs de livres de lecture. Nous en ferons état dans le « Cahier » relatif à ces manuels du point de vue de la préparation à la guerre.

Rectification

   Dans le dernier n° des Cahiers une erreur de correction a dénaturé le sens de la première phrase du chapitre IV (p. 23). Au lieu de: « On peut s’étonner, d’ailleurs,… », lire: « On ne peut s’étonner, d’ailleurs,… ». Tout lecteur attentif aura rectifié de lui-même.