Glorification du colonialisme

Les Cahiers de Contre-Enseignement prolétarien

#9 – Les manuels d’histoire et la guerre impérialiste

II. Préparation à la guerre impérialiste par les manuels d’histoire

4. Glorification du colonialisme

   Dans notre cahier n° 1 nous avons montré ce qu’est en réalité le colonialisme : conquête brutale, au mépris de tout « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », expropriation des habitants par le gouvernement impérialiste au profit de groupements capitalistes qui mettent la main sur les terres, les mines, les usines, exploitation éhontée des indigènes expropriés, soumis au travail forcé, pour des salaires de famine, sans aucun droit syndical ou politique, répression féroce des révoltes de ces malheureux (Maroc, Indochine, Syrie, Madagascar).

   Or, l’impérialisme français a fondé le deuxième empire colonial du monde. Le capitalisme français, atteint par la crise, tente d’y trouver un remède par une exploitation renforcée des peuples coloniaux. « Jetons-nous sur l’Afrique », conseille Caillaux. De vastes projets s’ébauchent (Transsaharien, tunnel sous le détroit de Gibraltar, lignes aériennes entre la France et l’Afrique équatoriale) d’où le capitalisme escompte de fructueux profits. Aussi, la propagande colonialiste s’accentue dans le public. Dans les écoles, au mépris de la neutralité dont on se réclame, l’impérialiste « Ligue maritime et coloniale », avec l’appui officiel, donne des conférences et fonde des sections. Le centenaire de l’Algérie, l’Exposition coloniale furent des occasions de propagande colonialiste.

   Et, là encore, les manuels scolaires jouent leur rôle. Il s’agit de préparer les enfants à accepter les guerres coloniales (incessantes depuis le traité de Versailles) que ces projets impérialistes rendent inévitables. Pour cela :

  1. On présente ces guerres comme des opérations de pacification, on en dissimule les horreurs, le caractère meurtrier. Ce sont des guerres « bienfaisantes » !
  2. La honteuse exploitation des peuples coloniaux est transformée en œuvre de civilisation, de bonté et de paix.

   Voici quelques citations caractéristiques :

   Lavisse, Cours moyen :

Les colonies sont très utiles au commerce et à l’industrie de la France… Mais un noble pays comme la France ne pense pas qu’à gagner de l’argent. En Indochine, la France a mis fin aux ravages de bandits venus de Chine. Dans l’Afrique du Nord, elle a empêché les peuples qui lui sont soumis de se battre les uns contre les autres. Dans l’Afrique occidentale, elle a fait cesser l’esclavage et mis fin aux atrocités de petits rois pillards et massacreurs (p. 243). ! .

   Gauthier et Deschamps, Cours moyen :

Pendant la Grande Guerre, 500.000 indigènes sont venus combattre sous nos drapeaux [enrôlés par force]. La France a su faire oublier aux populations conquises la violence de la conquête [ex.: révolte de Yen-Baï, en Indochine en 1931], Partout elle a assuré l’ordre, ouvert des écoles [ex. : en Algérie, après un siècle d’occupation, 98% d’illettrés], des dispensaires, créé des ports, des routes, des chemins de fer [avant tout pour permettre aux capitalistes d’exploiter le pays et les habitants].

   Page 247, deux gravures représentant le labour en Algérie en 1830 (un âne et une femme indigène tirant une charrue) et en 1930 (un tracteur) : on oublie de dire que le tracteur n’appartient pas à l’indigène, ni le terrain, qui fut volé à ses ancêtres.

   Guiot et Mane, Cours moyen :

Aimez la France nouvelle créée depuis peu au-delà des mers. Sur la vaste étendue des continents et des îles, vivent des frères français, appartenant à des races diverses. Eux aussi pendant la guerre mondiale de 1914-1918, ils ont su vaincre ou périr! (p. 287).

Combien glorieuse a été la conquête de ce vaste territoire [le Tonkin et l’Annam] !… (p. 261).

Un deuxième bienfait de la République est d’avoir constitué en Asie et en Afrique deux grands empires coloniaux. Le patriote Jules Ferry a été le promoteur de cette œuvre grandiose (p. 259).

   Calvet, Cours moyen et supérieur :

De la Méditerranée au Congo, la France est donc aujourd’hui prépondérante. Partout elle a mis en valeur les terres occupées, amélioré les conditions de vie, fait reculer, grâce au développement de l’hygiène et à la science des médecins, les maladies endémiques… D’où l’attachement des indigènes, d’où aussi, dans nos possessions d’outre-mer, le développement de la richesse générale (p. 250).

   Rogie et Despiques, Cours moyen :

   Ce manuel tente d’établir la fausse et hypocrite distinction entre la mauvaise colonisation (violente) et la bonne colonisation (pacifique), comme si toute colonisation n’était pas une suite de violences ininterrompues, comme si ce n’était pas par la violence permanente que les indigènes sont maintenus, malgré eux, dans l’oppression, et que leurs tentatives d’émancipation sont réprimées ;

La colonisation est, pour les peuples modernes, pourvus d’une grande industrie, d’une nécessité indiscutable: il leur faut des débouchés, des points d’appui pour établir leur influence économique dans le monde [bel argument pour les revendications coloniales allemandes!]… Elle est un excitant dans la vie des peuples. Mais il est deux méthodes différentes de colonisation: l’une, celle d’hier [pourquoi donc la guerre actuelle au Maroc, en Mauritanie?], a recours à la force, à la violence, à la guerre souvent injuste; l’autre, la pénétration pacifique, lente et délicate, civilise le pays nouveau et lui assure un avenir de prospérité. La France donne actuellement la préférence à cette seconde méthode, sans oublier d’appuyer son autorité sur une force respectable, mais non agressive (p. 267).

   Pomot et Besseige, Cours moyen :

C’est la 3° République qui eut l’honneur de redonner à la France un grand empire colonial… Au-delà des mers, il y a une « plus grande France » de 60 millions d’habitants. Le domaine colonial de la France est le deuxième du monde. Nous faisons du commerce avec ces pays lointains; mais en même temps, nous apportons à des peuples plus ou moins arriérés les bienfaits de l’ordre, de la civilisation et de la paix (pp. 173 et 174).

   Duvillage, Cours moyen :

   Ce manuel indique que le colonialisme est la manifestation de l’impérialisme des grandes nations capitalistes européennes et il en indique le but principal : « s’ouvrir des débouchés, c’est-à-dire des moyens de vendre les produits de leur industrie et de placer avantageusement leurs capitaux » (p. 278). Il a le mérite d’éviter tout éloge du colonialisme. Mais il signale, par contre, la suppression de l’esclavage aux colonies en 1848, sans dire un seul mot des violences des conquêtes et expropriations coloniales et de l’oppression des indigènes, nouvelle forme de l’esclavage. Cette « neutralité » par l’omission, qui est pratiquement une déformation de la vérité, laisse libre cours par ailleurs à la propagande colonialiste de la bourgeoisie.

   Nouvelle Histoire de France de la Fédération unitaire de l’enseignement :

   Ce manuel donne aussi les causes économiques de la colonisation : « L’industrie a fait de grands progrès et a besoin d’une clientèle nouvelle ». Il indique les brutalités des guerres coloniales : « Les vaincus haïssent longtemps les vainqueurs » et les profits capitalistes de la colonisation : « Les commerçants et les industriels tirent des colonies d’immenses richesses ». Mais nous sommes surpris d’y trouver, comme dans Rogie et Despiques, la pseudo-distinction entre la mauvaise colonisation (exploitation, vol, guerre, alcoolisme, tuberculose) et la bonne colonisation apportant « l’ordre, la paix et la justice », Il y a un paragraphe intitulé : « Les bienfaits de la colonisation ». Aucune affirmation du droit des peuples coloniaux à disposer d’eux-mêmes.

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