L’Alsace-Lorraine sous le joug (Discours de M. Thorez)

L’Alsace-Lorraine sous le joug

Parti Communiste Français

L’Alsace-Lorraine sous le joug (Discours de M. Thorez)

   M. le Président. — La parole est à M. Thorez.

   Thorez. — Intervenant dans la discussion du budget des services d’Alsace et de Lorraine, je me propose simplement de renouveler la protestation que les communistes de France n’ont pas cessé d’élever contre l’oppression dont souffre le peuple d’Alsace-Lorraine.

   Après avoir souligné les aspects de la contrainte que la bourgeoisie française fait peser sur les populations d’Alsace-Lorraine, j’indiquerai les revendications formulées par les Alsaciens-Lorrains eux-mêmes et la solution définitive de la question d’Alsace-Lorraine proposée par notre parti.

   Il est d’abord nécessaire de relever les déclarations fantaisistes ou même, pour certaines, manifestement contraires à la vérité, produites à cette tribune, le 10 mars dernier, par M. le sous- secrétaire d’État chargé des services d’Alsace et de Lorraine.

   Répondant ou, plutôt, ne répondant pas aux interrogations de M. Sturmel, M. La Chambre s’est efforcé de présenter la situation de I’Alsace-Lorraine sous un jour tellement favorable qu’on serait tenté de croire à l’existence, entre Mulhouse et Metz, d’un véritable paradis terrestre qui échapperait à l’enfer de misère provoqué à travers le monde par le système capitaliste.

   Après le bluff, maintenant dégonflé, de la situation exceptionnelle de la France, voilà qu’on nous offre l’autre bluff d’une Alsace-Lorraine moins touchée par la crise que notre pays.

   La réalité est toute différente. M. Guy La Chambre s’est d’ailleurs livré, pour cacher cette réalité, à une gymnastique intellectuelle vraiment audacieuse.

   Afin de prouver combien l’Alsace-Lorraine était redevable à la France, il a rapproché les chiffres des échanges entre la France et l’Alsace-Lorraine d’une part, entre l’Allemagne et l’Alsace-Lorraine, d’autre part.

   Tout en remerciant M. le sous-secrétaire d’État d’avoir ainsi, lui-même, établi la discrimination entre la France et l’Alsace- Lorraine dans leurs échanges respectifs avec l’Allemagne, je dois dire que son raisonnement n’est pas juste.

   Premièrement, il n’y a pas de base commune aux chiffres concernant les échanges qu’il a fournis.

   Vis-à-vis de l’Allemagne, il s’agit de quantités enregistrées globalement au titre du commerce extérieur. Vis-à-vis de la France, il ne s’agit que des transports ferroviaires par petite vitesse.

   Deuxièmement, dans l’un et l’autre cas, il n’est pas fait mention du transit très intense en Alsace et Lorraine.

   Troisièmement les chiffres concernent seulement les quantités échangées et non leur valeur. On n’a jamais vu affirmer qu’une balance commerciale était créditrice pour la seule raison que le charbon et le minerai de fer sont des matières premières pondéreuses et les machines-outils ou les tissus de valeur des marchandises relativement peu encombrantes.

   La connaissance la plus élémentaire de l’économie alsacienne permet précisément d’expliquer que l’Alsace et la Lorraine, quant aux quantités, reçoivent surtout des charbons d’Allemagne et qu’elles exportent en France surtout de la fonte et des aciers.

   Pour les besoins de sa cause impérialiste, M. Guy La Chambre a prétendu que les recettes des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine étaient moins atteintes que celles des réseaux français.

   Si, pour les premières semaines de cette année, en effet, le pourcentage de la diminution des recettes par rapport à la période correspondante de 1932 apparaît moindre pour l’Alsace et la Lorraine que pour les autres réseaux de France, c’est que là-bas, la baisse a été plus rapide et plus profonde dès 1932. Les recettes des chemins de fer d’Alsace et Lorraine sont tombées de 1.140 millions en 1930 à 975 millions en 1931 et à 815 millions en 1932, soit une réduction de 28 % en deux ans, la moyenne de la diminution pour tous les réseaux de France et d’Alsace-Lorraine n’étant que de 22 %.

   Ces chiffres incontestables sont, parmi d’autres, l’indice certain que l’Alsace-Lorraine a été touchée plus durement par la crise économique que la France.

   En ce qui concerne l’industrie, la production charbonnière est tombée de 6 millions de tonnes en 1930 à 5.268.000 tonnes l’année dernière ; la production du minerai de fer passe de 20 millions de tonnes en 1930 à 16 millions en 1931 et à 11 millions en 1932 ; la production de la potasse pure tombe de 506.000 tonnes en 1931 à 367.000 en 1930 et à 321.000 en 1932.

   Les statistiques sur la production sidérurgique montrent que l’Alsace-Lorraine est défavorisée par rapport à la France. La part de l’Alsace-Lorraine dans la production d’ensemble de France et d’Alsace-Lorraine en fonte et en acier ne cesse de diminuer. Pour la fonte, elle passe de 36,4 % en 1928 à 34,2 en 1932. Pour l’acier, elle tombe de 31,2 % en 1928 à 29,9 % en 1932.

   De grandes entreprises sont en voie de liquidation. La Société lorraine minière et métallurgique demande la liquidation judiciaire et, selon la revue La France économique et financière, « un consortium d’entreprises métallurgiques françaises avait posé à cette société, comme condition à son concours, la fermeture des aciéries pendant trois années ».

   J’indique en passant que les actionnaires de cette société avaient pourtant fait une opération extraordinairement avantageuse. L’État français leur avait cédé cette entreprise, qui vaut un demi-milliard, pour trente-six millions de francs, sur lesquels furent payés vingt-huit millions seulement. Ils avaient cependant réalisé quatre-vingts millions de bénéfices en dix années. (Mouvements divers.)

   Cela m’amène à rappeler ce qu’a été le pillage éhonté des richesses nationales du peuple d’Alsace et Lorraine par la bourgeoisie française.

   Le professeur Laufenburger, dans son cours d’économie alsacienne à la faculté de droit et des sciences politiques de Strasbourg, dit :

   « Les usines de l’industrie sidérurgique de la Moselle désannexée, en tant que propriété allemande, furent liquidées et cédées aux producteurs métallurgiques français à des prix notablement inférieurs à leur valeur réelle. »

   N’a-t-il pas été confirmé à cette tribune même, par M. Amidieu du Clos, je crois, que les entreprises sidérurgiques de Lorraine, d’une valeur de huit milliards de francs or, avaient été livrées au capitalisme français pour 385 millions de francs papier, réduits par la suite à 180 millions, soit, ce qui est inouï, moins de 0,5 % de leur valeur ?

   L’un des aspects, de la crise actuelle en Alsace-Lorraine, c’est l’accélération de la concentration bancaire et, surtout, la mise en tutelle par les grandes banques françaises des banques d’Alsace-Lorraine, qui ont perdu désormais le semblant d’indépendance qu’elles avaient conservé jusqu’alors, y compris à l’époque du Reichsland.

   L’épargne ou les capitaux disponibles drainés en Alsace-Lorraine ne sont plus utilisés au soutien de la vie économique du pays, mais employés par les grandes banques de France et vont aux fonds d’État et aux emprunts extérieurs.

   On a essayé de montrer à l’aide de statistiques sur les secours aux chômeurs que l’Alsace-Lorraine est moins atteinte que la France.

   Or, remarque préalable, le nombre de chômeurs secourus n’indique, ni pour la France, ni pour l’Alsace et la, Lorraine, l’étendue du chômage, la masse des prolétaires privés de leur salaire.

   Cependant, le département du Haut-Rhin compte, à lui seul, 8.324 chômeurs secourus, et la ville de Strasbourg 1.600 ; et M. le sous-secrétaire d’État a parlé de 10.361 chômeurs pour toute l’Alsace et toute la Lorraine.

   De nombreuses administrations communales ont, d’ailleurs, fait des difficultés pour organiser le fonds de chômage local.

   J’ai l’exemple de Drusenheim, où, sous toute sorte de prétextes, on est parvenu, à ne pas verser un centime aux chômeurs. De même à Lützelhouse, Mühlbach, Grendelbruch et combien d’autres localités!

   Il est encore d’autres données. En 1925, 31.292 ouvriers étaient occupés dans les mines de houille de la Moselle. En janvier 1933 il n’en reste que 18.000 environ, soit 13.000 en moins. Et encore, ceux qui restent, de même que leurs frères des bassins français, sont contraints au chômage partiel, plusieurs postes par quinzaine.

   En Lorraine, la moitié des ouvriers métallurgistes ont été licenciés, plus de 10.000 en tout.

   Le personnel des mines de potasse d’Alsace est tombé de 10.000 à 6.000.

   En présence de ces chiffres concernant seulement les mines et les métallurgistes de Lorraine et les ouvriers de la potasse d’Alsace, en tout 27.000 ouvriers licenciés, que vaut la référence de M. le sous-secrétaire d’État aux 10.361 chômeurs secourus pour toute l’Alsace et la Lorraine ?

   Et je ne parle pas du chômage partiel, qui s’est généralisé de façon inquiétante et touche plus de 150.000 ouvriers.

   Mais peut-être, dira-t-on, ces ouvriers lorrains ont-ils trouvé du travail ailleurs. Oui, une partie d’entre eux — et M. Guy La Chambre s’est bien gardé de l’indiquer — ont été incorporés dans cette armée de 20.000 hommes occupés aux énormes travaux de fortifications, où ils ont été exploités dans des conditions épouvantables.

   Il a toujours été admis que les salaires des ouvriers d’Alsace et de Lorraine étaient notablement inférieurs aux salaires pratiqués de façon générale dans les corporations semblables en France.

   Qu’il s’agisse des mineurs, des métallurgistes, des ouvriers du textile, les taux horaires ou journaliers sont plus bas qu’en France.

   On trouve actuellement dans des localités d’Alsace, dans certaines vallées des Vosges, des ouvriers qui reçoivent de 300 à 400 francs par mois.

   Cependant, sous l’influence de divers facteurs, le coût de la vie est plus élevé en Alsace et en Lorraine, ainsi que le reconnaît M. le rapporteur du budget d’Alsace et de Lorraine.

   Le nombre de poursuites contre les locataires défaillants a considérablement augmenté.

   Je passe aux problèmes de l’agriculture.

   M. le sous-secrétaire d’État a, ici encore, formulé des inexactitudes flagrantes. Les petits paysans d’Alsace, qu’on a voulu montrer comme des privilégiés, sont particulièrement frappés par la mévente du vin et du houblon.

   Le vignoble alsacien et lorrain n’a cessé de se réduire. Selon des chiffres que j’emprunte à l’annuaire statistique, édité sous les auspices de la présidence du Conseil, l’étendue du vignoble d’Alsace et de Lorraine atteignait 27.992 hectares en 1913 ; en 1930, après douze ans d’occupation française, les vignes ne recouvraient plus que 18.432 hectares.

   La cause réside dans les conditions désavantageuses faites au vin du pays, par le rattachement de l’Alsace à la France.

   Il y a longtemps déjà qu’un inspecteur général de l’agriculture avait déclaré: « Le marché français n’a jamais offert aux vins d’Alsace de réelles facilités de placement. »

   À l’exception des producteurs de vins de qualité, la situation devient terrible pour les petits vignerons dont la production ne s’écoule plus. Ils sont contraints de renoncer à cultiver la vigne et, cependant, on voulait encore prendre contre eux des dispositions qui eussent achevé leur ruine, notamment l’interdiction du sucrage des vins provenant des cépages dits « hybrides ».

   J’ai sous les yeux une résolution adressée à la Commission des boissons, par les petits vignerons de Châtenois, avec lesquels je me suis entretenu directement cet hiver.

   Exposant les difficultés qui les assaillent, les vignerons de Châtenois demandent, avant tout, le maintien de la loi locale du 7 avril 1907 sur le sucrage des vins.

   Ils écrivent : « Si le sucrage des vins « direcktraeger » est interdit, les vignerons de notre région sont voués à la ruine. » Ils savent, et ils m’ont chargé de le dire ici, qu’une telle mesure ne peut profiter qu’aux gros vignerons, disposant de capitaux, faisant régulièrement la mise en bouteilles et bénéficiant de « l’appellation d’origine ».

   Comment les petits vignerons pourraient-ils planter de nouveaux cépages et engager au minimum une dépense de 20.000 frs par hectare, avec l’espoir d’une récolte au bout de quatre ans ?

   Nous sommes ici loin de l’optimisme de commande de M. Guy La Chambre. D’autant plus que les prix du vin annoncés par lui restent encore, et de beaucoup, bien inférieurs aux prix de revient.

   Le comble de l’audace est atteint par M. Guy La Chambre dans ses considérations sur le houblon.

   On a récolté, dites-vous, 5.000 quintaux de houblon, en 1932. Bien. Sur quelle superficie? Exactement sur 1.356 hectares.

   Or, en 1914, on avait récolté 60.000 quintaux de houblon, sur 4.000 hectares. Les plantations ont diminué chaque année. En 1931, il y avait encore 1.837 hectares de houblonnières ; en 1930, 2.112 hectares. Les deux tiers de la plantation d’avant-guerre ont disparu.

   La chute de la production est encore plus sensible. C’est que de nombreux paysans n’ont même pas cueilli le houblon, dont les cours s’étaient effondrés jusqu’à moins de 100 fr. en 1930 et en 1931, Et c’est pourquoi quelques gros planteurs de houblon, avec une récolte égale au huitième de celle de 1914, peuvent maintenant bénéficier d’une reprise des cours, après que les petits paysans ont été éliminés du marché. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   Il faut ajouter aux problèmes posés par la régression de la vigne et du houblon les inconvénients multiples à propos de la culture du tabac et qui suscitent chez les paysans d’Alsace un profond mécontentement, en raison des entraves, chicanes et vexations que la bourgeoisie française et sa régie ont introduites dans une culture libre auparavant.

   Une grande colère secoue actuellement le peuple de France et le dresse contre une fiscalité de classe écrasante. Plus fort encore est le ressentiment, en Alsace et en Lorraine, des petits contribuables, ouvriers, fonctionnaires, petits paysans et petits commerçants.

   Il est de notoriété publique que le système des impôts locaux, frappant surtout les petits, et se cumulant avec les impôts d’État déjà si lourds, crée en Alsace et en Lorraine une situation terrible.

   Je voudrais donner quelques exemples. Un ouvrier des grands moulins de Strasbourg, gagnant 150 fr. par semaine, doit payer 345 fr. d’impôts sur le salaire. Un ouvrier de brasserie de Schiltigheim, obligé Par son emploi à fournir parfois des heures supplémentaires, est classé dans une catégorie supérieure et doit verser 407 fr. 88 au fisc.

   Henry Chéron, dans son rapport au Sénat, le 23 mars 1932, exposait que pour un salaire de 15.000 fr., frappé d’un impôt de 26 fr. à Paris, il fallait payer à Strasbourg 345 fr.

   En outre, de nombreux ouvriers et ouvrières, ne pouvant se retrouver dans la complexité des catégories, et à propos des conditions de dégrèvement ou d’exonérations éventuels, sont l’objet de véritables escroqueries.

   Il en est de même pour le petit commerce. D’après les données de la chambre de commerce de Colmar, un petit commerçant qui avait réalisé, en 1928, 15.000 fr. de bénéfice brut — sur lequel il doit vivre avec sa famille — et avait un loyer de 2.000 fr., devait payer à Epinal, 256 fr. 62 d’impôts; à Besançon, 310 fr. 30; à Troyes, 474 fr. 11, et à Colmar, 8o1 fr.

   À Metz, en 1931, l’impôt sur les salaires et les contributions professionnelles ont représenté une somme égale à 79 % des centimes additionnels, contre 45 % avant-guerre.

   En 1913, sur 100 fr. d’impôts, 25 % provenaient des propriétés bâties; 13 %, des propriétés non bâties; 13 %, du capital; 34 % des impôts professionnels, et seulement 15 % des salaires.

   En 1930, l’impôt sur les propriétés bâties ne donne plus que 10,2 % ; celui sur les non bâties, 3,8 % ; l’impôt sur le capital, 6,7 %. Par contre, l’impôt professionnel est passé à 42,7 % et l’impôt sur les salaires à 36,6 %.

   Le Journal d’Alsace-Lorraine reconnaissait, le 10 avril 1929, que depuis 1913, dans le département du Bas-Rhin, l’impôt sur le capital était devenu cinq fois plus élevé ; celui des propriétés bâties, quatre fois et sept dixièmes, et l’impôt sur les salaires, trente fois.

   Il est déjà établi que la loi du 9 avril 1932, dite loi Nominé, n’a pas eu les effets que l’on en attendait lors de son adoption. Et cela, parce que les modifications apportées n’ont pas été de nature, ainsi que notre parti l’avait demandé, à frapper plus fortement les catégories capitalistes privilégiées et disposant de gros revenus.

   Dans ces conditions, comme nous l’avions prévu, les administrations municipales d’Alsace et de Lorraine ont dû rechercher ailleurs les ressources qui leur manquaient, et c’est ainsi que dans le département du Bas-Rhin, selon une lettre du préfet, le nombre et la valeur des centimes additionnels ont dû être augmentés dans 210 communes sur 560.

   Le journal Les Dernières Nouvelles de Strasbourg a dû reconnaître que « le résultat auquel on est arrivé est assez décevant, le bénéfice moral et l’avantage matériel que l’on attendait des dégrèvements accordés aux salariés sont contre-balancés, dans une large mesure, par la hausse du nombre des centimes. La réforme est ainsi partiellement inopérante ».

   Les richesses de l’Alsace et de la Lorraine mises au pillage, la régression continue de la production industrielle, le chômage et les bas salaires, la ruine des petits paysans et le recul de leurs cultures traditionnelles, notamment de la vigne et du houblon, une fiscalité d’État écrasante, complétée par un système d’impôts locaux frappant presque exclusivement les travailleurs de la ville et des champs, voilà le véritable tableau de la situation économique et de la vie sociale en Alsace et en Lorraine. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   Voilà les conséquences de l’occupation française, les éléments d’oppression nationale et même certains traits d’exploitation coloniale du peuple d’Alsace et de Lorraine. (Protestations.)

   Un des traits caractéristiques de la nation, communauté d’hommes historiquement constituée, hommes habitant un territoire commun, liés par une vie économique commune, imprégnés d’une mentalité psychique — ou « caractère national » — commune, c’est la langue commune, la langue parlée par le peuple.

   Et l’une des formes les plus sensibles de l’oppression nationale, c’est l’interdiction faite à un peuple de parler sa langue, de l’étudier, de la perfectionner, d’en faire le véhicule de sa culture nationale, et d’apporter ainsi sa contribution à l’effort scientifique universel et au progrès social.

   On ne peut contester la nationalité distinctive du peuple d’Alsace et de Lorraine, et on ne peut, en conséquence, nier la violence qui lui est faite par l’obligation où il se trouve de renoncer à sa propre langue.

   En dépit des méthodes arbitraires de dénationalisation, en dépit du refoulement systématique de l’allemand, la langue maternelle, la « Muttersprache » du peuple alsacien et lorrain est parlée à l’exclusion du français, dans la Haute-Alsace, par 26 % de la population; dans la Basse-AIsace, par 93 % et, jusqu’en Lorraine, par 75 % de la population.

   M. de Lasteyrie indique dans son rapport que « dans la plus grande partie de l’Alsace, l’allemand demeure d’un usage courant ».

   Un vieux paysan alsacien, président d’un syndicat local des planteurs de tabac, me disait récemment avec un accent farouche: « franzôsich kann ich und will nicht sprechen, » « Le français, je ne peux et ne veux le parler. »

   Or, l’allemand n’est enseigné dans les écoles d’Alsace et de Lorraine qu’à titre accessoire. L’administration, les tribunaux reconnaissent que je français. Les ouvriers et les paysans d’Alsace et de Lorraine sont dans l’impossibilité de faire valoir leurs droits ou de se défendre devant les juridictions françaises.

   L’Union des syndicats unitaires d’Alsace et de Lorraine a dressé, il y a quelques semaines, une protestation à l’office supérieur des assurances sociales. Les décisions prises par les conseils de contentieux sont formulées en français, langue que ne parle, ni ne comprend l’assuré, et cela provoque de nombreux malentendus et même parfois certains préjudices. L’ouvrier laisse écouler le délai d’appel, où se défend mal contre les arguments ou prétextes de l’office; encore doit-il faire les frais d’une traduction en allemand.

   La méthode directe, appliquée dans l’enseignement primaire, cette assimilation violente pratiquée sur les jeunes cerveaux, constitue à nos yeux un véritable assassinat moral de tout un peuple. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   J’ai pu en juger dans un village d’Alsace. Une petite fille de cinq ans récitait à l’adresse de ses parents un petit compliment qu’on lui avait appris à l’école. L’enfant parlait notre langue française, comme d’autres gosses récitent des prières en latin, sans en comprendre ni les termes ni le sens. Mais les parents eux-mêmes ne comprenaient rien à ce que disait l’enfant. Dans ce foyer, on parle couramment le dialecte. Comment éveiller la jeune intelligence de l’enfant, comment émouvoir, en puisant dans le « Volkslied » alsacien, sa jeune sensibilité, comment assurer normalement le développement intellectuel de l’enfant, quand on prétend briser ainsi, le jour de son entrée dans vos écoles, ce qui le lie à la réalité vivante, quand on lui interdit l’usage de sa langue maternelle, de la langue de son pays.

   On fait du peuple alsacien et lorrain un peuple de demi-analphabètes. L’enfant ne peut apprendre parfaitement le français et il ne sait plus écrire correctement sa langue, la langue allemande.

   M, Paul Lévy, professeur à l’université de Strasbourg, a pu démontrer dans son livre : « Histoire linguistique d’Alsace et de Lorraine », que la bourgeoisie française était allée beaucoup plus loin que les Prussiens, dans les méthodes brutales d’assimilation. (Exclamations.)

   Je cite :

   « Dans toutes les communes de notre pays, dans lesquels le français est encore aujourd’hui la langue maternelle, la langue du foyer, et où les enfants, dans leur majorité, ne comprennent pas l’allemand, de 1870 à 1918, l’enseignement scolaire fut toujours commencé en français. »

   M. Paul Lévy commet une légère erreur. On a dû revenir à cette méthode, en 1877, à cause de la protestation de ces pays de langue française.

   M. Joseph Rossé. — C’est exact.

   Thorez. — Récemment, le Gouvernement, par la voix de M. Guy La Chambre, déclarait qu’il ne serait pas fait de « concessions portant sur la part qui revient, dans les programmes scolaires, à l’enseignement du français ».

   C’est-à-dire que l’on persistera à brimer les Alsaciens et les Lorrains. D’autre part, l’obligation du français a créé une situation d’infériorité pour le recrutement des administrations ou des grandes entreprises. Comment ne pas entendre la revendication même des cantons de langue française comme celui de Schirmeck, où l’on se plaint des résultats de la méthode directe et du peu de place laissé à l’enseignement de l’allemand, précisément en considération de l’avenir des enfants.

   C’est encore un des aspects de l’oppression nationale que l’introduction, en Alsace et en Lorraine, d’un corps de fonctionnaires de toutes catégories, absolument étrangers au peuple alsacien et lorrain. Dans la police, ils sont le plus souvent recrutés, selon les procédés de l’administration coloniale, parmi ceux qui ne sont pas jugés dignes de demeurer dans leurs fonctions en France, parmi ceux qui sont prêts à toutes les besognes et que l’on envoie camper quelque temps en pays conquis.

   N’a-t-on pas vu, il y a quelques semaines, un officier français cravacher, dans un bureau de poste de Colmar, un employé dont le zèle n’était pas jugé suffisant?

   Sur l’Alsace et la Lorraine pèse ainsi un régime de suspicion, de mouchardage, d’espionnage, de répression continuelle.

   Non seulement on se refuse à entreprendre la révision des décisions arbitraires de l’odieuse commission de triage, alors que des Alsaciens et des Lorrains de vieille souche attendent toujours la réparation morale et matérielle à laquelle ils peuvent légitimement prétendre, mais encore la bourgeoisie française multiplie ses; coups contre le peuple d’Alsace et de Lorraine et frappe impitoyablement ses défenseurs et ses guides.

   On a donné à cette tribune une idée du régime d’exception qui sévit en Alsace et en Lorraine en rapportant que Georges Pioch n’a pas été autorisé à répéter à Strasbourg une conférence sur « l’objection de conscience » qu’il avait pu faire des dizaines de fois en Allemagne et plus encore en France.

   Des journaux allemands ont été interdits en Alsace et en Lorraine, tandis qu’on pouvait se les procurer librement en France. Des ouvriers de Bisheim ont été poursuivis, d’autres condamnés à Thionville pour avoir colporté l’Arbeiter Illustrierte Zeitung, le grand hebdomadaire antifasciste des prolétaires d’Allemagne.

   Nous avons dû protester pour obtenir livraison d’une fourniture de volumes que l’on nous avait saisis et qui étaient tout simplement une traduction de Zola. Une édition de Heine a été récemment l’objet d’une interdiction, de même des recueils de poésies populaires.

   Je ne veux pas rappeler tous les procès intentés aux Alsaciens et aux Lorrains, convaincus de lutter pour l’indépendance de leur pays, les « complots » forgés de toutes pièces par le Gouvernement français et son administration, les brimades infligées aux fonctionnaires alsaciens et lorrains, les condamnations multiples et les interdictions prononcées contre les journaux d’Alsace et de Lorraine qui ne s’inclinent pas devant les oppresseurs et qui appellent au combat pour la libération nationale.

   Les militants ouvriers sont particulièrement atteints par la répression. Leurs réunions sont interdites, dissoutes par la police. Tout un congrès est dispersé et les délégués frappés par les mercenaires de la garde mobile. Le journal communiste de langue allemande l’Humanité, de Metz, est actuellement poursuivi pour avoir simplement reproduit, pour les travailleurs d’Alsace et de Lorraine, les articles du Temps sur l’organisation des frontières et particulièrement sur les fortifications aménagées en Lorraine.

   Pour parvenir à ses fins, l’État français renforce constamment sa police. En France, la police d’État existe dans sept villes. En Alsace et en Lorraine, trois villes en sont gratifiées. Pour Strasbourg, Mulhouse et Metz seulement, il y a près d’un millier de policiers en civil et en uniforme, sans doute pour suppléer et organiser au besoin l’expression des sentiments loyaux de la population à l’égard de l’oppresseur.

   Les dépenses de la seule police d’État passent, de 13.300.000 fr, en 1930, à 14 millions de francs en 1932, et on prévoit, pour cette année, une somme considérable de 15.035.287 francs.

   Et l’on parle d’économies ! Il est vrai qu’on fait état d’économies dans le rapport sur le budget des services d’Alsace et de Lorraine. On se réjouit de la suppression de 157 emplois, ce qui est appréciable. Oui, mais on se garde bien de souligner qu’il ne s’agit que de petits fonctionnaires et surtout, presque exclusivement, de fonctionnaires de l’enseignement laïque, dont 96 instituteurs des écoles primaires supérieures, des cours complémentaires et collèges communaux, de 12 professeurs et de 10 répétiteurs.

   Voilà qui renforce encore notre opinion sur la tendance à entretenir et à accroître l’ignorance du peuple alsacien et lorrain.

   C’est d’autant plus significatif que l’on propose de consacrer cette année 54 millions aux dépenses du culte, c’est-à-dire que l’on entretient avec soin les éléments d’obscurantisme et de régression sociale, qui peuvent contrarier l’effort libérateur des travailleurs d’Alsace et de Lorraine.

   On répandra ainsi, non la manne céleste, mais les très matérielles largesses de l’État sur les prêtres ou pasteurs de toutes confessions.

   Et l’on refuse d’augmenter la subvention de 12 millions aux caisses de retraites des mineurs de Lorraine ! On refuse de porter au moins au niveau des retraites actuellement consenties à leurs frères de France la pension des vieux mineurs lorrains et de relever pour les uns et les autres jusqu’à 6.000 francs.

   Et l’on réduit à 168.000 francs la subvention au centre d’études germaniques de l’université de Strasbourg ! N’y a-t-il rien à puiser dans l’œuvre des Goethe et des Schiller ?

   Pour nous, prolétaires marxistes, nous ne pouvons oublier ce que notre doctrine doit à la pensée philosophique allemande, à l’œuvre des dialecticiens, sans doute idéalistes, tel Kant et Hegel, et de matérialistes, comme Feuerbach.

   Au programme des revendications du peuple d’Alsace et de Lorraine figurent, il va de soi, des exigences de caractère très immédiat.

   Les ouvriers d’Alsace et de Lorraine veulent empêcher la diminution de leurs salaires.

   Ils ont déclenché plusieurs grèves, comme chez Mathis, contre des exploiteurs, qui bénéficient, est-il besoin de le dire, de l’appui complet de l’administration et de la police françaises.

   Les mineurs de Lorraine, en majorité sous l’influence du syndicat unitaire, font valoir, outre celles qui leur sont communes avec leurs camarades de France, des revendications propres à leur pays, particulièrement en ce qui concerne le régime des retraites.

   Les chômeurs d’Alsace et de Lorraine ont besoin d’être mieux secourus. Ils veulent être inscrits, sans condition, sur les fonds de chômage et obtenir une allocation qui leur permette de vivre. Pour de nombreuses professions, il est nécessaire de faire fonctionner le fonds de secours aux chômeurs partiels, notamment chez les mineurs, dans le textile et dans la métallurgie.

   Les cheminots et les fonctionnaires d’Alsace et de Lorraine ont fait d’imposantes manifestations pour protester contre la réduction un moment envisagée de l’indemnité compensatrice et la diminution des indemnités de famille et de résidence.

   Je voudrais signaler quatre revendications principales des cheminots :

   1° Le reclassement des catégories. Les cheminots de nombreuses catégories, notamment les employés des bureaux, et, pour eux, les syndicats protestent contre les satisfactions insuffisantes qui résulteraient des travaux de la commission Thiman, déjà constituée pour réviser le classement opéré par le statut Tissier ;

   2° La suppression de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1923, c’est-à-dire la suppression de la cotisation imposée à des cheminots à qui la loi locale du 31 mars 1873 accordait une retraite, en les dispensant de toutes cotisations ;

   3° La prise en compte, pour l’établissement de la retraite, du temps d’assurance avant l’entrée de l’intéressé dans les chemins de fer.

   Je veux citer un seul cas. Il s’agit de Eckert Victor, ancien ouvrier cordonnier, gagnant, avant la guerre, un salaire relativement élevé et versant, à l’époque, à l’institut d’assurance sociale la cotisation la plus élevée. Il est entré au chemin de fer après la guerre et y est resté jusqu’au 31 mai 1930.

   Eckert totalise : 1° 28 ans 1 mois et 6 jours d’assurance obligatoire à l’institut d’assurance ; 2° 10 ans 6 mois et 13 jours d’assurance au chemin de fer; en tout, 38 ans 7 mois et 18 jours d’assurance. Eh bien, il ne reçoit que 2.232 francs de retraite par an. Si l’on déduit sa cotisation pour la caisse de maladie, il ne touche plus que 195 francs par mois, alors, par exemple, que la revendication fondamentale des cheminots est de 800 francs de retraite mensuelle au minimum;

   4° Le versement des indemnités pour ceux des cheminots mobilisés pendant la guerre ayant omis de faire valoir à temps leurs droits et n’ayant pas encore obtenu satisfaction comme suite au procès victorieux engagé contre l’État allemand par les syndicats des cheminots alsaciens.

   Les petits paysans, ainsi qu’on l’a vu plus haut, réclament surtout la prise en considération de leurs revendications spéciales dans le domaine de la viticulture et de la production du houblon. Pour le reste, notamment le blé, beaucoup de leurs revendications leur sont communes avec les paysans pauvres de France et se peuvent résumer dans l’allégement de leurs charges fiscales, la mise à leur disposition d’engrais, de semences et d’outillage agricole et l’allocation d’indemnités de crise.

   Partout, d’ailleurs, on se dresse, en Alsace et en Lorraine, contre l’oppression fiscale, contre l’écrasante et double charge des impôts d’État et des impôts locaux.

   Sur ce point, nous avons déjà proposé que l’on remette à la disposition du peuple d’Alsace et de Lorraine les milliards qui lui ont été ravis et que l’on décide au surplus que tous les impôts prélevés en Alsace et en Lorraine serviront exclusivement aux besoins intérieurs du peuple alsacien et lorrain. (Exclamations.)

   M. André Parmentier. — Et les impôts du département du Nord aux besoins des habitants de ce département ?

   Thorez, — Dans le domaine politique, nous réclamons la suppression du concordat, la séparation de l’église et de l’État. Nous sommes partisans de l’école laïque, monsieur Guernut. Cependant, nous ne concevons pas la revendication de l’école laïque à la façon du parti radical et du parti socialiste.

   Pour les partis soi-disant de « gauche » il s’agit de « l’introduction des lois laïques », de « l’assimilation intégrale », c’est- à-dire que, sous le couvert d’un anticléricalisme étroit et tracassier, le parti radical et le parti socialiste propagent les théories impérialistes et combattent les revendications nationales du peuple d’Alsace et de Lorraine. Ils nient d’ailleurs que l’Alsace-Lorraine soit une minorité nationale, un peuple opprimé. (Interruptions)

   Pour nous, l’école laïque, c’est l’enseignement sans instruction religieuse; mais c’est aussi l’enseignement dans la langue de l’enfant, dans la langue allemande, et cela signifie que l’école alsacienne doit être débarrassée du représentant de l’impérialisme français et confiée à l’instituteur laïque de nationalité alsacienne, accepté et soutenu par les parents alsaciens et lorrains. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   Mais la revendication fondamentale formulée par le parti communiste de France, c’est le droit à la libre disposition du peuple d’Alsace et de Lorraine…

   M. Eugène Fiancette. — Parlez-nous de la Géorgie !

   On a vu comment ce droit a été respecté dans ce pays.

   Thorez. — …jusques et y compris la séparation d’avec la France.

   C’est le mot d’ordre du peuple alsacien-lorrain lui-même. C’est celui qu’a lancé le premier congrès ouvrier et paysan d’Alsace et de Lorraine, tenu à Strasbourg le 6 septembre 1925, et qui a été confirmé dans le congrès de dimanche dernier 2 avril à Strasbourg.

   C’est celui qui est inscrit en tête du programme des communistes d’Alsace et de Lorraine.

   Indépendance absolue et inconditionnée du peuple d’Alsace et de Lorraine, cela exige, selon la formule que je transcris du programme approuvé par les travailleurs d’Ivry qui m’ont envoyé ici, par les 800 ooo qui ont voté pour le parti communiste de France, « le retrait immédiat de tous les corps de troupes, d’occupation et de tous les fonctionnaires français d’Alsace-Lorraine ». (Interruptions.)

   C’est le programme que mes électeurs m’ont chargé de défendre ici. Je le défends, moi. Je n’oublie pas mon programme. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   Les communistes de France proclament hautement qu’ils soutiennent et soutiendront tout mouvement national dirigé contre leur ennemie, la bourgeoisie de France.

   Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre, nous a enseigné Marx.

   Nous, prolétaires de France, nous aimons notre pays, mais pas à la façon des bourgeois. (Exclamations et rires.)

   Nous sommes fiers des exemples d’énergie révolutionnaire que les classes laborieuses de France ont prodigués à travers les siècles.

   Nous sommes fiers de la glorieuse Commune de Paris et nous rougissons de honte, nous souffrons de l’oppression exercée par notre pays sur le peuple d’Alsace et de Lorraine. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste. — Mouvements divers.)

   En combattant pour la libération nationale du peuple d’Alsace et de Lorraine, nous travaillons à notre propre libération.

   L’attitude des communistes à l’égard des revendications autonomistes du peuple d’Alsace et de Lorraine et vis-à-vis du mouvement autonomiste procède des mêmes considérations de lutte contre l’impérialisme français.

   Nous estimons que l’autonomie n’est pas une revendication suffisante. L’autonomie, la faculté d’administration de l’Alsace et de la Lorraine par le peuple alsacien et lorrain lui-même, dans le cadre de la France, laisse subsister la domination impérialiste. Elle ne fait pas cesser l’oppression nationale.

   Cependant, nous soutenons les revendications autonomistes parce qu’elles expriment le désir profond des masses populaires — et je considère qu’ici M. Dahlet a exposé une opinion largement répandue parmi le peuple d’Alsace et de Lorraine — tout particulièrement des paysans attachés à leur pays, à leur langue, hostiles à toute politique d’assimilation et excédés par les procédés de l’administration française.

   Combien de paysans, combien d’ouvriers avaient espéré le retour des Français et sont maintenant revenus de leurs illusions! Combien se réjouissaient en 1918-1919, qui sont à présent de fervents autonomistes!

   J’ai recueilli de la bouche d’un paysan catholique des environs de Schlestadt l’explication de cette évolution des esprits. Il m’a conté comment, jeune, avant la guerre, il avait été impressionné par le récit des lointains souvenirs de ses parents et comment il en était venu alors à souhaiter la venue des Français.

   Il m’a mis sous les yeux une croix de la Légion d’honneur obtenue en 1870 par son oncle et conservée longtemps avec dévotion par ses parents.

   Il m’a fait feuilleter l’album où de vieilles photographies représentaient l’oncle, officier au régiment d’artillerie impériale de Schlestadt.

   Et il m’a affirmé sincèrement que tout cela n’avait pu l’empêcher de convenir que l’Alsace et la Lorraine avaient sans doute changé de maîtres, mais que le sort des Alsaciens et des Lorrains n’en valait guère mieux. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

 M. Eugène Fiancette. — Il fallait lui proposer un voyage en Russie.

Thorez. — Je lui ai posé la question.

Je réponds à différentes objections. Je suppose que vous me rendrez cette justice que je m’efforce d’apporter des arguments très sérieux pour défendre la thèse communiste. (Mouvements divers.)

   M. Eugène Fiancette. — C’est une justice à vous rendre.

   Thorez. — Je sais qu’il y a ici une façon de parler des problèmes d’Alsace et de Lorraine.

   À l’exception des représentants de l’Alsace et de la Lorraine, qui parfois ne disent pas tout ce qu’ils pensent ni tout ce qu’ils pourraient dire, parce qu’ils savent qu’ils seraient considérés comme des criminels et des agents de l’Allemagne…

   M. Joseph Rossé. — Non. Je ne veux pas laisser déclarer ici que nous ne disons pas tout.

   Nous avons le courage de notre opinion.

   M. Camille Dahlet. — Pas tous !

   Thorez. — La question n’est pas là. J’ai dit que tous les députés d’Alsace et de Lorraine ne disaient pas à cette tribune tout ce qu’ils pensaient.

   Si l’on m’y obligeait, je donnerais des précisions.

   Sur divers bancs. — Donnez-les !

   Thorez. — Je n’en veux pour preuve que l’intérêt qu’avait le Gouvernement à provoquer un débat limité à la commission de l’Alsace et de la Lorraine.

   M. Robert Schuman. — Ce n’est pas le Gouvernement qui l’a provoqué. C’est la commission elle-même qui en a pris l’initiative.

   Thorez. — Même si la commission en a pris l’initiative, monsieur Schuman, le fait subsiste qu’on désirait un débat limité.

   Je ne citerai pas le nom du député qui a dit que, dans sa circonscription, les ouvriers étaient tellement malheureux qu’il y avait là-bas une épidémie de suicides et que l’on avait été obligé d’intervenir auprès de la presse pour l’empêcher de s’emparer de ce scandale.

   M. Robert Schuman, — Croyez-vous que votre discours y changera quelque chose?

   Thorez. — Je reviens à la question. J’ai demandé à ce paysan : « Voulez-vous être Français ou Allemand? », prévoyant l’objection qu’on nous fait constamment en nous disant que nous travaillons pour l’Allemagne.

   Il m’a répondu : « Il ne s’agit ni d’être Français, ni d’être Allemand. Il s’agit d’être Alsacien. Je suis Alsacien »

   Ce paysan catholique demande un Landtag, une assemblée du peuple alsacien et lorrain. Si ce peuple revendique un Landtag, les communistes défendront cette revendication.

   Nous avons soutenu et nous soutiendrons la lutte des groupements autonomistes qui se dressent effectivement contre la bourgeoisie française et contre les partis impérialistes en Alsace et en Lorraine.

   D’un autre côté, les communistes alsaciens et lorrains combattent avec vigueur les capitalistes de leur pays qui ont pactisé avec la bourgeoisie française afin de partager avec elle les bénéfices de l’exploitation inouïe du peuple alsacien et lorrain.

   Ils dénoncent dans la plupart des grands patriotes français d’aujourd’hui les fidèles serviteurs du kaiser d’hier. (Mouvements divers.)

   Les communistes d’Alsace et de Lorraine combattent les organisations socialistes de leur pays, prosternées devant l’impérialisme, alors que certains de leurs dirigeants actuels, partisans acharnés de l’assimilation, comme M. Georges Weill, disaient avant la guerre: « Nous, Alsaciens, nous voulons la paix. Et nous voulons maintenir dans la paix notre autonomie nationale. C’est pourquoi nous exigeons l’autonomie, qui rend possible la collaboration des peuples. » (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   M. Georges Weill. — Puisque vous me mettez en cause… (Interruptions à l’extrême gauche communiste.)

   Thorez. — Les communistes d’Alsace et de Lorraine combattent les renégats qui ont d’abord glissé de la position léniniste et révolutionnaire dans la question nationale à une attitude platement bornée et rétrograde de petits bourgeois nationalistes et qui se, sont avérés par la suite comme des complices de l’impérialisme.

   Les communistes d’Alsace et de Lorraine et ceux de France n’ont que mépris pour ceux qui, pour conserver des mandats, ont brisé la discipline de leur parti, lutté contre le communisme et sont déjà devenus les alliés et les porte-parole des bourgeois impérialistes.

   Nous, communistes de France, appuyant de toutes nos forces nos camarades d’Alsace et de Lorraine, nous menons en France le combat implacable contre la bourgeoisie qui opprime le peuple d’Alsace et de Lorraine et contre le parti socialiste qui admet et justifie cette violence faite à tout un peuple.

   M. Emille Béron. — Vous n’êtes pas qualifié pour insulter qui vous plaît.

   Lorsque vous étiez en prison, n’avez-vous pas chargé des avocats d’intervenir pour qu’il vous soit procuré certains avantages? Et quand vous les avez obtenus et êtes sorti de prison, vous avez dénoncé ces avocats comme étant des hommes de la bourgeoisie.

   Vous devriez donc être plus mesuré dans vos paroles et ne pas insulter les autres. (Applaudissements.)

   Thorez. — Monsieur Béron, les applaudissements de cette Chambre devraient vous montrer où vous êtes tombé.

   M. Eugène Fiancette. — Répondez !

   Thorez. — Je vais répondre. Vous savez bien que je ne refuse jamais la bataille. Je vais faire justice de cette calomnie que M. Béron a reprise à M. Plard.

   Il s’agirait de sollicitations auprès d’un avocat ? Les choses sont beaucoup plus simples ; elles ne sont pas telles que M. Plard a bien voulu les rapporter, d’autant plus qu’il s’est bien gardé de venir les dire devant les ouvriers de Troyes.

   J’ai été, pendant trois années, poursuivi par la police de la bourgeoisie française. J’ai été arrêté en 1929 et transféré à la prison de Nancy.

   J’étais un détenu politique. À la prison de Nancy, il n’y avait pas de régime politique. Avec les ouvriers qui étaient emprisonnés à mes côtés, nous avons entamé une lutte qui n’a jamais cessé, pour arracher le régime politique auquel nous avions droit. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste.)

   Ce régime politique, nous l’avons obtenu par la lutte. Il suffirait que M. le ministre de la Justice ouvrit ses dossiers pour pouvoir le dire à la Chambre.

   M. le Président. — Voilà une heure que vous tenez la tribune.

   Thorez. — Je ne puis laisser l’observation qui m’a été faite sans réponse.

   Vous avez entendu l’attaque, vous y avez applaudi, et vous ne voulez pas que je réponde ?

   Soutenant, Monsieur Béron, l’effort des détenus politiques de Nancy, le Secours rouge a envoyé une délégation auprès de l’administration pénitentiaire et, en particulier, auprès du directeur de Clairvaux.

   Cette délégation envoyée auprès de M. le directeur de la prison de Clairvaux a été accompagnée alors par un membre du parti communiste, avocat du Secours rouge, M. Plard. Elle a exposé les revendications communes à tous les détenus politiques.

   Voilà la calomnie qu’on a voulu lancer et que je mets au défi qui que ce soit de prouver. On a voulu montrer que l’un des dirigeants du parti communiste pouvait bénéficier d’un régime particulier, alors que les autres détenus n’auraient pas obtenu les mêmes avantages.

   C’est la plus vile des calomnies.

   Tous les détenus, politiques de Nancy en ont témoigné, et les documents ont été publiés.

   Après mon départ, ils ont continué une lutte telle que la prison a été envahie par la police, les détenus ont été frappés et plusieurs d’entre eux — vous le savez bien, monsieur Béron — ont été condamnés à six mois et même à neuf mois de prison, au régime de droit commun.

   M. Charles de Lasteyrie, rapporteur. — Revenons au budget. Ce discours est odieux.

   Thorez. — Nous luttons pour résoudre la question d’Alsace-Lorraine dans le sens indiqué par le programme de l’Internationale communiste et selon les méthodes que les travailleurs de l’Union soviétique ont su magnifiquement appliquer, en libérant de toute oppression nationale les peuples autrefois subjugués par le tsarisme.

   La question d’Alsace-Lorraine devient plus sensible en rapport avec la situation internationale présente et avec les menaces de guerre qui se multiplient.

   L’instauration en Allemagne de la sanglante dictature du fascisme augmente considérablement les possibilités de conflit. De toutes façons, le traité de Versailles est battu en brèche. Déjà profondément ébranlé par la crise mondiale, le système de Versailles est remis en question par des États peuplés de dizaines de millions d’hommes.

   Et l’Alsace-Lorraine risque de redevenir bientôt l’un des enjeux d’une guerre impérialiste. Elle risque d’être transformée en un immense champ de bataille, en un vaste ossuaire. (Vives protestations sur un grand nombre de bancs.)

   Les populations d’Alsace-Lorraine entendent la trépidation des camions lourdement chargés, le grondement des foreuses, le tambourinage des machines à béton, les détonations sourdes de la dynamite: toute la musique pacifique du traité de Versailles. (Vives exclamations.)

   M. le Président. — Vous savez bien que l’orateur ne peut dire autre chose. Vous êtes habitués à son langage.

   Marcel Capron. — Le président doit se borner à diriger les débats, Il n’a pas le droit d’insulter les orateurs.

   M. le Président. — Il n’y a aucune insulte envers l’orateur.

   La Chambre tout entière proteste contre de telles paroles, (Très bien! très bien!)

   Thorez. — Je me rends compte que le programme du parti communiste ne vous plaît pas. Mais j’ai été envoyé ici pour développer mon programme et non pour défendre le vôtre. (Interruptions.)

   Écoutez ce que disent les Alsaciens-Lorrains :

   « Chez nous, on construit: sur terre et sous terre, sur les monts et dans les vallées, dans les bois, dans les champs, dans les prés, un immense cimetière.

   « Chez nous, à l’église et à l’école, on enseigne au peuple le précepte : « Tu ne tueras point » ; et sous l’égide de ces deux institutions, on construit chez nous, selon les dernières données de la technique, l’abattoir humain le plus moderne. Fer, acier, électricité, feu et eau, La voie de la « mort au champ d’honneur » est construite en béton massif, sur des kilomètres de largeur, pavée de mines souterraines. (Exclamations.)

   « Chez nous, patrie d’un peuple nationalement opprimé depuis des siècles, tout est chargé de dynamite. Et quand la grande mort sera là, quand, dans les champs, les blés d’or auront cédé la place aux ossements des « héros », quand les torrents des montagnes ne charrieront plus de l’eau fraîche, mais des flots de sang (Vives réclamations), quand l’horreur de la destruction s’exprimera dans les ruines des villages abattus, dans les villes dévastées, alors les sangsues du peuple alsacien-lorrain opprimé pourront dire, comme Goethe:

   « Sur les cimes, tout repose…

   « Aujourd’hui, une guerre signifie la destruction massive des acquisitions économiques et culturelles sur le territoire où se heurtent les armées ennemies. Ravages démesurés indépendamment des sacrifices humains. Là où se déroulent des guerres de position, il faut s’attendre à la destruction totale du pays. Verdun est encore présent à toutes les mémoires. Pour l’impérialisme, qu’il soit allemand ou français, l’Alsace-Lorraine est un objet d’exploitation, à la fois par ses richesses minérales, son industrie fortement développée et son agriculture bien sélectionnée. La situation de l’AIsace-Lorraine en tant que région frontière en fait un théâtre d’opérations tout choisi pour la prochaine guerre. » (Vives protestations.)

   L’Humanité de langue allemande a exposé ensuite les misères subies par les paysans dépossédés de leur lopin de terre et par les ouvriers qui travaillent dans les galeries souterraines pour des salaires dérisoires, sans que soit assurée la moindre sécurité. Elle a montré la mobilisation policière opérée à la faveur du travail de fortifications. Une véritable nuée de gendarmes, gardes mobiles, commissaires, inspecteurs et mouchards s’est abattue sur le pays, A peine y peut-on circuler.

   C’est un article qui a valu des poursuites au vaillant journal des prolétaires d’Alsace-Lorraine : on ne peut prétendre que c’est à cause de révélations sur les fortifications, puisque ce n’était que la reproduction d’articles du Temps. À moins qu’on ne puisse dire aux travailleurs d’Alsace-Lorraine ce que peut savoir un bourgeois de France.

   Mais sans doute les poursuites viennent dire que l’article dénonçait les expropriations des paysans, l’exploitation des ouvriers et le règne du policier en Alsace-Lorraine.

   C’est parce que l’on appelait à la lutte, contre la guerre et contre l’oppression nationale.

   Les délégués des travailleurs d’Alsace-Lorraine, dans leur congrès du 2 avril 1933, se sont dressés avec vigueur contre les excitations chauvines auxquelles se livrent dans leur pays les représentants ou les complices de la bourgeoisie française, à la faveur de l’instauration en Allemagne de la dictature fasciste de Hitler.

   Les travailleurs d’Alsace-Lorraine, comme ceux de France, flétrissent avec indignation les crimes du fascisme. Mais ils ne se laissent pas conduire au nationalisme, et ils combattent avant tout l’ennemi qui les opprime, la bourgeoisie de France.

   La social-démocratie allemande est déjà prosternée devant ceux que sa politique de reniements et de capitulation a conduits au pouvoir. Mais l’esprit de Karl Liebknecht vit chez des millions de prolétaires d’Allemagne, qui rallieront le communisme… et à qui les travailleurs d’Alsace-Lorraine et ceux de France tendent une main fraternelle.

   Le peuple d’Alsace-Lorraine, destiné à lutter pour son indépendance, sait bien qu’il n’a d’autres alliés, d’autres soutiens que les prolétaires, et avant tout les prolétaires de France, guidés par le parti communiste.

   Comme il y a huit ans, au premier congrès ouvrier et paysan de Strasbourg et comme dimanche dernier, je déclare du haut de cette tribune, au peuple d’Alsace-Lorraine, que nous, prolétaires communistes de France, nous le soutiendrons dans ses légitimes revendications, dans sa lutte nationale libératrice.

   Vive la libre disposition du peuple d’Alsace-Lorraine, jusques et y compris sa séparation d’avec la France ! (Vives exclamations, — Bruit.)

   Vive notre lutte commune, prolétaires de France et peuple d’Alsace-Lorraine, contre l’ennemi commun, l’impérialisme français. (Applaudissements à l’extrême gauche communiste. — Vives protestations sur un grand nombre de bancs.)

   M. le Président, — La parole est à M. le sous-secrétaire d’État de la présidence du Conseil.

   M. le sous-secrétaire d’État de la présidence du Conseil.

   — Je ne peux pas ne pas m’élever contre les dernières paroles prononcées à la tribune par M. Thorez. Non point que je veuille faire à son argumentation l’honneur d’une discussion, voire d’une réfutation, (Vives interruptions à l’extrême gauche communiste.)

   Mais il me sera permis de rappeler à M. Thorez que quand, pendant la guerre, a été discutée, dans certains congrès auxquels participait un des fondateurs du parti auquel il appartient, l’opportunité d’une consultation par laquelle l’Alsace serait appelée à disposer d’elle-même, c’est ce fondateur du parti de M. Thorez qui a le plus violemment combattu cette proposition, il me sera aussi permis de rappeler que c’est ce même membre du parti de M. Thorez qui, en 1918, à Strasbourg, aux côtés de M. Poincaré…

   Renaud Jean. — C’est un mensonge !

   M. le sous-secrétaire d’État a la présidence du Conseil.

   — … a versé des larmes qui sont à son honneur et à celui de la cause en faveur de laquelle il les versait.

   Clamamus. — C’est une diversion que vous tentez.

   M. Eugène Fiancette. — Tout le monde sait bien que M. Cachin a pleuré au moment du retour de l’Alsace à la France.

   M. Camille Dahlet. — Il s’attendait à une autre politique que celle qu’on y a faite.

   M. Eugène Fiancette. — Vous défendez Cachin, monsieur Dahlet ?

   M. le Président. — La Chambre tout entière, monsieur le ministre, applaudit à vos éloquentes et généreuses paroles. (Vifs applaudissements.)

   À l’extrême gauche communiste. — Pas nous !

   Thorez. — Je demande la parole.

   M. le Président, — La parole est à M. Doeblé.

   Thorez. -— Je demande la parole.

   M. le Président. — Monsieur Thorez vous venez d’user largement du droit de parole. La parole est maintenant à M. Doeblé

   Thorez, — Je demande la parole pour un rappel au règlement.

   M. le Président. — La parole est à M. Thorez, pour un rappel au règlement.

   Thorez. — J’estime que j’avais le droit de répondre à M. le ministre et que M. le président a singulièrement abusé de ses prérogatives… (Vives exclamations.)

   Je viens au fait.

   Je désire éclaircir trois points.

   Premièrement, Jules Guesde, un des fondateurs du mouvement ouvrier socialiste en France, a déjà dit qu’il était beaucoup plus facile de trouver des policiers et des geôliers pour nous emprisonner que des arguments pour nous répondre. Vous venez, monsieur Guy La Chambre, d’en faire, une fois de plus, la démonstration.

   En second lieu, vous venez de vous livrer contre nous à une agression d’ordre subalterne, dont nous avons l’habitude en réunion publique.

   Vous avez mis en cause notre camarade Cachin, leader aimé et respecté de notre parti communiste et des prolétaires de France.

   Ce que vous reprochez à Marcel Cachin, ce ne sont pas tellement les erreurs qu’il a pu commettre avec le parti socialiste unifié pendant la guerre. Vous lui reprochez, au contraire, d’avoir quitté le chemin de l’erreur pour se mettre entièrement au service du prolétariat, dans les rangs de l’Internationale communiste…

   M. le Président. — Ce n’est pas là un rappel au règlement.

   Thorez. — Rien ne nous arrêtera dans notre lutte… (Exclamations et protestations.)

   M. le Président. — Ce n’est pas là un rappel au règlement.