2. L’impérialisme et notre lutte

Programme du Parti Communiste maoïste

PCm

2. L’impérialisme et notre lutte

   Dans le Manifeste du Parti Communiste, Marx et Engels écrivent :

   « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon se sont trouvés en constante opposition. […] La société bourgeoise moderne […] a mis en place des classes nouvelles, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de lutte. Toutefois, notre époque – l’époque de la bourgeoisie – se distingue des autres, par un trait particulier : elle a simplifié les antagonismes de classes. De plus en plus la société se divise en deux grandes classes, la bourgeoisie et le prolétariat. »

   Ce constat se vérifie manifestement aujourd’hui. Jamais il n’y a eu autant d’ouvriers et d’ouvrières dans le monde. Mais une chose a changé depuis Marx et Engels. Ces deux grands piliers de l’idéologie prolétarienne ont pu analyser le capitalisme tel qu’il était à leur époque. Depuis, il a franchi une nouvelle étape, et c’est Lénine qui l’a découvert. C’est le stade suprême du capitalisme, c’est l’impérialisme. Voilà la définition qu’en donne Lénine :

   « L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financiers, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes. »

   Aujourd’hui, nous en sommes toujours au stade impérialiste. Les changements ne sont que des adaptations du système en concordance avec l’évolution de la société. Le fond, lui reste le même, et la tendance à la concentration du Capital se vérifie toujours.

   Afin de comprendre comment l’impérialisme s’est développé, il est nécessaire de faire un retour sur le développement historique de la société humaine.

La formation du Capital

   Le capital s’est formé dans la société féodale, par l’accumulation d’argent entre les mains des bourgeois des villes, artisans et commerçants.

   Les progrès maritimes en bateaux, instruments de navigation et en astronomie vont amener à la conquête de l’Amérique par les Portugais. Un premier partage du monde est alors effectué entre l’Espagne et le Portugal par le traité de Tordesillas sous l’autorité de l’Église et du Pape.

   Le développement des routes maritimes par les européens vont permettre à leur commerce de s’étendre à la terre entière, d’accumuler de nouvelles richesses, mais aussi de piller et massacrer les peuples d’Amérique du Sud et Centrale, détruire leur civilisation et imposer celle des conquérants. Le besoin de main d’œuvre pour le nouveau continent a développé la traite des esclaves. Peu à peu, le nombre de puissances impliquées augmente.

   L’accumulation du capital entre les mains de la bourgeoisie devient alors considérable. Les premières compagnies par actions émergent. La bourgeoisie ne peut alors plus supporter le carcan des corporations féodales. Elle brise ces entraves et renverse l’organisation ancienne de la société, sans en abolir le fondement : la division en classes sociales aux intérêts antagoniques, c’est-à-dire opposés et inconciliables. Ce sont alors les révolutions bourgeoises des 18èmes et 19èmes siècles, notamment la révolution française de 1789.

L’avènement du capitalisme

   Le développement du capitalisme prend d’abord son essor en Angleterre. Les grands propriétaires terriens expulsent les paysans des terrains communaux non clôturés (utilisés par tous les villageois pour leur bétail ou pour la récolte de bois) pour gagner de nouveaux pâturages. Les champs labourés, sans enclos, sont remplacés par des pâturages fermés pour les moutons.

   Ces suppressions accélérèrent l’exode rural. Acculée à la ruine, une grande partie de la petite paysannerie est contrainte de travailler pour l’industrie de la draperie qui se développe par l’extension de l’élevage du mouton. L’invention du métier à tisser entraîne la ruine de milliers d’artisans et les concentrent dans les filatures où la production augmente considérablement grâce aux machines de plus en plus performantes, utilisant la vapeur comme source d’énergie. Le charbon alimente les hauts-fourneaux pour produire l’acier, les machines outils pour augmenter les capacités de production, les locomotives, les rails de chemin de fer pour acheminer la production. La concentration du travail, la modernisation continue par de nouvelles découvertes dans les manufactures et les usines provoque un développement exponentiel des villes. La classe ouvrière devient la base de la société, car c’est elle qui produit l’ensemble des richesses. Son nombre augmente considérablement.

L’impérialisme, stade suprême du capitalisme

   La création de grandes banques et de grandes industries spécialisées ayant souvent un monopole se multiplient. Peu à peu, les grandes banques transforment leur fonction de prêt en prise de participation dans les sociétés anonymes, car l’argent détenu par les entreprise familiales ne suffit plus pour permettre l’agrandissement de l’entreprise lié au développement des sciences et des techniques et faire face à la concurrence des autres entreprises de même type. Peu à peu, la banque s’empare de parts de plus en plus grandes du capital industriel indépendant. Il fusionne alors avec ce dernier en le dominant. C’est ce qui devient alors le capital financier, sur la base de la fusion entre capital bancaire et industriel : ils sont si imbriqués l’un dans l’autre qu’on ne peut plus les distinguer. Les industries qui hier étaient spécialisées forment des consortiums regroupant différents types d’industries. C’est la formation des monopoles. Ainsi, le capital financier parvient à dominer toute l’économie, ne se contentant plus d’exporter des marchandises, mais aussi des capitaux.

   D’autre part, après la seconde vague de colonisation au 19ème siècle, puis au début du 20ème siècle, de vastes empires coloniaux furent constitués par la Grande-Bretagne, la France, la Russie et dans une moindre mesure par le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Hollande, la Belgique. Le monde était dès lors partagé entre les puissances coloniales. Il n’y aurait plus de découverte de nouveaux territoires, il ne pouvait plus qu’y avoir une lutte entre les différentes puissances impérialistes pour le contrôle des territoires, des matières premières et des marchés. C’est ainsi la raison de fond pour la 1ère et la 2ème Guerre Mondiale. L’impérialisme, c’est la guerre.

   Les différentes puissances impérialistes peuvent former des ententes, des accords, mais ça ne sera jamais que temporaire. Leur lutte entre elles est constante, est absolue. Le monde est alors divisé en deux grands types de pays : les pays impérialistes qui oppriment les pays dominés.

Pays impérialistes et pays dominés

   Au colonialisme direct du 19ème siècle jusqu’aux années 1970 a succédé dans la plupart des cas le semi-colonialisme. Dans ces pays, les impérialistes forment et se servent des élites locales pour faciliter l’exploitation des ressources de leur propre pays. Ces chiens de garde de l’impérialisme sont appelés bourgeoisie compradore et bureaucratique. Cette bourgeoisie est dépendante de divers impérialismes. Elle vit des subsides qu’ils lui versent, des dessous de table dans l’attribution des marchés. Elle est chargée de défendre ou favoriser les investissements des multinationales, la présence militaire à travers des bases navales, terrestres ou aériennes. Enfin, cette bourgeoisie est chargée de faciliter les échanges commerciaux au profit de l’impérialisme, notamment par l’exportation de matières premières brutes et l’importation de produits manufacturés.

   Les impérialistes, afin de piller les sources de matières premières ou élargir leur zone d’influence, entretiennent des oppositions politiques, les soutiennent financièrement, arment des groupes, jouent sur les divisions ethniques et religieuses, souvent issues du découpage de territoire qu’ils ont imposé.

   Par exemple, l’impérialisme américain a soutenu et armé la résistance religieuse et Al Qaïda contre les « communistes » afghans et l’intervention du social-impérialisme soviétique. Après le retrait de ce dernier, la guerre civile a éclaté entre les différents groupes ethniques qui ont détruit le pays pendant que les talibans s’organisaient au Pakistan avec la « passivité » de l’impérialisme américain. L’Afghanistan une fois contrôlé par les talibans, l’impérialisme américain est intervenu et d’autres impérialistes dont la France et l’Allemagne et une trentaine d’autres pays les ont rejoint. Une fois la situation « stabilisée » et leurs nouveaux chiens de garde au pouvoir, les impérialistes ne laissent que leurs conseillers sur place.

   Parfois, la situation devient incontrôlable, comme en Irak par exemple. Les attentats du 11 septembre ont servi de prétexte à l’impérialisme américain pour intervenir en Irak pour se débarrasser de ce chien de garde ayant mordu son maître. Aujourd’hui l’Irak est une base de Daech. Et pour lutter contre Daech, les impérialistes vont mener d’autres interventions, etc. Il s’est passé le même processus en Libye où règne à présent un chaos indescriptible et où les différents groupes islamistes peuvent s’armer à moindre frais. L’impérialisme crée lui même les ennemis qu’il prétend combattre. Quand ça l’arrange, il arme des « rebelles » qui combattent un impérialisme ennemi, mais quand ceux là deviennent gênants, il intervient au nom de la « démocratie » et de « l’humanitaire » contre les « terroristes ». Tout ce qu’il y a derrière, c’est le contrôle de territoires, de zones stratégiques pour l’extraction des matières premières.

   Dans le cas de l’impérialisme français, un exemple récent est l’intervention au Mali contre des islamistes armés directement ou indirectement par la France via la Libye, qui s’est transformée en opération militaire de contrôle d’une partie du désert, et notamment pour sécuriser les mines d’uranium et les voies de transport exploitées par Areva.

   Dans un contexte différent, on peut voir comment les impérialistes finissent par s’arranger d’un changement de régime, même si c’est le peuple qui en est à l’origine. C’est l’exemple des révoltes dans les pays arabes. En Tunisie, la révolte a été déviée du processus révolutionnaire pour lequel le peuple s’était levé, et a été réorientée avec le soutien des impérialistes vers l’action parlementaire. En Egypte, l’armée s’est finalement imposée.

   D’autres pays sont clairement le lieu d’affrontements inter-impérialistes. C’est notamment le cas de la Syrie et de l’Ukraine, où les différents impérialistes ont différents intérêts et se font la guerre par factions interposées. Les forces qui tentent d’avoir une position indépendante dans ces conflits subissent une lourde répression. C’est le cas par exemple des Kurdes de Turquie et de Syrie qui font face à la fois aux attaques de Daech et aux attaques de l’Etat turc qui prétend lutter contre Daech.

   Les impérialistes sont ainsi prêts à tout pour assurer le contrôle des territoires, ressources et marchés. Pour cela, ils sont responsables de guerres, conflits, famines, déstabilisations, génocides, innombrables, prenant place dans les pays opprimés

   Dans les pays opprimés ne subissant pas d’intervention étrangère ou de conflit généré par l’impérialisme, c’est la guerre économique qui fait rage. La dépendance aux prêts des grandes instances impérialistes internationales (FMI, la Banque mondiale,…) empêche complètement ces pays de parvenir à l’indépendance. Pour les pays des colonies françaises en Afrique, un franc CFA leur a été imposé ainsi que des contraintes d’achat ou de vente de matériels. Ils doivent outre le remboursement de la dette qui dépasse de plusieurs fois leur budget, en rembourser les intérêts. Dans ces conditions d’ultra-dépendance au système impérialiste, leur développement est inégal.

   En général, on trouve des centres urbains concentrant la richesse dans certains quartiers et la misère dans d’autres, tandis qu’à la campagne, la misère est générale. Dans l’ensemble, l’accès aux soins, à l’éducation, au confort est réservé aux classes dirigeantes de ces pays tandis que pour l’énorme majorité de la population, le système de santé est quasi inexistant, l’habitat insalubre, les droits sociaux quasi inexistants, l’accès à l’éducation très restreint, les conditions de travail épouvantables provoquant des accidents de travail et des maladies professionnelles non reconnues.

   L’exode rural et la misère ont pour conséquence l’augmentation des vols, meurtres et de la prostitution pour survivre.

   La déforestation, la mise en jachère de terres, l’épuisement des sols, l’exploitation effrénée des richesses naturelles, des richesses de la mer et des forêts conduisent à un désastre écologique qui s’ajoute au désastre général provoqué par le développement anarchique du système de production capitaliste basé sur l’obtention à cours terme du profit maximum.

   L’impérialisme, c’est donc le développement inégal qui signifie vie agréable pour une minorité et misère et exploitation pour une immense majorité.

Sur la situation internationale contemporaine

   Dans la période où le socialisme s’édifiait, deux conceptions du monde s’affrontaient : celle des pays qui construisaient le socialisme dans l’objectif d’atteindre le communisme sur toute la planète ; et celle des pays impérialistes, qui est la course au profit maximum à travers une concurrence acharnée entre puissances impérialistes, entre Etats.

   Suite à la restauration du capitalisme en URSS après le XXème Congrès de 1956 faisant suite à la mort de Staline et en Chine avec la liquidation de la ligne politique portée par la gauche révolutionnaire incarnée par la « Bande des Quatres » (le noyau dirigeant de la Révolution Culturelle) après la mort de Mao, le capital financier domine l’ensemble du monde tant dans le domaine de la production que du commerce, sur le mode de pensée dominant, à travers les médias, l’éducation, la culture, la conception du monde. Il n’y a plus deux mondes, mais un seul basé sur l’extraction de la plus-value, de la rente foncière, du capital financier.

   Depuis 2008, la crise économique du capitalisme s’est approfondie. Cette crise a notamment rebattu les cartes, provoquant des faillites de banques, amenant des Etats au bord de la faillite en raison de leurs dettes publiques. La crise a accentué le processus de concentration du Capital et provoqué une réorganisation de son déploiement à l’échelle internationale.

   Dans ce contexte, la lutte pour le partage des richesses, des sources de matières premières et agricoles s’exacerbe. D’autant que l’intégration dans le marché mondial des ex-économies socialistes a ouvert une nouvelle phase dans laquelle de nouveaux impérialistes sont entrés en lice, la Russie et la Chine. Plusieurs pays ont une importance de plus en plus grande au niveau de l’économie mondiale, comme l’Inde, le Brésil, la Turquie et quelques autres, mais ces pays restent dominés par l’impérialisme ; au niveau régional, certains pays comme l’Inde mènent une politique expansionniste. La lutte pour un nouveau repartage du monde entre les impérialistes s’aiguise.

   Dans la course au profit, tous les coups sont permis et ce sont les peuples qui les reçoivent, les plus durs étant reçus par les peuples opprimés.

   Les matières premières, l’appropriation des espèces animales, végétales ne profitent pas au peuple ou si peu. Ceux qui en profitent ce sont les classes de ces pays qui travaillent main dans la main avec les impérialistes, vivent bien luxueusement, pendant que les peuples sont plongés dans une telle misère qu’ils sont prêts à risquer leur vie en franchissant la Méditerranée ou les vagues du Pacifique pour faire vivre leurs familles.

   Les multinationales et les Etats impérialistes et expansionnistes ne se contentent pas de piller ces matières premières à vil prix, ils vendent les produits transformés à prix fort, rachètent les terres agricoles pour une poignée de dollars ou s’en emparent avec l’aide de la bourgeoisie compradore locale pour implanter des entreprises agricoles de grande taille dans lesquelles ils emploient des travailleurs et travailleuses locales payés une misère. Les paysans et paysannes ne peuvent plus vivre de leur travail, de leur production qui assurait leur subsistance. Ils sont éliminés par la production agricole à haut rendement des multinationales qui s’approprient les plantes, vendent leurs semences et engrais sans se soucier de l’appauvrissement des terres, de la pollution. Ailleurs, c’est pour l’extraction minière que ce processus se déroule.

   On l’aura bien compris, l’impérialisme c’est la guerre, c’est l’accaparement des richesses par une infime minorité et la misère pour l’immense majorité, c’est la destruction cynique de notre environnement.

La tâche des communistes dans les pays impérialistes

   Les communistes doivent garder à l’esprit que la contradiction principale à l’échelle internationale est entre les pays impérialistes d’un côté et les pays et peuples opprimés de l’autre.

   Les communistes doivent ainsi s’opposer aux interventions armées, en premier lieu celle de leur propre impérialisme, dénoncer l’exploitation exercée par les multinationales et le pillage des matières premières, soutenir la lutte des peuples contre l’impérialisme en général et de notre propre pays en particulier (« Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre »), apporter de l’aide aux réfugiés qui fuient les guerres et la misère causées par l’impérialisme, éduquer notre peuple dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien, lutter contre le chauvinisme et le racisme qui se développent dans la société de classe.

   C’est pourquoi la lutte contre notre impérialisme est liée à la lutte des peuples pour leur droit à l’émancipation politique et sociale sans laquelle il ne peut y avoir une émancipation véritable. La fausse décolonisation en accord avec l’impérialisme en est la preuve irréfutable : changer de maître ne suffit pas si celui-ci s’arrange avec l’ancien oppresseur.

   C’est aussi pourquoi lutter contre notre propre impérialisme, c’est ne pas oublier les autres impérialistes. Car on ne peut passer sous silence la politique d’un impérialiste en soutenant un impérialiste contre un autre, ou un groupe de pays impérialistes contre un autre groupe. La 2ème Internationale avait trahi ces principes et chaque parti social-démocrate avait soutenu sa propre bourgeoisie contre les autres. C’est ainsi que la social-démocratie est co-responsable de la boucherie impérialiste de 1914-1917.

   Nous devons mener une lutte conséquente contre tous les courants conservateurs, racistes et chauvins et unir dans une lutte commune toutes celles et ceux qui luttent sur cette base, par l’agitation, l’information, par la mobilisation de masse. Tout cela, nous devons le faire dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien défini par Lénine en ces termes : « Il n’est qu’un, et un seul internationalisme véritable : il consiste à travailler avec abnégation au développement du mouvement révolutionnaire et de la lutte révolutionnaire dans son propre pays, à soutenir (par la propagande, la sympathie, une aide matérielle) cette même lutte, cette même ligne, et elle seule, dans tous les pays sans exception. »

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