Chapitre 29 : La construction socialiste – L’expérience chinoise

Cours de base sur le marxisme-léninisme-maoïsme

Parti Communiste d’Inde (maoïste)

Chapitre 29 : La construction socialiste – L’expérience chinoise

   La mise en œuvre du nouveau programme économique démocratique a commencé avant même la victoire nationale de la révolution. Peu de temps après que l’Armée rouge et la Révolution chinoise sont entrées dans l’offensive stratégique en 1947, Mao a annoncé et a commencé à mettre en œuvre ce qu’on appelait les trois grandes politiques économiques de la révolution de Nouvelle Démocratie. Il s’agissait de 1) la confiscation des terres de la classe féodale et leur répartition entre les paysans, 2) la confiscation du capital de la bourgeoisie compradore et 3) la protection de l’industrie et du commerce de la bourgeoisie nationale. Ces politiques ont été immédiatement mises en œuvre dans les vastes régions du nord de la Chine qui étaient sous contrôle révolutionnaire et la réforme agraire y fut terminée vers le milieu de 1950. Par la suite, le programme de réforme agraire a été achevé dans le reste du pays.

   En 1951, le parti a adopté ce qu’on appelait la ligne générale pour la construction socialiste, pour la période de transition du capitalisme au socialisme. Le but fondamental de cette période était d’accomplir l’industrialisation de la Chine avec la transformation socialiste de l’agriculture, de l’artisanat et de l’industrie et du commerce capitaliste. L’objectif fixé pour compléter ce processus était d’environ dix-huit ans. Ces 18 années ont été divisées en trois années de réadaptation pour se remettre des dommages et des destructions de la guerre civile puis en quinze ans couvrant trois plans quinquennaux pour le développement planifié de l’économie.

   Conformément à cette ligne générale, un plan « étape par étape » a été élaboré pour la transformation socialiste de l’agriculture. La première étape consistait à inviter les paysans à organiser des équipes d’aide mutuelle de producteurs agricoles qui ne comptaient que quelques dizaines de foyers chacune. Ces équipes n’avaient que certains éléments fondamentaux du socialisme, comme l’aide et la coopération entre les membres de l’équipe. La deuxième étape consistait à demander aux paysans d’organiser de petites coopératives de producteurs agricoles sur la base de ces équipes d’entraide. Ces coopératives étaient de nature semi-socialiste et se caractérisaient par la mise en commun de terrains partagés et par une gestion unifiée. Ensuite, la troisième étape consistait à inviter les paysans à se combiner davantage sur la base de ces petites coopératives semi-socialistes et à organiser de grandes coopératives de producteurs agricoles entièrement socialistes. Les principes de base qui sous-tendent ce plan étape par étape étaient la participation volontaire et le bénéfice mutuel. Les paysans devaient être convaincus de participer volontairement à ce processus de collectivisation.

   La première étape des équipes d’entraide a commencé dans les bases révolutionnaires, avant même la victoire nationale de la Révolution. La deuxième étape vers les simples coopératives a eu lieu dans les années 1953-55. La troisième étape de la transition vers des coopératives avancées s’est produite en 1956. Il y a eu une recrudescence littérale de la transformation socialiste à la campagne. Simultanément, dans les premiers mois de 1956, un mouvement connexe a rapidement pris l’avant et complété le processus de nationalisation des entreprises. Ainsi, l’industrie et le commerce de la Chine ont été transférés de la propriété privée à la propriété par l’ensemble du peuple bien plus rapidement que prévu.

   La ligne générale dépendait essentiellement du modèle soviétique de la construction socialiste. L’accent mis sur l’industrie et en particulier sur l’industrie lourde était l’orientation centrale du premier plan quinquennal de 1953-57. En outre, il y avait une tendance à adopter sans critique toutes les politiques soviétiques. Avec la montée du révisionnisme moderne en Union Soviétique (et surtout après le 20ème Congrès révisionniste du PCUS en février 1956), les tendances révisionnistes du PCC ont été immédiatement renforcées. En 1956, une campagne a été lancée au sein du parti pour « s’opposer à des avances imprudentes », c’est-à-dire pour paralyser le processus de socialisation. En même temps, la théorie révisionniste des forces productives a gagné le pouvoir au sein du parti, le représentant principal de cette ligne étant le secrétaire général du parti, Liu Shaoqi. Les représentants de cette tendance ont soutenu les khrouchtchévistes, ont nié la lutte de classe et ont concentré leur attention vers la construction de forces productives modernes, principalement par l’industrie lourde. Leur argument était que les forces productives étaient le principal moteur du changement et que c’étaient les forces productives chinoises qui étaient le facteur principal qui freinait le développement du pays. Les changements dans les relations de production devraient attendre jusqu’à ce que les forces productives aient été assez développées. La socialisation de l’agriculture devait attendre que les industries aient suffisamment été développées pour fournir des machines pour la mécanisation rurale. Toutes ces propositions ont négligé l’importance des relations de production et de la lutte des classes. Cela entraînait une croissance des tendances révisionnistes et bureaucratiques et la croissance d’une nouvelle classe exploiteuse.

   En voyant l’expérience soviétique et en réalisant le danger révisionniste, Mao a immédiatement lancé une campagne pour vaincre ces tendances qui, à l’époque, contrôlaient le parti. Son premier pas dans cette lutte a été son discours d’avril 1956 sur les « dix relations majeures ». Dans ce discours, Mao a fait pour la première fois une critique claire du modèle soviétique de la construction économique socialiste. Tout en se référant à la relation entre l’industrie lourde d’une part et l’industrie légère et l’agriculture, d’autre part, Mao a souligné que « nous avons fait mieux que l’Union soviétique et un certain nombre de pays d’Europe de l’Est. […] leur concentration déséquilibrée sur l’industrie lourde et la négligence de l’agriculture et l’industrie légère entraîne une pénurie de biens sur le marché et une monnaie instable. » De même, il a critiqué la politique soviétique de « serrer trop fort les paysans ». Il a également attaqué les dogmatiques au sein du PCC qui « copient tout de manière indiscriminée et transplantent mécaniquement » ce qu’ils apprennent de l’expérience de l’Union soviétique et d’autres pays socialistes. Il a également critiqué ceux qui suivaient l’exemple de Khrouchtchev en critiquant également Staline. Il a défendu Staline comme un grand marxiste qui avait réalisé 70% de choses bonnes. Ainsi, grâce à cette critique approfondie des révisionnistes soviétiques et des erreurs dans la construction socialiste soviétique, Mao a mené la lutte contre la ligne révisionniste des forces productives qui dominait dans le PCC.

   Cependant, la plus grande contribution du discours de Mao était son avancement majeur dans l’analyse du processus de construction et de planification socialiste. En présentant les problèmes de la construction socialiste comme « dix relations majeures », Mao a amené la dialectique et les contradictions au centre du processus de construction de la société socialiste. Il a montré comment celle-ci impliquait non seulement la mise en œuvre mécanique des cibles de production et de distribution, mais également une compréhension dialectique des principales contradictions dans ce processus et la mobilisation de toutes les forces positives pour réaliser le socialisme. Il a ainsi déclaré : « C’est pour se concentrer sur une politique de base que ces dix problèmes sont soulevés, afin de mobiliser tous les facteurs positifs, internes et externes, pour servir la cause du socialisme […] Ces dix relations sont toutes des contradictions. Le monde se compose de contradictions. Sans contradictions, le monde cesserait d’exister. Notre tâche est de gérer correctement ces contradictions. »

   Mao a poursuivi son travail l’année suivante avec un ouvrage sur la juste solution des contradictions au sein du peuple. En cela, il a poursuivi le développement de la compréhension dialectique du processus de construction socialiste. Principalement, il a placé la lutte de classe au cœur même du processus. Il a affirmé que la « lutte de classe n’est pas finie […] La question de savoir qui va gagner, le socialisme ou le capitalisme, n’est pas encore vraiment réglée ». Avec cela, il a commencé la lutte contre les sections révisionnistes dans le Parti qui disaient que la lutte de classe n’existait plus sous le socialisme. Cela a marqué le début d’un mouvement de rectification à l’échelle du pays, le mouvement anti-droitier. Au cours de cette période, de nombreux cadres supérieurs devaient présenter leur autocritique devant les masses, des millions d’étudiants se livraient au travail manuel pour s’intégrer aux travailleurs et aux paysans, tous les cadres du parti dans les usines et les coopératives agricoles devaient participer au travail manuel, les travailleurs ont commencé à participer à la prise de décision dans leurs usines et une campagne d’éducation socialiste a commencé dans la paysannerie. Grâce à ce processus, le Parti a été rapproché du peuple et les tendances de droite qui grandissaient, tant dans le Parti qu’à l’extérieur, ont été combattues.

   Avec le progrès du mouvement de rectification, les droitiers du parti se sont mis sur la défensive. Cela a conduit, en 1958, à une rectification de la théorie des forces productives erronée qui avait dominé le VIIIème Congrès du Parti en 1956. Le principal tenant de cette théorie, Liu Shaoqi, a été obligé d’admettre avant la Deuxième Session du Huitième Congrès du Parti en mai 1958 que, pendant toute la période précédant l’achèvement de la construction d’une société socialiste, la principale contradiction se déroulait entre les le prolétariat et la bourgeoisie, entre la voie socialiste et la voie capitaliste. Son rapport mentionnait également le Grand Bond en avant, qui avait commencé. Il y a eu des avancées majeures sur tous les aspects de la construction socialiste. L’industrie, l’agriculture et tous les autres domaines d’activité ont enregistré une croissance plus grande et plus rapide.

   Mis à part cela, le Grand bond en avant a cependant été un changement majeur par rapport aux priorités des plans antérieurs. La ligne générale du Grand Bond en avant avait été formulée lors d’une réunion du Comité central tenue à la fin du mois de novembre 1957. Il a changé l’accent mis sur l’industrie lourde et visait le développement simultané de l’agriculture, de l’industrie lourde et légère. Il visait à réduire l’écart entre la ville et la campagne, entre l’ouvrier et le paysan et l’intellectuel et le cadre. Il proposait non seulement une révolution économique, mais une révolution technologique, politique, sociale et culturelle pour transformer la ville et la campagne.

   En 1958 a commencé la construction des communes populaires. Le processus a d’abord commencé spontanément lorsque les associations paysannes voisines dans une zone touchée par la sécheresse ont élaboré un plan pour fusionner leur travail et d’autres ressources pour mettre en œuvre un projet d’irrigation. Leur fusion a été nommée « commune » par Mao. Mao a encouragé cette formation et cela a immédiatement conduit à la propagation rapide des communes à travers le pays. Elles ont été formées par la fusion des coopératives avoisinantes afin d’entreprendre des projets à grande échelle tels que le contrôle des inondations, la conservation de l’eau, le boisement, la pêche et le transport. En outre, de nombreuses communes ont mis en place leurs propres usines pour fabriquer des tracteurs, des engrais chimiques et d’autres moyens de production. Le mouvement de création des communes a très rapidement augmenté. Le Comité Central du PCC a annoncé dans sa célèbre résolution Wuhan de décembre 1958 que « dans quelques mois, à partir de l’été 1958, toutes les 740 000 coopératives de producteurs agricoles du pays, en réponse à la demande enthousiaste de la masse des paysans, se sont réorganisés en plus de 26 000 communes. Plus de 120 millions de foyers, soit plus de 99 pour cent de tous les ménages paysans de diverses nationalités chinoises, ont rejoint les communes populaires. » En résumant l’essence politique du mouvement, le Comité Central a poursuivi en disant :

   « La commune populaire est l’unité de base de la structure sociale socialiste de notre pays, combinant l’industrie, l’agriculture, le commerce, l’éducation et les affaires militaires ; en même temps, c’est l’organisation de base du pouvoir d’Etat socialiste. La théorie marxiste-léniniste et l’expérience initiale des communes populaires dans notre pays nous permettent de prévoir maintenant que les communes populaires valorisent le rythme de notre construction socialiste et constituent la meilleure forme pour réaliser, dans notre pays, les deux transitions suivantes.

   Tout d’abord, la transition de la propriété collective à la propriété de la population entière à la campagne.

   Deuxièmement, la transition de la société socialiste à la société communiste. On peut aussi prévoir que dans la future société communiste, la commune populaire restera l’unité basique de notre structure sociale. »

   Ainsi, le mouvement de la commune représentait un progrès formidable qui a essentiellement achevé le processus de collectivisation de l’agriculture. Cependant, l’objectif que la commune mènerait de l’avant le processus de transition vers la propriété commune totale et le communisme n’a pas pu pas être rempli. Les tentatives de création de communes urbaines n’ont pas pu être consolidées.

Dans la première période du mouvement de la commune pendant le Grand bond en avant, il y avait certaines erreurs « de gauche ». Mao, dans son discours en février 1959, l’appelait le « vent communiste ». Ces erreurs « de gauche », identifiées par Mao, étaient principalement de trois types. La première était le nivellement des brigades pauvres et riches au sein de la commune en faisant de l’ensemble de celle-ci une même unité comptable. Cela signifiait que les parts des membres paysans des brigades plus riches (venant des anciennes coopératives avancées) seraient plus petites que la part qu’ils recevaient auparavant. Ils n’apprécieraient donc pas la formation de la commune et leur participation à celle-ci ne serait pas volontaire. La deuxième erreur était que l’accumulation de capital par la commune était trop importante et que la demande de travail sans compensation de la part des communes était trop grande. Lorsque de plus grandes quantités sont mises en réserve pour l’accumulation de capital, la part que le paysan obtient est plus faible. De même, le travail sans compensation ne peut venir que lorsque la conscience a été élevée dans cet objectif. La troisième erreur était la « communisation » de toutes sortes de « propriétés » Dans certaines régions, des tentatives ont été faites pour faire des propriétés mineures des paysans, comme les poules et les porcs, une propriété commune. Cela aussi était critiqué.

   Ces erreurs ont rapidement été corrigées. La brigade de production (ancienne coopérative avancée) a été conservée comme unité comptable de base, et en 1962, elle a été portée à un niveau encore plus bas, celui de l’équipe de production. Cependant, bien que la perspective soit toujours d’augmenter le niveau de propriété et de comptabilité à des niveaux plus élevés, en tant que processus de socialisation et de transition vers le communisme, cela n’a pas réussi. L’unité de comptabilité et de propriété de base a persisté jusqu’à 1976 à son niveau le plus bas – l’équipe de production.

   Bien que les erreurs « de gauche » aient été rapidement corrigées, la domination de la voie capitaliste, menée par Liu Shaoqi, est restée forte dans les niveaux supérieurs du parti. La lutte de ligne était représentée de manière directe et indirecte. En juillet 1959, Peng Dehuai, alors ministre de la Défense, a lancé une attaque directe contre le Grand Bond en avant, critiquant ce qu’il appelait le « fanatisme petit-bourgeois » et désire « entrer dans le communisme un pas à la fois ». Mao a repoussé ces attaques et a défendu la politique du Grand Bond en Avant. Cependant, bien que Peng ait été vaincu, les autres réformateurs capitalistes ont continué leurs attaques par des moyens indirects.

   Une de ces méthodes était de faire une défense voilée de Peng et des attaques contre Mao dans les médias. Cela était conduit à travers des articles mais aussi dans des pièces de théâtre et des spectacles culturels qui avaient l’intention de montrer comment Peng était un camarade droit qui avait été victime d’une injustice. Une autre de ces méthodes était de bloquer ou de détourner la mise en œuvre des politiques clés décidées au plus haut niveau. Par exemple, le sabotage du programme d’éducation socialiste et la décision de lancer une révolution culturelle, prise par le dixième plenum du Comité Central en 1962. Bien que cela ait été formellement accepté par les agents de la voie capitaliste, ceux-ci ont assurés par leur contrôle au sein de la structure du parti qu’il n’y aurait pas de mobilisation de masse. Ils ont essayé de transformer la Révolution culturelle en un débat académique et idéologique alors qu’elle était la manifestation de la lutte des classes.

   Mao, pendant cette période (1959-65), a mené cette bataille à différents niveaux. Il s’est rendu compte, sur la base de l’expérience russe, du danger réel de la restauration du capitalisme. Il a donc, sur la base d’une étude majeure de la politique et de l’économie du révisionnisme de Khrouchtchev, tiré des leçons théoriques pour l’éducation du prolétariat chinois et international. Grâce à la lutte du Grand Débat contre le révisionnisme moderne, Mao a essayé de rallier les révolutionnaires du monde et de Chine. Par ses travaux comme Critique de l’économie soviétique et l’analyse du PCC du pseudo-communisme de Khrouchtchev et de ses leçons historiques pour le monde, il a tenté d’inculquer dans le cadre du parti les fondements théoriques d’une lutte contre le révisionnisme et la restauration capitaliste.

   Cependant, il a surtout essayé de forger les masses dans la lutte pour défendre et développer le socialisme et d’empêcher la restauration du capitalisme : Outre son programme mentionné précédemment pour l’éducation socialiste, il a également donné des slogans pour l’émulation socialiste et pris les expériences Tachai et Tach’ing pour modèles dans la construction du socialisme. Mais lorsque toutes les tentatives de mobilisation des masses ont été détournées par la bureaucratie du parti, Mao a finalement réussit, après des efforts énormes pour libérer les énergies des masses, à travers la Grande révolution culturelle prolétarienne. C’était l’aboutissement dans la pratique du développement de Mao des principes marxistes de la construction socialiste.