On a tenté de me tuer en silence

Interview « On a tenté de me tuer en silence avec mes propres maux »

8 avril 2016

   Prof GN Saibaba a déclaré qu’il n’avait même pas été conduit à l’hôpital prison situé dans la rue d’à côté et qu’on ne lui avait pas donné le moindre médicament.

   Un peu de répit : le Professeur GN Saibaba de l’Université de Delhi avec les membres de sa famille après sa libération sous caution jeudi de la prison centrale de Nagpur.

   C’est comme s’ils (le gouvernement et la police) voulaient me tuer silencieusement avec mes propres maux. Ils n’ont pas pu me tirer dessus, aussi ils voulaient me tuer comme ça « , a déclaré GN Saibaba, professeur à l’Université de Delhi, après sa sortie de Nagpur prison centrale jeudi.

   Le Professeur Saibaba a été arrêté par la police du Maharashtra en mai 2014 pour des liens présumés avec les maoïstes. En juin de l’année dernière, le professeur en fauteuil roulant a obtenu une libération sous caution pour des raisons médicales de la Haute Cour de Bombay, cependant, la chambre de Nagpur de la Haute cour de Bomay a annulé sa liberté sous caution, entraînant en décembre, son retour à la prison centrale de Nagpur.

   Parlant à The Hindu dans une interview exclusive après sa libération suite à la caution obtenue auprès de la cour suprême plus tôt cette semaine, le professeur dit que sa santé s’est détériorée au cours de son second séjour à la prison de Nagpur.

   Comment va votre santé maintenant ?

   En ce moment, elle est très critique. Je suis cloué au lit depuis ces trois derniers jours. Je n’ai pu sortir du lit que ce matin. En raison de problèmes musculaires à mon épaule gauche, je ne peux même pas me coucher. Je ne peux pas uriner correctement. Ce problème est apparu en prison. Je souffre aussi d’un problème à la vésicule biliaire. Je ressens une douleur atroce dans toute la partie gauche de mon corps. Je souffre aussi de problèmes cardiaques. Au cours des derniers mois, j’ai connu une douleur thoracique grave accompagnée de transpiration excessive. Mes calculs rénaux sont de retour.

   Quel type de traitement et aide médicale vous ont été prodigués à l’intérieur de la prison après cette nouvelle arrestation ?

   Cette fois, je n’ai reçu absolument aucun traitement. Je suis resté à l’intérieur de la cellule d’isolement Anda. Au cours de ma première incarcération, on m’a emmené à l’hôpital 27 fois; ce qui m’avait gardé dans une santé acceptable; mais cette fois, je n’ai même pas été emmené la moindre fois à l’hôpital de la prison qui est situé à une rue et on ne m’a donné aucun médicament.

   Je me suis évanoui trois fois en raison de la forme de harcèlement que j’ai subi. Le tribunal a ordonné [aux autorités de la prison] de me conduire immédiatement à l’hôpital super spécialisé du gouvernement, mais je n’y ai pas été amené. L’accusation a sorti une lettre du surintendant des prisons disant qu’ils me traitaient dans trois hôpitaux différents [à Nagpur] et aussi qu’ils en supportaient les coûts. Mais ils ne m’ont même pas emmené à l’hôpital de la prison qui se trouve dans les locaux de la prison. Comment un soulagement à mes problèmes aurait-il pu ainsi arriver ? Ce qu’ils ont soumis à la Cour suprême était aussi un mensonge de la pire espèce.

   Maintenant, je ne peux pas lever ma main gauche. Je ne peux même pas passer d’un endroit à l’autre sans aide, ce qui n’était pas le cas auparavant. La nouvelle arrestation a arrêté mon traitement médical et détérioré davantage ma santé.

   Pourquoi vous ont-ils traité de cette façon ?

   On dirait qu’ils voulaient me tuer silencieusement avec mes propres maux. Ils n’ont pas pu me tirer dessus, aussi ils voulaient me tuer comme ça.

   Vous ne pouvez même pas vous déplacer sans aide. Pourquoi pensez-vous que la police et le gouvernement sont après vous ?

   Ils ont peur de mon activisme. Ils m’ont dit à plusieurs reprises qu’à cause de mes campagnes, en particulier sur les questions Adivasies, le gouvernement a été embarrassé. On m’a averti à ce sujet à plusieurs reprises avant même mon arrestation. On m’a dit clairement que je serais arrêté si je n’arrêtais pas. Je leur ai dit que ce que je faisais selon mes maigres capacités en tant que personne en fauteuil roulant était légitime. Tout ce que j’ai est ma voix pour soulever des questions fondamentales liées aux personnes les plus opprimées. Fermer ma bouche serait une sorte de mort.

   Je crois en la démocratie et les voix démocratiques peuvent secourir le peuple. Le faible rôle que je jouais, en particulier après le lancement de l’opération Green Hunt de 2009 à 2012, a été d’être actif avec des milliers d’autres militants pour protester contre les atrocités commises contre les Adivasis. Nous ne parlions que des Adivasis, comment leurs maisons ont été brûlées et des centaines de milliers d’entre eux ont été chassés de leurs terres. Ils voulaient simplement que j’arrête cela et faire en sorte que je ne sois pas là pour faire entendre ma voix.

   Le gouvernement a refusé de vous emmener à Gadchiroli craignant vous soyez sauvé par les maoïstes. Ils vous considèrent encore un membre important du laboratoire d’idées maoïste. Comment réagissez-vous à cela ?

   Ces assertions sont risibles. C’est une tentative de mener une guerre psychologique dans le domaine public pour faire en sorte que les intellectuels, qui ont élevé la voix des gens ordinaires, soient effrayés.

   Le message était clair. S’ils peuvent le faire à une personne dans un fauteuil roulant, ils peuvent le faire aussi bien à toute autre personne. Ils voulaient créer une atmosphère de terreur.

   Peut-on y voir une tentative de relier les voix de tous les pro-pauvres, les pro-Adivasi et anti-déplacement au mouvement maoïste afin de les faire taire ?

   Aujourd’hui, pour être appelé un maoïste, il n’est pas nécessaire d’être un maoïste. Tout militant ou intellectuel qui soulève des questions fondamentales sur le soi-disant modèle de développement, est qualifié de maoïste. Ceci est fait dans le but de criminaliser les voix des intellectuels. Ils interdisent une organisation et essayent de relier toutes les voix démocratiques avec cette organisation.

   Cela criminalise le processus et les voix démocratiques. En faisant cela, ils pensent qu’ils vont faire taire ces voix, mais jusqu’à présent, je peux constater qu’ils n’ont pas réussi.

   Voudriez-vous nommer les forces qui veulent faire taire ces voix démocratiques ?

   Ce sont les classes dirigeantes de ce pays, peu importe le parti auquel qu’ils peuvent appartenir, ceux qui veulent le pouvoir, ceux qui veulent exploiter les ressources naturelles, et ceux qui sont alignés avec les forces impérialistes. Ce sont les personnes qui vont profiter de la suppression des voix démocratiques.

   Le gouvernement du Maharashtra a dit que si on vous libérait vous propageriez des opinions maoïstes.

   Ce genre d’allégation est fondamentalement une menace de poursuites, de sorte qu’aucune voix intellectuelle ou démocratique ne soulève des questions embarrassantes au gouvernement ou aux personnes au pouvoir. Peuvent-ils citer quoi que ce soit au cours de mes 30 années d’activisme qui a soutenu le mouvement maoïste? Il n’y a aucune preuve contre moi.

   Je suis un citoyen libre de l’Inde et je peux parler de tout ce que je veux. Pourquoi devrais-je être traduit devant la Cour suprême si je dis quelque chose? En tant que militant, je peux dire tout ce qui est nécessaire pour le pays. Je ne l’ai jamais utilisé un langage agressif ou mauvais contre personne.

   Je parle toujours pour les droits démocratiques du peuple. Comment peut-on y trouver à redire ?

   Un débat d’intolérance a cours en ce moment dans ce pays et de nombreux militants et journalistes sont confrontés à du harcèlement. Pensez-vous qu’il a augmenté au cours des deux dernières années ?

   L’atmosphère de suppression des voix démocratiques et une atmosphère de ne tolérer aucune différence d’opinion a été créé dans ce pays. Elle est suffocante.

   Les journalistes ne sont pas en mesure de faire leur travail librement. Les étudiants ne sont pas en mesure de faire entendre leur voix sur leurs campus. Les classes dirigeantes se sentent menacées par ces voix non seulement en Inde mais presque partout dans le monde. Ainsi, une tentative est faite pour faire taire ces voix.

   Utiliser le mot intolérance est trop faible, c’est une sorte de création d’atmosphère oppressive élevée.

   Après votre entrée en prison, de nombreux militants ont exprimé ouvertement un soutien à votre encontre. Une campagne renforcée a été menée afin d’élever la voix contre votre nouvelle arrestation.

   Je voudrais remercier tout le monde. Il y a eu une réponse énorme, mais je ne pense pas que ce soit une réponse concernant l’individu nommé Saibaba.

   La réponse a été contre le ciblage des défenseurs des droits du peuple. En moi, ils ont vu les personnes qui défendent les droits du peuple. La réponse a été pour les besoins qui ont été reconnus par tous les intellectuels, les journalistes et les journaux, pour tous les militants démocratiques. Le temps est venu où vous devez défendre les défenseurs des droits.

   Voyez-vous la situation changer ?

   Je vois un grand espoir, en particulier la flambée des étudiants, les jeunes et la première génération des militants des droits qui soulèvent des questions importantes. Dans tous les campus, les troubles couvent.

   Que comptez-vous faire maintenant ?

   La première priorité est ma santé. Après avoir recouvré ma santé, je reprendrai le même travail que je fais depuis mes années d’université. Une plus grande alliance des forces du peuple est nécessaire aujourd’hui. Sinon, pour ce pays, il sera très difficile de surmonter cette phase de forte répression et d’oppression. Il y a toujours une possibilité de glisser dans une anarchie chaotique avec aucun espace pour les pratiques démocratiques. Toutes les forces progressistes démocratiques devraient se réunir pour donner une réponse systématique destinée à vaincre les forces de la réaction. Je serai une partie de ce flux qui se réunira suivant la demande du peuple de ce pays. Aucun démocrate ne peut rester à l’écart d’un tel mouvement qui doit être construit immédiatement.

   Vous écrivez également un livre?

   Il y avait beaucoup de rebondissements et de virages intéressants concernant mon cas même avant mon arrestation. Je n’aime pas particulièrement les thrillers, mais ce qui est arrivé dans ma vie est comme un thriller. Tout cela n’aurait jamais pu être imaginé. Je voudrais présenter tous les événements non pas comme un thriller ou comme la réalité, mais aussi de manière surréaliste.

   Que pensez-vous du PCI (maoïste ?)

   (Rires) Exactement, voilà ce dont le gouvernement du Maharashtra veut que je parle. Je n’ai jamais mâché mes mots. Je suis un personnage public et je n’ai pas le droit de cacher quoi que ce soit. Le PCI (maoïste) est un parti politique, point final.

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