III — Le renforcement des Partis communistes et la lutte pour l’unité politique du prolétariat

L’Offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme

Georges Dimitrov

III — Le renforcement des Partis communistes et la lutte pour l’unité politique du prolétariat

   Dans la lutte pour l’établissement du front unique, l’importance du rôle dirigeant du Parti communiste s’accroît dans une mesure extraordinaire. Dans le fond, seul le Parti communiste est l’initiateur, l’organisateur, la force motrice du front unique de la classe ouvrière. Les Partis communistes ne peuvent assurer la mobilisation des grandes masses de travailleurs pour la lutte commune contre le fascisme et l’offensive du Capital qu’à la condition de renforcer dans tous les domaines leurs propres rangs, de développer leur initiative, d’appliquer la politique marxiste-léniniste et la tactique juste, souple, qui tient compte de la situation concrète et de la répartition des forces de classe.

Le renforcement des Partis communistes.

   Dans la période comprise entre le VIe et le VIIe congrès, nos Partis, dans les pays capitalistes, se sont incontestablement accrus et considérablement trempés. Mais ce serait une dangereuse erreur que de s’en tenir là. Plus le front unique de la classe ouvrière s’élargira, et plus nombreuses seront les tâches nouvelles, compliquées, qui se poseront à nous, plus il nous faudra travailler au renforcement politique et organique de nos Partis.

   Le front unique du prolétariat pousse en avant une armée d’ouvriers qui pourra s’acquitter de sa mission à condition qu’à la tête de cette armée, il y ait une force dirigeante, lui montrant les buts et les voies. Cette force dirigeante ne peut être qu’un solide parti révolutionnaire prolétarien.

   Lorsque nous communistes, nous faisons tous nos efforts pour établir le front unique, nous ne le faisons pas du point de vue étroit du recrutement de nouveaux adhérents aux Partis communistes. Mais nous devons renforcer les Partis communistes dans tous les domaines de leur activité et augmenter leurs effectifs précisément parce que nous désirons sérieusement renforcer le front unique. Le renforcement des Partis communistes ne représente pas un étroit intérêt de parti, mais l’intérêt de la classe ouvrière tout entière.

   L’unité, la cohésion révolutionnaire et la combativité des Partis communistes, c’est un capital des plus précieux qui n’appartient pas à nous seulement, mais à toute la classe ouvrière. Notre empressement à marcher en commun avec les Partis et les organisations social-démocrates dans la lutte contre le fascisme, nous l’avons combiné et le combinerons avec une lutte irréconciliable contre le socialdémocratisme en tant qu’idéologie et pratique de conciliation avec la bourgeoisie et, partant, contre toute pénétration de cette idéologie dans nos propres rangs.

   En réalisant avec courage et décision la politique de front unique, nous rencontrons dans nos propres rangs des obstacles qu’il nous est nécessaire d’écarter coûte que coûte dans le plus bref délai possible.

   Après le VIe congrès de l’Internationale communiste, une lutte a été réalisée avec succès dans tous les Partis communistes des pays capitalistes contre les tendances à l’adaptation opportuniste aux conditions de la stabilisation capitaliste et contre la contagion des illusions réformistes et légalistes. Nos Partis ont épuré leurs rangs des opportunistes de droite de tout genre, renforçant ainsi leur unité bolchevik et leur combativité. La lutte contre le sectarisme fut menée avec moins de succès et, fréquemment, elle ne le fut pas du tout. Le sectarisme se manifestait non plus dans les formes primitives, déclarées, comme aux premières années d’existence de l’Internationale communiste, mais c’est en se masquant de la reconnaissance formelle des thèses bolcheviks qu’il freinait le déploiement de la politique bolchevik de masse. A notre époque, bien souvent, ce n’est plus une maladie infantile, comme écrivait Lénine, mais un vice enraciné ; sans se débarrasser de ce vice, il est impossible de résoudre le problème, de la réalisation du front unique du prolétariat et de faire passer les masses des positions du réformisme au côté de la révolution.

   Dans la situation actuelle, c’est le sectarisme, le sectarisme plein de suffisance, comme nous le qualifions dans le projet de résolution, qui entrave avant tout notre lutte pour la réalisation du front unique, — le sectarisme satisfait de son esprit doctrinaire borné, de son isolement de la vie réelle des masses, content de ses méthodes simplifiées de solution des problèmes les plus complexes du mouvement ouvrier sur la base de schémas stéréotypés, — le sectarisme qui prétend à l’omniscience et estime superflu de se mettre à l’école des masses, de s’assimiler les leçons du mouvement ouvrier. En un mot, le sectarisme qui, comme on dit, ne doute de rien. Le sectarisme plein de suffisance ne veut ni ne peut comprendre que la direction de la classe ouvrière par le Parti communiste ne s’obtient pas automatiquement. Le rôle dirigeant du Parti communiste dans les batailles de la classe ouvrière doit être conquis. Pour cela, il ne s’agit pas de déclamer sur le rôle dirigeant des communistes, mais, par un travail de masse quotidien et par une juste politique, de mériter, de conquérir la confiance des masses ouvrières. Cela n’est possible que si nous, communistes, tenons sérieusement compte dans notre travail politique du niveau réel de la conscience de classe des masses, de leur degré de maturation révolutionnaire; si nous apprécions sainement la situation concrète non pas sur la base de nos désirs, mais sur la base de ce qui est en réalité. Nous devons patiemment, pas à pas, faciliter aux grandes masses leur passage sur les positions du communisme. Nous ne devons jamais oublier les paroles de Lénine, quand il nous avertissait avec toute l’énergie voulue, qu’

il s’agit précisément de ne pas croire que ce qui a fait son temps pour nous, a fait son temps pour toute une classe, pour la masse. (Lénine : la Maladie infantile du communisme, p. 34, Editions sociales, Paris, 1950.)

   Sont-ils aujourd’hui peu nombreux dans nos rangs, les éléments doctrinaires qui, dans la politique de front unique, ne flairent partout et toujours que des dangers ? Pour ces camarades, tout le front unique n’est que danger. Mais cet « esprit de principe » sectaire n’est rien autre que de l’impuissance politique devant les difficultés de la direction immédiate de la lutte des masses.

   Le sectarisme s’exprime en particulier par la surestimation de la maturation révolutionnaire des masses, par la surestimation du rythme sur lequel elles abandonnent les positions du réformisme, par les tentatives de brûler les étapes difficiles et de passer outre aux tâches compliquées du mouvement. Les méthodes de direction des masses étaient fréquemment remplacées, dans la pratique, par les méthodes de direction d’un étroit groupe de Parti. On sous-estimait la force de liaison traditionnelle des masses avec leurs organisations et leurs directions ; et lorsque les masses ne rompaient pas brusquement ces liaisons, on adoptait à leur égard une attitude aussi tranchée qu’à l’égard de leurs dirigeants réactionnaires. On standardisait la tactique et les mots d’ordre pour tous les pays ; on ne tenait pas compte des particularités de la situation concrète dans chaque pays pris à part. On méconnaissait la nécessité de mener une lutte opiniâtre au plus profond de la masse elle-même pour conquérir la confiance des masses ; on dédaignait la lutte pour les revendications partielles des ouvriers ainsi que le travail dans les syndicats réformistes et les organisations fascistes de masse. A la politique de front unique, on substituait fréquemment des appels sans lendemain et une propagande abstraite.

   Les façons sectaires de poser les questions ne gênaient pas moins le choix judicieux des hommes, l’éducation et la formation de cadres liés aux masses et jouissant de leur confiance, de cadres fermes au point de vue révolutionnaire et éprouvés dans les batailles de classe, sachant combiner l’expérience pratique du travail de masse avec la fermeté de principe d’un bolchevik.

   Ainsi, le sectarisme ralentissait dans une notable mesura la croissance des Partis communistes, entravait la réalisation d’une véritable politique de masse, empêchait d’utiliser les difficultés de l’ennemi de classe pour renforcer les positions du mouvement révolutionnaire, gênait les efforts pour faire passer les grandes masses prolétariennes aux côtés des Partis communistes.

   En luttant de la façon la plus résolue pour déraciner et surmonter les derniers restes du sectarisme plein de suffisance, nous devons renforcer par tous les moyens notre vigilance et notre lutte à l’égard de l’opportunisme de droite et contre toutes ses manifestations concrètes, sans perdre de vue que le danger qu’il représente s’accroîtra au fur et à mesure du déploiement d’un vaste front unique. Il existe déjà des tendances consistant à rabaisser le rôle du Parti communiste dans les rangs du front unique et à se réconcilier avec l’idéologie social-démocrate. Il ne faut pas perdre de vue que la tactique du front unique est une méthode qui consiste à persuader pratiquement les ouvriers social-démocrates de la justesse de la politique communiste et de la fausseté de la politique réformiste, et non pas à se réconcilier avec l’idéologie et la pratique social-démocrates. Le succès de la lutte pour l’établissement du front unique exige de toute nécessité une lutte constante dans nos rangs contre la tendance à ravaler le rôle eu Parti, contre les illusions légalistes, contre l’orientation vers la spontanéité et l’automatisme tant en ce qui concerne la liquidation du fascisme qu’en ce qui concerne la réalisation du front unique, contre les moindres hésitations au moment de l’action résolue.

Il est nécessaire, nous enseigne Staline, que le Parti sache, dans son travail, combiner l’esprit de principe le plus élevé (ne pas le confondre avec le sectarisme), avec le maximum de liaison et de contact avec les masses (ne pas confondre avec le suivisme !), sans quoi il est impossible au Parti, non seulement d’instruire les masses, mais aussi de l’instruire auprès d’elles, non seulement de guider les masses et de les élever jusqu’au niveau du Parti, mais aussi de prêter l’oreille à la voix des masses et de deviner leurs besoins urgents. (J. Staline : « Des perspectives du Parti communiste allemand et de sa bolchévisation », Pravda, n° 27, 3 février 1925.)

L’unité politique de la classe ouvrière.

   Le développement du front unique de lutte commune des ouvriers communistes et social-démocrates contre le fascisme et l’offensive du Capital pose également le problème de l’unité politique, du parti politique de masse unique de la classe ouvrière. Les ouvriers social-démocrates se convainquent de plus en plus par leur expérience que la lutte contre l’ennemi de classe exige une direction politique unique, car la dualité en matière de direction entrave le développement ultérieur et le renforcement de la lutte unique de la classe ouvrière.

   Les intérêts de la lutte de classe du prolétariat et le succès de la révolution prolétarienne dictent la nécessité d’avoir dans chaque pays un parti unique du prolétariat. Y parvenir, évidemment, n’est pas si facile, ni si simple. Cela exigera un travail et une lutte opiniâtres et cela constituera nécessairement un processus plus ou moins prolongé. Les Partis communistes doivent, en s’appuyant sur la tendance grandissante des ouvriers à l’unification avec les Partis communistes des Partis social-démocrates ou d’organisations isolées, prendre avec fermeté et assurance l’initiative de cette œuvre d’unification. L’unification des forces de la classe ouvrière en un parti prolétarien révolutionnaire unique au moment où le mouvement ouvrier international entre dans la période de liquidation de la scission, c’est notre œuvre, c’est l’œuvre de l’Internationale communiste.

   Mais si, pour établir le front unique des Partis communistes et social-démocrates, il suffit d’un accord sur la lutte contre le fascisme, l’offensive du Capital et la guerre, la réalisation de l’unité politique n’est possible que sur la base d’une série de conditions déterminées ayant un caractère de principe.

   Cette unification n’est possible, premièrement, qu’à la condition d’une complète indépendance à l’égard de la bourgeoisie et d’une rupture totale du bloc de la social-démocratie avec la bourgeoisie.

   Deuxièmement, à la condition que l’unité d’action soit réalisée au préalable.

   Troisièmement, à la condition que soit reconnue la nécessité du renversement révolutionnaire de la domination de la bourgeoisie et de l’instauration de la dictature du prolétariat sous forme de Soviets.

   Quatrièmement, à la condition de refuser de soutenir sa bourgeoisie dans la guerre impérialiste.

   Cinquièmement, à la condition de construire le Parti sur la base du centralisme démocratique, garantissant l’unité de volonté et d’action, et vérifié par l’expérience des bolcheviks russes.

   Nous devons expliquer aux ouvriers social-démocrates, patiemment et en toute camaraderie, pourquoi, à défaut de ces conditions, l’unité politique de la classe ouvrière est impossible. Nous devons, en commun avec eux, étudier la signification et l’importance de ces conditions.

   Pourquoi la complète indépendance à l’égard de la bourgeoisie et la rupture du bloc de la socialdémocratie avec la bourgeoisie sont-elles nécessaires à la réalisation de l’unité politique du prolétariat ?

   Parce que toute l’expérience du mouvement ouvrier et, notamment, l’expérience des quinze années de politique de coalition en Allemagne, ont montré que la politique de collaboration de classes, la politique de dépendance à l’égard de la bourgeoisie conduit à la défaite de la classe ouvrière et à la victoire du fascisme. Et, seule, la voie de la lutte de classe irréconciliable contre la bourgeoisie, la voie des bolcheviks est la voie sûre de la victoire.

   Pourquoi l’établissement de l’unité d’action doit-elle être la condition préalable de l’unité politique ?

   Parce que l’unité d’action pour repousser l’offensive du Capital et du fascisme est possible et nécessaire avant même que la majorité des ouvriers s’unisse sur la plateforme politique commune de renversement du capitalisme, et parce que l’élaboration de l’unité d’opinion sur les voies fondamentales et les buts de la lutte du prolétariat, sans laquelle l’unification des Partis est impossible, exige un temps plus ou moins prolongé. Or, l’unité d’opinion s’élabore au mieux dans la lutte commune contre l’ennemi de classe, dès aujourd’hui. Proposer au lieu du front unique l’unification immédiate, c’est mettre la charrue avant les bœufs et croire que la charrue ira de l’avant. C’est précisément parce que la question de l’unité politique n’est pas une manœuvre pour nous, comme elle l’est pour beaucoup de chefs social-démocrates, que nous insistons sur la réalisation de l’unité d’action, comme une des étapes essentielles dans la lutte pour l’unité politique.

   Pourquoi est-il nécessaire de reconnaître le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie et l’établissement de la dictature du prolétariat sous la forme du pouvoir des Soviets ?

   Parce que l’expérience de la victoire de la grande Révolution d’Octobre, d’une part, et, de l’autre, les amères leçons d’Allemagne, d’Autriche et d’Espagne pour toute la période d’après-guerre ont confirmé une fois de plus que la victoire du prolétariat n’est possible que par le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie, et que celle-ci noiera le mouvement ouvrier dans une mer de sang plutôt que de permettre au prolétariat d’instaurer le socialisme par la voie pacifique. L’expérience de la Révolution d’Octobre a montré de toute évidence que le contenu fondamental de la révolution prolétarienne est le problème de la dictature du prolétariat, appelée à écraser la résistance des exploiteurs une fois qu’ils sont renversés, à armer la révolution pour la lutte contre l’impérialisme et à conduire la révolution jusqu’à la victoire complète du socialisme. Pour réaliser la dictature du prolétariat, comme dictature exercée par la majorité écrasante sur une infime minorité, sur les exploiteurs, — et elle ne peut être réalisée que comme telle, — il est nécessaire d’avoir des Soviets englobant toutes les couches de la classe ouvrière, les masses fondamentales de la paysannerie et des autres travailleurs, dont l’éveil, dont l’intégration au front de la lutte révolutionnaire sont indispensables pour la consolidation de la victoire du prolétariat.

   Pourquoi le refus de soutenir la bourgeoisie dans la guerre impérialiste est-il une condition de l’unité politique ?

   Parce que la bourgeoisie fait la guerre impérialiste dans ses buts de spoliation, contre les intérêts de la majorité écrasante des peuples, sous quelque prétexte que cette guerre soit faite. Parce que tous les impérialistes combinent avec la préparation fiévreuse de la guerre un renforcement extrême de l’exploitation et de l’oppression des travailleurs à l’intérieur du pays. Soutenir la bourgeoisie dans une telle guerre, c’est trahir les intérêts du pays et la classe ouvrière internationale.

   Pourquoi, enfin, la construction du Parti sur la base du centralisme démocratique est-elle une condition de l’unité ?

   Parce que, seul, un parti construit sur la base du centralisme démocratique peut garantir l’unité de volonté et d’action, peut conduire le prolétariat à la victoire sur la bourgeoisie, qui dispose d’une arme aussi puissante que l’appareil d’Etat centralisé. L’application du principe du centralisme démocratique a subi une brillante épreuve historique dans l’expérience du Parti bolchevik russe, du Parti de LénineStaline. Oui, nous sommes pour un parti politique de masse unique de la classe ouvrière. Mais de là la nécessité, comme dit Staline,

d’un parti combatif, d’un parti révolutionnaire assez courageux pour mener les prolétaires à la lutte pour le pouvoir, assez expérimenté pour se reconnaître dans les conditions complexes d’une situation révolutionnaire, et assez souple pour contourner les écueils de toutes sortes sur le chemin conduisant au but. (J. Staline : des Principes du léninisme, p. 77, Editions sociales, 1952.)

   Voilà pourquoi il est nécessaire de prendre pour base les conditions ci-dessus dans nos efforts pour réaliser l’unité politique.

   Nous sommes pour l’unité politique de la classe ouvrière ! Et c’est pourquoi nous sommes prêts à collaborer de la façon la plus étroite avec tous les social-démocrates qui s’affirment pour le front unique et soutiennent sincèrement l’unification sur les bases indiquées. Mais justement parce que nous sommes pour l’unification, nous lutterons résolument contre tous les démagogues « de gauche » qui tentent d’utiliser la déception des ouvriers social-démocrates pour créer de nouveaux Partis socialistes ou de nouvelles Internationales qui sont dirigés contre le mouvement communiste et ainsi approfondissent la scission de la classe ouvrière.

   Nous saluons la tendance au front unique avec les communistes, qui grandit parmi les ouvriers social-démocrates. Nous y voyons le développement de leur conscience révolutionnaire et le début de la liquidation de la scission de la classe ouvrière. Estimant que l’unité d’action est une nécessité impérieuse et qu’elle est le chemin le plus sûr pour réaliser l’unité politique du prolétariat, nous déclarons que l’Internationale communiste et ses sections sont prêtes à entrer en pourparlers avec la IIe Internationale et ses sections en vue d’établir l’unité de la classe ouvrière doits la lutte contre l’offensive du Capital, contre le fascisme et la menace d’une guerre impérialiste.

Conclusion.

   Je termine mon rapport. Comme vous voyez, en tenant compte des changements intervenus dans la situation depuis le VIe congrès et des leçons de notre lutte et en nous appuyant sur le degré de consolidation déjà atteint par nos Partis, nous posons aujourd’hui d’une manière nouvelle une série de questions, et, en premier lieu, la question du front unique et de la façon d’aborder la social-démocratie, les syndicats réformistes et les autres organisations de masse.

   Il est des sages qui croient entrevoir dans tout cela un recul de nos positions de principe, un certain tournant à droite par rapport à la ligne du bolchévisme. Que voulez-vous ! Chez nous, en Bulgarie, on dit qu’une poule affamée rêve toujours de millet.

   Laissons les poules politiques penser ce qu’il leur plaît.

   Cela nous intéresse fort peu. Ce qui est important pour nous c’est que nos propres Partis et les grandes masses du monde entier comprennent de façon juste ce que nous voulons obtenir.

   Nous ne serions pas des marxistes révolutionnaires, des léninistes, de dignes disciples de Marx- Engels-Lénine-Staline, si, en fonction d’une situation modifiée et des déploiements opérés dans le mouvement ouvrier mondial, nous ne remaniions pas de façon appropriée, notre politique et notre tactique.

   Nous ne serions pas de véritables révolutionnaires si nous ne nous instruisions pas par notre propre expérience et par l’expérience des masses.

   Nous voulons que nos Partis, dans les pays capitalistes, interviennent et agissent comme de véritables partis politiques de la classe ouvrière ; qu’ils jouent effectivement le rôle de facteur politique dans la vie de leur pays ; qu’ils appliquent toujours une politique bolchevik active de masse, au lieu de se borner à la seule propagande, à la critique et aux seuls appels à la lutte pour la dictature du prolétariat.

   Nous sommes les ennemis de tout schématisme. Nous voulons tenir compte de la situation concrète à chaque moment et dans chaque endroit donné, ne pas agir partout et toujours d’après un cliché arrêté, et ne pas oublier que dans des conditions différentes la position des communistes ne peut être identique.

   Nous voulons tenir compte à tête reposée de toutes les étapes dans le déploiement de la lutte de classe et dans le développement de la conscience de classe des masses elles-mêmes, savoir trouver et résoudre à chaque étape les tâches concrètes du mouvement révolutionnaire qui correspondent à cette étape.

   Nous voulons trouver une langue commune avec les plus grandes masses en vue de la lutte contre l’ennemi de classe ; trouver les voies et moyens de surmonter définitivement l’isolement de l’avantgarde révolutionnaire par rapport aux masses du prolétariat et de tous les travailleurs, comme de surmonter l’isolement fatal de la classe ouvrière elle-même par rapport à ses alliés naturels dans la lutte contre la bourgeoisie, contre le fascisme.

   Nous voulons entraîner des masses toujours plus considérables dans la lutte de classe révolutionnaire et les conduire à la révolution prolétarienne, en partant de leurs intérêts et de leurs besoins brûlants et sur la base de leur propre expérience.

   Nous voulons, à l’exemple de nos glorieux bolcheviks russes, à l’exemple du Parti dirigeant de l’Internationale communiste, du Parti communiste de l’Union soviétique, combiner héroïsme révolutionnaire des communistes allemands, espagnols, autrichiens et autres avec un réalisme révolutionnaire authentique, et en finir avec les derniers restes du remue-ménage scolastique autour des graves problèmes politiques.

   Nous voulons armer nos Partis dans tous les domaines en vue de la solution des tâches politiques complexes qui sont posées devant eux. A cet effet, il faut élever toujours plus haut leur niveau théorique, les éduquer dans l’esprit d’un marxisme-léninisme vivant, et non d’un doctrinarisme mort.

   Nous voulons déraciner de nos rangs le sectarisme plein de suffisance qui, en premier lieu, nous barre la route des masses et empêche la réalisation d’une authentique politique bolchevik de masse. Nous voulons renforcer par tous les moyens la lutte contre toutes les manifestations concrètes de l’opportunisme de droite, en tenant compte du fait que, de ce côté, le danger grandira justement au cours de la réalisation pratique de notre politique et de notre lutte de masse.

   Nous voulons que, dans chaque pays, les communistes tirent en temps opportun et utilisent tous les enseignements de leur propre expérience, en tant qu’avant-garde révolutionnaire du prolétariat.

   Nous voulons qu’ils apprennent au plus vite à nager dans les eaux impétueuses de la lutte des classes, au lieu de rester sur le bord, en observateurs, à enregistrer les vagues qui accourent, dans l’attente du beau temps.

   Voilà ce que nous voulons !

   Et nous voulons tout cela parce que c’est seulement ainsi que la classe ouvrière, à la tête de tous les travailleurs, soudée en une armée révolutionnaire forte de millions d’hommes, guidée par l’Internationale communiste et conduite par ce grand et sage timonier qu’est notre chef, Staline, pourra s’acquitter à coup sûr de sa mission historique : balayer de la face de la terre le fascisme et avec lui, le capitalisme !

flechesommaire2