Comment combattre la contre-révolution ?

Comment combattre la contre-révolution ?

Lénine

   Paru dans la « Pravda » n° 84, 30 (17) juin 1917

   Il y a quelques jours à peine, le ministre Tsérétéli déclarait dans son discours « historique » qu’il n’y a pas de contre-révolution. Aujourd’hui, dans un article intitulé « Symptômes menaçants » la Rabotchaïa Gazéta, journal ministériel, adopte un tout autre ton.

   « Partout se manifestent les symptômes d’une mobilisation de la contre-révolution. »

   Estimons-nous heureux de lui voir au moins reconnaître ce fait.

   Mais l’organe ministériel continue : « Son état-major (de la contre-révolution) nous est inconnu, de même que son degré d’organisation.»

   Tiens, tiens ! L’état-major de la contre-révolution vous est inconnu ? Permettez qu’on supplée à votre ignorance. L’état-major de la contre-révolution en voie d’organisation est au Gouvernement provisoire, dans ce même ministère de coalition dont font partie six de vos camarades, messieurs! L’état-major de la contre-révolution est dans les murs de la conférence de la IVe Douma d’Etat où donnent le ton Milioukov, Rodzianko, Choulguine, Goutchkov, A. Chingarev, Manouïlov et consorts, et les cadets qui siègent au ministère de coalition sont le bras droit de Milioukov et consorts. L’état-major de la contre-révolution se recrute parmi certains généraux réactionnaires. On y trouve aussi de hauts fonctionnaires démissionnaires.

   Si vous ne voulez pas seulement vous lamenter au sujet de la contre-révolution, si vous voulez aussi la combattre, vous devez dire avec nous : A bas les dix ministres capitalistes…

   La Rabotchaïa Gazéta signale ensuite que la presse qui attise l’antisémitisme et s’efforce de dresser les masses contre les Juifs est l’instrument principal de la contre-révolution. Cela est juste. Mais que conclure ? Vous êtes, messieurs, un parti ministériel. Qu’avez-vous fait pour museler l’ignoble presse contre-révolutionnaire ? Pouvez-vous, vous qui vous dites «démocratie révolutionnaire», renoncer aux mesures révolutionnaires contre une presse déchaînée, manifestement contre-révolutionnaire ? Ensuite, pourquoi ne créez-vous pas un organe officiel pour la publication des annonces, afin de tarir la source principale des revenus de l’ignoble presse contre-révolutionnaire et de la priver ainsi de son moyen principal de tromper le peuple ? Où a-t-on été chercher, en effet, qu’il faille arracher maintenant des milliers et des milliers d’hommes à un travail vraiment productif pour éditer le Novoïé Vrémia, la Malenkaïa Gazéta((« Malenkaïa Gazéta » (la Petite Gazelle), organe boulevardier de tendances Cent-Noirs : fut publié à Pétrograd par A. Souvarine (fils) de septembre 1914 à juillet 1917 ; à partir de mai 1917, vu l’attrait des masses pour le socialisme, commença à paraître avec le sous-titre «Journal des socialistes sans-parti». Après la révolution bourgeoise démocratique de Février 1917 se dressa contre le parti bolchévique et mena une campagne calomnieuse contre Lénine. )), la Rousskaïa Volia((« Rousskaïa Volia» [La Volonté russe] quotidien bourgeois fondé par Protopopov, ministre tsariste de l’intérieur, et subventionné par les grandes banques ; parut à. Pétrograd à partir de décembre 1916. Après la révolution démocratique bourgeoise de Février mena une campagne de calomnie contre les bolchéviks. Interdit par le comité révolutionnaire militaire le 25 octobre (7 novembre) 1917.)) et autres feuilles de la presse rampante ?

   Qu’avez-vous fait pour combattre la presse contre-révolutionnaire qui concentre tous ses efforts sur la campagne de haine contre notre parti ? Rien. Vous avez vous-mêmes alimenté cette campagne. Vous étiez absorbés par la lutte contre le danger de gauche.

   Vous récoltez, messieurs, ce que vous avez semé. Il en fut et il en sera ainsi tant que vous continuerez à hésiter entre les positions de la bourgeoisie et celles du prolétariat révolutionnaire.

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