Déclaration de la fraction du P.O.S.D.R. (Bolchévik) lue à la séance de l’Assemblée constituante le 5 (18) janvier 1918

Déclaration de la fraction du P.O.S.D.R. (Bolchévik) lue à la séance de l’Assemblée constituante le 5 (18) janvier 1918

Lénine

   Paru dans la « Pravda » n° 5, (édition du soir), 19 (6) janvier 1918((Après le refus de la majorité contre-révolutionnaire de l’Assemblée constituante de discuter la Déclaration des droits du peuple travailleur et exploité, les groupes parlementaires des bolchéviks et des s.-r. de gauche insistèrent sur l’interruption des séances pour examiner la situation au sein des divers groupes. Lénine fit un bref discours à la fraction bolchévique (les notes du secrétaire, le sténogramme du discours ne sont pas conservés). Lénine proposa de rendre publique la déclaration de la fraction bolchévique qu’il avait rédigée et de se retirer ensuite de l’Assemblée constituante. Cette proposition fut acceptée.
Les s.-r. de gauche qui occupaient une attitude hésitante à l’égard de l’Assemblée constituante proposèrent, après le départ des bolchéviks, de mettre immédiatement aux voix la question de l’attitude envers la politique de paix du pouvoir soviétique. L’aile droite de l’Assemblée rejeta cette proposition. Les socialistes-révolutionnaires de gauche se retirèrent à leur tour de l’Assemblée.
Après le départ des bolchéviks et des s.-r. de gauche, le Commissaire du peuple à la Marine, Dybenko, chargé d’assurer la garde du Palais de Tauride, ordonna aux marins de fermer la Constituante. Mis au courant de cette décision, Lénine donna les instructions suivantes : « Les camarades soldats et marins faisant partie de la garde du Palais de Tauride sont tenus de s’abstenir de tout acte de violence à l’égard des députés contre-révolutionnaires de l’Assemblée constituante. Ils les laisseront tous librement sortir du Palais tout en veillant à n’y laisser entrer personne sans une autorisation spéciale. Le président du Conseil des Commissaires du peuple V. Oulianov (Lénine) » (Recueil Lénine XVIII, p. 46).
L’Assemblée constituante fut dissoute à 4 h 40 dans la nuit du 5 au 6 (18-19) janvier 1918.))

   L’énorme majorité de la Russie laborieuse – les ouvriers, les paysans et les soldats – a exigé de l’Assemblée constituante qu’elle reconnaisse les conquêtes de la Grande Révolution d’Octobre, les décrets soviétiques sur la terre, la paix, le contrôle ouvrier et, avant tout, qu’elle reconnaisse le pouvoir des Soviets des députés ouvriers, soldats et paysans. Le Comité exécutif central de Russie, selon la volonté de cette énorme majorité des classes laborieuses de Russie, a proposé à l’Assemblée constituante de reconnaître cette volonté comme ayant force de loi pour elle. Cependant, la majorité de l’Assemblée constituante, accédant aux prétentions de la bourgeoisie, a repoussé cette proposition, jetant ainsi un défi à toute la Russie laborieuse.

   A l’Assemblée constituante, c’est le parti des socialistes-révolutionnaires de droite, le parti de Kérenski, d’Avksentiev, de Tchernov, qui a obtenu la majorité. Ce parti qui se prétend socialiste et révolutionnaire, dirige la lutte des éléments bourgeois contre la révolution ouvrière et paysanne ; il est en fait un parti bourgeois et contre-révolutionnaire.

   Dans sa composition actuelle l’Assemblée constituante est le produit du rapport de forces qui s’était établi avant la Grande Révolution d’Octobre. L’actuelle majorité contre-révolutionnaire de l’Assemblée constituante, élue sur des listes de partis aujourd’hui périmées, n’est qu’un reflet d’une étape déjà franchie de la révolution et tente de se mettre en travers du mouvement ouvrier et paysan.

   Les débats qui se sont déroulés tout au long de la journée ont montré jusqu’à l’évidence que, tout comme au temps de Kérenski, le parti des socialistes-révolutionnaires de droite nourrit le peuple de promesses. En paroles, il lui promet tout ; mais, en fait, il a décidé de lutter contre le pouvoir des Soviets ouvriers, paysans et soldats, contre les mesures socialistes, contre la remise de la terre et de tout le matériel aux paysans sans rachat, contre la nationalisation des banques, contre l’annulation de la Dette publique.

   Pour ne pas couvrir un seul instant les crimes des ennemis du peuple, nous déclarons quitter l’Assemblée constituante afin de laisser au pouvoir des Soviets le soin de résoudre définitivement la question de l’attitude à adopter vis-à-vis de la partie contre-révolutionnaire de l’Assemblée constituante.

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