Discours prononcé le 11 (24) juin 1917 devant le comité de Pétersbourg du P.O.S.D.(b)R. sur la suppression de la manifestation

Discours prononcé le 11 (24) juin 1917 devant le comité de Pétersbourg du P.O.S.D.(b)R. sur la suppression de la manifestation

Lénine

   Publié pour la première fois en 1923 dans la revue «Krasnaïa Liétopis » n° 9

   Le mécontentement causé chez la plupart des camarades par la suppression de la manifestation est tout à fait légitime, mais le Comité Central ne pouvait pas agir autrement, pour deux raisons : 1° Nous avions reçu d’un demi-organe du pouvoir l’interdiction formelle de manifester ; 2° cette interdiction était ainsi motivée : «nous savons que des contre-révolutionnaires camouflés comptent mettre à profit votre manifestation ». On nous donnait des noms à l’appui, par exemple celui d’un général dont l’arrestation nous était promise dans trois jours, et d’autres encore ; on déclarait qu’une manifestation de Cent-Noirs((Cent-Noirs, bandes monarchiques créées par la police tsariste pour lutter contre le mouvement révolutionnaire. Les Cent-Noirs assassinaient les révolutionnaires, attaquaient les intellectuels progressistes, organisaient les pogroms contre les Juifs. )) était fixée au 10 juin, que ces derniers devaient se mêler à nous et déchaîner des bagarres.

   Il arrive, même dans les guerres ordinaires, qu’une offensive fixée doive être décommandée pour des raisons d’ordre stratégique ; cela peut aussi arriver, à plus forte raison, dans la lutte des classes, selon les hésitations des couches moyennes petites-bourgeoises. Il faut savoir choisir le moment et se montrer hardi dans les décisions.

   La suppression de la manifestation était une nécessité absolue, comme les événements ultérieurs l’ont démontré. Tsérétéli a prononcé aujourd’hui son discours historique et hystérique. La révolution est entrée aujourd’hui dans une nouvelle phase de son développement. Ils ont commencé par interdire notre manifestation pacifique pour trois jours, ils veulent maintenir l’interdiction pour toute la durée du congrès ; ils exigent que nous nous soumettions aux décisions du congrès et menacent de nous en exclure. Mais nous préférons, avons-nous déclaré, être arrêtés plutôt que de renoncer à la liberté d’agitation.

   Tsérétéli, qui s’est révélé dans son discours comme un authentique contre-révolutionnaire, a déclaré qu’il fallait combattre les bolchéviks non avec des paroles ou des résolutions, mais en les privant de tous les moyens techniques dont ils disposent. Bilan des révolutions bourgeoises : d’abord armer le prolétariat, puis le désarmer pour qu’il n’aille pas plus loin. S’il a fallu interdire une manifestation pacifique, c’est que la situation est très grave.

   Tsérétéli, venu au congrès du sein du Gouvernement provisoire, a manifesté le désir bien net de désarmer les ouvriers. Furieux et frénétique, il a exigé que le Parti bolchévique soit mis au ban de la démocratie révolutionnaire. Les ouvriers doivent se dire avec sang-froid qu’il ne peut plus être question d’une manifestation pacifique. La situation est beaucoup plus grave que nous ne le supposions. Nous allions à une manifestation pacifique pour exercer le maximum de pression sur les décisions du congrès – comme c’est notre droit -, et l’on nous accuse de comploter l’arrestation du gouvernement !

   Il n’y a pas, dit Tsérétéli, de contre-révolutionnaires en dehors des bolchéviks. L’assemblée qui nous a jugés avait été organisée avec une solennité particulière : le présidium du congrès, le Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats au grand complet, les bureaux des groupes de tous les partis représentés au congrès. C’est là qu’on a découvert le pot aux roses, qu’on a déclenché l’offensive contre nous.

   Le prolétariat peut y répondre par le maximum de calme, de prudence, de fermeté, d’organisation, et en se souvenant bien que le temps des manifestations pacifiques est révolu.

   Nous ne devons pas leur fournir l’occasion d’une agression. Qu’ils attaquent, eux, et les ouvriers comprendront que nos agresseurs attentent à l’existence même du prolétariat. Mais la vie est avec nous, et le succès de leur agression est bien problématique : sur le front il y a les troupes dont le mécontentement est très grand ; à l’arrière règnent la vie chère, le marasme économique, etc.

   Le Comité central ne veut pas peser sur votre décision. C’est voire droit légitime de protester contre ses actions, et votre décision doit être libre.

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