14. Réplique à N. Angarski au cours des débats sur la question agraire

La septième conférence de Russie du P.O.S.D.(b) R.
(Conférence d’avril), 24-29 avril (7-12 mai) 1917

Lénine

14. Réplique à N. Angarski au cours des débats sur la question agraire, 28 avril

   Camarades, il me semble apercevoir chez le camarade Angarski diverses contradictions. A propos de la base matérielle des tendances à la nationalisation. Les paysans n’ont aucune idée de la nationalisation. Je dis qu’il existe des conditions de marché national russe et de marché international, et que cela se traduit par des prix élevés du blé. Tout paysan constate les variations de ces prix, les connaît, les éprouve. Il faut une organisation économique tenant compte de ces conditions, de ces prix. Je dis que le désaccord entre l’ancien régime de propriété des terres et la nouvelle structure économique est absolu, et que ce désaccord explique pourquoi les paysans se ruent en avant. Le paysan est un propriétaire, dit le camarade Angarski. Et il a parfaitement raison. C’est là-dessus que Stolypine voulait fonder sa modification des rapports agraires ; il a fait tout son possible et n’a pourtant pas réussi, la modification de ces rapports étant impossible sans une refonte révolutionnaire. Telle est la base matérielle des tendances des paysans à la nationalisation du sol, leur ignorance étant par ailleurs complète quant à la nature de la nationalisation. Le paysan propriétaire est porté d’instinct à dire que la terre est à Dieu, parce qu’on ne peut pas vivre dans les anciennes conditions de propriété. Ce que propose le camarade Angarski n’est que malentendu. Le deuxième alinéa dit que le régime de la propriété paysanne des terres est, de bas en haut, de long en large, dominé par des vieux liens et rapports de demi-servage. Mais parle-t-il des terres des grands propriétaires fonciers ? Non. L’amendement du camarade Angarski se fonde sur un malentendu. Il me prête des choses que je n’ai pas dites et dont les paysans n’ont même pas idée. Les paysans connaissent la situation mondiale par les prix du blé et des articles de consommation courante ; et si un chemin de fer passe par le village, le paysan en ressent les effets dans sa propre exploitation. On ne peut pas vivre à l’ancienne manière. Voilà ce qu’il éprouve, et il exprime ce sentiment sous la forme d’une revendication radicale : A bas tout l’ancien régime de propriété des terres ! Le paysan veut être un propriétaire, mais sur un sol divisé d’une façon nouvelle, afin de travailler sur une terre dont la possession serait déterminée par ses besoins actuels, et non par ceux que lui prescrivent des fonctionnaires. Cela le paysan le sait bien, tout en l’exprimant naturellement sous une autre forme, et c’est ce qui constitue la base matérielle des tendances à la nationalisation du sol.

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