5. Résolution sur la proposition par Borgbjerg d’une conférence socialiste internationale

La septième conférence de Russie du P.O.S.D.(b) R.
(Conférence d’avril), 24-29 avril (7-12 mai) 1917

Lénine

5. Résolution sur la proposition par Borgbjerg d’une conférence socialiste internationale

   Au sujet de la venue du « socialiste » danois Borgbjerg et de sa proposition de participer à un congrès de socialistes pour le soutien de la paix, projeté par les socialistes allemands de la tendance Scheidemann et Plekhanov, sur la base de la renonciation par l’Allemagne à la plupart de ses annexions, la conférence décide :

   Borgbjerg parle au nom de trois partis scandinaves, ceux de Suède, de Danemark et de Norvège. Il a, pour ce faire, un mandat du parti suédois dirigé par Branting, ce socialiste qui est passé du côté de « sa » bourgeoisie, qui a trahi l’alliance révolutionnaire des ouvriers de tous les pays. Nous ne pouvons considérer ce parti suédois comme un parti socialiste. Nous estimons que le seul parti socialiste en Suède est le parti des jeunes, dirigé par Höglund, Lindhagen, Ström, Karlsson, etc.

   De même pour le parti danois, qui a également mandaté Borgbjerg, nous ne le considérons pas comme un parti socialiste, car il a à sa tête Stauning, membre d’un ministère bourgeois. L’entrée de Stauning dans un ministère bourgeois a entraîné la protestation et le départ – de ce parti – d’un groupe avec le camarade Trier, qui a déclaré que le parti socialiste danois était devenu un parti bourgeois.

   De son propre aveu, Borgbjerg agit en accord avec Scheidemann et d’autres socialistes allemands qui sont passés du côté du gouvernement allemand et de la bourgeoisie allemande.

   Il n’y a donc pas le moindre doute que Borgbjerg est en réalité, directement ou non, un agent du gouvernement impérialiste allemand.

   En conséquence, la conférence considère que la participation de notre parti à une conférence à laquelle participent Borgbjerg et Scheidemann est inadmissible pour des raisons de principe, notre tâche n’étant pas de travailler au rassemblement des agents directs ou indirects des différents gouvernements impérialistes, mais d’unir les ouvriers de tous les pays, qui mènent dès à présent, en pleine guerre, une lutte révolutionnaire contre leurs propres gouvernements impérialistes.

   C’est seulement avec de tels partis et groupes que des conférences et des rapprochements peuvent effectivement hâter la conclusion de la paix.

   Nous mettons les ouvriers en garde contre la confiance qu’ils pourraient donner à une conférence organisée par Borgbjerg, car cette conférence de pseudo-socialistes ne sera qu’une comédie destinée à masquer les manœuvres auxquelles les diplomates se livreront dans la coulisse, en troquant leurs annexions les unes contre les autres, en « donnant », par exemple, l’Arménie aux capitalistes russes, en « donnant » à l’Angleterre les colonies allemandes qu’elle a volées, en échange de quoi ils « céderont » peut-être aux capitalistes allemands une partie des terrains métallifères de Lorraine qui contiennent d’immenses gisements de minerai de fer d’excellente qualité, etc.

   Les socialistes ne peuvent, sans trahir la cause prolétarienne, prendre une part ni directe ni indirecte à ces sordides et cupides marchandages entre capitalistes de différents pays se partageant le butin de leurs rapines.

   En même temps, la conférence constate que, même lorsqu’ils s’expriment par la voie de Borgbjerg, les capitalistes allemands ne renoncent pas à toutes leurs annexions, sans parler de l’évacuation militaire immédiate des territoires qu’ils ont annexés par la force. Car les régions danoises de l’Allemagne, ses régions polonaises, les parties françaises de l’Alsace, sont des annexions des capitalistes allemands au même titre que la Lettonie, la Finlande, la Pologne, l’Ukraine, etc., sont des annexions des tsars russes et des capitalistes russes.

   Quant à la restauration de l’indépendance polonaise, il s’agit d’une supercherie, de la part aussi bien des capitalistes austro-allemands que du gouvernement provisoire russe, qui parle, dit-on, d’une alliance militaire « libre » entre la Pologne et la Russie. Car, pour déterminer réellement la volonté des peuples de toutes les régions annexées, il est indispensable que les troupes soient retirées et que la population soit librement consultée. Les promesses gouvernementales ne trouveraient un commencement d’exécution que si une telle mesure était appliquée à toute la Pologne (non seulement, par conséquent, aux territoires annexés par les Russes, mais également à ceux annexés par les Allemands et les Autrichiens), ainsi qu’à toute l’Arménie, etc.

   En outre, la conférence constate que les socialistes anglais et français, passés dans le camp de leurs gouvernements capitalistes, ont refusé de se rendre à la conférence organisée par Borgbjerg. Ce fait montre clairement que la bourgeoisie impérialiste anglo-française, dont ces pseudo-socialistes sont des agents, veut continuer, veut faire durer cette guerre impérialiste, sans même vouloir examiner les concessions que la bourgeoisie impérialiste allemande est obligée de promettre par l’intermédiaire de Borgbjerg sous la pression croissante de la misère, de la famine et de la ruine et, surtout, de la révolution ouvrière imminente en Allemagne.

   La conférence décide de donner à tous ces faits la plus large publicité et, notamment, d’en informer avec la plus grande précision les soldats russes sur le front ; que les soldats russes sachent que les capitalistes anglo-français et, à leur suite, les capitalistes russes, font durer la guerre, sans vouloir accepter même une telle conférence sur les conditions de paix.

   Que les soldats russes sachent que le mot d’ordre de « guerre jusqu’ à la victoire » masque actuellement le désir de l’Angleterre, de raffermir sa domination à Bagdad et dans les colonies allemandes d’Afrique, le désir des capitalistes russe de piller et d’étrangler l’Arménie, la Perse, etc., le désir de voir l’effondrement total de l’Allemagne.

   Que les soldats russes organisent sur le front des référendums dans chaque unité, dans chaque régiment, dans chaque compagnie pour dire s’ils veulent que les capitalistes prolongent ainsi la guerre, ou s’ils veulent que la totalité du pouvoir passe exclusivement aux mains des soviets des députés ouvriers et paysans pour mettre fin à la guerre aussi rapidement que possible. Le parti du prolétariat de Russie n’acceptera de rencontrer, afin de contracter avec eux une alliance fraternelle, que les partis ouvriers des autres pays qui mènent aussi dans leur propre pays une lutte révolutionnaire pour le passage de tout le pouvoir au prolétariat.

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