Introduction aux résolutions de la 7e conférence de Russie du POSDR(b)

La septième conférence de Russie du P.O.S.D.(b) R.
(Conférence d’avril), 24-29 avril (7-12 mai) 1917

Lénine

Introduction aux résolutions de la 7e Conférence de Russie du POSDR(b)

   Camarades ouvriers,

   La conférence pour toute la Russie du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, uni autour du Comité central et appelé communément parti « bolchevik », vient de prendre fin.

   Elle a adopté des décisions très importantes sur toutes les questions fondamentales de la révolution, décisions dont on trouvera ci-après le texte intégral.

   La révolution traverse une crise. On l’a vu dans les rues de Petrograd et de Moscou entre le 19 et le 21 avril. Le gouvernement provisoire l’a reconnu. Le Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd l’a reconnu. Une nouvelle confirmation vient encore d’en être apportée au moment où nous écrivons ces lignes, par la démission de Goutchkov.

   La crise du pouvoir, la crise de la révolution, ne sont pas le fait d’un hasard. Le gouvernement provisoire est le gouvernement des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, liés par le capital russe et anglo-français et obligés de continuer la guerre impérialiste. Mais les soldats sont épuisés par la guerre ; ils comprennent de plus en plus clairement qu’elle est faite dans l’intérêt des capitalistes ; ils ne veulent pas de la guerre. Et, pendant ce temps, la Russie comme les autres pays voient s’avancer le spectre menaçant d’une effroyable faillite, de la disette, d’une ruine économique totale.

   Le Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd, qui a passé un accord avec le gouvernement provisoire et qui le soutient, de même qu’il soutient l’emprunt et aussi, par conséquent, la guerre, est également dans une impasse. Le Soviet est responsable du gouvernement provisoire et, constatant que la situation n’offre pas d’issue, il se trouve lui-même empêtré par son accord avec le gouvernement des capitalistes.

   En ce grave moment historique, où tout l’avenir de la révolution est en jeu, où les capitalistes s’agitent entre le désespoir et l’intention de massacrer les ouvriers, notre parti s’adresse au peuple et lui dit, dans les décisions de sa conférence :

   Il faut comprendre quelles sont les classes qui poussent en avant la révolution. Il faut tenir compte, avec lucidité, de leurs aspirations différentes. Le capitaliste ne peut pas suivre le même chemin que l’ouvrier. Les petits propriétaires ne peuvent ni se fier entièrement aux capitalistes, ni se décider d’un seul coup et tous ensemble à une étroite alliance fraternelle avec les ouvriers. C’est seulement si l’on comprend les différences entre ces classes que l’on peut trouver la voie juste où doit s’en- gager la révolution.

   Sur toutes les questions fondamentales de la vie du peuple, les décisions de notre conférence établissent une nette distinction entre les intérêts des différentes classes et montrent qu’il est absolument impossible de sortir de l’impasse en faisant confiance au gouvernement des capitalistes ou en le soutenant.

   La situation est incroyablement difficile. Il n’y a qu’une issue, une seule : le passage de tout le pouvoir aux soviets des députés ouvriers, soldats, paysans et autres dans toute la Russie, de la base au sommet. Seul le passage du pouvoir à la classe ouvrière, soutenue par la majorité des paysans, peut laisser escompter un rétablissement rapide de la confiance des ouvriers des autres pays, et une puissante révolution européenne qui fera voler en éclats le joug du capital et brisera l’étau de fer du massacre criminel où s’entre-tuent les peuples. Seul le passage du pouvoir à la classe ouvrière, soutenue par la majorité des paysans, peut donner le ferme espoir que toutes les masses laborieuses feront pleinement confiance à ce pouvoir et se dresseront, comme un seul homme, pour travailler avec abnégation à transformer toute la vie du peuple dans l’intérêt des masses laborieuses, et non dans celui des capitalistes et des grands propriétaires fonciers. Sans ce travail plein d’abnégation, sans une gigantesque tension des forces de tous et de chacun, sans la ferme résolution de reconstruire la vie à neuf, sans une stricte organisation et une discipline fraternelle de tous les ouvriers et de tous les paysans pauvres, sans tout cela il n’y a point d’issue.

   La guerre a conduit l’humanité tout près de sa perte. Les capitalistes, engagés dans la guerre, sont impuissants à s’en arracher. Le monde entier est menacé par la catastrophe.

   Camarades ouvriers, l’heure approche où les événements exigeront de vous un regain d’héroïsme, encore plus grand qu’aux jours glorieux de la révolution de février-mars, l’héroïsme de millions et de dizaines de millions d’hommes. Soyez prêts.

   Soyez prêts et rappelez-vous que si, avec les capitalistes, vous avez pu triompher en quelques jours, simplement par l’explosion de la colère populaire, il vous faudra plus que cela pour remporter la victoire sur les capitalistes et contre eux. Pour remporter cette victoire, pour faire passer le pouvoir aux ouvriers et aux paysans pauvres, pour le conserver, pour l’utiliser judicieusement, il faut de l’organisation, de l’organisation, et encore de l’organisation.

   Notre parti vous aide par tous les moyens en son pouvoir et, avant tout, en éclairant les esprits sur la situation différente des différentes classes et sur leurs forces respectives. C’est à cela que sont con- sacrées les décisions de notre conférence. Si ces notions ne sont pas claires, l’organisation ne vaut rien. Sans organisation, impossible de faire agir des millions d’hommes, impossible d’escompter aucun succès.

   Ne croyez pas aux paroles. Ne vous laissez pas leurrer par des promesses. Ne surestimez pas vos forces. Organisez-vous dans chaque usine, dans chaque régiment et dans chaque compagnie, dans chaque quartier. Travaillez à vous organiser jour après jour, heure après heure, travaillez-y vous-mêmes, c’est une tâche dont on ne peut se décharger sur personne. Faites en sorte que, grâce à ce travail, les masses en viennent graduellement à témoigner aux ouvriers d’avant-garde une confiance entière, solide, indestructible. Voilà le contenu essentiel de toutes les décisions de notre conférence. Voilà la principale leçon de la révolution. Voilà le seul gage du succès.

   Camarades ouvriers, nous vous appelons à un travail difficile, important, inlassable, qui doit unir étroitement le prolétariat conscient, révolutionnaire, de tous les pays. C’est cette voie, et cette voie seulement, qui mène à l’issue, qui délivrera l’humanité des horreurs de la guerre, du joug du capital.

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