L’égalité en droits des nations

L’égalité en droits des nations

Lénine

   Publié le 16 avril 1914 dans le n° 62 du journal Pout Pravdy

   Dans le n° 48 (28 mars) du Pout Pravdy((Pout Pravdy (la Voie de la vérité), titre sous lequel la Pravda parut du 22 janvier au 21 mai 1914. )), la fraction ouvrière social-démocrate de Russie a publié un projet de loi sur l’égalité en droits des nations ou, pour employer son titre officiel, un « Projet de loi sur l’abrogation de toutes les restrictions aux droits des juifs et, d’une façon générale, de toutes les restrictions liées à l’origine ou à l’appartenance à quelque nationalité que ce soit ».

   Au milieu des soucis et des angoisses occasionnées par la lutte pour la vie, pour le morceau de pain, les ouvriers russes ne peuvent ni ne doivent oublier l’oppression nationale qui pèse sur les millions d’«allogènes» peuplant la Russie. La nationalité dominante – les Grands-Russes – constitue environ 45% de l’ensemble de la population de l’Empire. Sur 100 habitants, plus de 50 sont des «allogènes».

   Et cette immense population connaît des conditions d’existence encore plus inhumaines que celles qui sont le lot du Russe.

   La politique d’oppression nationale est une politique de division des nations. C’est en même temps, une politique de corruption systématique de la conscience du peuple. C’est sur l’opposition des intérêts des différentes nationalités, c’est sur l’intoxication de la conscience des masses ignorantes et accablées que les Cent-Noirs fondent leurs calculs. Prenez n’importe quelle feuille ultra-réactionnaire, et vous verrez que la persécution des «allogènes», que l’excitation à la méfiance réciproque entre le paysan, le petit bourgeois ou l’artisan russes et le paysan, le petit bourgeois ou l’artisan juifs, finnois, polonais, géorgiens, ukrainiens, alimentent la clique des Cent-Noirs.

   Or, la classe ouvrière a besoin d’union et non de division. Elle n’a pas de pires ennemis que les préjugés et les superstitions barbares que ses adversaires répandent au sein des masses abusées. L’oppression des «allogènes» est une arme à double tranchant. D’une part, elle frappe «allogène» ; de l’autre, le peuple russe.

   C’est pourquoi la classe ouvrière doit se prononcer haut et clair contre toute oppression des nationalités.

   A l’agitation des Cent-Noirs qui tentent de détourner son attention par la persécution des allogènes, elle doit opposer sa conviction de la nécessité d’une totale égalité en droits, d’un renoncement plein et entier à quelque privilège que ce soit, de quelque nation que ce soit.

   Une agitation particulièrement haineuse est entretenue par les Cent-Noirs contre les juifs. Les Pourichkévitch tentent de faire du peuple juif le bouc émissaire de tous leurs mauvais coups.

   Aussi, la fraction ouvrière, social-démocrate de Russie accorde-t-elle très justement, dans son projet de loi, la place principale à l’arbitraire dont sont victimes les juifs.

   L’école, la presse, la tribune parlementaire, tout est mis en oeuvre pour semer une haine aveugle, sauvage, imbécile à l’égard des juifs.

   A cette besogne infâme s’attellent, non seulement la pègre des Cent-Noirs, mais aussi les intellectuels réactionnaires, professeurs, savants, journalistes, députés. Des milliards de roubles sont engloutis pour empoisonner la conscience du peuple.

   C’est une question d’honneur pour les ouvriers russes que de recueillir des dizaines de milliers de signatures et de déclarations de prolétaires à l’appui du projet de loi contre l’oppression nationale, déposé par la fraction ouvrière social-démocrate de Russie… C’est le meilleur moyen de renforcer l’unité totale, l’union de tous les ouvriers de Russie sans distinction de nationalité.

flechesommaire2