Les tâches de la révolution

Les tâches de la révolution

Lénine

   N. K. Publié les 9 et 10 octobre (26 et 27 septembre) 1917, dans le Rabotchi Pout, nos 20 et 21.

   La Russie est un pays de petite bourgeoisie. L’immense majorité de la population appartient à cette classe. Les hésitations de cette dernière entre la bourgeoisie et le prolétariat sont inévitables. Ce n’est que si la petite bourgeoisie se joint au prolétariat que seront assurés, facilement et vite, dans la paix et le calme, le triomphe de la révolution, de la paix et de la liberté, ainsi que la remise des terres aux travailleurs.

   La marche de notre révolution nous révèle pratiquement ces hésitations. Ne nous faisons donc pas d’illusions sur les partis socialiste-révolutionnaire et menchévik, et tenons-nous-en avec fermeté à notre voie prolétarienne de classe. La misère des paysans pauvres, les horreurs de la guerre, les affres de la famine, tout cela montre aux masses, avec toujours plus de clarté, la justesse de la voie prolétarienne, la nécessité de soutenir la révolution du prolétariat.

   Les espoirs « pacifistes » que la petite bourgeoisie fonde sur la « coalition » avec la bourgeoisie, sur une entente avec elle, sur la possibilité d’attendre « tranquillement » la « prompte » convocation de l’Assemblée constituante, etc., tout cela est brisé impitoyablement, cruellement, inexorablement par la marche de la révolution. Dernière et rude leçon sur une vaste échelle, le coup de force Kornilov est venu compléter les milliers et les milliers de petites autres leçons, leçons de duperie des ouvriers et des paysans par les capitalistes et les grands propriétaires fonciers, leçons de duperie des soldats par leurs officiers, etc., etc.

   Le mécontentement, l’indignation, l’exaspération montent dans l’armée, dans la paysannerie, parmi les ouvriers. La « coalition » des socialistes-révolutionnaires et des menchéviks avec la bourgeoisie, qui promet tout et ne tient rien, énerve les masses, leur ouvre les yeux, les pousse à l’insurrection.

   L’opposition des gauches grandit parmi les socialistes-révolutionnaires (Spiridonova, d’autres encore) et parmi les menchéviks (Martov, etc.), réunissant déjà jusqu’à 40% du «Conseil» et du « Congrès » de ces partis. Et à la base, dans le prolétariat et la paysannerie, pauvre surtout, la majorité des socialistes-révolutionnaires et des menchéviks se joignent à la « gauche ».

   Le coup de force Kornilov instruit. Le coup de force Kornilov a été riche en enseignements.

   On ne peut savoir si les Soviets pourront maintenant aller plus loin que les chefs socialistes-révolutionnaires et menchéviks, et assurer par là le développement pacifique de la révolution, — ou s’ils continueront à piétiner sur place et à rendre ainsi l’insurrection prolétarienne inévitable.

   On ne peut le savoir.

   Notre tâche est d’aider à faire tout le possible pour assurer une « dernière » chance de développement pacifique à la révolution, d’y aider en exposant notre programme, en en expliquant le caractère populaire, la pleine conformité avec les intérêts et les exigences de l’immense majorité de la population.

   Dans les lignes qui suivent, nous essayerons d’exposer ce programme.

   Portons-le encore plus « à la base », dans les masses, parmi les employés, les ouvriers, les paysans, non seulement parmi les nôtres, mais surtout parmi ceux qui suivent les socialistes-révolutionnaires, parmi les sansparti, les inconscients. Tâchons de leur apprendre à juger par eux-mêmes, à formuler leurs résolutions, à envoyer leurs délégations à la Conférence, aux Soviets, au gouvernement. Alors notre travail ne sera pas vain, quelle que soit l’issue de la Conférence. Il servira alors et à la Conférence, et aux élections pour l’Assemblée constituante, et à toute action politique en général.

   La vie montre la justesse du programme et de la tactique bolchéviks. Depuis le 20 avril jusqu’au coup de force Kornilov, que de choses en si peu de temps !

   L’expérience des masses, l’expérience des classes opprimées leur a donné durant cette période une foule d’enseignements. Les chefs socialistes-révolutionnaires et menchéviks se sont complètement séparés des masses. C’est ce que montrera le mieux un programme aussi concret que possible, dans la mesure où nous parviendrons à en porter la discussion au sein des masses.

CE QU’A DE FUNESTE LA POLITIQUE D’ENTENTE AVEC LES CAPITALISTES

   1. Laisser au pouvoir les représentants de la bourgeoisie, ne fût-ce qu’en petit nombre, y laisser ces complices avérés de Kornilov que sont les généraux Alexéev, Klembovski, Bagration, Gagarine, d’autres encore, ou des hommes qui, comme Kérenski, ont prouvé leur impuissance totale devant la bourgeoisie et leur aptitude à pratiquer le bonapartisme, c’est ouvrir toutes grandes les portes, d’une part à la famine et à une catastrophe économique certaine, que les capitalistes accélèrent et aggravent à dessein ; d’autre part, à la catastrophe militaire, car l’armée déteste le Grand Quartier Général et ne peut participer avec enthousiasme à la guerre impérialiste. Au surplus, si les généraux et les officiers complices de Kornilov restent au pouvoir, ils ne manqueront pas d’ouvrir sciemment le front aux Allemands, comme ils l’ont fait en Galicie et à Riga. On ne pourra conjurer cette éventualité qu’en formant un nouveau gouvernement sur les bases nouvelles que nous exposons plus loin. Après ce qui s’est passé depuis le 20 avril, poursuivre, sous quelque forme que ce soit, la politique d’entente avec la bourgeoisie, ce serait de la part des socialistes-révolutionnaires et des menchéviks non seulement une faute, mais une trahison qualifiée envers le peuple et la révolution.

LE POUVOIR AUX SOVIETS

   2. Tout le pouvoir de l’Etat doit passer exclusivement aux représentants des Soviets des députés ouvriers, soldats et paysans, sur la base d’un programme déterminé, le gouvernement étant entièrement responsable devant les Soviets. On procédera sans retard aux nouvelles élections pour les Soviets, tant pour mettre à profit toute l’expérience acquise par le peuple en ces dernières semaines de la révolution, si riches de contenu, que pour supprimer les injustices criantes (représentation non proportionnelle, inégalité électorale, etc.) qui subsistent encore par endroits.

   Dans les provinces où il n’y a pas encore d’institutions démocratiquement élues, et dans l’armée, tout le pouvoir doit passer exclusivement aux Soviets locaux et aux commissaires élus par eux, ainsi qu’aux autres institutions uniquement électives. Il doit être procédé absolument et en tous lieux, avec l’appui entier de l’Etat, à l’armement des ouvriers et à celui des troupes révolutionnaires, c’est-à-dire de celles qui ont prouvé en fait leur capacité à réprimer les kornilovistes.

LA PAIX AUX PEUPLES

   3. Le gouvernement des Soviets doit proposer sans délai à tous les peuples en guerre (c’est-à-dire tout à la fois à leurs gouvernements et aux masses ouvrières et paysannes) la conclusion immédiate d’une paix générale sur des bases démocratiques, ainsi que d’un armistice (ne serait-ce que pour trois mois).

   La condition essentielle d’une paix démocratique est de renoncer aux annexions (conquêtes), non pas dans ce sens inexact que toutes les puissances recouvrent ce qu’elles ont perdu, mais dans le seul sens exact que chaque nationalité sans exception aucune, en Europe comme dans les colonies, reçoit la liberté et la possibilité de décider elle-même : se constituer en Etat distinct ou faire partie d’un autre Etat au choix.

   En proposant les conditions de paix, le gouvernement des Soviets doit lui-même en aborder aussitôt l’application pratique, savoir : publier et annuler les traités secrets qui nous lient jusqu’à ce jour, traités conclus par le tsar et qui promettent aux capitalistes russes le pillage de la Turquie, de l’Autriche, etc. Ensuite, nous nous devons de faire droit immédiatement aux conditions des Ukrainiens et des Finlandais, de leur assurer, ainsi qu’à tous les allogènes habitant la Russie, une liberté complète, jusques et y compris la liberté de séparation ; appliquer les mêmes principes à l’ensemble de l’Arménie, nous engager à l’évacuer, ainsi que les territoires turcs occupés par nous, etc.

   Pareilles conditions de paix ne seront pas accueillies avec bienveillance par les capitalistes, mais elles susciteront chez tous les peuples une sympathie et une explosion d’enthousiasme si grandes ; elles provoqueront, dans le monde entier, contre la prolongation de la guerre de rapine une indignation générale si violente, que nous obtiendrons très probablement, d’emblée, un armistice et le consentement à ouvrir les pourparlers de paix. Car la révolution ouvrière contre la guerre grandit partout, irrésistiblement. Et ce ne sont pas les phrases sur la paix (avec lesquelles tous les gouvernements impérialistes, y compris notre gouvernement Kérenski, trompent dès longtemps les ouvriers et les paysans), mais la rupture avec les capitalistes et la proposition de paix qui, seules, peuvent pousser en avant cette révolution.

   Si se réalise la chose la moins probable, c’est-à-dire si aucun des Etats belligérants n’accepte même un armistice, la guerre nous aura été vraiment imposée, et ce sera pour nous une guerre vraiment juste et défensive. La seule conscience de ce fait, chez le prolétariat et la paysannerie pauvre, rendra la Russie infiniment plus forte, au point de vue militaire également, surtout après la rupture complète avec les capitalistes spoliateurs du peuple. Sans compter qu’alors la guerre, de notre côté, se fera, non en paroles mais en fait, en alliance avec les classes opprimées de tous les pays, en alliance avec les peuples opprimés du monde entier.

   Il convient notamment de mettre le peuple en garde contre une assertion des capitalistes, à laquelle se laissent prendre parfois les éléments les plus intimidés et les philistins, — assertion selon laquelle les capitalistes anglais et autres, en cas de rupture de notre actuelle alliance de brigandage avec eux, seraient capables de porter un sérieux préjudice à la révolution russe. Cette assertion est un pur mensonge, car le « soutien financier des alliés » qui enrichit les banquiers, ne « soutient » les ouvriers et les paysans russes que comme la corde soutient le pendu. La Russie a assez de blé, de charbon, de pétrole, de fer, et il est simplement indispensable de débarrasser le peuple des grands propriétaires fonciers et des capitalistes qui le pillent pour pouvoir assurer une répartition judicieuse de ces produits. Quant à la menace de guerre que feraient peser sur le peuple russe ses alliés d’aujourd’hui, il est manifestement absurde de supposer que Français et Italiens seraient capables d’unir leurs troupes à celles de l’Allemagne pour les lancer contre la Russie qui aura proposé une paix juste. Pour l’Angleterre, les Etats-Unis et le Japon, même s’ils déclaraient la guerre à la Russie (ce qui leur serait malaisé au possible, tant en raison de l’extrême impopularité d’une telle guerre dans les masses, que par suite des divergences d’intérêts matériels entre les capitalistes de ces pays au sujet du partage de l’Asie, et tout particulièrement au sujet du pillage de la Chine), — ils ne pourraient causer à la Russie même la centième partie des dommages et des calamités que lui apporte la guerre avec l’Allemagne, l’Autriche et la Turquie.

LA TERRE AUX TRAVAILLEURS

   4. Le gouvernement des Soviets doit proclamer tout de suite l’abolition sans indemnité de la propriété privée des terres seigneuriales et en remettre la gestion aux comités paysans jusqu’au jour où l’Assemblée constituante aura statué sur ce point. Le matériel agricole des grands propriétaires fonciers sera également transmis aux mêmes comités paysans qui en feront bénéficier absolument, en premier lieu et à titre gratuit, les paysans pauvres.

   Ces mesures réclamées depuis longtemps par l’immense majorité des paysans dans leurs résolutions de congrès et en des centaines de mandats à leurs délégués (comme il ressort entre autres de l’examen de 242 mandats publiés dans les Izvestia du Soviet des députés paysans), sont absolument nécessaires et urgentes. Aucun de ces atermoiements qui ont fait tant souffrir la paysannerie sous le ministère de « coalition », ne saurait plus être toléré.

   Tout gouvernement qui tarderait à appliquer ces mesures doit être considéré comme un gouvernement antipopulaire ; il mérite d’être renversé et écrasé par l’insurrection des ouvriers et des paysans. Au contraire, seul un gouvernement qui aura appliqué ces mesures sera le gouvernement du peuple entier.

LUTTE CONTRE LA FAMINE ET LA RUINE ÉCONOMIQUE

   5. Le gouvernement des Soviets doit instituer sans retard, à l’échelle nationale, le contrôle ouvrier de la production et de la consommation. A défaut de cela, l’expérience l’a déjà montré depuis le 6 mai, toutes les promesses et tentatives de réformes sont inopérantes ; et d’une semaine à l’autre la famine et une catastrophe sans précédent menacent de frapper le pays entier.

   Il importe de procéder à la nationalisation immédiate des banques et des compagnies d’assurances, ainsi que des branches maîtresses de l’industrie (pétrole, houille, métallurgie, sucre, etc.). De même, on supprimera absolument le secret commercial et l’on établira la surveillance rigoureuse des ouvriers et des paysans sur l’infime minorité des capitalistes qui s’enrichissent grâce aux fournitures à l’Etat et se dérobent au contrôle, ainsi qu’à toute imposition équitable de leurs bénéfices et de leurs biens.

   Ces mesures qui n’enlèvent pas la moindre parcelle de leur avoir aux paysans moyens, non plus qu’aux cosaques et aux petits artisans, sont absolument justes du point de vue de la répartition équitable des charges de la guerre, et urgentes pour la lutte contre la famine. Ce n’est qu’en mettant un frein aux voleries commises par des capitalistes et en les empêchant d’arrêter sciemment la production, que l’on pourra obtenir une élévation du rendement, instituer le service de travail général et assurer l’échange normal du blé contre les produits de l’industrie, faire rentrer au Trésor les milliards de papier-monnaie dissimulés par les riches.

   A défaut de ces mesures, l’abolition sans indemnité de la propriété des terres seigneuriales est également impossible, puisque la plupart d’entre elles sont hypothéquées dans les banques, et que les intérêts des grands propriétaires fonciers et des capitalistes s’entrelacent étroitement.

   La dernière résolution adoptée par la Section économique du Comité exécutif central des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie (Rabotchaïa Gazéta, n° 152) reconnaît non seulement ce qu’ont de « funeste » les mesures gouvernementales (telles que la hausse des prix du blé, destinée à enrichir les grands propriétaires fonciers et les koulaks), non seulement le « fait de l’inaction totale des organismes centraux constitués près le gouvernement pour régler la vie économique», mais même la « violation des lois » par ce gouvernement. Cet aveu des partis dirigeants socialiste-révolutionnaire et menchévik atteste une fois de plus combien criminelle est la politique d’entente avec la bourgeoisie.

LUTTE AVEC LA CONTRE-RÉVOLUTION DES GRANDS PROPRIÉTAIRES FONCIERS ET DES CAPITALISTES

   6. La rébellion de Kornilov et de Kalédine23 a été soutenue par toute la classe des grands propriétaires fonciers et des capitalistes avec, en tête, le parti cadet (parti de la « liberté du peuple»). Les faits publiés dans les Izvestia du Comité exécutif central l’ont déjà pleinement démontré.

   Mais rien de sérieux n’a été et ne peut être fait avant que le pouvoir ait passé aux Soviets, ni pour réprimer à fond cette contre-révolution, ni même pour effectuer une enquête à son sujet. Aucune commission, si elle n’est pas investie d’un pouvoir d’Etat, ne peut mener l’enquête jusqu’au bout, faire arrêter les coupables, etc. Seul le gouvernement des Soviets peut et doit le faire. Lui seul peut, en faisant arrêter les généraux kornilovistes et les chefs de la contre-révolution bourgeoise (Goutchkov, Milioukov, Riabouchinski, Maklakov et Cie), en prononçant la dissolution des ligues contre-révolutionnaires (Douma d’Etat, ligues d’officiers, etc.), en mettant leurs membres sous la surveillance des Soviets locaux, en licenciant les unités contre-révolutionnaires de l’armée, — lui seul peut préserver la Russie de nouvelles tentatives « à la Kornilov ».

   Lui seul peut former une commission chargée de procéder à une ample enquête publique sur l’affaire Kornilov, comme du reste sur toutes les autres, fussent-elles suscitées par la bourgeoisie. C’est uniquement à une telle commission que le Parti bolchevik, de son côté, inviterait les ouvriers à obéir sans réserve et à prêter leur entier concours.

   Seul le gouvernement des Soviets pourrait lutter avec succès contre cette criante injustice qu’est la mainmise des capitalistes, moyennant les millions volés au peuple, sur les grosses imprimeries et sur la plupart des journaux. Il faut interdire les journaux contre-révolutionnaires bourgeois (Riétch, Rousskoïé Slovo, etc.), confisquer leurs imprimeries, proclamer monopole d’Etat la publicité privée des journaux et en transférer le service au journal gouvernemental édité par les Soviets et portant la vérité aux paysans. C’est ainsi seulement que l’on peut et que l’on doit faire tomber des mains de la bourgeoisie cette arme puissante dont elle se sert pour mentir et calomnier impunément, tromper le peuple, induire la paysannerie en erreur, préparer la contre-révolution.

DÉVELOPPEMENT PACIFIQUE DE LA RÉVOLUTION

   7. Devant la démocratie russe, devant les Soviets, devant les partis socialiste-révolutionnaire et menchévik, s’ouvre maintenant la possibilité extrêmement rare dans l’histoire des révolutions, d’assurer la convocation de l’Assemblée constituante à la date fixée, sans nouveaux atermoiements ; la possibilité de préserver le pays d’une catastrophe militaire et économique, la possibilité d’assurer le développement pacifique de la révolution.

   Si les Soviets prennent maintenant le pouvoir — intégralement et exclusivement — afin de réaliser le programme exposé plus haut, l’appui des neuf dixièmes de la population de Russie, de la classe ouvrière et de l’immense majorité des paysans leur est assuré. Bien plus, le plus grand enthousiasme révolutionnaire de l’armée et de la majorité du peuple, l’enthousiasme sans lequel la victoire sur la famine et la guerre est impossible, — leur est également assuré.

   Il ne saurait être question maintenant de résistance d’aucune sorte aux Soviets, si ces derniers n’hésitaient pas eux-mêmes. Aucune classe n’osera se soulever contre les Soviets. Instruits par l’expérience du coup de force Kornilov, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, mis en présence d’un ultimatum des Soviets, céderont pacifiquement le pouvoir. Il suffira, pour vaincre la résistance des capitalistes au programme des Soviets, de faire surveiller les exploiteurs par les ouvriers et les paysans et de punir les récalcitrants de peines, telles que la confiscation de tous leurs, biens, jointe à un emprisonnement de courte durée.

   Les Soviets ayant pris la plénitude du pouvoir, pourraient maintenant encore — et c’est là probablement leur dernière chance — assurer le développement pacifique de la révolution, l’élection pacifique de ses députés par le peuple, la lutte pacifique des partis au sein des Soviets, la mise à l’épreuve, dans la pratique, du programme des différents partis, le passage pacifique du pouvoir d’un parti à un autre.

   Si on néglige cette possibilité, le cours du développement de la révolution, depuis le mouvement du 20 avril jusqu’à l’aventure Kornilov, montre que la plus âpre guerre civile est inévitable entre la bourgeoisie et le prolétariat. La catastrophe inéluctable hâtera cette guerre. Comme l’attestent toutes les données et considérations accessibles à l’entendement humain, elle aboutira à la victoire complète de la classe ouvrière soutenue par la paysannerie pauvre, pour la réalisation du programme ci-dessus ; mais elle peut s’avérer très pénible et sanglante, et coûter la vie à des dizaines de milliers de propriétaires fonciers, de capitalistes et d’officiers qui se rangent de leur côté. Le prolétariat ne reculera devant aucun sacrifice pour assurer le salut de la révolution, impossible en dehors du programme exposé. Mais le prolétariat soutiendrait par tous les moyens les Soviets s’ils tentaient leur dernière chance d’assurer le développement pacifique de la révolution.

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