Les tâches de notre parti dans l’internationale

Les tâches de notre parti dans l’internationale

Lénine

(A propos de la IIIe conférence de Zimmerwald)

   Ecrit en octobre 1917. Paru pour la première fois en 1928 dans le recueil Lénine VII

   Dans le n° 22 du Rabotchi Pout du 28 septembre est paru le manifeste de la IIIe Conférence de Zimmerwald. Sauf erreur de notre part, il n’a été par ailleurs publié que dans le journal des menchéviks-internationalistes, l’Iskra n° 1 du 26 septembre ; y étaient ajoutées des indications extrêmement brèves sur la composition de la IIIe Conférence de Zimmerwald et sur sa date (20-27 août, nouveau calendrier) ; pour ce qui est des autres journaux, il ne s’y trouvait ni manifeste, ni aucune information détaillée sur la conférence.

   Nous disposons maintenant d’une certaine documentation relative à cette conférence : un article paru dans le journal des social-démocrates de gauche suédois Politiken (cet article a été traduit dans l’organe du parti social-démocrate finlandais Työmies((

   «Politiken», l’organe de la social-démocratie suédoise de gauche, qui, en 1917, fonderont le Parti social- démocrate de gauche de Suède : le journal commença à paraître à Stockholm le 27 avril 1916 ; à partir de novembre 1917 prit le titre de Folkets Dagblatt Politiken (Le quotidien politique populaire) : y collaborèrent des zimmerwaldiens de gauche d’Allemagne, de Russie, de France et d’autres pays. En 1921, le Parti social-démocrate de gauche adhéra au Komintern, et prit le nom de Parti communiste, le journal devint son organe. Après la scission du Parti communiste en octobre 1929, le journal passa entre les mains de son aile droite. Cessa de paraître en mai 1945.
«Työmies» (Ouvrier), journal du Parti social-démocrate de Finlande ; parut à Helsingfors de mai 1895 à 1918.))) et deux communications écrites, l’une d’un camarade polonais, l’autre d’un camarade russe qui ont participé à la conférence. En nous appuyant sur ces informations, nous parlerons d’abord de la conférence en général, puis nous en viendrons à l’analyse de la conférence et à l’analyse des tâches de notre parti.

I

   A la conférence assistaient les représentants des partis et groupes suivants : 1) le parti social-démocrate «indépendant» allemand (« kautskistes ») ; 2) le parti suisse ; 3) le parti suédois de gauche (qui, on le sait; a rompu toute attache avec le parti opportuniste de Branting) ; 4) des Norvégiens et 5) des Danois (dans nos matériaux, on n’indique pas s’il s’agit du parti officiel, opportuniste danois qui a le ministre Stauning à sa tête) ; 6) le parti social-démocrate finlandais ; 7) des Roumains ; 8) le P.O.S.D.R. bolchévik ; 9) le P.O.S.D.R. menchévik (Panine déclara par écrit qu’il ne prendrait pas part à la conférence, alléguant comme motif qu’elle n’était pas plénière ; Axelrod, lui, allait. de temps en temps aux séances, mais il ne signa pas le manifeste); 10) des menchéviks-internationalistes ; 11) un groupe américain de «socialistes-internationalistes chrétiens » (?); 12) un «groupe de propagande social-démocrate» américain (selon toute apparence, c’est le même groupe dont il est fait mention dans ma brochure Les tâches du prolétariat dans notre révolution (Projet de programme du parti prolétarien, p. 24 ((L’Internationale de Zimmerwald a fait faillite. Il faut fonder la III° Internationale)) , car précisément ce groupe commença en janvier 1917 à publier le journal l’Internationaliste((«L’Internationaliste», organe hebdomadaire de l’aile gauche des socialistes des Etats Unis ; parut au début de 1917 à Boston grâce aux soins de la Ligue de propagande socialiste d’Amérique ; des internationalistes des Etats-Unis et d’autres pays faisaient partie de son Comité de rédaction.))) ; 13) des social-démocrates polonais, unis par la «Direction de territoire» ; 14) l’opposition autrichienne («club Karl Marx », fermé par le gouvernement autrichien après l’exécution de Sturgkh par Friedrich Adler((Sturgkh Karl (1859-1916), homme d’Etat autrichien réactionnaire ; chef du gouvernement d’Autriche-Hongrie en 1911-1916 ; son gouvernement participa activement à la préparation et au déclenchement de la guerre impérialiste. A la veille de la guerre il dissout le parlement autrichien et au début de la guerre celui de Hongrie et établit une dictature militaire absolue ; combattit avec férocité le mouvement antimilitariste et révolutionnaire en essor dans le pays. En octobre 1916, Sturgkh fut assassiné par le social-démocrate autrichien Friedrich Adler. )) ; ce club est mentionné par moi dans la même brochure, p. 25((L’Internationale de Zimmerwald a fait faillite. Il faut fonder la III° Internationale))) ; 15) les « syndicats indépendants » bulgares (appartenant, comme l’ajoute une lettre en ma possession, non pas aux «tesniaki», c’est-à-dire non pas au parti internationaliste de gauche, mais aux «chiroki», c’est-à-dire au parti opportuniste bulgare) ; ce délégué arriva après la fin de la conférence, comme les délégués 16) du parti serbe.

   Parmi les 16 partis et groupes, les numéros 3, 8, 12, 13 et 14 appartiennent à ce «troisième» courant dont parle la résolution de notre conférence des 24-29 avril 1917 (et ma brochure, p. 23((L’Internationale de Zimmerwald a fait faillite. Il faut fonder la III° Internationale)), où ce courant est appelé courant des «internationalistes véritables ») ; ensuite, plus près de ce courant «de gauche», ou entre lui et le «centre» kautskiste, se trouvent les groupes 4 et 16, bien qu’il soit difficile de définir leur position avec précision, – il est possible qu’ils appartiennent bien au «centre». Ensuite les groupes 1, probablement 2, 6 et 7, le groupe 10 et vraisemblablement 15, appartiennent au «centre» kautskiste. Les groupes 5 (si c’est le parti de Stauning) et 9 sont des jusqu’auboutistes, des ministérialistes, des social-chauvins. Enfin, le groupe 11 est manifestement tout à fait fortuit.

   On voit par là que la composition de la conférence a été extraordinairement disparate et même absurde, car elle réunissait des hommes qui n‘étaient pas d’accord sur l’essentiel et qui par suite étaient incapables d’agir vraiment en harmonie, vraiment en commun, des hommes qui se séparaient inévitablement, les uns des autres dans l’orientation fondamentale de leur politique. Il est naturel que le « fruit » de la « collaboration » entre ces hommes soit ou bien des injures et la « zizanie », ou bien des résolutions élastiques, des compromis rédigés pour masquer la vérité. Nous en verrons tout de suite des exemples et des preuves((Le manuscrit s’interrompt ici. ))

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