Le caractère de classe de la Révolution accomplie

Les tâches du prolétariat dans notre révolution

Lénine

   Le moment historique que traverse actuellement la Russie est caractérisé par les traits essentiels que voici :

Le caractère de classe de la Révolution accomplie

   1. L’ancien pouvoir tsariste, qui ne représentait qu’une poignée de propriétaires féodaux commandant toute la machine de l’Etat (armée, police, bureaucratie), est vaincu et renversé, mais il n’est pas achevé. La monarchie n’est pas anéantie formellement. La bande des Romanov continue ses intrigues monarchistes. L’immense propriété terrienne des grands féodaux n’est pas supprimée.

   2. Le pouvoir en Russie est passé entre les mains d’une classe nouvelle, savoir : bourgeoisie et grands propriétaires embourgeoisés. Pour autant, la révolution démocratique bourgeoise est achevée en Russie.

   Une fois au pouvoir, la bourgeoisie a fait bloc (alliance) avec les éléments manifestement monarchistes, qui s’étaient signalés, de 1906 à 1917, par leur zèle inouï à soutenir Nicolas le Sanguinaire et Stolypine le Pendeur((Nicolas le Sanguinaire (1868-1918) — Nicolas II Romanov, dernier tsar russe déposé par la révolution de Février en 1917. Stolypine le Pendeur — P. Stolypine (1862-1911), ministre de l’Intérieur et président du Conseil des ministres. Son nom reste attaché à la répression de la première révolution russe de 1905-1907 et au régime de féroce réaction politique qui la suivit («réaction stolypinienne »). Pour avoir déchaîné une répression sanglante contre les ouvriers et les paysans il fut surnommé « le Pendeur ».)) (Goutchkov et les autres hommes politiques placés à droite des cadets). Le nouveau gouvernement bourgeois de Lvov et Cie a tenté et commencé de négocier avec les Romanov la restauration de la monarchie en Russie. Sous le couvert d’une phraséologie révolutionnaire, il nomme, aux postes de commande, les partisans de l’ancien régime. Il s’attache à réformer le moins possible tout le mécanisme de l’appareil d’Etat (armée, police, bureaucratie), qu’il a remis entre les mains de la bourgeoisie. A l’initiative révolutionnaire de l’action des masses et à la prise du pouvoir par en bas, par le peuple, — seule garantie des succès réels de la révolution, — le nouveau gouvernement met déjà toute sorte d’obstacles.

   Il n’a pas encore fixé même la date de la convocation de l’Assemblée constituante. Il ne touche point à la grande propriété foncière, cette base matérielle du tsarisme féodal. Il ne songe même pas à enquêter sur les agissements des établissements financiers monopoleurs, des grandes banques, des syndicats et cartels capitalistes, etc., à divulguer leurs agissements, à contrôler ces établissements.

   Les principaux postes ministériels, les postes décisifs du nouveau gouvernement (ministère de l’Intérieur, ministère de la Guerre, c’est-à-dire le commandement de l’armée, de la police, des fonctionnaires, de tout l’appareil d’oppression des masses), appartiennent à des monarchistes avérés et à des partisans de la grande propriété foncière. Les cadets, républicains d’hier, républicains malgré eux, se sont vu attribuer des postes secondaires, n’ayant pas de rapport direct au commandement exercé sur le peuple et à l’appareil du pouvoir. A. Kérenski, représentant des troudoviks, et, « socialiste-lui-aussi », ne joue absolument aucun rôle, si ce n’est qu’il endort par des phrases retentissantes la vigilance et l’attention du peuple.

   Pour toutes ces raisons le nouveau gouvernement bourgeois ne mérite, même en politique intérieure, aucune confiance de la part du prolétariat, et celui-ci ne saurait lui donner aucun appui.

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