Une nouvelle phase de la lutte contre la bourgeoisie

Les tâches immédiates du pouvoir des Soviets

Lénine

III. Une nouvelle phase de la lutte contre la bourgeoisie

   La bourgeoisie est vaincue chez nous, mais elle n’est pas encore entièrement extirpée, anéantie ni même tout à fait brisée. Aussi, une forme nouvelle, supérieure, de lutte contre la bourgeoisie s’inscrit à l’ordre du jour : il s’agit de passer de la tâche la plus simple, qui est de poursuivre l’expropriation des capitalistes, à une tâche beaucoup plus complexe et plus ardue : créer des conditions dans lesquelles la bourgeoisie ne puisse ni exister, ni se reformer à nouveau. Il est évident que cette tâche est d’un ordre infiniment supérieur et qu’aussi longtemps qu’elle n’est pas accomplie, il n’y a pas de socialisme.

   En prenant pour critère les révolutions d’Europe occidentale, nous sommes aujourd’hui à peu près au niveau de 1793 et de 1871, Nous pouvons légitimement être fiers de nous être élevés à ce niveau et de l’avoir même incontestablement dépassé, en ce sens que nous avons décrété et instauré dans la Russie tout entière un type supérieur d’Etat : le pouvoir des Soviets. Mais en aucun cas nous ne pouvons nous contenter des résultats obtenus, car nous n’avons fait qu’amorcer le passage au socialisme, et, sous ce rapport, l’essentiel n’est pas encore réalisé.

   L’essentiel, c’est d’organiser le recensement et le contrôle les plus rigoureux, par le peuple tout entier, de la fabrication et de la répartition des produits. Or, dans les entreprises, les branches et les domaines de l’économie que nous avons enlevés à la bourgeoisie, nous ne sommes pas encore arrivés à organiser le recensement et le contrôle : or, à défaut de cela, il ne saurait être question de la seconde condition matérielle, non moins importante, de l’instauration du socialisme, et qui est l’augmentation de la productivité du travail, à l’échelle du pays.

   On ne pourrait donc définir la tâche du moment par la simple formule : poursuivre l’offensive contre le capital. Bien qu’il soit certain que nous n’avons pas donné le coup de grâce au capital et qu’il soit absolument nécessaire de poursuivre l’offensive contre cet ennemi des travailleurs, une pareille formule serait inexacte, peu concrète ; elle ne tiendrait pas compte du caractère particulier du moment actuel où, pour assurer le succès de l’offensive ultérieure, il faut, aujourd’hui, « arrêter » momentanément l’offensive.

   On peut expliquer cela en comparant notre situation dans la guerre contre le capital à la situation d’une armée victorieuse qui, après avoir enlevé à l’ennemi, disons la moitié ou les deux tiers de son territoire, est contrainte d’arrêter son offensive pour rassembler ses forces, accroître ses réserves de munitions, réparer et renforcer les lignes de communication, construire de nouveaux dépôts, amener des renforts, etc. Dans ces conditions, l’arrêt momentané de l’offensive de l’armée victorieuse est nécessaire justement pour pouvoir conquérir sur l’ennemi le reste du territoire, c’est-à-dire pour que la victoire soit complète. Quiconque n’a pas compris que tel est précisément le caractère de l’« arrêt » momentané que la situation objective nous impose à l’heure actuelle dans notre offensive contre le capital, n’a rien compris à l’étape politique que nous vivons.

   Il va de soi qu’on ne peut parler d’un « arrêt » de l’offensive contre le capital qu’en mettant le mot entre guillemets, en l’employant comme une métaphore. Dans une guerre ordinaire on peut donner l’ordre d’arrêter l’offensive sur toute la ligne ; on peut, pratiquement, arrêter la marche en avant. Dans la guerre contre le capital, la marche en avant ne peut être arrêtée, et il ne saurait être question pour nous de renoncer à poursuivre l’expropriation du capital. Il s’agit de déplacer le centre de gravité de notre travail économique et politique.

   Jusqu’ici, ce qui figurait au premier plan, c’étaient les mesures visant directement à exproprier les expropriateurs. Aujourd’hui, ce qui se trouve au premier plan, c’est l’organisation du recensement et du contrôle dans les entreprises où les capitalistes sont déjà expropriés, comme aussi dans toutes les autres.

   Si nous voulions poursuivre maintenant l’expropriation du capital au même rythme que naguère, nous subirions certainement une défaite, car il est évident pour tout homme qui réfléchit que notre travail d’organisation du recensement et du contrôle prolétarien, est manifestement en retard sur notre travail visant directement à « exproprier les expropriateurs ». Si nous portons maintenant tous nos efforts sur l’organisation du recensement et du contrôle, nous pourrons résoudre ce problème, rattraper le temps perdu et gagner toute notre « campagne » contre le capital.

   Mais avouer que nous avons à rattraper un retard, n’est-ce pas avouer que nous avons commis quelque faute ?

   Pas du tout. Prenons un autre exemple militaire. S’il est possible de battre et de refouler l’ennemi avec la seule cavalerie légère, il faut le faire. Mais si on ne peut le faire avec succès que jusqu’à une certaine limite, on conçoit fort bien qu’au-delà de cette limite il soit nécessaire d’amener de l’artillerie lourde. En reconnaissant que nous avons aujourd’hui à rattraper un retard en vue d’amener l’artillerie lourde à pied d’oeuvre, nous ne reconnaissons nullement que l’attaque victorieuse de la cavalerie ait été une faute.

   Les laquais de la bourgeoisie nous ont souvent reproché d’avoir fait donner la « garde rouge » contre le capital. Reproche absurde et bien digne des laquais du sac d’écus. Car, à l’époque, les circonstances nous prescrivaient absolument de faire donner contre le capital la « garde rouge » : premièrement, le capital résistait alors militairement en la personne de Kérenski et de Krasnov, de Savinkov et de Gotz (aujourd’hui encore de Guéguetchkori), de Doutov et de Bogaïevski. Une résistance militaire ne peut être brisée que par des moyens militaires, et les gardes rouges ont accompli une oeuvre historique des plus grandes et des plus nobles en affranchissant les travailleurs et les exploités du joug des exploiteurs.

   Deuxièmement, nous n’aurions pu à l’époque mettre au premier plan les méthodes d’administration au lieu des méthodes de répression, aussi parce que l’art d’administrer n’est pas inné ; il s’acquiert par l’expérience. Cette expérience nous faisait défaut à ce moment-là. Nous l’avons maintenant. Troisièmement, nous ne pouvions alors disposer de spécialistes dans les diverses branches de la connaissance et de la technique : ou bien ils combattaient dans les rangs de Bogaïevski, ou bien ils étaient encore en mesure de nous opposer par le sabotage une résistance passive, systématique et opiniâtre. Or, maintenant, nous avons brisé le sabotage. L’attaque de la « garde rouge » contre le capital a réussi, elle a triomphé, car nous avons vaincu la résistance militaire du capital aussi bien que sa résistance par le sabotage.

   Est-ce à dire qu’une attaque de la « garde rouge » contre le capital soit toujours indiquée, en toutes circonstances, que nous n’ayons pas d’autres moyens de combattre le capital ? Il serait puéril de le croire. Nous avons vaincu en faisant donner la cavalerie légère, mais nous avons aussi de l’artillerie lourde. Nous avons vaincu par les méthodes de répression, nous saurons vaincre aussi par les méthodes d’administration. Il faut savoir changer les méthodes de lutte contre l’ennemi à mesure que changent les circonstances. Pas un instant nous ne renoncerons à réprimer par les méthodes de la « garde rouge » les activités des sieurs Savinkov et Guéguetchkori, ainsi que de tous les autres contre-révolutionnaires parmi les grands propriétaires fonciers et les bourgeois. Mais nous ne serons pas assez sots pour mettre au premier rang les procédés de la « garde rouge » alors que l’époque où les attaques de ce genre étaient indispensables est en gros terminée (et terminée victorieusement) et que s’annonce toute proche une époque où le pouvoir d’Etat du prolétariat devra employer les spécialistes bourgeois pour retourner le sol de telle façon qu’aucune bourgeoisie ne puisse jamais y pousser.

   C’est une époque ou, plus exactement, une phase de développement, d’un genre particulier, et pour vaincre le capital jusqu’au bout, il faut savoir adapter les formes de notre lutte aux conditions particulières de cette phase. Sans la direction des spécialistes des divers domaines de la connaissance, de la technique et de l’expérience, la transition au socialisme est impossible, car le socialisme requiert une progression consciente €t massive vers une productivité du travail supérieure à celle du capitalisme et sur la base des résultats atteints par celui-ci. Le socialisme doit réaliser cette progression à sa manière, par ses propres méthodes, disons-le d’une façon plus concrète : par des méthodes soviétiques. Or, la plupart des spécialistes sont forcément bourgeois, de par toutes les conditions de la vie sociale qui en a fait des spécialistes. Si notre prolétariat, une fois maître du pouvoir, avait rapidement tranché la question du recensement, du contrôle et de l’organisation à l’échelle du pays (ce qui était impossible par suite de la guerre et de l’état arriéré de la Russie), nous aurions pu, après avoir brisé le sabotage, nous soumettre entièrement les spécialistes bourgeois grâce à la généralisation du recensement et du contrôle.

   Par suite du « retard » sensible que nous enregistrons en matière de recensement et de contrôle en général, et bien que nous ayons réussi à vaincre le sabotage, nous n’avons pas encore créé des conditions qui mettraient à notre disposition les spécialistes bourgeois ; une quantité de saboteurs « prennent du service », mais les meilleurs organisateurs et les plus grands spécialistes peuvent être utilisés par l’Etat soit à l’ancienne manière, à la manière bourgeoise (c’est-à-dire moyennant des salaires élevés), soit à la manière nouvelle, prolétarienne (c’est-à-dire en créant des conditions de recensement et de contrôle exercés d’en bas par le peuple entier, conditions qui auraient pour conséquence inéluctable, automatique, de nous soumettre et d’attirer à nous les spécialistes).

   Force nous a été de recourir maintenant au vieux procédé, au procédé bourgeois, et de consentir à payer un prix très élevé les « services» des plus grands spécialistes bourgeois. Cela, tous ceux qui connaissent la question le voient bien, mais tout le monde n’approfondit pas la portée de cette mesure prise par l’Etat prolétarien. Il est évident que cette mesure est un compromis, un certain abandon des principes de la Commune de Paris et de tout pouvoir prolétarien, lesquels exigent que les traitements soient ramenés au niveau du salaire d’un ouvrier moyen, et que l’arrivisme soit combattu par des actes et non par des paroles.

   Plus encore. Il est évident que cette mesure n’est pas simplement un arrêt, — dans un certain domaine et dans une certaine mesure—de l’offensive contre le capital (car le capital, ce n’est pas une somme d’argent, ce sont des rapports sociaux déterminés) ; c’est encore un pas en arrière fait par notre pouvoir d’Etat socialiste soviétique, qui a proclamé et appliqué dès le début une politique tendant à ramener les traitements élevés au niveau du salaire d’un ouvrier moyen.

   Naturellement, l’aveu que nous faisons un pas en arrière va faire ricaner les laquais de la bourgeoisie, surtout le menu fretin : menchéviks, gens de la Novaïa Jizn, socialistes-révolutionnaires de droite. Mais nous n’avons pas à nous occuper des ricanements. Il nous faut étudier les particularités de la voie nouvelle, infiniment ardue, qui mène au socialisme, sans dissimuler nos erreurs et nos faiblesses, mais en faisant effort pour achever à temps ce qui est encore inachevé. Cacher aux masses le fait qu’attirer les spécialistes bourgeois en leur offrant des traitements fort élevés, c’est s’écarter des principes de la Commune de Paris, ce serait tomber au niveau des politiciens bourgeois et tromper les masses. Expliquer franchement comment et pourquoi nous avons fait ce pas en arrière, examiner ensuite publiquement par quels moyens l’on peut se rattraper, c’est éduquer les masses et apprendre avec elles, par l’expérience, à construire le socialisme. L’histoire ne connaît guère de campagne militaire victorieuse où le vainqueur n’ait pas commis d’erreurs, n’ait pas subi de revers partiels, n’ait pas dû reculer momentanément sur tel ou tel point, céder ici ou là. Or, la « campagne » que nous avons entreprise contre le capitalisme est un million de fois plus difficile que la plus difficile des campagnes militaires ; et il serait absurde et honteux de se laisser abattre par un recul isolé et partiel.

   Envisageons la question sous son aspect pratique. Admettons que la République des Soviets de Russie ait besoin de 1 000 savants et spécialistes de premier ordre dans les divers domaines de la connaissance, de la technique, de l’expérience pratique, pour diriger le travail du peuple de façon à relever aussi vite que possible l’économie du pays. Supposons qu’il faille payer à chacune de ces « étoiles de première grandeur», dont la plupart crient naturellement à la corruption des ouvriers d’autant plus volontiers qu’elles sont elles-mêmes plus corrompues par les mœurs bourgeoises, 25 000 roubles par an. Supposons que cette somme (25 millions de roubles) doive être doublée (compte tenu des primes pour l’accomplissement particulièrement rapide et réussi des tâches techniques et d’organisation les plus importantes) ou même quadruplée (compte tenu de quelques centaines de spécialistes étrangers plus exigeants, appelés par nous). La question se pose : peut-on considérer comme excessive ou accablante pour la République des Soviets une dépense annuelle de cinquante ou cent millions de roubles destinés à la réorganisation du travail du peuple selon le dernier mot de la science et de la technique ? Non, évidemment. L’immense majorité des ouvriers et des paysans conscients approuveront cette dépense ; instruits par la vie pratique, ils savent que notre retard nous fait perdre des milliards et que nous n’avons pas encore atteint un niveau d’organisation, de recensement et de contrôle tel qu’il puisse entraîner la participation généralisée et de plein gré à notre travail des « étoiles » parmi les intellectuels bourgeois.

   Bien entendu, la question a encore un autre aspect. On ne saurait contester l’influence dissolvante que les hauts traitements exercent sur le pouvoir soviétique (cela d’autant plus que, la révolution ayant été faite très rapidement, le nouveau pouvoir à vu s’attacher à lui un certain nombre d’aventuriers et d’escrocs qui, avec certains commissaires incapables ou sans scrupules, ne demanderaient pas mieux que de devenir des « étoiles »…

   dans l’art de piller le Trésor), aussi bien que sur la masse ouvrière. Mais tous les éléments honnêtes et réfléchis parmi les ouvriers et les paysans pauvres seront d’accord avec nous pour reconnaître que nous ne sommes pas en mesure de nous débarrasser d’emblée du funeste héritage légué par le capitalisme, et que nous ne pouvons affranchir la République soviétique du « tribut » de 50 à 100 millions de roubles (tribut que nous payons pour notre propre retard dans l’organisation du recensement et du contrôle exercés d’en bas par le peuple entier) qu’en nous organisant, en resserrant la discipline parmi nous, en nettoyant nos rangs de tous ceux qui « gardent l’héritage du capitalisme » ou qui « observent les traditions du capitalisme », c’est-à-dire des fainéants, des parasites, des dilapidateurs du Trésor (aujourd’hui, toute la terre, toutes les fabriques, tous les chemins de fer forment le « Trésor » de la République des Soviets). Si les éléments avancés conscients des ouvriers et des paysans pauvres réussissent, en l’espace d’une année, avec l’aide des institutions soviétiques, à s’organiser, à se discipliner, à se ressaisir, à créer une puissante discipline du travail, alors au bout d’un an, nous nous débarrasserons de ce « tribut » que nous pourrons diminuer même plus tôt… exactement dans la mesure des succès de notre discipline du travail et de notre organisation ouvrière et paysanne. Plus vite nous-mêmes, ouvriers et paysans, aurons acquis une meilleure discipline du travail et une technique du travail supérieure, en utilisant pour acquérir cette science les spécialistes bourgeois, et plus vite nous nous affranchirons de tout « tribut » versé à ces spécialistes.

   Notre travail en vue d’organiser, sous la direction du prolétariat, le recensement et le contrôle populaire de la production et de la répartition des produits, retarde beaucoup sur notre effort pour exproprier directement les expropriateurs. Voilà qui est essentiel pour pouvoir comprendre les particularités du moment présent et les tâches qui en découlent pour le pouvoir des Soviets. Le centre de gravité dans la lutte contre la bourgeoisie se déplace vers l’organisation de ce recensement et de ce contrôle. Ce n’est qu’en partant de là qu’on peut définir exactement les tâches actuelles de la politique économique et financière en ce qui concerne la nationalisation des banques, la monopolisation du commerce extérieur, le contrôle de l’Etat sur la circulation monétaire, l’établissement d’un impôt satisfaisant du point de vue prolétarien, sur les fortunes et les revenus, l’introduction d’un service de travail obligatoire.

   Pour ce qui est des réformes socialistes dans ces domaines, nous sommes sensiblement en retard (or, il s’agit de domaines très, très importants), et nous sommes en retard justement parce que, d’une façon générale, le recensement et le contrôle sont insuffisamment organisés. Il va de soi que cette tâche est l’une des plus difficiles et qu’en raison de la débâcle économique causée par la guerre, elle ne peut être résolue qu’à la longue; mais il ne faut pas oublier que c’est là précisément que la bourgeoisie — surtout la petite bourgeoisie et la bourgeoisie paysanne, qui sont très nombreuses — nous livre une très sérieuse bataille en sapant le contrôle que nous sommes en train d’organiser, en sapant le monopole des blés par exemple, et en essayant de conquérir des positions pour la spéculation et le commerce de spéculation. Ce que nous avons déjà décrété, nous sommes encore loin de l’avoir suffisamment appliqué, et la tâche principale de l’heure est justement de concentrer tous nos efforts pour jeter d’une façon pratique et effective les fondements des réformes qui sont déjà devenues des lois (mais pas encore une réalité).

   Pour continuer la nationalisation des banques et œuvrer incessamment à leur transformation en des centres de comptabilité publique sous le régime socialiste, il faut avant tout et par-dessus tout obtenir des succès réels quant à la multiplication des succursales de la Banque populaire et à l’augmentation des dépôts ; il faut faciliter au public les opérations de versement et de retrait de fonds, supprimer les « files d’attente », arrêter et fusiller les concussionnaires et les escrocs, etc. Il faut d’abord assurer l’application effective des choses les plus simples, bien organiser ce qui existe déjà, pour ensuite préparer l’accomplissement des choses plus complexes.

   Consolider et régulariser les monopoles d’Etat déjà institués (sur le blé, le cuir, etc.) et préparer ainsi la monopolisation du commerce extérieur par l’Etat ; à défaut de cette monopolisation, nous ne pourrons « nous soustraire » à l’emprise du capital étranger en lui payant un « tribut ». Or, la possibilité même de l’édification du socialisme dépend de la question de savoir si, pendant la période de transition, nous réussirons à défendre notre indépendance économique intérieure, moyennant un certain tribut payé au capital étranger.

   Nous sommes également très en retard en ce qui concerne la perception des impôts en général, et de l’impôt sur les fortunes et les revenus, en particulier. Les contributions imposées à la bourgeoisie —mesure qui, en principe, est absolument admissible et mérite l’approbation du prolétariat, — montrent que, sous ce rapport, nous sommes encore plus près des méthodes visant à conquérir (la Russie sur les riches au profit des pauvres) plutôt qu’à administrer. Mais, pour être plus forts et nous tenir solidement sur nos jambes, nous devons remplacer la contribution imposée à la bourgeoisie par un impôt sur les fortunes et les revenus, ponctuellement et régulièrement perçu, impôt qui rapportera davantage à l’Etat prolétarien et qui exige précisément de notre part plus d’organisation, un meilleur fonctionnement des services d’enregistrement et de contrôle.

   Notre retard dans l’introduction d’un service de travail obligatoire montre une fois de plus que c’est bien un effort de préparation et d’organisation qui doit maintenant passer au premier plan de nos préoccupations. D’une part, ce travail nous permettra de consolider définitivement nos conquêtes ; d’autre part, il est indispensable pour préparer l’opération qui « encerclera » le capital et l’obligera à « se rendre ». Nous devrions immédiatement procéder à l’introduction du service de travail obligatoire, mais il faut le faire avec une grande circonspection et par degrés, en mettant chaque disposition à l’épreuve de l’expérience pratique et en commençant, bien entendu, par l’instituer pour les riches. L’introduction d’un livret de travail, de consommation et de budget pour tous les bourgeois, y compris ceux des campagnes, serait un grand pas en avant vers l’« encerclement » complet de l’ennemi et l’organisation d’un recensement et d’un contrôle véritablement populaires sur la production et la répartition des produits.

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