La théorie de l’asservissement inéluctable de la chine est erronée, mais la théorie de la victoire rapide ne l’est pas moins

De la guerre prolongée

Mao Zedong

La théorie de l’asservissement inéluctable de la chine est erronée, mais la théorie de la victoire rapide ne l’est pas moins

  1. Ainsi, nous avons soumis à une étude comparative les particularités fondamentales et réciproquement contraires de notre pays et de l’ennemi, lesquelles consistent en ce que le Japon est un pays fort, mais petit, qui est sur son déclin et ne jouit que d’un maigre appui international, et que la Chine est un pays faible, mais grand, engagé dans une époque de progrès et bénéficiant d’un large soutien international.

   Nous avons réfuté la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine, et nous avons expliqué pourquoi le compromis est peu probable et pourquoi le progrès politique est possible en Chine.

   Les partisans de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine donnent une grande importance à l’une des contradictions, à savoir que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles, ils la grossissent jusqu’à en faire la base de leur argumentation pour toute la question, et ils négligent les autres contradictions.

   En ne parlant que de cette contradiction, ils manifestent le caractère unilatéral de leur pensée et, en donnant à ce seul aspect de la question les dimensions du tout, ils font preuve de subjectivisme.

   A considérer la question dans son ensemble, leur théorie est donc sans fondement, elle est erronée.

   Quant à ceux qui ne sont ni des partisans de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine, ni des pessimistes invétérés, mais qui s’abandonnent pour un certain temps au pessimisme simplement parce qu’ils se sont laissé troubler par la disparité des forces entre l’ennemi et nous à un moment donné et sous certains aspects ou par les signes de corruption à l’intérieur du pays, nous devons leur montrer que leurs idées reposent aussi sur une base unilatérale et subjectiviste.

   Il est d’ailleurs assez facile de corriger leurs erreurs ; il suffit de les leur montrer pour qu’ils comprennent, car ils sont patriotes et leurs erreurs ne sont que passagères.

  1. Mais les partisans de la théorie de la victoire rapide sont également dans l’erreur.

   Ou bien ils oublient complètement que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles, ne retenant que les autres contradictions ; ou bien ils exagèrent les avantages de la Chine au point de donner de notre pays une image altérée ; ou bien encore ils prennent le rapport des forces à un moment donné et en un lieu donné pour l’expression de la situation en général ; « une feuille devant les yeux leur dérobe le mont Taichan », et ils se croient dans le vrai.

   En somme, ils n’ont pas le courage de reconnaître que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles.

   Ils se dissimulent fréquemment ce fait et, par là, ils estompent l’un des aspects de la vérité.

   Ils n’ont pas non plus le courage de reconnaître le caractère limité de nos avantages, et, par là, ils estompent un autre aspect de la vérité.

   D’où leurs erreurs, grandes et petites. Ici encore, c’est le subjectivisme et le point de vue unilatéral qui sont en cause.

   Ces amis sont pleins de bonnes intentions, eux aussi sont des patriotes ; mais « quelque généreuses que soient les aspirations de ces messieurs », leur point de vue est erroné, et agir d’après leur recette conduirait à une impasse.

   Car, avec une appréciation inexacte de la réalité, les actions entreprises ne sauraient atteindre les buts fixés ; si l’on voulait forcer les choses, l’armée serait détruite, la patrie asservie, et le résultat serait le même qu’avec les défaitistes.

   C’est pourquoi la théorie de la victoire rapide est à rejeter, elle aussi.

  1. Nions-­nous le danger d’asservissement qui menace la Chine ? Non, nous ne le nions pas.

   Nous reconnaissons que la Chine se trouve devant deux avenirs possibles, la libération ou l’asservissement, et qu’un conflit violent les oppose.

   Notre tâche, c’est de libérer la Chine, d’empêcher son asservissement.

   Ce qui rend la libération possible, c’est principalement le progrès de la Chine, mais ce sont aussi les difficultés de l’ennemi et l’aide internationale.

   A la différence des partisans de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine, nous abordons la question objectivement et sous tous ses aspects, et nous reconnaissons qu’il existe en même temps deux possibilités : l’asservissement de la Chine et sa libération.

   Nous soulignons que la possibilité de sa libération prédomine, nous en indiquons les conditions indispensables et nous appliquons tous nos efforts à réaliser ces conditions.

   Quant aux partisans de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine, ils abordent la question subjectivement et unilatéralement ; ils ne reconnaissent qu’une seule possibilité, l’asservissement de la Chine, et nient la possibilité de sa libération.

   Inutile de dire qu’ils ne peuvent pas indiquer les conditions nécessaires à la libération et qu’ils n’appliqueront pas leurs efforts à les réaliser.

   Nous reconnaissons également l’existence de tendances au compromis et de phénomènes de corruption, mais nous voyons aussi d’autres tendances et phénomènes ; nous montrons que ce sont les seconds qui l’emporteront peu à peu dans le violent conflit qui les oppose aux premiers ; en outre, nous indiquons les conditions pour leur réalisation et nous nous efforçons de surmonter les tendances au compromis et de supprimer les phénomènes de corruption.

   Voilà pourquoi, contrairement aux pessimistes, nous ne nous laissons pas abattre.

  1. Ce n’est pas que nous ne souhaitions une victoire rapide ; qui ne voudrait pas que les « diables nippons » fussent chassés de notre pays dès demain matin ?

   Mais nous disons que, faute de certaines conditions bien définies, la victoire rapide n’existe qu’en pensée et non dans la réalité, qu’elle n’est qu’une pure illusion, le produit d’un faux raisonnement.

   C’est pourquoi, en appréciant objectivement et sous tous ses aspects la situation chez nous et chez l’ennemi, nous indiquons la stratégie de la guerre prolongée comme la seule voie nous permettant de remporter la victoire finale et nous repoussons comme dénuée de tout fondement la théorie de la victoire rapide.

   Nous soutenons que tous nos efforts doivent tendre à nous assurer les conditions indispensables de la victoire finale.

   Nous assurerons d’autant mieux notre victoire, nous la remporterons d’autant plus vite que nous aurons su réaliser ces conditions plus largement et plus tôt.

   Nous estimons que c’est là le seul moyen de réduire la durée de la guerre et nous rejetons comme un vain bavardage la théorie de la victoire rapide, née du désir d’obtenir les choses à bon compte.

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