Les trois étapes de la guerre prolongée

De la guerre prolongée

Mao Zedong

Les trois étapes de la guerre prolongée

  1. Etant donné que la guerre sino­-japonaise sera une guerre de longue durée et que la victoire finale reviendra à la Chine, on peut logiquement prévoir que cette guerre prolongée traversera trois étapes au cours de son développement.

   La première sera l’étape de l’offensive stratégique de l’ennemi et de notre défensive stratégique ; la deuxième, l’étape de la consolidation stratégique des positions de l’ennemi et de notre préparation à la contre-offensive ; la troisième, l’étape de notre contre­-offensive stratégique et de la retraite stratégique de l’ennemi.

   Il est impossible de prévoir quelle sera la situation concrète à chacune de ces trois étapes ; mais, à en juger par les conditions actuelles, il est possible d’indiquer quelques tendances fondamentales du développement de la guerre.

   La réalité objective sera exceptionnellement riche en événements et suivra un cours sinueux, et aucun d’entre nous n’est à même d’établir « l’horoscope » de la guerre sino-japonaise, mais la direction stratégique de la guerre exige que soient définies les lignes essentielles des tendances de son développement.

   C’est pourquoi, bien que ces lignes ne puissent concorder entièrement avec les événements ultérieurs qui permettront de les rectifier, il n’en reste pas moins nécessaire de les tracer, dans l’intérêt d’une direction stratégique ferme et bien définie de cette guerre prolongée.

  1. La première étape de la guerre n’est pas encore terminée. L’ennemi cherche à occuper Canton, Wouhan et Lantcheou et à établir la liaison entre ces trois points.

   Pour atteindre ce but, l’ennemi devra jeter dans l’action au moins cinquante divisions avec un million et demi de soldats, y consacrer un an et demi à deux ans, et dépenser plus de dix milliards de yens. En pénétrant aussi profondément au cœur de notre pays, l’ennemi se créera d’énormes difficultés dont les conséquences seront désastreuses.

   Et si l’ennemi voulait occuper entièrement la voie ferrée Canton-Hankeou et la route de Sian à Lantcheou, il aurait à soutenir des combats périlleux, et encore il ne serait pas sûr de réaliser pleinement ses desseins.

   Toutefois, en établissant notre plan d’opérations, nous devons supposer que l’ennemi pourra occuper ces trois points et même certaines régions en plus et qu’il pourra les relier entre eux ; et nous devons en conséquence prendre nos dispositions pour une guerre de longue durée, de façon que, même si l’ennemi agit de la sorte, nous soyons en état de lui tenir tête.

   La forme essentielle des opérations militaires dans la première étape sera pour nous la guerre de mouvement, et les formes auxiliaires seront la guerre de partisans et la guerre de position.

   Bien que la guerre de position ait occupé la première place au début de cette étape, en raison des erreurs commises par les autorités militaires du Kuomintang, elle ne jouera qu’un rôle auxiliaire au cours de l’étape prise dans son ensemble.

   Déjà, à cette étape, on a créé en Chine un large front uni et réalisé une unité sans précédent. L’ennemi a recouru et continuera à recourir à des procédés éhontés et lâches pour amener la Chine à capituler, dans l’intention de réaliser son plan de décision rapide et de conquérir toute la Chine sans grands efforts, mais il n’y a pas réussi jusqu’à présent et il n’y réussira pas davantage à l’avenir.

   Cette étape permettra à la Chine, malgré les pertes considérables qu’elle aura subies, de réaliser de grands progrès, qui constitueront la base principale pour la poursuite de la Guerre de Résistance à la deuxième étape.

   Déjà l’Union soviétique a apporté une aide substantielle à notre pays.

   Quant à notre ennemi, son moral a commencé à baisser, l’élan offensif de l’armée de terre japonaise est plus faible au milieu de cette étape qu’à son début ; il s’affaiblira encore plus au stade final.

   Déjà des symptômes indiquent que le Japon commence à s’épuiser du point de vue financier et économique, sa population et ses soldats commencent à avoir assez de la guerre ; et au sein de la clique qui la dirige, la « lassitude de la guerre » commence à se manifester et le pessimisme devant les perspectives de la guerre va s’accentuant.

  1. On peut appeler la deuxième étape l’étape de stabilisation stratégique.

   A la fin de la première étape, par suite de son insuffisance en forces armées et de notre résistance résolue, l’ennemi sera contraint de fixer certains points limites à son offensive stratégique.

   Lorsqu’il les aura atteints, il mettra fin à celle-­ci et passera à l’étape de la consolidation des territoires occupés.

   A cette deuxième étape, il s’efforcera de consolider à son profit les territoires occupés, à l’aide d’artifices tels que l’organisation de gouvernements fantoches, tout en pillant systématiquement le peuple chinois ; mais alors, il aura à faire face à une guerre de partisans acharnée.

   Dans la première étape, profitant de ce qu’il reste à l’arrière de l’ennemi des régions inoccupées, les partisans auront déjà développé largement la guerre de partisans et créé un certain nombre de bases d’appui, ce qui constituera une sérieuse menace pour l’ennemi dans sa tentative de consolider les territoires occupés.

   C’est pourquoi les opérations militaires continueront à se dérouler sur une vaste échelle au cours de la deuxième étape.

   La forme principale de la guerre y sera la guerre de partisans, alors que la guerre de mouvement jouera un rôle auxiliaire.

   La Chine aura pu conserver une grande armée régulière, mais il lui sera difficile de passer immédiatement à la contre-­offensive stratégique, en partie parce que l’ennemi passera à la défensive stratégique dans les grandes villes et sur les principales lignes de communication occupées par lui, et en partie parce que l’armée chinoise ne sera pas encore suffisamment équipée du point de vue technique.

   A l’exception des troupes occupées à défendre les fronts, nos forces passeront en grand nombre à l’arrière de l’ennemi pour y être utilisées en ordre relativement dispersé.

   S’appuyant sur toutes les régions que l’ennemi n’aura pu occuper, et coopérant avec les détachements armés créés par la population, ces forces déploieront énergiquement une vaste guerre de partisans dans la zone occupée, elles forceront autant que possible l’ennemi à se déplacer, pour l’anéantir par la guerre de mouvement, ainsi que cela se passe actuellement dans la province du Chansi.

   A cette étape, la guerre sera acharnée et les régions d’opérations militaires seront sérieusement dévastées.

   Mais la guerre de partisans obtiendra des succès, et si elle est bien conduite, l’ennemi ne conservera qu’un tiers des territoires qu’il aura occupés, tandis que les deux autres seront entre nos mains, ce qui serait une sérieuse défaite pour l’ennemi et une grande victoire pour la Chine.

   Alors, l’ensemble des territoires occupés par l’ennemi se divisera en trois sortes de régions : la première comprendra les bases d’appui de l’ennemi, la deuxième les bases d’appui de la guerre de partisans, et la troisième les régions de partisans que se disputeront les deux parties.

   La durée de cette étape dépendra de l’importance des changements qui surviendront dans le rapport des forces entre l’ennemi et nous, ainsi que des changements dans la situation internationale.

   D’une façon générale, nous devons nous attendre à ce que cette deuxième étape soit relativement longue et qu’il nous faille gravir un chemin difficile.

   Ce sera pour la Chine une période de terribles souffrances ; le pays se trouvera devant deux problèmes très graves : les difficultés économiques et les activités subversives des traîtres à la patrie.

   L’ennemi déploiera une activité fébrile pour saper le front uni en Chine, et toutes les organisations fantoches dans les territoires occupés par l’ennemi se fondront en un soi-disant gouvernement unifié.

   Comme nous aurons perdu les grandes villes et que nous souffrirons des difficultés causées par la guerre, les éléments instables que nous avons parmi nous propageront activement l’esprit de compromis, le pessimisme prendra des proportions inquiétantes.

   Notre tâche consistera alors à mobiliser les masses populaires de tout le pays pour poursuivre sans fléchir la guerre dans l’unanimité, à élargir et consolider le front uni, à surmonter toutes les tendances au pessimisme et au compromis, à exhorter au rude combat et à appliquer une politique nouvelle pour le temps de guerre, de façon à soutenir l’épreuve jusqu’au bout.

   A cette deuxième étape, il faudra absolument appeler le pays tout entier à soutenir résolument un gouvernement uni, à combattre la division ; il faudra améliorer systématiquement notre technique de combat, réformer notre armée, mobiliser tout le peuple et nous préparer à la contre-offensive.

   A cette étape, la situation internationale deviendra encore plus défavorable pour le Japon, et les principales forces internationales apporteront une aide plus importante à la Chine, encore que des tours de passe­passe dans le genre de l’accommodement « réaliste » de Chamberlain s’inclinant devant les « faits accomplis » soient possibles.

   La menace que fait peser le Japon sur les pays du Sud-­Est asiatique et sur la Sibérie sera plus sérieuse que jamais, et une nouvelle guerre pourra même éclater.

   En ce qui concerne l’ennemi, plusieurs dizaines de ses divisions seront enlisées en Chine, et il lui sera impossible de les en retirer.

   Une puissante guerre de partisans et le mouvement populaire antijaponais épuiseront cette énorme armée japonaise : nous lui infligerons de lourdes pertes et développerons en elle le mal du pays, l’aversion et même l’hostilité à l’égard de la guerre, de façon à miner cette armée moralement.

   Certes, on ne peut pas dire que le pillage de la Chine ne rapportera absolument rien au Japon, mais comme celui-­ci manque de capitaux et qu’il est harcelé par notre guerre de partisans, il ne lui sera pas donné d’aboutir à des succès rapides et importants à cet égard.

   La deuxième étape sera une étape de transition dans toute la guerre et par cela même l’étape la plus difficile, mais elle marquera un tournant.

   Ce ne sera pas la perte des grandes villes à la première étape, mais l’effort de toute la nation dans la deuxième étape qui décidera si la Chine deviendra un Etat indépendant ou une colonie.

   Si nous persévérons dans la Guerre de Résistance, le front uni et la guerre prolongée, la Chine acquerra, au cours de cette étape, la force nécessaire pour surmonter sa faiblesse et devenir la plus forte des deux parties belligérantes.

   Dans le drame en trois actes de la Guerre de Résistance de la Chine, ce sera le deuxième acte.

   Et si toute la troupe unit ses efforts, un dernier acte extrêmement brillant pourra être joué.

  1. La troisième étape est l’étape de la contre-­offensive pour recouvrer les territoires perdus.

   Pour récupérer ses territoires, la Chine s’appuiera principalement sur les forces qu’elle aura préparées elle­-même au cours de l’étape précédente et qui continueront de grandir à la troisième étape.

   Mais ses propres forces ne lui suffiront pas, elle devra encore s’appuyer sur l’aide que lui apporteront les forces internationales et sur les changements à l’intérieur du pays ennemi ; autrement, il lui serait impossible de vaincre.

   Aussi la propagande à l’étranger et l’activité diplomatique de la Chine prendront-­elles une plus grande importance.

   A cette étape, nous ne serons déjà plus sur la défensive stratégique, mais nous passerons à la contre-­offensive stratégique, qui prendra la forme d’offensives stratégiques.

   La guerre ne se déroulera plus stratégiquement à l’intérieur des lignes, mais passera peu à peu à l’extérieur des lignes.

   Elle ne se terminera que lorsque nous aurons atteint le Yalou.

   La troisième étape est l’étape finale de la guerre prolongée, et quand nous parlons de poursuivre la guerre jusqu’au bout, nous voulons dire qu’il faut franchir toute cette étape.

   La guerre de mouvement restera, dans cette étape, la forme principale de nos opérations militaires, mais la guerre de position prendra aussi de l’importance.

   Tandis que la défense de nos positions ne peut être regardée comme importante à la première étape, en raison des conditions existant alors, l’attaque contre les positions ennemies deviendra d’une grande importance à la troisième étape, par suite des changements dans ces conditions et des exigences des tâches.

   A la différence de ce qui se passe à la deuxième étape, où elle est la forme principale des opérations militaires, la guerre de partisans, à la troisième étape, jouera de nouveau un rôle auxiliaire d’appui stratégique à la guerre de mouvement et à la guerre de position.

  1. Il est évident, dans ces conditions, que la guerre sera longue et donc acharnée.

   L’ennemi n’est pas en état d’avaler la Chine tout entière, mais il peut en occuper, relativement longtemps, bien des régions.

   La Chine n’est pas en état de chasser rapidement les Japonais, mais elle gardera en main la majeure partie des territoires du pays.

   Finalement, l’ennemi essuiera la défaite et nous remporterons la victoire, mais il nous faudra pour cela parcourir un chemin pénible.

  1. De cette guerre longue et acharnée le peuple chinois sortira fortement trempé.

   Les différents partis politiques qui prennent part à la guerre se tremperont aussi et seront mis à l’épreuve.

   Il faut maintenir fermement le front uni ; sans maintenir fermement le front uni, on ne peut poursuivre la guerre avec résolution ; sans maintenir fermement le front uni et sans poursuivre la guerre avec ténacité, on ne peut remporter la victoire finale.

   Ainsi seulement nous saurons surmonter toutes les difficultés.

   Après avoir parcouru le chemin difficile de la guerre, nous déboucherons sur la route de la victoire. C’est la logique même de la guerre.

  1. Les changements dans le rapport des forces entre l’ennemi et nous interviendront à chacune de ces trois étapes dans l’ordre suivant : Au cours de la première étape, l’ennemi a la supériorité et nous nous trouvons en état d’infériorité.

   En ce qui concerne notre infériorité, il faut tenir compte des deux types de changements qu’elle aura accusés de la veille de la Guerre de Résistance à la fin de cette étape.

   Le premier se caractérise par une aggravation de la situation.

   L’infériorité initiale de la Chine se fait sentir de plus en plus au cours de la première étape ; c’est ce que l’on constate à ses pertes en territoire, en population, aux diminutions subies par ses ressources économiques, sa puissance militaire et ses institutions culturelles.

   Il se peut qu’à la fin de la première étape, ces pertes et ces diminutions atteignent une ampleur considérable, surtout sur le plan économique.

   Cela servira d’argument en faveur de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine et en faveur du compromis.

   Mais il ne faut pas oublier les changements du second type, les changements dans le sens d’une amélioration, à savoir : l’expérience accumulée au cours de la guerre, les progrès accomplis dans l’armée, le progrès politique, la mobilisation du peuple, le développement de la culture dans une voie nouvelle, l’apparition de la guerre de partisans, l’accroissement de l’aide internationale, etc.

   Au cours de cette étape, c’est l’ancienne quantité et l’ancienne qualité qui déclinent et ce phénomène est surtout d’ordre quantitatif, alors que la quantité et la qualité de ce qui est nouveau progressent, ce phénomène étant surtout d’ordre qualitatif.

   C’est sur les changements du second type qu’est fondée la possibilité pour nous de poursuivre une guerre prolongée et de remporter finalement la victoire.

  1. Au cours de la première étape, deux types de changements se produisent également du côté de l’ennemi.

   Les changements du premier type qui aggravent sa situation : la perte de centaines de milliers de tués et de blessés, la saignée en armes et en munitions, l’abaissement du moral des troupes, le mécontentement croissant de la population, le déclin du commerce, une dépense de plus de dix milliards de yens, la condamnation de l’opinion publique internationale, etc.

   Ce type de changements étaye également la possibilité pour nous de poursuivre une guerre prolongée et de remporter finalement la victoire.

   Mais il faut aussi compter avec les changements du second type, des changements qui améliorent la situation de l’ennemi : l’extension du territoire, de la population et des ressources matérielles.

   Ceci est une autre preuve que notre Guerre de Résistance sera longue et que nous ne pourrons pas arriver à une victoire rapide ; cependant, certains en tireront également un argument en faveur de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine et de celle du compromis.

   Toutefois, nous devons tenir compte du fait que ces changements en mieux dans la situation de l’ennemi ont un caractère temporaire et partiel.

   Notre ennemi est un impérialisme qui va à l’effondrement, et son occupation du territoire chinois ne peut être que temporaire.

   Le développement impétueux de la guerre de partisans en Chine réduira en fait les régions occupées à d’étroites bandes de territoire.

   D’autre part, l’occupation du sol chinois par l’ennemi a créé et aggravé les contradictions entre le Japon et d’autres Etats.

   D’ailleurs, pendant une période assez longue, une telle occupation ne permettra en général au Japon que de mettre en œuvre des moyens sans en tirer de profit, comme le montre l’expérience des trois provinces du Nord­-Est Tout cela aussi constitue pour nous des arguments tant pour battre en brèche la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine et l’esprit de compromis que pour édifier nos thèses concernant la guerre prolongée et notre victoire finale.

  1. Les changements susmentionnés des deux parties se poursuivront à la deuxième étape.

   Il n’est pas possible de prédire le développement concret de ces changements, mais, d’une façon générale, la situation du Japon ira en déclinant et celle de la Chine en progressant((La possibilité ici prévue par le camarade Mao Tsé­toung d’une amélioration dans la situation de la Chine lors de l’étape de stabilisation des forces dans la Guerre de Résistance s’est entièrement réalisée dans les régions libérées qui se trouvaient sous la direction du Parti communiste chinois.

Mais comme la clique dominante de Tchiang Kaï­chek avait adopté une attitude passive dans la Résistance et luttait activement contre le Parti communiste et le peuple, la situation ne s’améliora pas dans les régions contrôlées par le Kuomintang, elle s’y aggrava au contraire. Cela provoqua toutefois la protestation des larges masses populaires et contribua à élever leur conscience politique. Une analyse de ces faits est donnée par le camarade Mao Tsé­toung dans son rapport « Du gouvernement de coalition ».)).

   Par exemple, la guerre de partisans en Chine engloutira en quantités énormes les ressources militaires et financières du Japon, le mécontentement de la population japonaise ne fera que croître, le moral de ses troupes baissera encore plus, son état d’isolement international s’aggravera.

   Quant à la Chine, elle fera encore des progrès dans les domaines politique, militaire et culturel ainsi que dans la mobilisation du peuple.

   La guerre de partisans se développera encore plus largement et l’économie fera à nouveau certains progrès en s’appuyant sur la petite industrie et l’agriculture des vastes territoires de l’intérieur ; l’aide internationale s’accroîtra régulièrement et tout le tableau sera nettement différent de celui d’aujourd’hui.

   Il se peut que la deuxième étape soit assez longue.

   Au cours de cette étape, des changements considérables se produiront dans le rapport des forces entre nous et l’ennemi : les forces de la Chine iront en croissant et celles du Japon en diminuant.

   La Chine sortira de sa situation défavorable et le Japon perdra sa supériorité, si bien qu’après une période d’équilibre, le rapport de forces primitif entre les deux pays sera inversé.

   Alors, la Chine complétera, pour l’essentiel, sa préparation à la contre-offensive stratégique et entrera dans l’étape de la contre-­offensive et de l’expulsion de l’ennemi.

   Il est à souligner une fois de plus que le passage de la position d’infériorité à celle de supériorité et l’achèvement de la préparation à la contre­-offensive supposent la croissance des forces de la Chine, l’augmentation des difficultés du Japon et l’accroissement de l’aide internationale à la Chine.

   L’action conjuguée de ces trois facteurs assurera à la Chine la supériorité des forces et lui permettra d’achever la préparation de sa contre­-offensive.

  1. Comme le développement politique et économique de la Chine est inégal, la contre­offensive stratégique dans la troisième étape ne se déroulera pas, à son début, uniformément et harmonieusement dans tout le pays, mais dans des régions données et d’une manière inégale.

   Au cours de cette étape, l’ennemi ne relâchera pas ses efforts pour briser par tous les moyens le front uni ; aussi le problème de l’unité intérieure de la Chine prendra­-t-­il une importance encore plus grande : il faudra empêcher que notre contre­offensive ne s’arrête à mi-­chemin par suite de désaccords intérieurs.

   Au cours de cette étape, la situation internationale deviendra très favorable à la Chine, et celle-­ci devra en profiter pour conquérir définitivement sa libération et édifier un Etat démocratique indépendant, aidant par là le mouvement antifasciste mondial.

  1. La Chine passera de l’infériorité des forces à l’équilibre des forces, puis à la supériorité ; et le Japon, de la supériorité des forces à l’équilibre des forces, puis à l’infériorité.

   La Chine passera de la défensive à la stabilisation, puis à la contre-offensive ; et le Japon, de l’offensive à la consolidation de ses positions, puis à la retraite. Tel sera le processus de la guerre sino-­japonaise, le cours logique de cette guerre.

  1. Nous en venons ainsi à répondre de la façon suivante aux questions posées : La Chine sera­-t­-elle asservie ? Réponse : Non, elle ne le sera pas, et la victoire finale lui reviendra.

   La Chine peut­-elle vaincre rapidement ? Réponse : Non, elle ne le pourra pas, ce sera une guerre de longue durée. Ces conclusions sont­-elles justes ? Je pense qu’elles le sont.

  1. Là­-dessus, les partisans de la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine et les partisans du compromis interviendront à nouveau pour déclarer : Pour passer d’une position d’infériorité à l’équilibre, la Chine devrait acquérir une force militaire et économique égale à celle du Japon ; pour passer de cet équilibre à la supériorité, elle devrait posséder une force militaire et économique plus grande que celle du Japon ; mais cela est absolument impossible et les conclusions qui viennent d’être tirées sont par conséquent fausses.
  2. C’est la théorie dite « les armes décident de tout »((Les partisans de la théorie dite « les armes décident de tout » pensaient que, étant inférieure au Japon du point de vue de l’armement, la Chine devait inévitablement subir la défaite dans la guerre. Tous les chefs de la clique réactionnaire du Kuomintang (y compris Tchiang Kaï­chek) partageaient ce point de vue.)), qui est une façon mécaniste d’aborder la question de la guerre et un point de vue subjectiviste et unilatéral sur celle­-ci.

   A la différence des partisans de cette théorie, nous considérons non seulement les armes mais aussi les hommes.

   Les armes sont un facteur important, mais non décisif, de la guerre.

   Le facteur décisif, c’est l’homme et non le matériel.

   Le rapport des forces se détermine non seulement par le rapport des puissances militaires et économiques, mais aussi par le rapport des ressources humaines et des forces morales.

   C’est l’homme qui dispose des forces militaires et économiques.

   Si la grande majorité des Chinois, des Japonais et des peuples du monde se range du côté de notre Guerre de Résistance, pourra­-t­-on encore qualifier de supériorité la puissance économique et militaire qu’une poignée d’hommes détient au Japon par la force ?

   Et si on ne le peut pas, n’est­-ce pas à la Chine, qui dispose pourtant d’une force militaire et économique relativement inférieure, que reviendra la supériorité ?

   Il n’y a pas le moindre doute que si la Chine poursuit avec ténacité la Guerre de Résistance et s’en tient fermement au front uni, sa force militaire et économique s’accroîtra progressivement.

   Quant à notre ennemi, affaibli comme il le sera par une longue guerre et par des contradictions internes et externes, il verra à coup sûr sa puissance militaire et économique se modifier en sens inverse. Est-­il possible que dans une telle situation la supériorité ne revienne pas finalement à la Chine ?

   Et ce n’est pas tout. Actuellement, nous ne pouvons pas encore compter, directement et largement, sur la force militaire et économique d’autres Etats, mais pourquoi ne pourrions-­nous pas le faire plus tard ?

   Si le Japon n’a plus pour seul ennemi la Chine, s’il vient un jour où un Etat ou plusieurs Etats utiliseront ouvertement une partie importante de leur puissance économique et militaire pour se défendre contre le Japon ou pour lui porter des coups et nous apporter leur aide, notre supériorité ne sera­-t­-elle pas plus grande encore ?

   Le Japon est un petit pays, la guerre qu’il poursuit est de caractère rétrograde et barbare, il sera de plus en plus isolé sur le plan international ; la Chine est un grand pays, la guerre qu’elle poursuit est une guerre progressiste et juste, le soutien international qu’elle reçoit grandira.

   N’est­-il pas vrai qu’après une longue période de développement tous ces facteurs renverseront définitivement le rapport de supériorité et d’infériorité entre l’ennemi et nous ?

  1. Quant aux partisans de la théorie de la victoire rapide, ils ne comprennent pas que la guerre est une compétition de forces, et que rien ne permet d’engager des opérations stratégiques décisives et de chercher à hâter la libération du pays, tant que ne se sont pas produits certains changements dans le rapport des forces entre les parties belligérantes.

   Mettre leurs idées en pratique serait inévitablement se briser la tête contre un mur.

   Peut-­être ne bavardent­-ils que pour le plaisir de parler, sans songer sérieusement à passer des paroles aux actes.

   En fin de compte, ce sont les faits qui administreront à tous ces bavards une douche froide, leur démontrant qu’ils ne sont rien de plus que des phraseurs qui rêvent d’obtenir les choses sans effort, qui veulent récolter sans semer.

   Ces vains propos, on les a tenus et on les tient encore, bien qu’ils ne soient pas très répandus ; ils pourraient s’amplifier quand la guerre passera à l’étape de la stabilisation, puis de la contre-­offensive.

   Mais en même temps, si les pertes de la Chine au cours de la première étape étaient relativement importantes et si la deuxième étape se prolongeait longtemps, la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine et la tendance au compromis trouveraient une plus large audience.

   C’est pourquoi il nous faudra ouvrir le feu principalement contre la théorie de l’asservissement inéluctable de la Chine et contre l’esprit de compromis, et en second lieu seulement contre l’inepte bavardage sur la victoire rapide.

  1. Nous avons donc établi que la guerre sera longue. Mais nul ne peut prédire combien d’années et combien de mois elle durera.

   Cela dépendra entièrement des changements dans le rapport des forces entre nous et l’ennemi. Ceux qui veulent réduire la durée de la guerre ne peuvent y parvenir qu’en s’efforçant d’accroître leurs forces et de réduire celles de l’ennemi.

   Pour parler d’une façon plus concrète, le seul moyen est de redoubler d’efforts pour remporter le plus grand nombre possible de victoires militaires et user les forces armées de l’ennemi, pour développer la guerre de partisans de façon à réduire le plus possible les territoires occupés par l’ennemi, pour consolider et élargir le front uni en vue d’unir les forces de tout le pays, pour créer de nouvelles forces armées et développer de nouvelles industries de guerre, pour accélérer les progrès politiques, économiques et culturels, pour mobiliser toutes les couches de la population, ouvriers, paysans, commerçants et intellectuels, pour briser le moral de l’armée ennemie et faire passer ses soldats de notre côté, pour poursuivre la propagande à l’étranger afin de nous assurer une aide internationale, pour obtenir le soutien du peuple japonais et de toutes les nations opprimées. Ce n’est qu’en faisant tout cela qu’on peut réduire la durée de la guerre. Aucune solution de facilité n’est possible.

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