A propos du fascisme chinois

A propos du fascisme chinois

Zhou Enlai

16 août 1943

I. L’ENONCE DU PROBLEME ET LA REPONSE

   Depuis la formation du front uni national anti-japonais et le déclenchement de la Guerre de Résistance contre le Japon, au sein comme en dehors du Parti, en Chine comme à l’étranger, on n’a pas, dans la plupart des cas, une connaissance approfondie de la nature même de la domination du Guomindang de Jiang Jieshi, c’est­-à­-dire des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie.

   Seul le camarade Mao Zedong a fait remarquer, dès la veille de la Guerre de Résistance, l’attitude hésitante et passive de ce parti et a signalé, au début de cette guerre, ses tendances au compromis et son caractère à double face ; aujourd’hui, il est allé encore plus loin en montrant sa nature fasciste.

   Ce sont là d’importantes remarques avancées à la lumière du développement de l’histoire et pleines de signification pour l’époque.

   Et c’est la raison pour laquelle je voudrais aborder le problème du fascisme chinois.

   Ici, il me faut tout d’abord résoudre quelques points obscurs.

   On demande : pourquoi n’avoir pas dit plus tôt que le Guomindang de Jiang Jieshi est un parti fasciste ?

   Notre réponse à cette question est la suivante : dans la période qui a précédé la Guerre de Résistance, le pivot de notre politique à l’égard de ce parti consistait à le gagner à la cause de la Résistance ; aussi avons-­nous souligné qu’il pouvait changer d’attitude et avait un caractère révolutionnaire.

   A l’époque, il suffisait pour nous de ne pas perdre de vue son hésitation et sa passivité.

   Puis, au début de la Guerre de Résistance, notre politique était axée sur les efforts pour le faire participer à cette guerre de façon durable et totale, c’est pourquoi nous avons mis l’accent sur une guerre prolongée, sur l’unité et le progrès, tout en nous opposant à la capitulation, à la scission et à la régression, ce qui demandait une connaissance approfondie de ses tendances au compromis et de son caractère à double face.

   A présent, il joue un rôle de plus en plus passif dans la Guerre de Résistance, son caractère réactionnaire s’accentue de jour en jour, comme on peut le voir dans le livre intitulé Le Destin de la Chine qu’il a fait publier.

   Si on laisse se développer cet état de choses, il est bien certain que la Guerre de Résistance finira par échouer et que la guerre civile rebondira.

   Par conséquent, nous nous trouvons dans la nécessité de dénoncer publiquement sa nature fasciste.

   Si, dans le passé, nous n’avons pas soulevé la question, c’est qu’il n’avait pas encore dégénéré à ce point, et non qu’il ne pratiquât nullement le fascisme.

   On pourra alors demander : étant un parti fasciste, pourquoi le Guomindang de Jiang Jieshi peut-­il participer à la Résistance ?

   Voici notre réponse : le camarade Mao Zedong nous a dit que le Guomindang est un parti fasciste comprador et féodal.

   Du fait de son caractère comprador, quand les impérialistes japonais envahissent notre pays, il peut leur opposer de la résistance en comptant sur le soutien d’autres impérialistes et, mettant à profit l’essor du mouvement pour le salut national, jouer un rôle révolutionnaire dans la Résistance.

   En même temps, il revêt un caractère féodal, ce qui fait que, lorsque les pays alliés accordent de plus en plus d’importance à la Guerre de Résistance menée par la nation chinoise, il retombe dans l’attitude xénophobe et de retour aux anciens, jouant un rôle réactionnaire.

   Et du fait même qu’il représente les gros propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie, à l’intérieur, il s’oppose toujours au peuple qu’il craint et opprime.

   Il est donc certain qu’il ne sera pas conséquent dans la Résistance.

   Le prolétariat et son parti doivent conquérir le rôle dirigeant dans la révolution démocratique nationale et le consolider ; ils ne doivent jamais être à la remorque de la grande bourgeoisie.

   Le camarade Mao Zedong nous a déjà mis en garde à ce sujet à la Conférence des Représentants du Parti pour les Régions des Soviets tenue avant la Guerre de Résistance.

   Ici, on pourra demander : puisque fascisme signifie agression contre une nation et que le Guomindang de Jiang Jieshi participe encore à la guerre pour résister aux agresseurs japonais, pourquoi le qualifions­-nous de fasciste ?

   Nous répondons que c’est justement pour cela que le camarade Mao Zedong l’a qualifié de fascisme chinois.

   L’agression contre une nation est l’un des traits caractéristiques du fascisme, mais non le seul.

   Parmi les quatre traits caractéristiques du fascisme que Dimitrov a relevés dans son rapport, à part l’agression contre d’autres nations, le fascisme chinois possède tous les autres.

   Dans le passé comme à présent, le Guomindang de Jiang Jieshi a lancé les plus cruelles attaques contre les masses laborieuses et les autres couches de la population, et même déclenché la guerre civile pour réprimer la révolution, perpétré une répression réactionnaire et contre­-révolutionnaire effrénée, devenant ainsi l’ennemi juré de tout le peuple chinois.

   C’est seulement parce que la Chine est déjà réduite à l’état colonial ou semi-­colonial que les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie ne sont pas assez forts pour agresser d’autres pays, mais leur attitude à l’égard des minorités nationales du pays n’est­elle pas imprégnée du complexe de supériorité fait de chauvinisme grand­han et d’idées de la politique traditionnelle d »‘administration des vassaux » ?

   Quant à la politique extérieure même, n’existe­-t-il pas, au sein du Guomindang, des gens qui prêchent la grande fédération chinoise englobant l’Annam, la Thaïlande, la Birmanie, la Corée, voire les îles du Sud-­Est asiatique ?

   Dimitrov a dit que le développement du fascisme et la dictature fasciste elle­-même revêtent, dans les différents pays, des formes diverses, selon les conditions historiques, sociales et économiques, selon les particularités nationales et la situation internationale du pays donné.

   De son côté, Staline a dit depuis longtemps qu’il faut considérer l’apparition du fascisme en Allemagne comme un signe de faiblesse de la bourgeoisie, comme un signe montrant que la bourgeoisie n’est plus en mesure d’exercer le pouvoir par les vieilles méthodes du parlementarisme et de la démocratie bourgeoise, ce qui l’oblige à recourir, dans sa politique intérieure, aux méthodes terroristes de gouvernement.

   Ne pouvons­-nous pas, dans un certain sens, donner une explication du régime des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie en Chine à la lumière de ces considérations ?

   Nous pouvons donc aussi affirmer que le fascisme chinois constitue un régime de terreur ouverte, autrement dit un régime d’agents secrets, établi par les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie de Chine ­ en fait par le Guomindang de Jiang Jieshi et le capital bureaucratique.

   On pourra alors poser cette question : pourquoi donc nous opposons­-nous seulement aux réactionnaires qui sont au sein du Guomin­dang et non à l’ensemble de ce parti ?

   Et pourquoi voulons­-nous seulement en finir avec le fascisme et non avec son chef de file ?

   Nous répondrons que le groupe pro-­anglais et pro­-américain des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, représenté par le Guomindang de Jiang Jieshi, a encore son double caractère, qu’il n’est pas encore allé jusqu’à n’en avoir qu’un seul : la réaction, qu’il n’a pas encore baissé l’étendard de la Résistance, qu’il peut encore influer sur une partie de la population, bien que de moins en moins nombreuse, et qu’il n’ose pas encore hisser ostensiblement le drapeau du fascisme (il n’ose même pas reconnaître ouvertement ce qu’il veut, non seulement parce que la Guerre de Résistance se poursuit, mais aussi à cause de l’inconsistance des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie de Chine qui sont incapables d’affirmer leur indépendance).

   Ainsi, nous nous opposons seulement aux réactionnaires du Guomindang et non aux membres de ce parti qui sont pour la Résistance et la démocratie, et nous espérons même que ces membres pourront se joindre à nous pour combattre ces réactionnaires.

   Nous sommes uniquement pour la suppression du fascisme, et nous conservons l’espoir que ces membres du Guomindang entreprendront d’eux­-mêmes la liquidation du fascisme et appliqueront effectivement les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat­sen.

   Nous sommes uniquement pour la dissolution des organisations fascistes des agents secrets et non pour celle du Guomindang.

   Du fait que le fascisme pratiqué par les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie se développe de jour en jour et que ceux­ci ont prôné, dans le livre : Le Destin de la Chine, l’idée on ne peut plus réactionnaire de supprimer le Parti communiste chinois, nous devons aujourd’hui insister sur le danger et la nature même du fascisme chinois.

   Cela permet de mettre en garde et d’éduquer non seulement le peuple chinois, mais encore et avant tout les membres de notre Parti ; c’est, de surcroît, la manière la plus efficace de liquider, au sein de notre Parti, l’esprit de capitulation devant la grande bourgeoisie.

   Ici, on pourra poser cette nouvelle question : puisqu’il en est ainsi, le fascisme du Guomindang de Jiang Jieshi a­-t-­il son propre système idéologique, ses origines historiques, son programme et sa tactique, ainsi que ses organisations et ses activités ?

   Nous disons que oui.

   Et nous allons répondre à cette question dans les points suivants.

II LE SYSTEME IDEOLOGIQUE DU FASCISME CHINOIS

   En arborant le drapeau de la Résistance et sous l’enseigne des trois principes du peuple, le fascisme chinois a son propre système idéologique.

   La conception philosophique de Jiang Jieshi relève de l’ultra-idéalisme.

   Il aime particulièrement à citer cette parole ancienne : « L’esprit de l’homme est instable et enclin à l’erreur, il a peu d’affinités avec la vérité ; il lui faut donc se consacrer à la poursuite de la vérité, afin de s’en tenir sincèrement à l’Invariable Milieu. »

   En même temps, il met l’accent sur le rôle de l' »esprit » et interprète d’un point de vue extrêmement idéaliste la phrase suivante du Dr Sun Yat­sen : « Si mon esprit me dit qu’une chose est réalisable, je serai toujours capable de l’accomplir un jour, même si c’est aussi difficile que de déplacer une montagne ou de combler une mer ; mais si mon esprit me dit qu’une chose est irréalisable, je ne serai jamais capable de l’accomplir, même si c’est aussi facile que de briser une simple tige. »

   Il veut alors éliminer le Parti communiste, aussi fait­-il semblant d’avoir foi en ce raisonnement : « Faute de sincérité, on n’arrive à rien » ; il a déclaré le coeur lourd : « Si je n’arrive pas à régler le problème du Parti communiste chinois, je ne pourrai fermer les yeux même dans la mort. »

   Cela montre en effet qu’il ne peut « arriver à rien, faute de sincérité ».

   Il veut supprimer la Région frontière, bien qu’il l’ait reconnue lui­-même lors de la causerie à Lushan et qu’elle ait été admise par le Yuan exécutif lors de sa 3e session ; il a pu annuler tout cela d’un seul trait, ce qui prouve qu’il peut « arriver à quelque chose, même sans sincérité’ .

   Jiang Jieshi prône une philosophie d' »action vigoureuse » dont l’idée centrale est d’exiger que le peuple, tenu dans l’ignorance de tout, lui obéisse aveuglément au lieu d’agir en connaissance de cause.

   Quand il adoptait la non­résistance, il exigeait que le peuple lui obéisse aveuglément, en renonçant à la Résistance et en acceptant sa « pacification » à l’intérieur du pays.

   Au début de la Guerre de Résistance, il exigeait que le peuple le suive aveuglément dans sa résistance partielle à l’envahisseur.

   Maintenant, il exige que le peuple le suive aveuglément dans sa résistance passive à l’agression japonaise et sa lutte active contre le Parti communiste.

   En fait, lors de la guerre civile, il avait déjà déclaré avec vanité : « Si j’échouais dans ma liquidation du Parti communiste, je me suiciderais pour me racheter aux yeux de mes compatriotes », mais jamais on ne l’a vu tenir sa promesse.

   Quand il échoue, il applique un système de caution solidaire qui étend très loin les sanctions, mais aucune sanction n’est jamais tombée sur lui.

   A la veille de la Guerre de Résistance, il s’est de nouveau vanté ainsi : « Si je dispose d’une véritable armée révolutionnaire de plus de 600 000 hommes, absolument soumise à mes ordres et placée sous un commandement unique, je me fais fort de trouver une habile tactique pour vaincre ces piètres bandits nippons. »

   Pourtant, lors de la bataille du 13 août à Shanghai, les troupes qui se soumettaient absolument à ses ordres étaient de beaucoup supérieures à 600 000 hommes, et on ne l’a jamais vu proposer aucune tactique capable de vaincre le Japon.

   Aujourd’hui, l’effectif de ses troupes personnelles, qui, bien entendu, se soumettent absolument à ses ordres, dépasse de loin 600 000 hommes, et il veut au contraire s’aboucher avec le Japon.

   De là on peut voir que sa philosophie d' »action vigoureuse » n’est pas seulement une philosophie idéaliste et obscurantiste, mais aussi une philosophie de vantard, une philosophie de crapule, qui ne diffère en rien de celle de Hitler !

   Du point de vue psychologique, Jiang Jieshi met l’accent sur « l’indépendance et l’autonomie ».

   Mais en fait, son caractère comprador l’amène à compter sur les forces extérieures, il n’a donc rien d’indépendant ; et son caractère féodal le pousse parfois à la xénophobie, il ne s’agit donc pas là d’une autonomie nationale bien fondée.

   Il met l’accent sur la sincérité, mais il est lui­-même l’homme le moins sincère.

   Depuis la première coopération entre le Guomindang et le Parti communiste jusqu’à la coopération actuelle dans la Résistance, il n’a fait preuve d’aucune sincérité à l’égard de l’Union soviétique, du Parti communiste et du peuple, c’est­à­dire à l’égard de la révolution et de la Résistance.

   D’ailleurs, lorsqu’il parle de sincérité, c’est pour qu’on lui témoigne en toute sincérité une obéissance aveugle, tandis que lui ne fait preuve d’aucune sincérité à l’égard d’autrui.

   Du point de vue éthique, il insiste sur une morale abstraite caractérisée par les Quatre Principes et les Huit Vertus.

   Mais, dès qu’on en vient aux faits, on constate que c’est lui, voire même son groupe dirigeant, qui ont réellement abandonné la bienséance et la droiture et ont totalement renoncé à l’intégrité et à l’honneur.

   Ils ont refusé à Mme Sun Yat­sen la liberté d’élire domicile et à Lin Sen, président du Gouvernement national, la liberté de poursuivre sa convalescence ; ils bénéficient de l’aide de l’Union soviétique, mais ils sont anti-soviétiques ; ils reçoivent de l’aide du Parti communiste, mais ils sont anti-communistes ; ils bénéficient du soutien du peuple, mais ils l’oppriment ; les fonctionnaires qui, dans tout le gouvernement, s’adonnent à la spéculation et à la corruption sont restés impunis et les gens qui travaillent pour l’ennemi, qui trahissent le pays, qui font de la contrebande ou main basse sur la solde et le ravitaillement des soldats ne sont l’objet d’aucune sanction.

   Comment peut­on parler de loyauté et de piété filiale quand on manque de bravoure dans la Guerre de Résistance et que l’on prend la tête dans la guerre civile !

   Comment peut­on parler de bienveillance et de fraternité quand on enrôle de force des soldats et quand les fonctionnaires oppriment le peuple et le poussent à la révolte !

   Comment peut­on parler de fidélité et de justice quand on s’abouche toujours avec l’envahisseur japonais alors que la Guerre de Résistance dure depuis six ans, et quand des courriers diplomatiques continuent à aller et à venir dans les deux sens alors que la guerre a déjà été déclarée à l’Allemagne !

   Comment peut­on enfin parler de paix et d’harmonie quand on incite le Japon à attaquer l’Union soviétique et quand on envoie des avions bombarder la population en révolte !

   Par conséquent, ses conceptions idéalistes de l’éthique sont pure hypocrisie.

   C’est dans le but de duper le peuple qu’il les a propagées, pour que le peuple témoigne loyauté et piété filiale, bienveillance et fraternité, fidélité et justice, ainsi que son désir de paix et d’harmonie à l’égard du Guomindang de Jiang Jieshi, ce qui permettrait à celui­ci de l’opprimer et de l’attaquer plus librement.

   La conception de l’histoire de Jiang Jieshi est une conception féodale, caractérisée par le retour aux anciens ; elle reflète profondément l’idéologie traditionnelle des classes exploiteuses.

   Dans Le Destin de la Chine, il est dit qu' »à la lumière des enseignements de Confucius, Mencius s’est mis à établir une différence entre la justice et l’utilité, le règne par la vertu et le règne par la force. . .

   En récusant les enseignements de Yang Zhu et de Mo Di, il a mis fin à la confusion qui régnait dans l’esprit des hommes, jetant ainsi les fondements de la pensée orthodoxe chinoise qui, depuis, s’est transmise de génération en génération pendant trois mille ans déjà ».

   Voilà pourquoi il se réfère largement au Recueil d’essais sur le gouvernement de l’Etat des Qing et aux Cinq traités sur la morale et Véducation de Chen Hongmou.

   La conception de Jiang Jieshi en matière de nationalités est purement et simplement du chauvinisme grand-­han.

   Du point de vue de la dénomination, il considère tout bonnement les nationalités mongole, hui, tibétaine et miao comme des « populations limitrophes » et se refuse à les reconnaître en tant que nationalités.

   Dans l’action pratique, il exerce la discrimination et l’oppression à leur égard.

   D’après sa conception de l’Etat, Jiang Jieshi prétend agir au nom d’un Etat national ou d’un gouvernement du peuple entier, mais exerce en fait la dictature d’un seul parti, celle des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, et plus exactement la dictature d’un seul homme caractérisée par le nouvel absolutisme ­ une domination fasciste par les agents secrets.

   S’il en est arrivé là, c’est que, plus il ressent la faiblesse des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, moins il ose adopter des méthodes démocratiques bourgeoises, pas même la dictature d’un seul parti ; ainsi, il cherche à recourir à la terreur, à la domination par les agents secrets et à la dictature d’un seul homme.

   Selon la conception de la guerre de Jiang Jieshi, c’est la force des armes qui décide de tout.

   Cette théorie constitue une combinaison de la conception traditionnelle des seigneurs de guerre dans la Chine moderne (la conception traditionnelle des seigneurs de guerre du Hunan et de l’Anhui : Zeng Guofan, Hu Linyi, Zuo Zongtang et Li Hongzhang) et de la conception de Napoléon sur l’unification par la force, c’est pourquoi on l’appelle aussi le nouveau militarisme ou le nouvel absolutisme.

   Ayant le culte de la force des armes, il estime que la Chine n’est pas en mesure d’opposer seule une résistance au Japon et qu’il lui faut compter sur l’aide extérieure.

   Il a déclaré publiquement : « Ce n’est pas en dix jours, mais en trois jours qu’il [le Japon] peut occuper toutes nos régions fluviales et littorales ; il peut atteindre n’importe quel endroit, non seulement Chongqing, mais aussi Chengdu, à l’ouest, non seulement la province du Guangdong, mais aussi Wuzhou et Yongning, au sud. »

   « Il [le Japon] n’a qu’à en donner l’ordre, et trois jours lui suffiront en effet pour s’emparer de toutes les régions d’importance vitale de la Chine et assujettir notre pays. »

   « Avec quoi nous battrons-­nous ? Nous n’avons pas d’armes, et parmi les conditions qu’exigé la guerre  forces économiques, enseignement et situation politique ­, en est-­il une qui nous permette de nous battre contre un pays moderne ? »

   Voilà pourquoi il a depuis longtemps défini sa politique d’Etat dans la Résistance en se fondant sur ce qui suit : « A présent, l’armée de terre du Japon a pour objectif l’Union soviétique, et sa marine, l’Angleterre et les Etats­Unis. Ainsi, avant d’annexer la Chine, le Japon doit conquérir la Russie, dévorer les EtatsUnis et briser l’Angleterre. »

   Mais, aujourd’hui, il n’a pu ni conquérir la Russie ni dévorer les Etats-­Unis ; par contre, il pèse de tout son poids sur la Chine ; ainsi, commençant à s’inquiéter, Jiang Jieshi adopte d’une part une attitude passive dans la Résistance pour préserver ses forces en vue d’une guerre civile, et s’abouche d’autre part avec le Japon.

   Comme il a le culte de la force des armes, dans sa politique intérieure, il insiste sur l’unification du pays par la force et préconise la « politique dictée par les militaires ».

   Pendant les dix­huit années de son règne, de l’Incident du 20 Mars I926 à aujourd’hui, il ne se passe pratiquement pas une seule année qu’il ne fasse la guerre, ni un seul instant qu’il ne consacre à ses projets de guerre civile.

   Avant l’Expédition du Nord, il y a eu l’Incident du 20 Mars, et après, ce fut la rupture entre Nanjing et Wuhan, puis la coopération entre Nanjing et Wuhan.

   Et pendant la guerre civile ont éclaté des conflits armés au sein comme en dehors du Guomindang.

   Enfin, au cours de la Guerre de Résistance, des actions militaires sont lancées pour liquider les forces armées qui ne dépendent pas de lui et pour attaquer le Parti communiste.

   En ce qui concerne sa conception des partis, Jiang Jieshi veut que tous les partis et groupements politiques du pays se fondent dans le Guomindang et la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple de sa marque.

   Il a déclaré sans ambages : « Le Guomindang constitue les artères du pays, et la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple, du sang nouveau dans ces artères » ; « Tant que le Guomindang existera, l’Etat chinois demeurera ; sans le Guomindang, il n’y aurait pas de Chine aujourd’hui. . . .

   En un mot, le destin de la Chine dépend entièrement du Guomindang » ; ainsi, « les adultes doivent adhérer au Guomindang, et les jeunes, à la Ligue de la Jeunesse ».

   C’est là un aveu manifeste des idées dont il se berce : Une seule doctrine, un seul parti et un seul chef !

   Mais il a eu encore le front d’ajouter : « Quant aux diverses conceptions et organisations en Chine, je n’ai aucune intention de leur barrer la route, et j’espère même qu’elles pourront se développer et réussir, à condition qu’elles ne visent pas à établir un pouvoir indépendant pour s’opposer à la révolution et à créer des forces armées pour saper la Résistance, et qu’elles soient véritablement utiles à l’Etat et à la nation, ainsi qu’à la révolution et à l’édification du pays. »

   Point n’est besoin de parler du Parti communiste, ainsi que des forces armées et de la Région frontière qu’il dirige, qui sont antijaponais ­ il s’agit d’ailleurs d’une organisation, de forces militaires «et d’un pouvoir révolutionnaires ­, mais comment se fait­-il que les autres partis et groupements politiques, qui ne possèdent ni forces armées ni pouvoir, ne jouissent pas, eux non plus, de la moindre liberté et, de plus, sont partout victimes de l’oppression, sans compter qu’ils n’ont aucune possibilité « de se développer et de réussir » ?

   Et les autres groupes au sein du Guomindang, en particulier Mme Sun Yat­sen qui applique véritablement les trois principes du peuple du Dr Sun Yat­sen, n’est-­il pas vrai qu’ils ne jouissent pas, eux non plus, de la liberté, mais sont victimes de l’oppression ?

   Ainsi, le Guomindang comme la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple sont les organisations de la marque de Jiang Jieshi, et le premier n’est plus depuis longtemps celui de l’époque de sa réorganisation par le Dr Sun Yat­sen, ni celui dans lequel régnait la liberté de pensée et coexistaient des groupes différents.

   Quant au peuple, Jiang Jieshi le traite comme une bête de somme. C’est pourquoi il insiste sur cette phrase de Confucius : « Il faut faire en sorte que le peuple agisse sans comprendre », et demande au peuple d’obéir à ses paroles et à la loi, de se laisser exploiter et gouverner par lui à son gré.

   Ainsi, dans la bouche de Jiang Jieshi, le principe de la démocratie signifie au fond que le pouvoir du parti est audessus de tout, et la démocratie a depuis longtemps cessé d’exister.

   Les conseils consultatifs à tous les échelons et le nouveau système de districts ne sont plus rien que des potiches décoratives pour duper les gens.

   A parler plus franchement, ce n’est même pas le pouvoir du parti, ce sont plutôt le pouvoir de l’armée et le pouvoir des agents secrets qui sont au­dessus de tout.

   Enfin, la pensée économique de Jiang Jieshi relève aussi de la pensée des propriétaires fonciers et des compradores de caractère semi­féodal et semi­-colonial.

   Tout en dissertant sur une économie planifiée, industrialisée, il rêve de réaliser la grande concorde, prêchée dans Le Livre des Rites.

   Au fond, c’est donc sous le couvert du principe du bien­être du peuple qu’il entretient la pensée la plus arriérée et la plus réactionnaire, celle de l’économie féodale et de l’économie compradore.

   Autrement dit, il veut que la Chine reste un pays agricole devant des pays étrangers industrialisés.

   Loin de résoudre le problème du bien­être du peuple, sa pensée économique ne peut qu’accélérer la faillite de l’économie chinoise et aggraver les conditions de vie du peuple, et il serait ainsi encore plus difficile pour la nation chinoise de sortir de sa situation économique coloniale et semi­coloniale.

   Dans tout le système idéologique de Jiang Jieshi, nous ne pouvons discerner que le fascisme chinois, et nullement les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat­sen. Jiang Jieshi a développé les vues idéalistes et les éléments négatifs de la pensée du Dr Sun Yat­sen et en a fait son propre système idéologique d’aujourd’hui ; mais la pensée du Dr Sun Yat­sen comprenait des éléments rationnels et bien des points de vue révolutionnaires ; dans les dernières années de sa vie plus particulièrement, il s’est rapproché du Parti communiste et a adopté certaines méthodes appliquées par la révolution russe, et ses trois principes du peuple sont devenus les trois principes du peuple révolutionnaires.

   Toutefois, la doctrine de Jiang Jieshi est tout autre chose, elle ne peut être que le fascisme chinois.

III. LES ORIGINES HISTORIQUES DU FASCISME CHINOIS

   Le fascisme pratiqué par Jiang Jieshi et son groupe dominant trouve son origine dans l’histoire.

   Jiang Jieshi se vante constamment d’être le disciple et l’élève du Dr Sun Yat­sen, mais en réalité, il s’est depuis longtemps écarté de la bonne voie, car il a déjà trahi une fois, et maintenant il veut trahir de nouveau les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat­sen.

   Le camarade Mao Zedong a indiqué que le fascisme chinois est un fascisme de caractère comprador et féodal.

   Plus concrètement, c’est une combinaison du capital bureaucratique (les capitaux, les terres et les autres moyens de production sont concentrés dans les mains d’une poignée de bureaucrates et de magnats de la finance) et du régime des agents secrets.

   Et Jiang Jieshi lui­même est à la fois seigneur de guerre, gros bonnet de la Bourse et chef de la racaille.

   Il est l’expression concentrée de toute la réaction ancienne et actuelle, chinoise et étrangère.

   En jetant un coup d’oeil sur le passé de Jiang Jieshi et de son groupe dominant, nous pouvons constater qu’il est issu d’une famille féodale. Lorsque la Révolution de 1911 a éclaté, il était, dès le début, chef de peloton dans l’armée du seigneur de guerre Zhang Zongchang, et sur l’ordre de Chen Qimei, il a assassiné Tao Chengzhang, chef des révolutionnaires du Zhejiang, usurpant ainsi les fruits de la révolution dans la conquête de cette province.

   A cette époque, le Dr Sun Yat­sen avait réussi à grouper le parti révolutionnaire, la nouvelle armée et les sociétés secrètes ; mais les agissements de crapules de Chen Qimei et de Jiang Jieshi ont créé la scission du parti révolutionnaire dans la période initiale de son existence, jetant les premières fondations de la politique de crapules que, depuis la Révolution de 1911 jusqu’à nos jours, les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie ont poursuivie, en collaboration avec les clans, sous la protection des impérialistes installés sur le Bund à Shanghai.

   De 1917 à 1920, Jiang Jieshi, Dai Jitao et Chen Guofu se sont associés pour spéculer à la Bourse.

   Plus tard, cette tradition s’est développée avec Kong Xiangxi, Song Ziwen et d’autres, et le groupe comprador ainsi constitué est devenu peu à peu le noyau des forces politiques qui ont régné sur la Chine au cours de ces vingt dernières années.

   Certes, Jiang Jieshi s’est opposé aux compradores du Guangdong qui étaient au service des intérêts britanniques lorsqu’il se trouvait dans cette province, mais Dai Jitao et Chen Guofu, restés à Shanghai, se sont élevés, dès le début, contre les trois thèses politiques fondamentales du Dr Sun Yat­sen : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et alliance avec les ouvriers et les paysans.

   Puis, à peine arrivé dans le bassin du Changjiang, Jiang Jieshi s’est jeté dans les bras de la grande bourgeoisie du Jiangsu et du Zhejiang et a brandi aussitôt la bannière de l’opposition à l’Union soviétique, au Parti communiste chinois, ainsi qu’aux ouvriers et aux paysans.

   Aussi n’a­t­il jamais réellement accepté ni appliqué les trois thèses politiques fondamentales du Dr Sun Yat­sen.

   Bien que Jiang Jieshi ait travaillé à l’organisation de l’Académie militaire de Huangpu et ait commandé l’Expédition du Nord, ses conceptions militaristes et son arrivisme avaient pris naissance avec sa « participation » à la révolution.

   Même lorsqu’il s’est rendu en Union soviétique en mission d’étude, ce qu’il admirait réellement, ce n’était pas la révolution de la Russie soviétique, mais la campagne de Russie de Napoléon.

   Au lendemain de la fondation de l’Académie militaire de Huangpu, il était contre le conseiller soviétique ; mais quand il a reçu l’aide militaire soviétique, il s’est mis à clamer que la IIIème Internationale constituait le grand quartier général de la révolution mondiale et que la Chine devait suivre ses instructions.

   Cependant, peu après, c’était lui qui faisait investir, le 20 mars 1927, la résidence de Dongshan du conseiller soviétique à Guangzhou.

   A l’Académie militaire de Huangpu, ce qu’il enseignait aux cadets, ce n’était pas la stratégie et la tactique révolutionnaires, mais avant tout les Citations de Zeng Guo­fan et de Hu Linyi sur l’instruction militaire et La Vie de Napoléon. Lorsqu’il commanda ses troupes dans la Campagne de l’Est, il eut bientôt des différends avec Xu Chongzhi pour s’assurer le contrôle de territoires.

   Et le fait d’avoir écarté Wang Jingwei montre encore mieux son comportement militariste. Au cours de l’Expédition du Nord, il a évincé, dans les différentes armées, les troupes qui ne dépendaient pas de lui et grossi les siennes dans un but égoïste.

   C’est pourquoi, avant même la rupture entre Nanjing et Wuhan, son nouvel esprit militariste s’était déjà traduit dans ses actes.

   Néanmoins, tant qu’il demeurait dans les rangs révolutionnaires, il arborait encore l’enseigne de la révolution et se servait du peuple pour accroître ses propres forces et étendre son influence.

   Une fois qu’il s’est dressé contre la révolution, il est devenu un bourreau se livrant directement au massacre du peuple, et le groupe qu’il contrôlait lui emboîta le pas.

   Au cours des dix années de guerre civile, il a joué concrètement son personnage de seigneur de guerre, de gros bonnet de la Bourse et de chef de la racaille.

   Il a agi comme tel aussi bien dans les luttes et les guerres intestines au sein du Guomindang que dans sa campagne pour l' »extermination des communistes ».

   Il a même appris de nouveaux tours de passe­passe fascistes à l’école de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon.

   Pendant ces dix années, il a envoyé un bon nombre de cadets de l’Académie militaire de Huangpu faire leur apprentissage à l’étranger et a invité le général allemand Von Seeckt et l’inspecteur général de la police de Berlin Blomberg, ainsi que d’autres agents secrets allemands à donner eux­mêmes des cours en Chine.

   De l’Incident de Xi’an à la sixième année de la Guerre de Résistance, il a utilisé merveilleusement ces méthodes.

   Si nous ne devons pas perdre de vue l’aspect révolutionnaire de ce double caractère des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie d’un pays semi­colonial dont Jiang Jieshi est le représentant, nous devons encore moins oublier l’autre aspect ­ l’aspect réactionnaire.

   Car Jiang Jieshi joue son jeu réactionnaire avec toujours plus d’adresse.

   Fort de l’expérience de dix années de guerre civile, il n’a pas hésité à déclencher une guerre civile partielle dans la présente Guerre de Résistance ; en même temps, il sait voir dans quel sens souffle le vent et faire des gestes surprenants, arrêtant net sa monture au bord du précipice.

   Toutefois, nous ne devons pas nous laisser tromper par lui ; si l’on perce à jour ses procédés de montreur d’images, on ne trouvera là rien d’extraordinaire.

   La double tactique révolutionnaire, les principes consistant à mettre le bon droit de notre côté, à œuvrer à notre avantage et à faire preuve de mesure dans la lutte, ainsi que la méthode de riposte du tac au tac, avancés par le camarade Mao Zedong, constituent les meilleures contre­mesures que nous puissions lui opposer.

IV. LE PROGRAMME POLITIQUE ET LA TACTIQUE DU FASCISME CHINOIS

   Jiang Jieshi s’est réclamé des trois principes du peuple, mais il n’a jamais mis sincèrement en pratique les trois thèses politiques fondamentales pendant la Grande Révolution.

   Au cours de la guerre civile, il a ignoré carrément les trois principes du peuple.

   Au début de la Guerre de Résistance, il se glorifiait de son Programme de Résistance et de construction nationale, mais ce n’était qu’une supercherie ; du reste, étant donné sa manière de l’interpréter et de l’appliquer, ce programme consistait en réalité à s’opposer à la résistance générale, au Parti communiste et à la démocratie.

   Ainsi, ce n’était qu’un programme fasciste, et nullement un programme de résistance au Japon et de construction nationale, en accord avec les trois principes du peuple.

   Nous pouvons résumer ce programme dans les douze points suivants :

  1. Etre passif dans la Résistance pour ménager un compromis avec le Japon ;
  2. Trahir les trois principes du peuple du Dr Sun Yat­sen, adopter le fascisme pratiqué en Allemagne, en Italie et au Japon, combattre le socialisme de l’Union soviétique et rejeter le libéralisme anglo­-américain ;
  3. Agir de connivence avec l’ennemi pour combattre le Parti communiste, saper la Guerre de Résistance et utiliser l’aide extérieure pour entreprendre une guerre civile ;
  4. Exercer des pressions sur les petits partis et groupementspolitiques, malmener les minorités nationales, rester indifférent au triste sort que connaissent les ressortissants chinois à l’étranger et aux souffrances qu’endurent les victimes de calamités naturelles ;
  5. Recourir à la force pour éliminer ceux qui ne dépendent pas de lui et mettre sur pied des services secrets pour usurper le pouvoir du parti ;
  6. Fouler aux pieds les droits du peuple, le priver de ses libertés, établir le système du bao­jia et exercer la dictature ;
  7. Monopoliser l’économie en s’appuyant sur le capital bureaucratique et encourager la spéculation commerciale pour saper la production industrielle ;
  8. Faire des émissions excessives de fabi, élever les prix des marchandises, contrôler les moyens d’existence du peuple et exploiter les travailleurs ;
  9. Concentrer la propriété foncière et porter ainsi préjudice au ravitaillement du peuple, enrôler de force les hommes valides et nuire par là à la force de travail du peuple;
  10. Laisser le champ libre à la corruption, percevoir par la force des contributions et des impôts, fermer les yeux sur le trafic et se livrer à son gré à des perquisitions;
  11. Proscrire les publications progressistes et persécuter les opposants parmi les intellectuels, pervertir la jeunesse et porter atteinte à la dignité des gens par la menace ou la séduction ; et
  12. Semer la confusion quant à l’application des lois et à la discipline, dépraver les moeurs et porter atteinte à la culture pour détruire la nation.

   Evidemment, le fascisme chinois n’a pas proclamé officiellement ce programme en douze points et il n’en reconnaîtra jamais ouvertement l’existence.

   Mais il le met bel et bien en application article par article, point par point, et, dans ses agissements, il va même toujours au-delà. Là réside sa faiblesse, et précisément aussi son ignominie et sa lâcheté.

   Comment, avec un tel programme, le Guomindang de Jiang

   Jieshi pourrait-­il conduire la Guerre de Résistance à la victoire ?

   Nul doute qu’il amènera la Chine à la scission, à la décomposition, au chaos et à la ruine, et la Guerre de Résistance à la défaite.

   Nous autres communistes, nous sommes fermement pour la Résistance et l’unité, pour la démocratie et le progrès ; nous n’admettrons jamais la défaite de la Résistance.

   Comme l’a souligné le camarade Mao Zedong, nous devons redoubler d’efforts pour obtenir la direction dans cette guerre, ce qui fait que nous devons avant tout augmenter et consolider nos propres forces, car c’est seulement ainsi que nous pourrons exercer une direction énergique sur les autres, mettre fin à l’hésitation des éléments intermédiaires, isoler les jusqu’auboutistes et appliquer avec fermeté notre Programme en dix points pour la résistance au Japon et notre programme politique qui comprend le « système des trois tiers ».

   Quant à la tactique du fascisme chinois, qu’il a élaborée dans le sens indiqué dans son programme et selon le double caractère des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie représentés par le Guomindang de Jiang Jieshi, elle est appliquée avec souplesse.

   En voici des exemples :

   A l’égard du Japon, il applique la politique de la douceur et de la menace, dans l’espoir d’arriver à un compromis qui soit en sa faveur.

   A l’endroit de la Grande­Bretagne et des Etats­Unis, il cherche tour à tour à les amadouer ou à les intimider, afin d’en obtenir de l’aide dans l’intérêt de la guerre civile.

   Envers l’U.R.S.S., il se montre tantôt froid, tantôt chaleureux, dans l’espoir de l’amener à contenir le Japon et de faciliter ainsi le règlement de ses querelles à l’intérieur du pays.

   Vis­-à­-vis des forces locales, des petits partis et groupements politiques, il use de menaces et de séduction, dans le dessein de semer la discorde entre ceux­ci et nous, de nous réduire à l’isolement et de détruire ainsi ces forces une à une.

   Aux capitalistes nationaux, aux hobereaux éclairés et aux vétérans du Guomindang, il fait tantôt bon, tantôt mauvais accueil, pour voir s’ils sont toujours fidèles aux gouvernants.

   A l’égard des hommes de lettres, des intellectuels et des étudiants progressistes, il fait pression en public sur eux tout en les amadouant en secret, dans l’intention de les contraindre à nous quitter et à nous combattre.

   Quant aux travailleurs ouvriers et paysans, il les soumet à la surveillance et recueille secrètement des renseignements sur eux, afin de chercher par là à rompre les contacts qu’ils ont établis avec nous.

   Enfin, vis­-à­-vis de nous, tout ce qu’il fait vise à nous éliminer, qu’il recoure aux moyens doux ou aux moyens forts.

   Toutefois, les moyens doux, employés seulement pour la forme et à un moment donné, ne signifient nullement un réel changement d’attitude ; d’ailleurs, ils ne servent qu’à préparer le passage aux moyens forts.

   Lorsque les moyens forts ne marchent plus, il peut pour un moment adoucir quelque peu son attitude.

   Au cours de la guerre civile, Jiang Jieshi employait les grands moyens en nous imposant la guerre, en nous jetant en prison et en nous massacrant sans merci. Mais dans la période qui précède et suit l’Incident du 18 Septembre 1931, il a aussi employé la douceur comme moyens secondaires en nous amenant notamment à abjurer nos opinions politiques ou en envoyant ses hommes s’infiltrer dans nos organisations.

   Depuis que la Guerre de Résistance a commencé, en apparence, il a pris parti pour l’unité, mais il a toujours lutté contre nous, d’abord en sourdine, puis ouvertement.

   Ainsi, l’anticommunisme du Guomindang de Jiang Jieshi est passé de la limitation et de la dissolution à la liquidation du Parti communiste.

   Sa politique sur les activités des services secrets s’adaptait aussi à ces trois périodes différentes.

   Si nous perdons de vue la continuité de son anticommunisme, nous ne pourrons garder une haute vigilance à son égard, ni engager de façon appropriée une lutte contre lui.

   D’autre part, si nous ne suivons pas de près l’évolution et le changement de sa politique anticommuniste, nous ne pourrons pas non plus le soumettre à une analyse adéquate, ni avoir sur lui une connaissance juste, pour adopter à son égard une politique adéquate.

V. LES ORGANISATIONS ET LES ACTIVITES DU FASCISME CHINOIS

   Le fascisme chinois a ses propres organisations.

   Elles se sont infiltrées au sein du Guomindang où elles ont accaparé le pouvoir de ce parti, elles se sont glissées dans la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple où elles ont pris en main la direction et insinuées à l’intérieur des forces armées qu’elles ont réussi à placer sous leur contrôle.

   Ces organisations, ce sont les services secrets.

   Ces services secrets se divisent en trois groupes :

   Le premier groupe travaille au sein du Guomindang, c’est le groupe CC.

   Embryonnaire en 1926, il s’est développé après la défaite de la Grande Révolution ; il a pour âme et noyau le Bureau d’Investigation et de Statistiques du Comité exécutif central.

   Ses ramifications s’étendent de l’échelon central à l’échelon local.

   La puissance du groupe CC, autrement dit celle des agents secrets, s’exerce sur tout le parti, gagnant même l’administration civile et le secteur de l’enseignement dans tout le pays, une partie des branches de la construction et des communications, des administrations financières et fiscales, des banques (telles que la Banque des Communications et certaines banques privées), ainsi que des organisations d’assistance sociale, de ressortissants chinois à l’étranger et de femmes.

   Ce groupe a mis la main sur les organismes culturels et de propagande, ainsi que sur les services de publications. L’anticommunisme occupe la première place dans sa politique de propagande.

   Le budget du Guomindang pour l’exercice 1943 s’élève à 284 millions de yuans, dont une grande partie est destinée à couvrir les dépenses des activités des agents secrets dans le parti, et cela non compris les frais spéciaux qui s’y rattachent.

   Le deuxième groupe travaille dans la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple.

   Son prédécesseur est le Fuxingsbe qui est devenu le service secret au sein de la Ligue.

   Encore embryonnaire dans l’Association pour l’Etude de la Doctrine de Sun Yat­sen153 et l’Association des Elèves de l’Académie militaire de Huangpu, ce service secret a été créé après l’Incident du 18 Septembre sous le nom d’Association pour l’Action vigoureuse, il a pris plus tard le nom de Fuxingshe.

   Au début de la Guerre de Résistance, il a été incorporé à la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple et, avec l’adjonction du Détachement spécial et du Cours d’instruction spéciale dirigés par Kang Ze, il y forme maintenant l’âme des services secrets.

   Le troisième groupe se trouve dans le secteur militaire ; ce sont la Section d’instruction politique du Département politique du Conseil militaire du Guomindang et le Bureau d’Investigation et de Statistiques dudit Conseil.

   La Section d’instruction politique dirigée par He Zhonghan comprend un bon nombre d’agents secrets de l’armée pour lesquels même les officiers nourrissent de l’aversion.

   Créé en 1932 entièrement par Dai Li, le Bureau d’Investigation et de Statistiques du Conseil militaire n’était au début qu’un groupe d’agents secrets du Fuxingsbe dirigés par Dai Li ; maintenant, il est devenu suffisamment puissant pour constituer un groupe indépendant.

   Disposant d’un personnel nombreux et d’un large budget, il est le plus grand service de renseignements du pays.

   Il se divise à l’échelon central en sections et à l’échelon local en brigades territoriales, stations, centres et équipes.

   Ses ramifications s’étendent presque partout dans le pays. Dans l’armée, on trouve, aux divers échelons, des officiers d’étatmajor chargés du renseignement qui sont attachés directement au Deuxième Bureau du Département général des Opérations militaires du Conseil militaire national ; dans les organismes militaires, il y a des émissaires délégués par le Bureau d’Investigation et de Statistiques ; dans la Région frontière, il existe des groupes d’inspection et d’instruction militaires ; dans le corps de sûreté publique, depuis le chef de son département et celui de la troisième section jusqu’aux agents de renseignements des échelons de base, de même que dans l’ensemble de la police et de la gendarmerie du pays, sauf dans quelques provinces, tous les agents secrets sont placés sous son contrôle.

   Toute l’administration fiscale du pays est du domaine de ses équipes chargées de la lutte contre la contrebande et de ses sections de vérification, et tous les services de communications du pays sont soumis à ses sections de contrôle et à ses stations d’inspection.

   Les agents de renseignements qui travaillent en qualité de membres du personnel diplomatique tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, y compris les attachés militaires, sont placés sous son contrôle et envoyés par lui sur ses recommandations. Ses contrôleurs et ses agents spéciaux se trouvent dans tous les secteurs économiques du pays.

   Il assume le travail dans les régions occupées par l’ennemi et ses fantoches.

   Il est aussi responsable des dispositions à prendre dans les actions militaires et le travail de renseignement en vue d’organiser le sabotage dans notre armée et dans nos régions.

   Ces activités sont menées parallèlement à celles du groupe CC.

   Par là, on peut constater que, sous la domination du Guomindang, la Chine s’est transformée en un monde où les agents secrets du Guomindang font la loi ; qui plus est, ils sont de mèche avec les espions japonais et fantoches.

   Ainsi, du point de vue de leur organisation et de leurs activités, ils forment une bande on ne peut plus réactionnaire, barbare, inhumaine et cruelle.

   Mais, après tout, le monde a changé.

   Alors que le fascisme mondial va à sa ruine, le fascisme chinois n’a aucune chance de survivre.

   La Chine remportera la victoire dans sa Guerre de Résistance contre le Japon.

   Le peuple chinois suivra la voie de libération qui lui est propre.

   Bien que le Guomindang de Jiang Jieshi cherche à entraîner la Chine dans la voie fasciste, le peuple chinois se rendra sûrement compte de la nécessité d’accepter la direction du Parti communiste chinois et de suivre ses enseignements et le fera de son plein gré ; il se débarrassera de l’influence du fascisme chinois, se gardera de tomber dans le piège qu’il lui tend et s’acheminera vers un avenir radieux.

   La Chine ne succombera jamais au fascisme !

   La Chine deviendra une démocratie nouvelle !

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