Introduction

La Yougoslavie est-elle un pays socialiste ?

A propos de la lettre ouverte du Comité Central du P.C.U.S.

26 septembre 1963

Introduction

   La Yougoslavie est­-elle un pays socialiste ?

   La question ici n’est pas seulement de savoir comment déterminer la nature de l’Etat yougoslave, mais encore de savoir quelle voie les pays socialistes doivent suivre, la voie de la Révolution d’Octobre, afin de poursuivre la révolution socialiste jusqu’au bout, ou bien celle de la Yougoslavie, menant à la restauration du capitalisme.

   Il s’agit également de savoir si la clique Tito est un parti frère et une force anti­impérialiste ou un groupe de renégats du mouvement communiste international et de laquais de l’impérialisme.

   Sur cette question, des divergences fondamentales existent entre, d’une part, la direction du Parti communiste de l’Union soviétique et, d’autre part, nous et tous les autres marxistes-­léninistes du monde.

   Tous les marxistes-­léninistes estiment que la Yougoslavie n’est pas un pays socialiste.

   Ayant trahi le marxisme-­léninisme, trahi le peuple yougoslave, les milieux dirigeants de la Ligue des Communistes de Yougoslavie sont des renégats du mouvement communiste international et des laquais de l’impérialisme.

   La direction du P.C.U.S. soutient, cependant, que la Yougoslavie est un pays socialiste, que la Ligue des Communistes de Yougoslavie se fonde sur le marxisme-­léninisme, qu’elle compte parmi les partis frères et fait partie des forces anti­impérialistes.

   Dans sa lettre ouverte du 14 juillet dernier, le Comité central du P.C.U.S. proclamé la Yougoslavie « pays socialiste » et la clique Tito « parti frère au pouvoir ».

   Le camarade Khrouchtchev a visité récemment la Yougoslavie, il y a prononcé de nombreux discours, dans lesquels il a révélé plus clairement que jamais, le véritable point de vue de la direction du P.C.U.S., levant une fois pour toutes le voile pudique dont elle s’était servie pour se couvrir dans cette question.

   Aux yeux de Khrouchtchev, la Yougoslavie est non seulement un pays socialiste, mais encore un pays socialiste « avancé », un pays où l’on n’entend pas de « bavardages sur la révolution » mais où l’on constate « l’édification concrète du socialisme », un pays dont le développement apporte « une contribution concrète à l’ensemble du mouvement ouvrier révolutionnaire international » ; Khrouchtchev considère que tout cela mérite d’être admiré et étudié par lui.

   Aux yeux de Khrouchtchev, la direction du P.C.U.S. et la clique Tito sont « non seulement des frères de classe », mais aussi des « frères liés … par les objectifs communs qu’ils ont devant eux », et la direction du P.C.U.S. est « une alliée sûre et fidèle » de la clique Tito.

   Khrouchtchev estime qu’il a trouvé au sein de la clique Tito le vrai « marxisme­-léninisme ».

   Or, dans sa lettre ouverte, le Comité central du P.C.U.S. disait que « des désaccords sur plusieurs questions idéologiques de principe demeurent entre le P.C.U.S. et la Ligue des Communistes de Yougoslavie ».

   C’était une feinte, car maintenant Khrouchtchev déclare aux dirigeants yougoslaves : « Nous avons une seule et même ‘idéologie et sommes guidés par la même théorie », avec la même position « marxiste­-léniniste ».

   Il y a longtemps que Khrouchtchev a jeté par­dessus bord Ja Déclaration de 1960.

   La Déclaration dit :

   « Les Partis communistes ont condamné à l’unanimité la variante yougoslave de l’opportunisme international, qui est une expression concentrée des ‘théories’ des révisionnistes contemporains. »

   Elle poursuit :

   « Ayant trahi le marxisme-­léninisme, proclamé par eux périmé, les dirigeants de la Ligue des Communistes de Yougoslavie ont opposé à la Déclaration de 1957 leur propre programme révisionniste et anti-léniniste. Ils ont opposé la L.C.Y. à tout le mouvement communiste international . . . »

   Elle dit encore :

   « Ils ont « fait dépendre la Yougoslavie « de la soi-disant ‘aide’ des impérialistes, américains et autres, et ont mis ainsi le peuple yougoslave en danger de perdre les conquêtes révolutionnaires qu’il avait acquises au prix d’une lutte héroïque ».

Elle ajoute :

   « Les révisionnistes ­yougoslaves se livrent à des agissements subversifs contre le camp socialiste et le mouvement communiste mondial. » « . . . ils déploient une activité qui porte préjudice à l’unité de toutes les forces et de tous les Etats pacifiques. »

   La Déclaration est on ne peut plus claire, et pourtant la direction du P.C.U.S. ose affirmer : « Conformément à la Déclaration de 1960, nous estimons que la Yougoslavie est un pays socialiste ».

   Quelle impudence !

   Nous voudrions demander :

   Un pays qui, comme le dit la Déclaration, a pour guide les théories du révisionnisme contemporain, variante de l’opportunisme international, peut-­il être un pays socialiste ?

   Un pays qui, comme le dit la Déclaration, a trahi le marxisme-léninisme et s’est opposé à tout le mouvement communiste international, peut-­il être un pays socialiste ?

   Un pays qui, comme le dit la Déclaration, se livre à des agissements subversifs contre le camp socialiste et le mouvement communiste mondial, peut-­il être un pays socialiste ?

   Un pays qui, comme le dit la Déclaration, déploie une activité qui porte préjudice à l’unité de toutes les forces et de tous les Etats pacifiques, peut-il être un pays socialiste ?

   Un pays qui est entretenu au prix de plusieurs milliards de dollars américains par les pays impérialistes, ayant les Etats-­Unis pour chef ,de file, peut-­il être un pays socialiste ?

   Ce serait vraiment là un phénomène étrange, inouï !

   Il semble que le camarade Togliatti soit plus explicite que le camarade Khrouchtchev. Ainsi, Togliatti a dit sans ambages que la position de la Déclaration de 1960 vis­-à­-vis de la clique Tito était « erronée ».

   Puisque Khrouchtchev s’obstine à réhabiliter la clique Tito, il devrait s’exprimer avec plus de franchise, sans avoir nullement besoin de faire mine de défendre la Déclaration.

   La conclusion de la Déclaration sur la Yougoslavie est-­elle erronée ? Doit-­elle être rejetée ? Togliatti a dit qu’elle était erronée et devait être rejetée.

   En réalité, Khrouchtchev, lui aussi, a dit qu’elle était erronée et devait être rejetée. Nous disons, quant à nous, qu’elle n’est pas erronée et qu’elle ne doit en aucun cas être rejetée. Les autres partis frères qui s’en tiennent fermement au marxisme-­léninisme, qui défendent la Déclaration de 1960 affirment tous, eux aussi, qu’elle n’est pas erronée, et qu’il n’y a pas lieu de la rejeter.

   La direction du P.C.U.S. estime qu’agir comme nous le faisons, c’est maintenir une « formule stéréotypée », c’est s’en tenir à la « loi de la jungle du monde capitaliste », c’est « ‘excommunier’ la Yougoslavie du socialisme ».

   Elle soutient, de surcroît, que celui qui dit que la Yougoslavie n’est pas un pays socialiste verse dans le « subjectivisme », « ne tenant point compte des faits ».

   Tandis que lorsqu’elle affirme, les yeux fermés, que la Yougoslavie est un pays socialiste, la direction du P.C.U.S., elle, aurait « procédé à partir des lois objectives, de la théorie du marxisme-­léninisme » et dégagé une conclusion découlant d’ « une analyse approfondie de la réalité ».

   Quelle est donc la situation réelle en Yougoslavie et à quelle conclusion parvient-­on lorsque, partant des lois objectives et de la doctrine du marxisme­-léninisme, on ‘procède à une analyse approfondie de la réalité en Yougoslavie ?

   Examinons maintenant cette question.