Everywhere a battlefield // Combattre sur tous les terrains
Red Guards Austin
août 2017
La discipline martiale et la sphère culturelle
Crise impérialiste, montée du fascisme et épidémie généralisée d’héroïne
Les observations faites, même les plus sommaires, sur les conditions dans lesquelles nous vivons, ont eu de l’écho dans la gauche : des messages sont postés sur Internet à propos des problèmes de la vie quotidienne, et du nombre croissant de milices armées de gauche (ou qui ressemblent à des milices de gauche). Tout en étant radicalement différentes, ces deux inquiétudes partagent un point commun : les deux démontrent une compréhension correcte de la situation, qui devient de plus en plus dangereuse. La plupart des penseurs libéraux et révisionnistes vont faire leurs pirouettes académiques et théoriques pour s’accrocher à la fantaisie selon laquelle la vie continue selon son cours habituel. En attendant, ceux d’entre nous qui n’ont jamais eu l’argent ou le privilège d’entretenir ces illusions doivent commencer à regarder de plus près les conditions dans lesquelles se trouvent l’impérialisme américain, conditions qui ont créé les différents champs de bataille dans lesquels nous nous trouvons au quotidien.
L’impérialisme américain s’essouffle toujours plus, faisant face aux crises successives et recherchant désespérément dans le monde des victimes et des ressources. Son règne en tant que puissance la plus agressive depuis la fin de la Première Guerre Mondiale est matériellement menacé par les puissances impérialistes rivales et ascendantes de la Chine et de la Russie, qui empêchent l’armée américaine réactionnaire de mener ses guerres par procuration. C’est le même type de crise de l’impérialisme que Lénine a mis en lumière : il est inhérent au capitalisme que des États capitalistes rivaux et des alliances entre États entrent en compétition (souvent violente) pour les ressources, le travail et les marchés. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les effets spécifiques de cette crise sur la population d’un pays impérialiste en déclin.
Tout comme les habitants des autres pays impérialistes en déclin, les américains sont victimes de nombreux problèmes. Pour la majorité des jeunes de la classe ouvrière, il y a peu d’avantages à être dans le cœur de la machine impérialiste : les jeunes américains de la classe ouvrière utilisent ou vendent de la drogue, ou enchaînent les petits boulots pour des bas salaires. Parfois, ils font tout cela en même temps. Les jeunes en particulier, et la classe ouvrière en général, vivent dans cette situation de désespoir tous les jours : c’est devenu tellement banal que les choses semblent toujours avoir été ainsi.
La dépendance à l’héroïne s’est maintenant propagée, allant des communautés ouvrières vers les banlieues blanches, riches, et bourgeoises. Mais cette augmentation de l’usage de drogues par la classe moyenne blanche ne permet pas d’endiguer l’afflux de drogues dans les communautés de nations opprimées et d’ouvriers. Au contraire, cet afflux augmente. Cette propagation à travers les classes n’est qu’une preuve supplémentaire des conséquences de l’impérialisme américain sur ses propres bastions (la consommation d’héroïne a quintuplé au cours de la dernière décennie, devenant suffisamment banale pour toucher plus de 3,8 millions d’Américains).
Les drogues en général, mais surtout les drogues dures comme l’héroïne, ont longtemps été utilisées comme une arme imparable contre les populations rebelles, et elles ont trouvé leur place dans la superstructure capitaliste de la culture américaine. Tout au long de l’histoire, nous avons vu les pouvoirs en place nous donner une anesthésie narcotique tandis que du plus profond de nous-même nous exultions pour les fusils et la libération. Le paysage dystopique des prisons américaines est plein des seringues usagées de ce choix désespéré. * * *
D’autres pays ont affronté les mêmes problèmes dans le passé, par exemple lorsque l’Angleterre a fait subir les Guerres de l’Opium au peuple chinois. La Chine était à cette époque une nation sous-développée et opprimée, avec un empire en déclin. La dépendance généralisée à l’opium avait été imposée au peuple chinois par l’Angleterre, au point qu’une majorité de la population chinoise ne pouvait s’en passer. Le commerce de l’opium et l’application d’une addiction généralisée – un outil très puissant pour développer les profits et la domination – ont été repris par les seigneurs de la guerre chinois qui ont ensuite forcé la paysannerie à abandonner la culture de l’opium. Celle-ci a été lourdement taxé pour financer l’équipement des troupes militaires jusque là dispersées des seigneurs de guerre. Ces conditions ont inspiré des tentatives de «soulagement de la famine», principalement de la part des groupes religieux aux États-Unis (ce serait aujourd’hui plutôt le travail des ONG). Même si cette charité était bien intentionnée, elle a placé des fonds financiers directement entre les mains des seigneurs de la guerre, perpétuant leur domination.
En 1936, Edgar Snow, tout en observant les champs de pavot à l’extérieur de Xi’an, a écrit :
« Le Shaanxi a longtemps été une province réputée pour l’opium. Au cours de la grande famine du nord-ouest qui, il y a quelques années, a coûté la vie à 3 millions de personnes, les enquêteurs de la Croix-Rouge américaine ont attribué une grande partie de la tragédie à la culture du pavot imposée aux paysans par des seigneurs de la guerre en quête d’argent. Les meilleures terres étant consacrées au pavot, dans les années de la sécheresse, il y eût une grave pénurie de millet, de blé et de maïs, les céréales principales du nord-ouest. »
De nombreux paysans dans cette situation, dépouillés de leurs terres, ont été contraints à commettre des actes de banditisme ou ont été mis, sous la pression de soldats, au service de propriétaires fonciers corrompus et loin de leurs terres ; ces propriétaires s’étaient alors transformés en chefs de guerre. L’opium a aidé à garder tranquilles les soldats et même les généraux, face au colonialisme qui balayait alors la Chine. Ces conditions désespérées et humiliantes infligées au peuple ont donné naissance à un désir de pratiques d’arts martiaux, d’une culture physique, et d’une Chine qui n’était pas faible face à de tels tyrans.
Le désir d’une force martiale a été à maintes reprises exploité et gaspillé par les nationalistes réactionnaires de la Chine : aux États-Unis, un processus similaire se met en place. La jeunesse des États-Unis est confrontée à un désespoir qui est donc bien connu, et eux aussi crient leur besoin de force, de force pour affronter cette réalité matérielle, qui est horrifiante. Beaucoup de jeunes des nations opprimées se retrouvent dans l’armée impérialiste, perdus dans le service militaire, alors que les seules autres options possibles pour eux sont les emplois peu rémunérés, le chômage, et la drogue.
Ces mêmes conditions favorables aux épidémies de drogues sont aussi un terreau fertile pour le fascisme. Le déclin impérialiste a historiquement été le terreau des poussées les plus virulentes du fascisme, et le mouvement fasciste américain a connu une croissance spectaculaire, en conséquence de ce déclin constant des États-Unis. La présidence de Trump n’en est que la suite logique. Un peuple affamé et désindustrialisé, sans aucun parti communiste pour le diriger, a désespérément besoin d’une rupture avec le néolibéralisme représenté par les Clinton et les Obama du monde entier. Des portions entières de la société américaine, en particulier celles qui sont imprégnées des traditions de la colonie de peuplement et de la politique du bouc émissaire, ont ressenti ce besoin, et elles ont tendu la main à cette rupture sous la forme d’un sauveur orange d’une bêtise crasse – Donald Trump.
Parmi ceux qui pensaient que Trump représentait une rupture viable avec le néolibéralisme, tous ne sont pas fascistes. Même, certains de ceux qui ont voté pour lui ont accepté le fait qu’il n’est en fait qu’une continuation des intérêts capitalistes monopolistiques américains. Néanmoins, il est crucial de voir et de comprendre que les fascistes ont utilisé ces contradictions, tandis qu’une grande partie de la gauche se gratte la tête et cherche des solutions depuis sa tour d’ivoire, en se moquant éperdument des masses, ces même masses dont ils prétendent prendre soin.
La nécessité d’une rupture décisive avec les erreurs révisionnistes
Le capitalisme et ses classes dirigeantes sont experts dans la suppression de la révolution. En temps de crise grave, ils répondent avec le fascisme ; mais à d’autres moments, le capitalisme répond à la menace du désir populaire pour le socialisme par le révisionnisme. Ce sont deux fruits pourris de la même branche du capitalisme. Dans les pays socialistes, le révisionnisme est un moyen pour le capitalisme de se rétablir ; mais nous devons également voir que dans les pays qui ne sont pas encore socialistes, c’est un moyen pour le capitalisme de faire dévier et d’empêcher les révolutions socialistes, quel que soit leur stade de développement.
Les révisionnistes modernes ont tendance à évoquer le fantôme de « l’ultra-gauchisme » comme la menace numéro un à la réussite du mouvement communiste. En réalité, la principale menace à la réussite de la gauche, c’est l’opportunisme de droite par défaut, qui est la politique de référence des révisionnistes : ils substituent le libéralisme au marxisme et gaspillent continuellement les opportunités de construire la révolution. En bref (même s’ils disent le contraire), ils se concentrent exclusivement sur le légalisme.
Cette lâcheté égoïste et cet élitisme qui s’auto-proclament de gauche ne sont pas nouveaux. La faction de Lénine du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie, les bolcheviks (futur Parti Communiste), est née dans la lutte contre une faction rivale dirigée par les sociaux-démocrates (révisionnistes).
Dans une interview en 1925, Staline explique certaines conditions auxquelles doit se soumettre un parti pour réaliser la bolchévisation :
« Le Parti ne doit pas se considérer comme un appendice de la machinerie électorale et parlementaire, comme le fait le Parti social-démocrate, et non comme un complément gratuit aux syndicats, comme certains éléments anarcho-syndicalistes le prétendent parfois, mais comme la plus haute forme d’organisation de classe du prolétariat, dont la fonction est de diriger toutes les autres formes d’organisations prolétariennes, des syndicats jusqu’au groupe du Parti au parlement. »
« Tout le travail du Parti, en particulier si les traditions social-démocrates n’y ont pas encore été éradiquées, doit être réorganisé selon de nouvelles lignes révolutionnaires, de sorte que chaque pas, chaque action du Parti serve naturellement à révolutionner les masses, pour former et éduquer les larges masses de la classe ouvrière dans l’esprit révolutionnaire. »
Lénine et Staline ont tous deux représenté une rupture décisive avec la social-démocratie. La bolchevisation était absolument nécessaire pour le parti du prolétariat, pour combattre le caractère inefficace et non-révolutionnaire de la social-démocratie.
La lutte de ligne a lieu dans tous les efforts révolutionnaires. Et de même que la lutte contre la social-démocratie révélait aux bolcheviks les méthodes et les styles de travail nécessaires pour aller vers la victoire, nos efforts pour abandonner et rompre définitivement avec les méthodes inutiles de ces mencheviks modernes doivent aussi nous conduire à de nouvelles méthodes.
Le libéralisme grotesque des révisionnistes
Comme les consommateurs d’héroïne sont devenus en majorité des jeunes blancs de la classe moyenne et supérieure, nous avons vu des politiciens se tortiller à la recherche de méthodes « humaines » pour traiter les consommateurs non-ouvriers. Pour nos communautés, qui ont toujours souffert de ce poison, c’est une embuscade, puisque la seule chose que l’on ait jamais offert à notre peuple était l’incarcération et l’overdose. Et honnêtement, cela n’a pas changé – il y a encore une solution qui est offerte à eux et une autre pour nous. À mesure que ce processus se faisait, cette thèse libérale s’est infiltrée dans la gauche, prenant la forme d’analyses qui encadrent tout autour des choix individuels. Motivés par le désir de protéger le statu quo où ils peuvent continuer confortablement leur consommation de drogue occasionnelle, et bien soutenus par leurs réseaux sociaux et libérés des conséquences les plus sévères subies par les consommateurs ouvriers et des nations opprimées, d’innombrables petits-bourgeois « de gauche » ont absolument recherché et propagé la rationalisation de l’usage de la drogue, au lieu de l’analyser en termes de classe, en niant l’effet dévastateur qu’elle a sur les individus de la classe ouvrière et des communautés opprimées.
Quels sont les passe-temps des mencheviks ? La jeunesse petite-bourgeoise qui constitue la majorité du mouvement révisionniste passe son temps dans d’élégants cafés, des restaurants vegans et d’autres lieux culturels où les jeunes travailleurs ne sont pas les bienvenus et ne peuvent pas se le permettre. Au lieu de cela, les jeunes de la classe ouvrière vieillissent sur les terrains de basket et dans les combats de rue, qui sont des questions de vie ou de mort.
Culturellement, la classe ouvrière soutient les symboles de prouesses physiques : les survêtements sont quasiment omniprésents dans les placards de celle-ci. Nous pourrions même ne pas avoir nos habits du dimanche, mais vous pouvez parier que nous avons des survêtements, des baskets, des shorts, et des sweats à capuche. Même le T-shirt était un élément de base de la classe ouvrière adopté par les militaires avant d’être réapproprié par d’autres classes. La classe moyenne urbaine élitiste tourne le dos à chaque partie de la culture prolétarienne (jusqu’à ce qu’elle décide bien sûr de se l’approprier et d’en exclure la classe ouvrière). Cela produit une haine de classe compréhensible à leur égard, et les Américains de la classe ouvrière rurale n’ont pas tort quand ils identifient les parties les plus riches des populations urbaines non seulement comme des étrangers mais comme des ennemis.
La gauche révisionniste légaliste répète comme un perroquet ces notions anti-masses. Ils font des blagues anti-ouvrières, méprisant les populations des petites villes et des quartiers populaires, voyant ces masses comme grossières ou irrémédiablement arriérées. Ils sont fiers d’un certain accoutrement, qui augmente la distance visuelle entre eux et la classe ouvrière. Les complaintes infatigables contre les masses des petites villes pour Trump ; les fans clubs de catch, de football américain, du NASCAR, les marchés aux puces, les séances de cinéma dans les voitures en plein air, tout cela est montré en montrant leur ignorance ; et une aversion pour les arts martiaux et les armes à feu – tout cela est enraciné dans le sentiment anti-masses. Le fait que la gauche ait non seulement échoué à combler cette lacune, mais aussi souvent dédaigné l’idée de faire quelque tentative que ce soit, a été extrêmement utile aux responsables politiques de droite, qu’ils soient fascistes ou fondamentalistes religieux.
La vérité est qu’une grande partie de la croissance du mouvement fasciste aux États-Unis est due au fait qu’ils ont saisi une vérité que très peu de gens dans la gauche ont compris : la culture est un champ de bataille. En Allemagne, les nazis ont compris cela ; le célèbre dramaturge nazi Hanns Jost a déclaré : «Quand j’entends le mot « culture », je sors mon revolver » (littéralement « Quand j’entends le mot « culture », je retire la sécurité de mon Browning »). Dans notre propre contexte, la compréhension correcte par les fascistes du fait que la culture est un domaine de lutte – de guerre – a permis au fascisme de se propager. La droite a, à la fois, ses brigades numériques et ses brigades de rue – elle a de la musique, des films et des arts visuels. Mais plus important encore, nous la voyons dominer dans les domaines des disciplines guerrières : les spectacles d’armes à feu, la chasse, les combats de contact, le sport, et ainsi de suite.
Nous devons comprendre que le fascisme a eu l’opportunité de séduire certaines portions de notre classe, parce que la tâche de les approcher était jugée irréalisable et donc négligée, à cause du dédain révisionniste de l’activité physique et de l’insistance sur de vaines recherches académiques (les marxistes orthodoxes n’ayant aucune pratique n’étant que l’exemple le plus flagrant). Les fascistes détestent perdre un combat, et plusieurs fois, quand les chiffres sont équivalents, ils seront meilleurs que les combattants de la gauche. Alors que certaines personnes de gauche autoproclamées pratiquent leur Tai Chi, le fasciste poursuit et recrute parmi et avec les sports de contact violents et les arts martiaux. Les révisionnistes ont abandonné cette tranchée et donné libre cours aux fascistes. La réalité est que les clubs de sport et les arts martiaux sont explicitement ou implicitement montrés par les libéraux comme irrémédiablement chauvins. Et alors qu’il y a du machisme dans ces lieux (surprise ! comme dans le reste de la société), cette analyse affaiblit la gauche à la fois physiquement et stratégiquement.
Les communistes ne devraient pas chercher à se démarquer des masses ! Nous devrions manger là où elles mangent, vivre là où elles vivent et porter ce qu’elles portent. C’est l’individualisme petit-bourgeois qui cherche la séparation. C’est sous cette forme qu’avancent les idées erronées. Il n’est pas étonnant que la classe ouvrière ait si souvent ignoré la gauche.
La classe ouvrière et la violence
« Je ne sais pas à quel point vous êtes radical, ou à quel point je le suis-moi même. Je ne le suis certainement pas assez. Personne n’est jamais assez radical ; le fait est que chacun doit toujours essayer d’être aussi radical que la réalité elle-même. » – Lénine
Quiconque connaît même une petite partie de l’histoire de la gauche aux États-Unis peut facilement se rappeler des moments où la politique révolutionnaire a réussi à devenir véritablement attrayante pour de larges parties des masses ouvrières.
Des Black Panthers aux Brown Berets, quand la jeunesse urbaine forcée au désespoir les voyait, la première chose qui attirait leur attention était leur apparence militante. L’image des femmes et des hommes dans des vestes de cuir avec des fusils et des vêtements militaires faisait l’irrésistible promesse de la possibilité de se libérer du désespoir et de l’impuissance de la vie sous le capitalisme et la suprématie blanche. Loin de l’intellectuel d’Internet qui ne connaît que ses livres, ces révolutionnaires ont agi, et ont fait leur travail. Même s’ils avaient de réels défauts, les révolutionnaires de cette période ont marqué au fer rouge la conscience de la classe ouvrière.
Alors que toute culture sous le capitalisme (à la seule exception de la culture révolutionnaire de la rébellion) est par essence une propagande bourgeoise, il faut comprendre que la propagande est conçue dans un but précis : avoir un écho auprès d’une population spécifique pour obtenir un effet spécifique. Par exemple, beaucoup de lecteurs qui ne sont pas des prolétaires peuvent ne pas comprendre les raisons pour lesquelles la NASCAR est très populaire : ce sport exige de l’audace et de l’endurance, et la puissance brute et la mécanique complexe sont mis en avant. Ce sport trouve un écho chez le prolétariat en raison de son rapport à la production ; parce que la classe ouvrière ose souvent défier la mort, sur des échafaudages ou dans des mines ; parce qu’elle doit constamment supporter les défis physiques du travail ; parce qu’il nécessite un niveau de connaissances mécaniques ; et surtout parce qu’elle est désespérée de la puissance qui lui est volée.
Le plus attrayant pour la classe ouvrière est la violence physique. Dans les quartiers populaires, les conflits les plus graves sont résolus par des moyens violents, et les travailleurs trouvent étrange la fausse compassion mis en avant par la société libérale, une compassion qui insiste sur l’utilisation de pouvoirs de l’État capitaliste, qui va en fait utiliser ses pouvoirs pour installer une violence qui va être en réalité plus forte que la précédente. Un litige entre les travailleurs pourrait être réglé entre eux, éventuellement de manière violente – quelqu’un pourrait être blessé ou même devoir être soigné – mais ce n’est rien par rapport à une possible intervention de la police, avec sa brutalité effrénée et sadique, à la violence d’une incarcération prolongée, ou même à la mort. Inutile de dire que le prolétariat et la petite bourgeoisie ont des expériences et des conceptions différentes du rôle de la violence dans la vie, dans le monde et dans l’histoire. Toute personne de la classe ouvrière a connu la violence à un moment de sa vie, que ce soit dans la rue, à l’école, au travail ou face à la police. D’autre part, la petite bourgeoisie peut souvent mener une vie entière jusqu’à l’âge adulte ou jusqu’à la vieillesse sans jamais être confrontée directement à la violence. Pour eux, la violence est une aberration, un accident qui est arrivé à la mauvaise personne. Pour nous, travailleurs, la violence est une réalité de la vie à laquelle nous nous adaptons ou par laquelle nous sommes brisés.
La classe ouvrière est une classe qui, par sa nature même, recherche la discipline et possède un potentiel créatif infini pour la violence révolutionnaire. Le prolétariat est sans aucun doute la classe avec le plus grand fardeau, car c’est celle qui est chargée de mettre fin à toutes les classes. Le prolétariat existe pour se débarrasser de lui-même, et il est donc condamné à gagner.
Les jeunes de la classe ouvrière ont toujours été attirés par de véritables actes de rébellion. Alors que les activistes se tordent les mains et disent, « Vous allez trop loin ! » et « Qu’en est-il de nos votes ? » les jeunes de notre classe brûlent des voitures de police et verrouillent l’accès à leur ville. Sans ces jeunes, l’activisme devient juste une énième activité prudente et avisée, avec un personnel payé faisant de son mieux pour prouver à ses patrons de la classe dirigeante qu’il peut gérer efficacement les masses. Tout futur parti et tout effort de construction de partis doivent tenir compte du fait que pour diriger cette classe, nous devons prendre leurs idées, des idées qui incluent des émeutes urbaines et une confrontation physique directe. Nous ne cherchons pas à devenir le parti de la petite bourgeoisie ! Nous devons nous démarquer nettement des hordes de révisionnistes, dans un contraste dans lequel nous sommes une organisation combattante de communistes révolutionnaires. Et tandis que les luttes urbaines et les émeutes ne sont pas à elles seules des révolutions, elles constituent une puissante propagande.
Les masses elles-mêmes, qui n’appartiennent à aucun parti communiste ou à une formation pré-partisane ont montré la voie, sans y être incitées, tandis que les révisionnistes retiennent leur désapprobation, obnubilés par les illusions idéalistes vers lesquelles ils se tournent pour esquiver leur peur profonde de la violence, du sacrifice et de la lutte. Ils comptent s’appuyer sur la police réactionnaire et l’armée pour toute défense, ce qui, plus que tout, montre la classe dans laquelle ils se trouvent véritablement. Les milices de femmes noires qui ont commencé à apparaître à Dallas et dans d’autres villes par exemple, continuent de prouver que les masses saisissent déjà la solution, et dans ce cas, elles ouvrent la voie.
Une philosophie martiale pour le peuple
« L’éducation physique ne renforce pas seulement le corps, mais améliore aussi notre connaissance. Voici un bon mot : cultive l’esprit et fortifie le corps. Cela relève du bon sens. Lorsqu’on veut cultiver l’esprit, il faut d’abord renforcer le corps. Si le corps est cultivé, l’esprit l’est aussi. » – Mao
Le tout premier article publié par Mao Tsé-Toung concernait l’éducation physique. Il expliquait comment une Chine forte aurait besoin d’un peuple tempéré pour faire face aux troubles à venir.
« L’ exercice devrait être une épreuve. Être capable de sauter à cheval et de tirer en même temps ; aller de la bataille au combat ; secouer les montagnes par les cris, et les couleurs du ciel par les rugissements de la colère ; avoir la force de déraciner des montagnes comme Xiang Yu et l’audace de dépasser les limites comme Yu Chi – tout cela est dur et n’a rien à voir avec la délicatesse. Pour progresser dans l’exercice, il faut ne se donner aucun répit. Si l’on ne se donne aucun répit, on aura une grande vigueur, des muscles et des os renforcés. La méthode d’exercice devrait être sans répit ; alors on peut s’appliquer sérieusement et il sera facile de s’exercer. Ces deux choses sont particulièrement importantes pour les débutants. »
Nous sommes d’accord avec Mao et nous ajoutons que cela s’applique autant au peuple chinois qu’à nous. Mao a compris cela avant même d’être devenu communiste, dès 1917. Ce qui nous attend pour la gauche américaine, du moins à court terme, est une série de combats pour lesquels nous sommes mal préparés ; nous, comme notre classe, avons été dépouillés par la drogue et l’idéologie libérale, nous privant de certaines de nos plus précieuses ressources. Face à ces circonstances, nous soutenons qu’il est grand temps d’adopter la discipline martiale et l’éducation physique en tant que communistes. C’est cette attitude envers la discipline et la force physique qui a permis aux communistes chinois d’éradiquer la toxicomanie en Chine et d’édifier le pays socialiste le plus fort qui ait existé, avant que le capitalisme ne soit restauré et la toxicomanie rétablie dans les années de Deng Xiaoping.
Pour enseigner aux masses, nous devons apprendre des masses et apprendre à vivre comme elles vivent et à parler comme elles parlent. Le libéralisme se manifeste dans toutes les organisations révisionnistes, et l’une des conséquences les plus graves de cette infection de la lâcheté libérale est qu’elle conduit la gauche à rejeter l’entraînement physique et l’autodéfense armée et à condamner la culture prolétarienne pour se donner l’air raffiné, digne et acceptable aux yeux de la culture des classes moyennes et de la bourgeoisie. Le communisme révolutionnaire, qui ne fait que réapparaître, doit dépasser ces idées fausses pour constituer une réelle menace pour le système. La première tâche du communisme révolutionnaire doit être d’attaquer et repousser le révisionnisme. Les deux ne peuvent coexister pacifiquement.
En confrontant le révisionnisme d’aujourd’hui, qui est une comme une épidémie dans la gauche américaine, notre réponse, comme celle du Parti communiste du Pérou, doit être d’appliquer concrètement les principes maoïstes à nos conditions concrètes. Pour nous, cela veut dire la militarisation.
Tout comme les bolcheviks avant nous se sont fortifiés, devenant des révolutionnaires professionnels, nous devons nous doter d’une discipline militaire. Nous devons être à la fois politicien et soldat. C’est l’exigence de notre temps, et nous devons cesser d’éviter la question. Nous sommes physiquement faibles face à la menace fasciste, et le révisionnisme a été la source de cette faiblesse. Bien que cette difficulté particulière se soit améliorée dans quelques villes où les maoïstes sont les mieux organisés de la gauche, le légalisme reste l’un des principaux obstacles aux efforts de construction du Parti aux États-Unis, laissant aux masses peu d’organisations combatives qui ont leurs intérêts à cœur.
La victoire de la propagande parmi la classe ouvrière qui bat les fascistes dans les rues ne peut être sous-estimée. Chaque image d’un fasciste ensanglanté et chaque trophée arraché à l’ennemi inspire plus de gens à franchir la ligne de la simple opposition idéologique à la confrontation physique. Alors que notre stratégie nous demande toujours de compter sur un plus grand nombre, nous devons également développer de meilleurs combattants.
Les leçons du KPD
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne faisait face à une profonde crise impérialiste, avec une économie défaillante, un chômage de masse et un désespoir généralisé. Dans ces conditions, le fascisme et le communisme s’affrontaient dans des batailles de rue sanglantes. Bien que le fascisme devint finalement dominant, lorsqu’il fut à son tour écrasé, il fut écrasé par des militaires rouges entraînés. Le Parti Communiste Allemand (KPD) a dirigé de nombreuses organisations de masse et des initiatives contre le fascisme, les plus notables étant le Front Rouge et l’Action Antifasciste. Les membres de ces organisations ont été formés au combat de rue et à l’utilisation d’armes à feu (qu’ils ont utilisé à plusieurs reprises, par exemple pour tuer des fascistes connus comme Horst Wessel, auteur de l’hymne national nazi). Et il ne faut pas ignorer ce que la première Action Antifasciste avait en tête : entraînement militaire et mode de pensée martial, ce dont les Action Antifascistes contemporaines, la plupart du temps anarchistes, manquent cruellement.
Le KPD a considéré cet accomplissement comme une réussite, pour avoir surmonté son propre légalisme et tracé des lignes de démarcations brutales entre lui-même et les sociaux-démocrates. Des grèves coordonnées et des manifestations de rue illégales au mépris des interdictions de la police n’étaient pas rares. Ils ne se confrontaient pas seulement aux fascistes, mais aussi à l’État lui-même. Le niveau de violence de ces manifestations, combiné au nombre de personnes impliquées, a révélé que les masses elles-mêmes avaient pris les choses en main, menées par le Parti Communiste. Nous devons apprendre de leur expérience et voir chacune d’entre-elles comme un terrain d’entraînement pour ce qui est à venir.
Le KPD, dans sa guerre de rue contre les fascistes, n’a laissé aucune tranchée vide ; certains de leurs combattants les plus courageux venaient des clubs de sport locaux des tréfonds industriels de Berlin. Ce sont les quartiers populaires, brisés par la guerre et la crise, où le prolétariat avait peu ou pas de débouchés sociaux, des quartiers comme Neukölln et Wedding. Le KPD mettait en place des clubs de sport et transformait des terrains vagues en stades, dans le but de servir le peuple.
Même les portions de la jeunesse ouvrière qui étaient prédisposées au crime ont été influencées par le parti avec le développement de clubs de randonnée, qui souvent (même sans le consentement du Parti) expropriaient les engins de camping des clubs plus riches. Ces clubs de jeunesse rouges ont non seulement fait la guerre contre la jeunesse bourgeoise, mais ils se sont aussi mobilisés par centaines lorsqu’il s’agissait de combattre le fascisme dans les rues. Des slogans comme : « Travailleurs, [untel] est un fasciste et un danger pour vous ! Frappez-le si vous le voyez ! » ont été affichés dans les rues où les fascistes vivaient, buvaient et travaillaient. La classe ouvrière allemande, dont une grande partie était sans emploi, a été recrutée dans des organisations de combat, et chaque endroit est devenu un champ de bataille, des bars aux sentiers de randonnée en passant par les jeux sportifs. Partout où un fasciste tentait d’agir dans les quartiers populaires, le KPD ou l’une de ses nombreuses organisations d’autodéfense était sûre de répondre. Même le social-fasciste Parti Social-Démocrate d’Allemagne (SPD) s’est démené pour former ses propres unités de combat de rue (anti-communistes) en réponse à la popularité des organisations de masse du KPD.
Le Front rouge était structuré selon des lignes militaires et était une organisation interdite, offrant une autodéfense au prolétariat, y compris aux chômeurs. Le Front rouge, contrairement au Parti Nazi, n’a pas bénéficié d’un soutien financier important de la petite bourgeoisie. Un manuel du Komintern de 1931 distribué aux révolutionnaires allemands souligne succinctement ce point en mentionnant que « les couteaux, les poings américains, les chiffons imbibés de pétrole, les haches, les briques, de l’eau bouillante à balancer sur les bêtes de la police lorsqu’ils viennent patrouiller dans les quartiers ouvriers, de simples grenades faites de dynamite, pour ne parler que des possibilités les plus simples et les plus diverses pour armer le prolétariat. »
Utilisant des méthodes similaires à celles de la guerre populaire au Pérou, le KPD chercha à utiliser des organisations de masse pour former des combattants armés et disciplinés, mais contrairement aux révolutionnaires péruviens, le KPD manquait d’armée populaire et de stratégie de guerre populaire qui ne faisait alors qu’émerger en Chine.
Reconquérir la violence
Le processus de récupération de la violence est essentiel à entreprendre, et nous devons le commencer maintenant. Pour accomplir ce travail efficacement, nous devons briser le snobisme libéral et aller là où les libéraux craignent d’aller.
Beaucoup dans le mouvement maoïste américain sont familiers et à l’aise avec les environnements prolétariens. Ce sont les mêmes endroits compliqués où la plupart d’entre nous sont nés et ce sont les mêmes conditions dans lesquelles nous avons grandi. Pourtant, quelque part dans le processus de politisation, certains de ces mêmes camarades ont fait défection culturelle, assumant l’identité d’étudiant en pleine ascension sociale ou d’activiste bien élevé – preuve du révisionnisme dans le mouvement révolutionnaire. D’autres, qui peuvent appartenir à d’autres classes, n’ont pas encore été prolétarisés et n’ont pas encore adopté une position de classe prolétarienne, surtout dans le domaine de la culture. Beaucoup ont juste peur d’aborder ces sujets, et certains ont de bonnes raisons d’hésiter à entrer dans certains de ces espaces. Néanmoins, ces tranchées de combat sont importantes et ne doivent plus être négligées. Cette négligence se fait au détriment de notre classe et de notre cause. Dans le pire des cas, le révisionnisme a transformé les anciens camarades en frondeurs face au libéralisme, où les révisionnistes sont à leur tour des défenseurs du libéralisme, là où les libéraux sont devenus des défenseurs du fascisme. Reconquérir la violence signifie que la violence révolutionnaire peut être utilisée par tous les types de camarades à tous les niveaux et toutes les capacités. Cela signifie une formation physique flexible appliquée aux conditions spécifiques de groupes spécifiques. Tout le monde, indépendamment de sa capacité, peut s’améliorer. Ce n’est pas pour faire disparaître tout d’un coup la division du travail violent ; la science de la violence révolutionnaire est universelle et doit en même temps être appliquée avec le plus grand soin. Dans ce processus d’essais et d’erreurs, nous améliorons et élargissons nos compétences.
Les arts martiaux, les armes à feu et les sports doivent être considérés comme des champs de bataille culturels ainsi que des outils inestimables dans notre boîte à outils révolutionnaire. C’est la nature réactionnaire du système d’exclure ceux qui ont le plus besoin d’une ressource, de cette même ressource, même lorsque ceux qui en ont besoin le recherchent spécifiquement. Cela est très apparent avec la division genrée qui s’infiltre dans le sport et le combat. Alors que certaines des armées impérialistes les plus réactionnaires ont réussi à intégrer les femmes comme soldats, elles s’assurent toujours que la culture martiale soit codée comme masculine. Mais rien dans le concept de champ de bataille n’implique que nous le prenions tel quel et que nous le laissions tel quel. Au contraire, tout soldat entrant sur un champ de bataille a l’intention et est fait en sorte d’altérer ce qu’il y trouve, et la culture doit être abordée de la même manière. La formation aux arts martiaux doit être comprise de la manière dont nous abordons toute forme d’éducation – en tant que communistes révolutionnaires. Alors que les réactionnaires et de nombreux fascistes ne prendront pas cette mesure d’orientation et de recrutement de femmes et d’autres personnes opprimées comme des soldats, les communistes ont cette tradition. En cela, non seulement nous faisons progresser la lutte des femmes prolétariennes, mais nous faisons aussi progresser la lutte prolétarienne en général en doublant au moins notre nombre.
Poursuivre pleinement cette rupture avec les erreurs dominantes nécessite de travailler dans de nouvelles tranchées, qui sont nombreuses, mais cela signifie également appliquer toutes les expériences pertinentes à nos travaux en cours.
Les clubs de sport du KPD existaient à une époque sans ONG ni centres communautaires gérés dans l’intérêt de la classe dirigeante de la ville. Mais la bourgeoisie a depuis appris à faire certaines concessions pour essayer de garder leur contrôle sur la classe ouvrière. Si cela signifie construire un centre aéré ou un parc dans le quartier, c’est ce qu’ils feront. Nous devons comprendre que la bourgeoisie crée des programmes de charité et des programmes sociaux à des fins contre-révolutionnaires. Bien sûr, la classe ouvrière a raison de s’acharner à défendre le maintien de ces espaces et empêcher que ces concessions soient retirées – et tout simplement, la vie serait plus difficile sans ces cadeaux durement gagnés.
Des programmes de service qui fonctionnent selon des lignes révolutionnaires existent pour fournir à la classe ouvrière ce que ce système leur a refusé, mais bien sûr cela inclut de façon cruciale la politique révolutionnaire et l’orientation dans la violence révolutionnaire. Des organisations telles que Serve the People, qui s’étend à Austin, Los Angeles, Kansas City, Charlotte, Tampa et Pittsburgh, fournissent non seulement des biens et des services, mais aussi une exposition et une introduction aux méthodes et objectifs communistes. Avec tous ces programmes, comme ceux des Black Panthers qui les ont inspirés, ce qui les rend dangereux pour la bourgeoisie, c’est leur politique, infiniment plus dangereuse que le petit-déjeuner gratuit ou les couches offertes avec une politique de charité.
Néanmoins, ces programmes peuvent subir une certaine forme d’ONGisation s’ils ne deviennent que des organisations caritatives. Et de plus, nous ne devons pas simplement considérer ces organisations comme une charité avec une politique révolutionnaire greffée dessus. La politique révolutionnaire doit faire partie intégrante de tout ce que nous faisons, y compris toute décision que nous prenons pour fournir des produits.
Nous devons également voir que l’erreur de l’ONGisation n’est pas déconnectée de celle qui prévaut dans la gauche, que ce soit dans la forme ou dans le fond. Là où les petits-bourgeois « de gauche » veulent simplement être indulgents avec les toxicomanes et les laisser dans leur état, les communistes doivent toujours chercher à fournir une transformation révolutionnaire. La classe ouvrière a une certaine haine justifiée envers la charité libérale, avec son paternalisme et sa fausse sensibilité et sa fausse compassion. Ils peuvent voir clairement que l’esprit du militant libéral est égocentrique et concentré sur les bons sentiments qu’il peut générer en « aidant les autres », tout en perpétuant les conditions de l’oppression et de l’exploitation, un peu comme le « soulagement de la famine » chrétien dans la Chine pré-révolutionnaire.
L’établissement du double pouvoir est un long processus, mais il inclut nécessairement à la fois les activités légales et illégales ainsi que l’autodéfense de la communauté. A Los Angeles, les programmes existants démasquent et forcent les hipsters à sortir des quartiers des nations opprimées sous les coups des menaces. À Austin, l’organisation a offert des médicaments pour les manifestations les plus violentes, a lutté contre les problèmes de logement, a offert aux masses, au sein de leur communauté, des tactiques d’auto-défense et de défense face aux arrestations. Ils ont toujours refusé de demander l’autorisation à la classe dirigeante pour toute action, et ils n’ont jamais arrêté ce qu’ils faisaient lorsque qu’ils étaient menacés par les bureaucrates de la ville. Chercher une telle autorisation ne ferait que payer l’ennemi pour qu’il fasse exactement ce que nous n’acceptons pas de faire, c’est-à-dire nous surveiller, nous et les gens.
Tous les programmes de service aux personnes, qu’ils soient à une échelle locale ou nationale, doivent prêter une attention particulière aux besoins culturels et aux désirs de la population. Ignorer cela, c’est ignorer un champ majeur des idées et abandonner la méthode de la ligne de masse pour diriger le peuple. Dans le cadre de ce travail de masse, nous devons lutter pour former des clubs rouges de sport de combat et récupérer de vieux terrains de sport, répondant aux besoins des gens partout où ils se trouvent. Et nous devons aller et fusionner avec les masses dans tous ces lieux où les masses passent du temps.
Lorsque nous aurons entrepris ces tâches avec sincérité et dévouement, nous aurons réellement commencé à construire le mouvement auquel les jeunes de la classe ouvrière se rallieront.
Qui endure, remporte la victoire
Reprendre la culture physique et l’établir comme un domaine de lutte a fait partie intégrante de la victoire du peuple chinois sur la toxicomanie, et devint une arme précieuse dans l’arsenal des communistes chinois. Quand les masses sont affaiblies, elles tendent vers la force, et ceci est aussi élémentaire que le principe selon lequel « l’oppression engendre la résistance ». Les arts martiaux ont gagné en popularité parmi le peuple et ont pris un caractère de classe en réponse au sentiment d’être dominé par une puissance étrangère. Aux États-Unis, la popularité des Mixed Martial Arts (MMA) et d’autres formes de combats organisés n’a fait qu’augmenter.
Une partie de la lutte contre la toxicomanie est l’activité physique, et l’antifascisme est aussi dans de nombreux cas une activité physique nécessitant la force de l’esprit et du corps. Une gauche déshonorée et domestiquée n’est pas seulement inutile : c’est une charge. Toutes choses prennent un caractère nouveau lorsqu’elles sont exercées par une classe ; la conception fasciste de l’entraînement physique diffère radicalement de la conception communiste. Le fascisme dans toute sa fureur hyper-réactionnaire cherche à faire reculer les choses et à conduire le pire de l’humanité dans des formes encore plus sombres. D’un autre côté, le communisme est un projet révolutionnaire, toujours dynamique. Son objectif est la création d’une nouvelle société sans États, ni classes. Cette nouvelle société se fait avec l’émergence de nouveaux êtres humains, de nouvelles idées et de nouvelles valeurs. Nous devons aborder notre entraînement physique avec cette façon de penser ; nous devons nous approcher humblement, sans la vanité toxique qui cherche à avoir des muscles saillants, qui sont pour la plupart inutiles au combat.
Les changements en général, y compris les changements dans la composition, la culture et la capacité de la gauche, se produisent par la lutte et jamais par la paix ou la tranquillité. Selon le Parti communiste du Pérou,
« Nous allons immédiatement commencer la révolution socialiste, et ce moment de sang et la victoire sera l’un des profonds déséquilibres dans le pays ; même après que nous aurons pris le pouvoir, il y aura des troubles et des vents orageux. Ainsi ces types de situations nous renforcent ; c’est-à-dire que c’est ainsi que les communistes se font, dans la turbulence et la difficulté, jamais dans le calme. On dit que celui ou celle qui gagne est celui ou celle qui persévère jusqu’à la fin, et nous savons persévérer jusqu’au bout, car nous avons la bonne idéologie : le marxisme-léninisme-maoïsme. »
Nous pouvons comprendre ce principe tel qu’il s’applique à la culture physique et à la vie martiale en voyant comment le besoin nous force à rechercher la rectification. Il est assez facile de renoncer à penser comme un soldat , lorsqu’on a passé si longtemps dans les milieux révisionnistes, à éviter la guerre. À l’exception de quelques antifascistes accomplis, nous avons une gauche qui est idéologiquement et physiquement hors de forme, avec très peu de combattants qui pourraient tenir leur place dans un combat de rue. Parfois, les camarades doivent être humiliés par leurs défaites, afin de trouver la détermination de lutter pour la force de gagner. La culture physique aux Etats-Unis ne tombera pas du ciel ! Elle peut et elle doit être consciemment recherchée par les communistes.
Tout comme le corps est ignoré dans la conception libérale de la consommation de drogues en faveur de la gymnastique mentale, le physique de nos combattants a également été négligé. Ce dont on ne peut se passer dans les conditions que nous affrontons, c’est une culture antifasciste physique et approfondie.
La mentalité qui est celle d’éviter la confrontation physique est hégémonique dans la gauche, et cela se voit dans la manière dont s’organisent les manifestations organisées par les militants habituels. Ils ont déterminé que le champ de bataille ne devait pas être les quartiers populaires, où vivent les masses prolétariennes, et ont plutôt choisi consciemment des endroits qu’ils jugent sûrs, dans les centres-villes, bien à l’intérieur de leurs zones de confort. Ces sites existent dans la culture militante de chaque ville des États-Unis : le Capitole du centre-ville (pour Austin), des places publiques et des sites similaires dans d’autres villes – vous pouvez être sûr qu’ils seront le lieu de tous les événements libéraux et révisionnistes. Vous pouvez vous demander pourquoi ils choisissent d’avoir les mêmes actions inefficaces, dociles et rituelles sur ces sites, et beaucoup ne peuvent pas donner une réponse honnête ; la vérité est qu’ils le font par habitude. Cependant, ces habitudes et ces « traditions » ne sont pas apparues de nulle part.
Les maoïstes doivent lutter pour examiner ces phénomènes en termes de classe, ce qui permet de tirer quelques conclusions. Ces endroits deviennent habituels pour les organisations non gouvernementales, révisionnistes et libérales parce que ces organisations voient en réalité la défense comme quelque chose qui devrait être sous le contrôle exclusif de l’État. Lorsque les communistes ou les anarchistes organisent des comités d’autodéfense pour protéger leurs propres manifestations, les révisionnistes hurlent à « l’ultra-gauchisme » parce qu’ils sont allergiques à l’idée même d’une bagarre, et ils voient toujours la violence comme la propriété privée inattaquable de l’État. Leur refus de s’entraîner physiquement au combat n’est rien d’autre que leur insistance à dire que le système même auxquels ils prétendent s’opposer va en fait les protéger. Peut-être le fera-t-il, puisque ces révisionnistes sont ses agents aux manières douces, semblables aux managers des entreprises et à la direction des syndicats jaunes.
Les aversion des révisionnistes pour l’autodéfense, l’entraînement aux armes et la culture physique découlent toutes de leurs conceptions profondément révisionnistes du légalisme, de l’entrisme et du crétinisme électoral. Ils en sont venus à se voir comme faisant partie du système lui-même : c’est leur système, et les flics les protégeront ou n’effectueront que les actes de répression les plus superficiels – les arrestations pré-planifiées occasionnelles ou parfois les arrestations opportunistes « provoquées par » la dangereuse « ultra-gauche ». Ce mode de pensée a désarmé et désorienté beaucoup de ceux qui viennent à ces rassemblements, car finalement ils veulent aller plus loin, après que les actions révisionnistes dociles se soient conclues tranquillement. Cette pensée a systématiquement limité la participation des masses à ceux qui étaient disposés à écouter les discours révisionnistes, excluant ainsi ceux qui endurent tout jusqu’à la rébellion – rébellion qui, lorsqu’elle se produit, attire des nuées de révisionnistes qui cherchent à tirer parti des luttes du peuple. Ils affluent vers des endroits comme Ferguson, au Missouri, qui n’avaient jamais suscité l’intérêt des principaux révisionnistes avant que les gens eux-mêmes ne commencent à tout brûler. Ces touristes arrivent pour vendre leurs journaux et réprimer la colère des gens, des gens qui n’ont jamais été protégés par la police et le système, contrairement à ces militants.
Alors, que signifie la légitime défense pour le reste d’entre nous ? Qu’est-ce que cela signifie pour les ennemis de l’état ? Cela ne peut que signifier que nous devons développer une culture physique rouge. Cela signifie que nous devons lutter pour quelque chose qui a été cédé à l’ennemi. Que nous nous entraînions à la fois au corps-à-corps et dans les armes. Nous devons prendre au sérieux l’autodéfense des communautés. Nous devons nous éloigner de la zone de confort de la gauche légale et, par extension, cela signifie que ceux qui les protègent sont sûrs de nous attaquer. Cela signifie que nous retournons dans nos quartiers sales et nos complexes d’appartements où nous sommes à l’étroit, et nous nous organisons là-bas parmi notre classe. Cela signifie que nous choisissons le domaine du combat de manière réfléchie et non pas par habitude inintéressante et timide. Nous ne pouvons pas attendre d’un mouvement antifasciste de masse qu’il développe son caractère nécessairement révolutionnaire à moins de nous éloigner des zones de protestation ordonnées par l’État. Nous avons comme devoir de faire du peuple des combattants dignes. Nous le devons au peuple de Charlottesville et à nos martyrs antifascistes (trois jusqu’à présent cette année, au moment où cet article était écrit, nous venions juste de recevoir des nouvelles du terrorisme suprématiste blanc contre les antifascistes à Charlottesville).
Beaucoup de révisionnistes s’assoient dans le confort de leurs foyers bourgeois en se moquant des fascistes qui apparaissaient sur la scène avec des casques et des boucliers ; affirmant qu’ils pouvaient parader autant qu’ils voulaient. La réalité, cependant, c’est que ce ne sont pas que des accoutrement – ils utilisent agressivement ces casques et ces boucliers, contre des gens de gauche pour la plupart mal équipés. Alors que des parties de la gauche étaient préparées pour ces confrontations, il y a eu un manque d’efforts pour préparer les masses à une telle bataille. À Austin, nos boucliers et nos bâtons ont affronté ceux de l’ennemi fasciste ; ce n’est pas un costume comme certains aimeraient le voir (bien qu’il y ait un élément théâtral de propagande).
Nous sommes à notre connaissance la seule organisation communiste aux États-Unis qui a été spécifiquement ciblée par les fascistes en l’absence d’une action spécifiquement antifasciste – qui s’est produite quand ils ont mobilisé et fait venir des gens dans notre ville pour affronter l’action du premier Mai. Eux aussi ne faisaient pas semblant. Nous devons évaluer et comprendre leur raisonnement pour cela – ils nous considèrent comme leur ennemi principal en raison de notre idéologie et de notre efficacité. Cette réalité nous a permis d’améliorer notre travail et nos plans. Cela nous a amenés à améliorer notre habileté physique avec des combats, des entraînements, et des tactiques de rue. Nous sommes reconnaissants pour cette expérience, comprenant que les difficultés font de nous de meilleurs révolutionnaires. Nos conditions matérielles sont claires et illustrent la nécessité d’adopter une éducation physique sérieuse.
La guerre n’est pas pour bientôt, elle est ici et maintenant. Nous devons prendre notre tâche historique au sérieux. Nous devons accumuler des forces et les armer dans de petites batailles de rue. Nous devons réagir en conséquence à la réalité apocalyptique que le capitalisme impérialiste nous a imposée. Il n’y a pas de troisième voie, pas de voie médiane, et tous ceux qui refusent de saisir cela ont en fait déjà choisi un camp : ils ont choisi le camp de la négociation, comme d’habitude pour le camp de l’oppression. Nous aussi, nous avons choisi notre camp et nous sommes restés sur la ligne de front des luttes de classes aux États-Unis. Nous sommes en guerre et nous l’avons toujours été. Il est temps que nous nous comportions comme des soldats. Nous sommes guidés par la promesse du communisme. Le monde est plongé dans le chaos, et nous devons choisir entre le futur socialiste et la barbarie de l’extinction, et c’est ce que signifie vivre à l’époque de l’offensive stratégique.
Il faut aller dehors pour la lutte des classes. S’entraîner pour gagner !
Entrer dans les tranchées culturelles du combat !
– Red Guards Austin, août 2017