2. Les autres œuvres religieuses

Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien

#13 – Les organisations d’enfants I

2. Les autres œuvres religieuses

   Le contrôle exercé par les prêtres sur une masse considérable d’enfants, aussi bien dans les patronages que dans les « écoles libres » leur a permis d’édifier de multiples organisations militantes.

   Nous réservons pour un autre chapitre l’étude du scoutisme catholique, la plus dangereuse de ces organisations.

   Les deux œuvres d’enfance les plus importantes sont la Croisade des enfants et l’Œuvre de la Sainte Enfance. L’une et l’autre sont destinées à des enfants de familles pieuses, et la prière y tient une grande place.

La Croisade des enfants

   C’est une œuvre internationale qui a des sections en Belgique, en Pologne, en Suisse, au Luxembourg, en Pologne, en Colombie, en Uruguay, en Argentine, dans l’Équateur, au Brésil, etc. Cette œuvre a en France seulement 300.000 membres, et sa revue tire à 266.000 exemplaires. Certains de ses tracts sont tirés à plusieurs millions. Les « petits croisés » participent à des réunions périodiques où ils discutent sur des sujets fixés par l’organisation centrale. Voici par exemple les sujets de conférence pour les trois premiers mois de 1933 : La paix du Christ par la royauté du Christ, Les périls de l’Église en Chine, Pour que disparaissent l’esprit communiste et le règne de l’argent.

   La Croisade des enfants est dirigée par l’œuvre de l’Apostolat de la prière de Toulouse. Cette organisation édite chaque mois des prières qui sont largement diffusées parmi les enfants, et qui suivent des mots d’ordre venus du Vatican.

   Voici l’une d’entre elles :

   Intention générale : le danger bolchéviste

   Fidèles à la religion de Lénine les bolchévistes font une guerre acharnée à la religion. Cette guerre à Dieu, ils veulent la répandre dans le monde entier et consacrent à cela d’immenses ressources. Déjà la Chine est fortement atteinte et, dans les autres pays, très méthodiquement, ils font pénétrer leurs idées et se ménagent des complicités. Que Dieu préserve toutes les nations de ce fléau ! Divin Cœur de Jésus, je vous offre, par le cœur immaculé de Marie, les prières, les œuvres et les souffrances de cette journée… Je vous les offre en particulier pour écarter le danger du bolchevisme. Je prierai et je communierai à cette intention.

   On voit ici la dévotion à l’usage des petits croisés, étaler sans voile son caractère de classe.

   Deux enfants morts à douze ans, Anne de Guigné et Guy de Fontgalland, servent de patrons à la Croisade des enfants dont l’influence va chaque jour s’approfondissant. Dans les publications de la Croisade, la propagande coloniale tient une place de tout premier ordre.

La Sainte Enfance

   La Sainte Enfance est, elle aussi, une organisation internationale extrêmement puissante et qui compte des centaines de milliers de membres. Elle a été fondée en France, à Lyon, en 1845, et elle a pris toute son extension au début de l’ère impérialiste. C’est en effet au seuil du XXe siècle que le pape lance ce mot d’ordre « tout enfant catholique doit être membre de la Sainte Enfance ».

    La Sainte Enfance est la base du travail colonial de l’Église et c’est elle qui fournit les principales ressources des missions. Nous pouvons accepter sans réserve les chiffres des revenus de la Sainte Enfance, l’Église n’étant jamais tentée d’exagérer ses revenus. Par contre, il faut accueillir avec beaucoup de circonspection les indications sur les œuvres créées. Ici l’exagération est de règle.

   Depuis sa fondation, la Sainte Enfance a apporté plus de deux milliards à l’Église. 125 millions sont recueillis par elle tous les ans. L’œuvre entretient 415 missions, 10.000 crèches, 12.000 ouvroirs, 40.000 écoles. Elle a fait baptiser, en 1930, 60.000 enfants coloniaux, elle en a recueilli 100.000. Elle aurait baptisé 25 millions d’enfants depuis sa fondation.

   L’Église est discrète sur l’origine exacte des énormes ressources de son organisation. Le papier d’étain et les timbres-poste que récoltent les petits Français membres de la Sainte Enfance «pour racheter des petits Chinois», n’entrent certainement que pour une proportion infime dans ces revenus colossaux. Le but avoué de la Sainte Enfance est « le baptême, le rachat et l’éducation des enfants coloniaux ». Le mot «rachat» doit s’entendre à la lettre. Les missionnaires se livrent à un véritable commerce d’enfants-esclaves qu’ils arrachent à leurs parents et poussent parfois le cynisme jusqu’à leur revendre très cher. (Voir la Lutte antireligieuse d’avril 1933). Quant à l’ « éducation », il serait plus juste de la remplacer par les mots « travail forcé ». Les vues d’« écoles » que publient les revues missionnaires sont le plus souvent des ateliers où des garçonnets et des fillettes de moins de dix ans travaillent sous la direction de prêtres ou de nonnes.

   Il existe, à côté de la Sainte Enfance et de la Croisade des enfants, de multiples œuvres semblables, où la prière et la dévotion tiennent une place plus ou moins grande. Notons, sans nous y attarder, la Confrérie de la Sainte Vierge, la Confrérie de Marie, reine du clergé, les Enfants de Marie, le Rosaire vivant, le Petit Propagateur des trois Ave Maria, etc.

Les œuvres catholiques de jeunesse

   Ces œuvres n’entrent pas à proprement parler dans le cadre de notre étude. Cependant, elles nous intéressent non seulement parce qu’on y fait généralement entrer des enfants de moins de seize ans, mais aussi parce qu’elles sont les organisations vers lesquelles le patronage pousse l’enfance.

   Nous citerons les « Conférences de Saint-Vincent-de-Paul », organisation « sociale » ancienne, peu adaptée, comportant avant tout des éléments bourgeois, les « Cercles d’étude », organisation d’espionnage du prolétariat, les Sillons catholiques, les Volontaires du Pape, les Compagnons de saint Benoît Labre, les équipes sociales destinées à la formation de l’« élite ouvrière» qui ont groupé 7.000 ouvriers principalement dans la région parisienne et la région bretonne. Mais aucune de ces organisations n’a atteint véritablement les masses. La véritable organisation de masse des jeunes catholiques est l’Association catholique de la jeunesse française (A.C.J.F.), fondée par le comte Albert de Mun.

   L’A.C.J.F. est la section française de l’Internationale de la jeunesse catholique, qui est elle-même la branche la plus active de l’Internationale noire qu’est l’« Action catholique». L’Association catholique de la jeunesse a des sections dans la plupart des pays capitalistes et dans les pays semi-coloniaux comme la Chine, où elle est le fidèle fourrier de l’impérialisme. L’A.C.J.F. a actuellement 150.000 membres et 3.300 groupements locaux, publie 82 journaux et revues. Elle a joué pendant la guerre un rôle extrêmement important, aussi bien à l’arrière que dans les « départements envahis » et elle a fourni quinze mille morts à la boucherie. C’était cependant jusqu’à ces dernières années une organisation vieillie, un peu ossifiée. En 1927, elle a renouvelé son organisation en créant toute une série de « sections spécialisées ».

   La plus célèbre et la plus redoutable de ces sections est la J.O.C. (Jeunesse ouvrière catholique) fondée à l’imitation d’un mouvement semblable qui, en Belgique, a réussi à grouper près de 100.000 jeunes ouvriers. Il y a dans le monde 200.000 jocistes. En France la J.O.C. a déjà 15.000 ou 20.000 membres, et possède un journal, la Jeunesse ouvrière qui tire à 85.000 exemplaires et édite un supplément le Jeune Chômeur. On prêche à la J.O.C. la réconciliation des classes et le respect du Capital. À côté de la J.O.C., la J.A.C. (agriculteurs), la J.M.C, (marins), la J.E.C. (étudiants) se développent.

   La J.O.C. possède une organisation de « préjocistes », destinée aux enfants qui vont quitter l’école pour l’atelier. Elle édite pour eux un journal Mon avenir. La J.E.C. ne s’adresse pas seulement aux étudiants des facultés et des lycées elle s’adresse aussi aux élèves des écoles primaires, professionnelles et supérieures. Ce mouvement, qui est évidemment destiné à noyauter les élèves de l’enseignement « laïque », alors que les Davidées noyautent les maîtres, est une organisation de combat dirigée au premier chef contre les instituteurs révolutionnaires et leur enseignement, Les membres de l’enseignement doivent donc attacher une importance toute particulière à cette nouvelle tentacule de la pieuvre qu’est l’A.C.J.F. Jusqu’ici, le mouvement jociste semble avoir une assez médiocre extension. Son organisation ne remonte vraiment qu’à 1931. Mais de nombreux collègues de province signalent dans leurs écoles la fondation de sections jecistes. Leur journal, Chantiers, est médiocrement rédigé par des jeunes bourgeois étudiants des facultés. La Jec pratique largement (comme la Joc) la méthode de l’« enquête », enquêtes policières destinées à grossir les fiches du clergé et à lui faciliter sa besogne contre-révolutionnaire. On signale plusieurs écoles ou des institutrices catholiques militantes font pression sur leurs élèves pour les faire adhérer à la J.E.C. et briment celles qui refusent, et ce, sous l’œil bienveillant de la directrice « laïque ».

Les organisations religieuses non catholiques

   Les protestants sont en minorité en France et ils constituent l’aile « démocratique et libérale » des organisations religieuses. Leur démagogie, souvent très habile, leur permet souvent un recrutement proportionnellement plus élevé que celui des catholiques dans les groupements ouvriers. Notons que dans les pays capitalistes ou au contraire le protestantisme domine, ce sont les catholiques qui jouent le rôle d’aile gauche (États-Unis).

   L’organisation qui dirige le travail parmi l’enfance est l’Union chrétienne des jeunes gens, dont la base principale est aux États-Unis. On se rappelle le rôle considérable joué pendant la guerre par le célèbre Y.M.C.A. qui est la section américaine de cette association. Jusqu’à la crise, l’Y.M.C.A. subventionnait les organisations correspondantes françaises.

   L’Union chrétienne des jeunes gens compte des centaines de milliers de membres dans le monde entier.

   Sa plate-forme politique comporte un pacifisme qui couvre la préparation à la guerre, la lutte contre l’alcoolisme « plus meurtrier que la guerre », la lutte contre le communisme et le nationalisme, le soutien des missions coloniales, l’union des ouvriers et des patrons dans l’amour de Dieu, la charité exercée en liaison étroite avec la police et l’armée. La propagande anticommuniste et antisoviétique est menée avec une extrême prudence. On reconnaît les succès du plan quinquennal, on ramène le communisme (comme le nationalisme auquel on l’identifie), au mysticisme religieux, et on le réfute ensuite à l’aide d’arguments pseudo-théologiques.

   L’organisation, qui projette la création de jardins d’enfants, dirige actuellement des groupes d’enfants (8 à 12 ans) et de cadets (12 à 18). À côté de ces organisations, les protestants disposent aussi de l’école du dimanche, qui est en quelque sorte intermédiaire entre le patronage et le catéchisme. Enfin, il existe un mouvement de scouts protestants.

   Nous n’avons pas pu avoir de renseignements sur les effectifs des organisations enfantines protestantes. Il y a plus de 10.000 scouts protestants, mais il est difficile de se baser sur ce chiffre pour obtenir un chiffre d’ensemble.

   Il existe une association des jeunesses juives qui a, elle aussi, des groupes d’enfants. Nous n’avons pas eu de renseignements sur ces organisations, numériquement peu importantes et qui comportent des troupes de scouts.

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