7. Le fascisme

Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien

#18 – L’État et ses fonctions

7. Le fascisme

   Le fascisme est-il un type d’État ?

   Qu’est le fascisme dont on parle tant ?

   Les fascistes (Mussolini, Hitler) parlent audacieusement de la « révolution » fasciste, nationale-socialiste.

   Est-ce vrai ? Y a-t-il de la démocratie au fascisme un changement, une discontinuité ? Est-ce un type original de gouvernement ou d’État au point de vue historique ?

   Le fascisme est marqué par une rupture brutale avec les traditions démocratiques, la suppression des libertés démocratiques (plus de régime parlementaire, plus de liberté de réunion, de presse, de manifestation, plus de droit syndical, plus de droit de grève), la dictature violente par la terreur d’un parti (Parti fasciste en Italie, Parti national-socialiste en Allemagne) et de son chef (Mussolini, Hitler) s’exerçant sur toute la population, la disparition des autres partis bourgeois, la mise hors la loi des partis révolutionnaires réduits à l’illégalité. Mais ce changement brutal de forme de domination capitaliste ne doit pas nous dissimuler que le contenu de classe de cette domination persiste : avec le fascisme comme avec la démocratie bourgeoise, c’est toujours le capitalisme qui gouverne et les masses travailleuses qui sont opprimées et exploitées ; l’État fasciste comme l’État démocratique, est toujours un État bourgeois. La « révolution » fasciste n’est qu’un changement de politique, elle n’est pas une révolution sociale parce qu’elle ne change pas le rapport fondamental entre la bourgeoisie, classe exploiteuse et le prolétariat, classe exploitée.

   La démagogie fasciste

   La bourgeoisie emploie le fascisme quand elle est directement menacée par le prolétariat. Elle ne peut plus si bien camoufler sa dictature : elle inaugure le fascisme.

   Le fascisme continue directement la démocratie bourgeoise ; il emploie sa machine d’État, sa bureaucratie ; il perfectionne seulement la répression et l’écrasement du prolétariat.

   Le fascisme ne peut progresser et triompher qu’en trompant les masses travailleuses sur ses véritables buts, en les gagnant par une démagogie habile. Aussi substitue-t-il à l’ancienne démagogie démocratique une nouvelle démagogie dont les deux aspects principaux sont : une démagogie anticapitaliste, violente et purement verbale, spéculant sur leur sentiment de classe, et une démagogie nationaliste spéculant sur leur sentiment national. Le fascisme prétend servir l’intérêt général, l’intérêt de tous. Et même, au moment où il se forme et prétend au pouvoir, il s’engage à mater le grand capitalisme, la finance internationale, par la violence ! Et au moment où ils vont au gouvernement, les fascistes crient qu’ils vont défendre les paysans, les ouvriers, le « peuple » de leur pays contre les banques (Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne).

   Ils proclament qu’ils font la révolution pour le peuple.

   L’illusion fasciste et l’organisation du fascisme

   Le fascisme se sert donc, en les trompant, de nombreux mécontents chez les ouvriers, chez les paysans, chez les petits bourgeois. C’est pour cela qu’il est dangereux. Il empêche les masses inéduquées de venir à la révolution prolétarienne. (Ex. : Hitler.)

   Il prétend incorporer à l’État les représentants de tous les intérêts, y compris les salariés et paysans (syndicats fascistes, corporations, Conseil économique national fasciste). Bien entendu, il n’y a là qu’une mise en scène, une comédie. Il n’y a pas une organisation nouvelle.

   Pratiquement, le fascisme commence par écraser les organisations ouvrières. Puis, ensuite, il fait peser sur les ouvriers et paysans la pire des oppressions au profit des capitalistes (diminution de salaires, écrasement des grèves, expulsion ou déportation des protestataires, milices et police formidablement développées).

   Le fascisme emploie une répression violente contre les révolutionnaires, mais au nom du « peuple », du « pays », de l’« intérêt national », etc… Ensuite, il favorise directement les industriels, abaisse les salaires, mate, par une violence ouverte et permanente, les ouvriers et les paysans, crée des syndicats qui sont une agence de contrôle et de mouchardage (et continuent ainsi directement les syndicats réformistes).

   À ce moment, le prolétariat est momentanément désorganisé, abattu.

   Il ne faut donc pas voir seulement dans le fascisme la cessation de la « liberté d’opinion », la suppression des libertés démocratiques, du régime parlementaire. C’est sous ce seul aspect que le présente la presse bourgeoise de « gauche ». Mais le caractère profond du fascisme, son caractère historique, c’est qu’il sauve provisoirement la bourgeoisie. Il écrase le prolétariat en se servant pour cela des petits paysans, d’anciens combattants, de petits commerçants et même de prolétaires inéduqués, qu’il entraîne en les trompant.

   Le fascisme est la tentative suprême de la bourgeoisie pour maintenir son pouvoir devant la révolution prolétarienne menaçante. Il se traduit par l’accession au pouvoir d’un parti absorbant ou annihilant les autres partis bourgeois et qui, pour tromper les masses, a utilisé des formules démagogiques. Ce parti tente ensuite de gouverner en dirigeant l’économie au profit de la minorité bourgeoise très menacée, aux intérêts momentanément unifiés, en établissant un régime de terreur pour abaisser le niveau de vie des masses et supprimer leurs libertés. L’État fasciste s’adapte exactement à ce but. Il utilise les anciens rouages de la démocratie bourgeoise et les transforme selon leurs nouvelles fonctions. Mais aussi, en même temps, il lève pleinement le masque de justice, de légalité, dont se recouvrait ordinairement la démocratie bourgeoise pour couvrir la dictature bourgeoise. C’est ainsi que le procès de Leipzig, que le gouvernement allemand dut, malgré lui, terminer par l’acquittement de Dimitrov, Popov, Tanev et Torgler, faussement accusés de l’incendie du Reichstag, ayant montré que l’ancienne forme de justice démocratique allemande ne permettait pas assez aisément à l’hitlérisme de condamner des innocents, le gouvernement a créé des tribunaux spéciaux, audacieusement baptisés « tribunaux du peuple ». Chacun d’eux comprend 20 juges, dont 8 juges professionnels, membres du Parti national-socialiste et 12 officiers ou fonctionnaires du ministère de la Guerre (dont 5 officiers aviateurs). Chaque chambre du tribunal comprend 5 membres, dont 3 juges non professionnels. Plus aucune garantie juridique pour l’accusé. Il comparaît sans savoir de quoi on l’accuse. Il ne choisit pas son avocat, et celui-ci est officiellement l’auxiliaire de l’accusation. Ni certitude ni régularité dans le droit. On peut condamner même si rien dans une loi n’autorise la condamnation. On peut condamner sur la simple intention. La composition des tribunaux traduit l’asservissement direct de la justice à l’état-major et aux marchands de canons (1/4 d’officiers aviateurs directement liés aux usines de guerre). C’est une justice essentiellement adaptée à la guerre civile qu’elle poursuit et à la guerre étrangère qu’elle prépare.

   Tel est le fascisme. Remarquons cependant qu’il n’a fait là que généraliser et renforcer une forme de justice que la démocratie bourgeoise ne se faisait pas faute d’employer contre le prolétariat, aux moments critiques, quand il s’agissait de la vie même du régime bourgeois (répression des journées de Juin 1848, de la Commune de 1871, conseils de guerre de 1914-1918.. répression en Indochine).

   Concluons : Si le fascisme est marqué par la suppression des libertés démocratiques, il n’est pas essentiellement dirigé contre la démocratie bourgeoise, mais contre la dictature du prolétariat.

   Les théories sociologiques de Durkheim préparent, théoriquement, la voie au fascisme. Elles préparent sa justification. (Voir HUBERT, p. 220.) L’idéalisme des représentations collectives admet tout groupement comme un fait, comme une autorité. On n’a qu’à dire que le fascisme est une « représentation collective ». Ces idées servent à justifier le fait accompli. C’est là leur danger.

   La transition du fascisme et ceux qui la préparent

   Fascisation, Fascisme larvé, Fascisme déclaré

   Par le fait même qu’à l’heure actuelle, la crise économique aiguë, se greffant sur la crise générale du système capitaliste tout entier, ébranle profondément celui-ci en aggravant la lutte des classes, en poussant les masses prolétariennes à la révolution (ex. : insurrection de Vienne en février 1934, des Asturies en octobre 1934, émeute en Algérie, etc.), le fascisme, moyen de défense et de contre-offensive de la bourgeoisie, est un danger permanent et croissant dans tous les pays du monde.

   Il s’est installé sur la plus grande partie de l’Europe (Italie, Allemagne, Pologne, Pays balkaniques, Hongrie, Autriche, Espagne). Il tend à s’installer dans les pays démocratiques (putsch fasciste du 6 février 1934 en France).

   Si cette installation du fascisme s’opère d’une façon brutale, sa venue est préparée par une crise plus ou moins longue de la démocratie bourgeoise, une transition au fascisme, une période de fascisation ou fascisme larvé dont la durée dépend de la force et de l’unité de la résistance prolétarienne et de la mesure dans laquelle le prolétariat sait entraîner dans la lutte antifasciste les masses petites-bourgeoises (petits paysans, artisans, anciens combattants, fonctionnaires) en utilisant la force des traditions démocratiques.

   Actuellement, en France, on peut saisir sur le vif ce « fascisme larvé », cette tendance à passer insensiblement de la démocratie bourgeoise au fascisme. Il faut bien voir que le fascisme ne commence pas toujours par l’incendie. Si le coup d’État fasciste du 6 février 1934 a échoué, il n’en a pas moins abouti à la formation d’un gouvernement de trêve, d’union nationale, groupant tous les partis bourgeois qui, avec Doumergue, puis Flandin, travaille peu à peu à supprimer les maigres conquêtes démocratiques, les libertés conquises dans le passé par la lutte prolétarienne. Des lois réactionnaires réduisent la liberté de la presse, le droit de réunion et de manifestation. L’attaque contre les salaires ouvriers et la législation du travail s’amplifie. On tente d’enlever, aux fonctionnaires d’abord, le droit syndical, pour le supprimer ensuite aux ouvriers. On prépare le corporatisme fasciste par l’établissement d’ententes industrielles. Les groupes fascistes (Croix de feu, Action française, Jeunesses patriotes, francistes), avec la complicité de la police, exécutent des raids armés contre les vendeurs de la presse ouvrière, les réunions ouvrières, menacent de mort les chefs du prolétariat, exercent sur le palais de justice et le Parlement le chantage à l’émeute. Les droits du Parlement sont de plus en plus limités par l’usage des décrets-lois. Les instituteurs antifascistes (Freinet, Le Corre, etc.) sont attaqués dans leur école même par des bandes fascistes.

   Toutefois, le caractère même de cette fascisation montre que le fascisme n’est nullement inévitable. Il peut être évité si la résistance prolétarienne réalise un front suffisamment uni et puissant aux entreprises fascistes. En Italie, en Allemagne, en Autriche, le fascisme a triomphé, grâce à la politique de collaboration avec les gouvernements bourgeois et de refus du front unique de lutte avec les communistes, pratiquée par les chefs des Partis socialistes et des syndicats réformistes. En France, grâce à ces expériences qui ont hâté la constitution du front unique entre le Parti communiste et le Parti socialiste, si le danger fasciste persiste, il est certain que depuis le 6 février 1934, grâce aux vigoureuses réactions prolétariennes, le fascisme a marqué un recul et le danger fasciste est momentanément écarté.

   Une autre considération permet au prolétariat d’envisager l’avenir avec confiance : la victoire du. fascisme, là où il a triomphé, ne peut être que provisoire, elle ne peut que retarder la chute du régime capitaliste : aucun des régimes fascistes n’est parvenu à résoudre les contradictions fondamentales qui minent ce régime, au contraire, tous ont vu ces contradictions s’aggraver au point que tous n’entrevoient plus qu’un moyen pour tenter vainement de les résoudre : la guerre qui, fatalement, comme la grande guerre de 1914-1918, serait le point de départ d’une nouvelle vague de révolutions prolétariennes et coloniales.

   Un autre facteur essentiel qui rend inévitable la défaite du fascisme mondial, c’est l’existence de l’U.R. S. S., d’un pays de 160 millions d’habitants occupant le 1/6 du globe, où la révolution prolétarienne a triomphé, qui construit victorieusement le socialisme, et qui, par cette victoire, donne au prolétariat du monde entier la certitude vivante d’une possibilité de victoire sur le capitalisme, d’une issue à la crise, un encouragement puissant aux luttes révolutionnaires et antifascistes.

   La défense des libertés démocratiques

   Dans la situation actuelle où les forces prolétariennes doivent lutter incessamment contre le danger fasciste toujours menaçant, se pose la question de la défense des libertés démocratiques. Le fascisme triomphant supprime ces libertés que le prolétariat avait conquises par l’action (droit de grève, droit syndical, droit de réunion, de manifestation, liberté de la presse, suffrage universel, instruction primaire). Ces libertés, nous l’avons vu, n’empêchent nullement la dictature capitaliste de s’exercer par la démocratie bourgeoise. L’État bourgeois savait, tout en les tolérant, les limiter ou les faire fonctionner de telle sorte que sa domination ne soit pas menacée. Elles n’en étaient pas moins et sont encore un moyen de défense et de lutte pour le prolétariat. Au moment où l’État bourgeois, affaibli par la crise, ne peut même plus tolérer ces libertés précaires et insuffisantes, qui deviennent pour lui un danger, défendre les libertés démocratiques, c’est donc faire échec au fascisme.

   Il n’y a nullement contradiction entre le procès de la démocratie bourgeoise et de l’État bourgeois que nous avons fait et la défense des libertés démocratiques. En défendant les libertés démocratiques, nous ne défendons ni la démocratie bourgeoise ni l’État bourgeois, nous contribuons, au contraire, au renversement de l’État bourgeois en conservant au prolétariat des moyens de lutte, en empêchant l’État bourgeois de renforcer sa domination et sa répression par l’instauration du fascisme!

   Comment appliquerons-nous ce principe général de défense des libertés démocratiques comme moyen de lutte contre le fascisme du problème particulier de l’école laïque ? Nous constatons que le capitalisme n’a créé l’instruction primaire gratuite que, d’une part, sous la pression des masses réclamant l’instruction, d’autre part, par la nécessité où le développement de l’industrie le plaçait de donner aux travailleurs un minimum d’instruction sans lequel on ne peut être un bon ouvrier. La bourgeoisie a utilisé l’école pour bourrer le crâne des travailleurs, leur enseigner la morale bourgeoise, le respect des notions de patrie et de propriété. L’instruction donnée à l’ouvrier sert encore à lui bourrer le crâne après l’école par la presse bourgeoise. En un mot, « l’école a pour but de fournir aux capitalistes, des valets serviles et des ouvriers intelligents » (Lénine). Voilà ce que nous devons penser sur le rôle véritable de ce rouage de la démocratie bourgeoise : l’école laïque. Il n’en reste pas moins que l’instruction est nécessaire aussi à l’ouvrier pour qu’il soit accessible à la propagande révolutionnaire, étudier le marxisme, défendre ses droits. Le prolétariat a toujours revendiqué le droit au maximum d’instruction. Le Parti bolcliévik russe n’a pu développer sa propagande dans l’ancienne Russie qu’en faisant en même temps un grand effort d’instruction au sein du prolétariat. Le prolétariat doit donc défendre son droit à l’instruction, comme il doit défendre son droit de grève, son droit syndical, son droit de réunion, de manifestation, etc. Par conséquent, dans la période actuelle, où le capitalisme décadent, préparant le fascisme pour tenter d’échapper à la révolution prolétarienne, sabote l’école laïque, supprime des emplois, surcharge les classes, diminue les crédits pour l’instruction publique et les traitements des instituteurs et professeurs, favorise les écoles religieuses où le bourrage des crânes est encore plus intense et où l’on forge des mentalités plus dociles, le prolétariat doit défendre le droit à l’instruction de ses enfants, péniblement conquis dans le passé. Lutter pour ce droit à l’instruction, contre le sabotage de l’école populaire laïque, ce n’est pas défendre ni glorifier l’enseignement laïque bourgeois, c’est s’opposer aux desseins même de l’État bourgeois, qui veut détruire une école qui n’est plus, pour la bourgeoisie, un instrument assez docile, assez adapté, et qui lui coûte trop cher en cette période de crise économique aggravée, c’est contribuer à dresser les masses contre l’État bourgeois, c’est préserver le droit du prolétariat à l’instruction qui lui est nécessaire. C’est empêcher la fascisation de l’école, préparer le renversement de l’État bourgeois qui permettra de créer l’école prolétarienne, où l’instruction sera largement et librement ouverte aux masses et servira, non à leur bourrer le crâne, mais à les instruire, les éduquer et les émanciper véritablement.

   La défense des libertés démocratiques se justifie par une autre considération. Elle permet, dans la lutte contre le fascisme, d’élargir le front de lutte antifasciste en ralliant au prolétariat les masses de la petite bourgeoisie (petits paysans, petits commerçants, artisans, intellectuels) qui gardent encore des illusions démocratiques. Le fascisme tend à rallier à lui cette petite bourgeoisie, ces classes moyennes, en les trompant démagogiquement. C’est ainsi qu’il l’a emporté en Italie, en Allemagne. L’issue de la lutte entre le prolétariat révolutionnaire et le fascisme dépend, pour une large part, de l’attitude que prendront ces classes moyennes. Par la défense des libertés démocratiques, et en entraînant à la lutte, contre le fascisme et contre l’État bourgeois, le prolétariat et les classes moyennes, sur un programme de revendications immédiates, les organisations prolétariennes révolutionnaires peuvent arrêter le développement du fascisme, aboutir au renversement de la démocratie bourgeoise et à l’instauration de la dictature du prolétariat qui, brisant l’État bourgeois, supprimant le Parlement bourgeois et les rouages de la démocratie bourgeoise, établira, avec les Soviets, la véritable démocratie.

   Restriction des libertés démocratiques en France.

   Élargissement de la démocratie en U. R. S. S.

   N’est-il pas saisissant de constater qu’au moment où l’on assiste à la suppression des libertés démocratiques et au triomphe de la dictature fasciste dans la plus grande partie de J’Europe, au moment où, en France, le prolétariat doit défendre les libertés démocratiques contre l’assaut fasciste, où les hommes d’État bourgeois (Tardieu, Doumergue, Flandin) et les partis bourgeois (des néo-socialistes à l’extrême-droite) préconisent tous une réforme de l’État dans le sens d’une limitation des libertés démocratiques, d’un renforcement de l’autorité gouvernementale, on assiste, au contraire, en U. R. S. S. au plus grand élargissement de la démocratie prolétarienne. Si le système des Soviets, comme nous l’avons montré, constituait déjà un système de démocratie concrète et profonde, réalisant la participation effective et permanente des masses à l’activité politique et économique, la nécessité de maintenir la dictature du prolétariat pour achever la défaite de la contre-révolution, supprimer les vestiges du capitalisme, la nécessité d’assurer à la classe ouvrière qui avait socialisé la grande industrie, l’hégémonie sur la classe paysanne arriérée et retardataire, et de démasquer en permanence les tentatives contre-révolutionnaires, avaient fait maintenir dans le système électoral plusieurs dispositions constituant une certaine limitation à la démocratie complète : une inégalité dans la représentation des ouvriers et des paysans, assurant aux ouvriers la prédominance ; le vote à mains levées, le vote à plusieurs degrés, les Soviets des communes, des cantons et villes, des districts, des provinces, le congrès panrusse des Soviets, le Comité central exécutif, le Conseil des commissaires du peuple, se superposant en pyramide, chaque échelon inférieur élisant ses délégués à l’échelon supérieur. Maintenant que la victoire du socialisme est assurée, que l’immense majorité des paysans, par leur entrée dans les collectivités agraires ou kolkhoz, cultivés en commun avec les machines les plus modernes, participent comme les ouvriers d’usine à la vie socialiste, qu’ils en comprennent et en adoptent d’enthousiasme les buts grandioses, maintenant qu’on peut dire que les paysans sont devenus des ouvriers, parce que tout antagonisme, foute différence de régime économique disparaît entre la ville et la campagne, aucune inégalité de droits politiques entre les uns et les autres ne se justifie plus. C’est pour cela que Je Parti bolchevik vient de proposer une modification du système électoral dans le sens de la plus large démocratie : égalité de représentation des paysans et des ouvriers, vote secret, représentation directe. Ainsi se confirme le fait que seule la dictature du prolétariat peut conduire à la réalisation de la véritable démocratie.

   Conclusion générale

   Le « droit », le point de vue juridique, l’État légal, ne sont que la codification et la fixation de ce qui résulte de l’action des forces historiques. Ils n’ont rien d’immobile, rien de sacré. Ils se transforment et l’histoire continue. Elle va vers la dictature du prolétariat, puis vers le communisme !

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