Chapitre 6 : La tâche centrale de la révolution – La prise du pouvoir politique par la force armée

Stratégie et tactiques de la révolution indienne

Parti Communiste d’Inde (maoïste)

21 Septembre 2004

PARTIE 1 : STRATÉGIE

Chapitre 6 : La tâche centrale de la révolution – La prise du pouvoir politique par la force armée

   Comme l’a dit le camarade Mao : « La prise du pouvoir par la force armée, le règlement du problème par la guerre, est la tâche centrale et la forme la plus élevée de révolution. Mais bien que le principe reste le même (pour tous les pays), son application par le parti du prolétariat se manifeste de différentes manières selon les diverses conditions ».

   Le principe ci-dessus est applicable de la même manière à la révolution indienne aussi. La tâche centrale de la révolution indienne est également la prise du pouvoir politique. Pour accomplir cette tâche centrale, le peuple indien devra être organisé dans l’armée populaire et devra anéantir les forces armées de l’état indien contre-révolutionnaire par la guerre et devra instaurer, à sa place, son propre état – l’état démocratique populaire et devra asseoir sa propre autorité politique. L’acte même de la création d’un appareil d’état du peuple en détruisant, par la guerre, l’appareil d’état autocratique actuel – l’armée, la police et la bureaucratie des classes dirigeantes réactionnaires – est la tâche centrale de la révolution démocratique populaire de l’Inde.

   Il est absolument indispensable pour le parti du prolétariat en Inde d’étudier les expériences de la révolution socialiste mondiale, tout particulièrement les expériences des deux grandes révolutions prolétariennes de Russie et de Chine. L’application du principe précité de conduite de la guerre révolutionnaire a suivi deux voies différentes dans les deux pays selon les caractéristiques particulières propres à leurs pays respectifs. La révolution en Russie a pris la forme d’une insurrection armée à l’échelle nationale pour la prise du pouvoir politique, tandis qu’en Chine, la voie traversée par la guerre révolutionnaire fut la voie de la guerre populaire prolongée. Quelles que soient les formes adoptées par les guerres révolutionnaires dans différents pays, le contenu reste le même, c’-à-d la prise du pouvoir par la force armée.

La guerre populaire prolongée est notre voie

   Afin de conduire la guerre révolutionnaire en Inde, il est nécessaire pour nous de comprendre les expériences et les résumés théoriques de ces guerres révolutionnaires faites par les camarades Lénine, Staline et Mao. Et il est particulièrement nécessaire pour nous de saisir l’essence de la contribution de Mao sur la science militaire.

   En généralisant les expériences des révolutions prolétariennes à l’ère de l’impérialisme, nous pouvons dans les grandes lignes classer les guerres révolutionnaires par catégories dans les différents pays du monde en deux modèles selon le caractères de leurs systèmes socio-politico-économiques respectifs. Si c’est un pays capitaliste où règnent les droits démocratiques bourgeois, le parti du prolétariat prépare la classe ouvrière et ses alliés par l’intermédiaire de luttes légales et publiques – parlementaires, syndicales, grèves générales, agitation politique et d’autres activités de cette sorte – afin d’organiser une insurrection armée à l’échelle nationale à l’heure de la crise révolutionnaire, s’emparant du pouvoir d’abord dans les villes clés et l’étendant ensuite partout dans le pays. En même temps, il renforce l’appareil secret du parti approprié et combine les activités secrètes, illégales et semi-légales avec les activités publiques et légales conformément aux conditions concrètes.

   Par conséquent, la voie suivie par la révolution russe est : infliger un coup fracassant décisif, à la vitesse de l’ouragan, d’abord, au centre urbain qui est le centre de contrôle bien fortifié, consolidé et bien organisé du pouvoir d’état de l’ennemi, écraser le coeur de l’appareil d’état de l’ennemi. Etablir le centre de pouvoir de l’état révolutionnaire dans la zone urbaine. Ensuite, étendre rapidement la révolution vers la campagne – marcher vers l’avant en détruisant l’appareil d’état de l’ennemi dans la campagne. Capturer la zone urbaine d’abord, grâce à une guerre de décision rapide d’un point de vue stratégique, instaurer une autorité révolutionnaire dans la zone urbaine, et par la suite, s’emparer des villages et établir l’autorité révolutionnaire dans le pouvoir d’état de tout le pays par l’insurrection et asseoir l’autorité politique révolutionnaire du peuple – telle est la voie générale suivie par la révolution d’octobre en Russie.

   Si d’autre part, le pays est dominé directement ou indirectement par une ou plusieurs puissances impérialistes étrangères et est semi-féodal, où il n’y a pas d’indépendance et de droits démocratiques pour le peuple, dès le début, le parti du prolétariat stimule et mobilise le peuple pour la lutte armée, compte sur la paysannerie – la force principale de la révolution – fait des régions rurales arriérées son principal centre de travail, construit une armée populaire et une milice populaire ; crée des zones de base autosuffisantes et solides ou des zones libérées dans l’immense campagne, les étend continuellement au cours de la guerre populaire prolongée (dans une telle situation, les villes sous le contrôle de l’ennemi ressembleront à de petites îles dans l’océan des vastes zones rurales libérées) ; encercle et finalement capture les villes afin de fracasser de manière décisive le pouvoir d’état des réactionnaires et d’instaurer le système d’état et l’autorité politique du peuple dans tout le pays – telle est la voie traversée par la révolution chinoise pour remporter une victoire renversante en 1949. Et l’histoire des révolutions dans les pays coloniaux, semi-coloniaux et semi-féodaux d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine ont montré que cette voie est applicable également à tous les pays de cette sorte. Dans tous ces pays, la forme principale de la lutte est la lutte armée et la forme principale d’organisation est l’armée, mais d’autres formes de luttes de masse et d’organisations de masse sont aussi indispensables.

   Avant le déclenchement d’une guerre, toutes les luttes et organisations sont organisées en prévision de la guerre et seront à son service directement ou indirectement après que la guerre ait éclaté.

   La voie suivie par la révolution chinoise est également applicable dans une Inde semi-coloniale et semi-féodale en raison de similitudes fondamentales dans les conditions de l’Inde et de la Chine pré-révolutionnaire. Ce sont les caractéristiques principales des conditions objectives de l’Inde qui déterminent la voie de la révolution indienne comme celle de la guerre populaire prolongée.

Les caractéristiques principales de la guerre révolutionnaire en Inde

   1. L’Inde est un vaste pays semi-colonial et semi-féodal ayant un développement politique, économique et social inégal avec un terrain favorable à la guérilla. Il a été témoin d’une longue période de lutte armée de la paysannerie et assiste aussi maintenant à la lutte de guérilla révolutionnaire agraire actuelle dans laquelle les paysans jouent un rôle héroïque.

   2. Notre ennemi est grand et puissant car il a un appareil d’état centralisé et une armée moderne bien équipée.

   3. Le Parti Communiste, l’armée de guérilla et le mouvement révolutionnaire agraire en Inde sont encore faibles.

   4. Notre pays est une prison des nationalités où certaines nationalités sont engagées dans d’âpres luttes contre l’état indien pour réaliser leur droit à l’autodétermination.

   Puisque ce sont les caractéristiques principales précitées qui fixent les lignes pour guider la guerre révolutionnaire de l’Inde aussi bien qu’un grand nombre de ses principes stratégiques et tactiques, analysons ces caractéristiques plus profondément.

   1. L’inégal développement économique et politique et le caractère semi-féodal et semi-colonial de la société indienne sont les caractéristiques les plus importantes qui déterminent en fait nos stratégie et tactique politiques comme nos stratégie et tactique militaires.

   L’inégalité dans le développement économique et politique de l’Inde est assez flagrante. D’une part, il y a une économie capitaliste déformée qui est de plus en plus incorporée dans l’économie mondiale impérialiste. L’économie capitaliste a donné naissance à un énorme prolétariat industriel et autres salariés dans les établissements non-industriels faisant à peu près 70 millions de personnes. Ceci garanti que le prolétariat de l’Inde est assez solide et en nombre et dans son organisation pour mener la révolution indienne si elle est imprégnée de l’idéologie du marxisme-léninisme-maoïsme.

   D’autre part, l’économie capitaliste coexiste avec, et se tient sur une base semi-féodale prépondérante. Bien que les rapports capitalistes pénètrent le système féodal dans la campagne indienne et qu’ils le remodèlent en partie pour qu’il convienne aux besoins de l’impérialisme, il est impossible (étant donné la collusion entre le féodalisme, le capitalisme bureaucrate compradore et l’impérialisme) d’amener un changement structurel radical dans la base semi-féodale et dans sa super-structure. C’est pourquoi la vaste majorité de la population de l’Inde vit toujours dans la campagne et que dans sa grande majorité, elle se morfond dans des conditions d’existence semi-féodales. La grande majorité de la paysannerie à un urgent besoin de la révolution agraire pour changer les misérables conditions d’existence semi-féodales. Cette situation provient du fait que la révolution démocratique en Inde demeure inachevée et que la question agraire demeure irrésolue. Par conséquent, la teneur de la révolution de nouvelle démocratie reste la guerre paysanne pour la terre et le pouvoir politique – un facteur qui peut être efficacement exploité par le parti pour stimuler et organiser les vastes masses paysannes dans l’armée populaire.

   Par conséquent, le prolétariat trouve son allié principal dans la paysannerie et peut la conduire à la victoire dans la guerre révolutionnaire agraire si une stratégie et des tactiques adéquates sont suivies. Il est possible de mettre en place une solide base de masse parmi les paysans et de les mobiliser dans des luttes de classe sous la forme d’une lutte armée pour la saisie de la terre et pour l’instauration de l’autorité populaire à la place de l’autorité féodale. Plusieurs régions dans le pays ont vu une irruption paysanne contre l’exploitation semi-féodale et les rapports de production semi-féodaux, particulièrement depuis la grande lutte de Naxalbari. Au cours des dernières décennies, la guerre révolutionnaire agraire s’est propagée vers plusieurs régions stratégiques dans notre pays et a créé la condition pour un flot interminable de militants et cadres paysans armés dans le mouvement révolutionnaire.

   L’inégalité du développement en Inde indique qu’il n’est pas possible d’organiser une révolution simultanée (c-à-d une insurrection armée) dans tout le pays et que la ligne de la prise du pouvoir à l’échelon régional grâce à la stratégie de la guerre populaire prolongée doit être adoptée en se basant sur les régions stratégiques et relativement arriérées de la campagne. Cela signifie que la guerre révolutionnaire doit commencer dans ces régions qui sont relativement plus arriérées et où les contradictions sociales sont vives. La puissance des forces armées des réactionnaires est plutôt inadaptée dans la vaste campagne de l’Inde et l’insuffisance du système de communication et de transport et d’autres infrastructures ne rend pas pratique le mouvement rapide des forces ennemies. Les forces armées populaires – l’armée populaire et la milice populaire – d’autres part, peuvent facilement avancer et battre en retraite selon les besoins de la lutte dans l’immense campagne, c’est à dire qu’il y a suffisamment de place pour leurs manœuvres face à une grande offensive militaire des forces armées de l’ennemi.

   Ainsi, l’immensité de la campagne, l’insuffisance du système de transport et de communication et l’isolement de la campagne éloignée des centres militaires, et par dessus tout, l’inadaptation des forces armées réactionnaires par rapport à l’immensité du pays et de la population, si tout ceci est pris en considération, la force militaire des réactionnaires est relativement faible dans la campagne comparé à celle dans les villes, et par conséquent, du point de vue militaire, la vaste campagne est la plus avantageuse pour une frappe de l’armée populaire révolutionnaire contre l’ennemi. Par conséquent, nous pouvons transformer de grands morceaux de la campagne en zones de résistance rouge, en zones de guérilla, en base de guérilla et en zones libérées en utilisant le terrain favorable qui est abondant dans certaines régions de la campagne indienne. Des zones libérées peuvent également être établies dans les plaines quand la situation nationale et internationale devient plus favorable et que l’armée populaire devient puissante, c-à-d quand la guerre révolutionnaire est à un sommet élevé.

   La nature semi-coloniale de la société indienne engendre également des conflits et des rivalités entre diverses puissances impérialistes pour leur domination et leur contrôle sur l’Inde. Ceci ne peut pas manquer de générer de profonds conflits et rivalités parmi les classes dirigeantes indiennes. Une situation politique instable pareille peut être utilisée par le parti du prolétariat pour accélérer le rythme de la construction de zones de guérilla et de zones libérées et de cette façon progresser vers l’achèvement de la révolution de nouvelle démocratie. Ainsi, tandis que la première caractéristique prouve indéniablement que la guerre populaire prolongée, et pas l’insurrection armée, est la voie à suivre par la guerre révolutionnaire en Inde, nous devons analyser les autres caractéristiques pour comprendre comment pourrait être menée la guerre populaire prolongée en Inde.

   2. La deuxième principale caractéristique – l’ennemi est grand et puissant avec un appareil d’état centralisé et une armée, des forces paramilitaires et autres bien équipées et bien entrainées – impose au parti du prolétariat de prendre d’extrêmes précautions dès le tout début dans la conduite de la guerre révolutionnaire. Ce facteur souligne la nécessité de mener notre guerre révolutionnaire depuis les chaînons les plus faibles de l’autorité ennemie – les vastes morceaux de la campagne indienne arriérée. Il nous met également en garde contre l’engagement pendant longtemps dans des combats décisifs d’un point de vue stratégique avec les forces armées de l’ennemi et d’utiliser la tactique de la guérilla et de préservation de nos forces tout en détruisant les forces ennemies petit à petit grâce aux méthodes de lutte de la guérilla, d’accumuler les forces en étendant et en approfondissant la lutte armée sur des zones toujours plus larges et de tirer le meilleur parti du terrain favorable dans les régions stratégiques de la campagne.

   Il faut toutefois noter que l’ennemi n’est supérieur que du point de vue tactique. Au sens stratégique, les forces armées ennemies ne sont que des tigres de papier. Leurs intérêts sont diamétralement opposés aux intérêts des larges masses et donc n’obtiennent pas la moindre coopération de la part de la population. Leurs capacités morales et de combat sont plutôt limitées essentiellement en raison de leur nature mercenaire ; et la contradiction entre les officiers et les soldats y contribue également considérablement. En outre, puisque la grande majorité d’entre eux sont des paysans en uniforme, l’influence de la guerre révolutionnaire agraire aura un profond impact sur eux.

   3. La troisième caractéristique principale, la fragilité du Parti Communiste, de l’armée de guérilla populaire et du mouvement révolutionnaire dans le pays dans la conjoncture actuelle a une profonde influence sur la nature de la guerre révolutionnaire en Inde. Elle montre que l’armée de guérilla populaire qui est construite au cours des luttes anti-féodales et qui fait progresser les luttes de guérilla révolutionnaires agraires, doit accumuler des forces sur une certaine période avant d’être transformée en l’Armée de Libération Populaire et avant la transformation des zones de guérilla en zones libérées. Elle nous averti également qu’il ne faut pas que nous dévoilions nos forces à l’ennemi ; qu’il faut que nous accumulions considérablement nos forces avant de nous engager dans des combats avec les forces ennemies et que nous construisions un mécanisme de parti clandestin robuste et stable dès le tout début. Ainsi, du contraste vif de la fragilité du parti, de l’armée de guérilla et du mouvement révolutionnaire dans son ensemble avec la puissance des forces armées de l’ennemi, s’élève la stratégie et la tactique de nos forces armées populaires et du parti.

   Cependant, cette fragilité ne touche qu’à la situation actuelle. Les conditions pour surmonter cette fragilité se développent relativement. Les habitants se mobilisent déjà dans différentes régions du pays dans les luttes révolutionnaires agraires armées sous la direction du Parti Communiste, lequel se renforce jour après jour. L’armée de guérilla populaire se développe et la guerre populaire se propage à de nouvelles régions. Puisque notre révolution agraire est une révolution juste, et puisqu’elle défend les intérêts de la majorité de la population, le soutien de la population se renforce jour après jour.

   L’infériorité en armes et en d’autres choses peut être compensée en se reposant sur la mobilisation des vastes masses, comme observé avec justesse par Mao :

   « La mobilisation du peuple partout dans le pays créera une immense mer dans laquelle noyer l’ennemi, créera les conditions qui compenseront notre infériorité en armes et en d’autres choses, et créera les conditions préalables pour triompher de chaque difficulté dans la guerre… Désirer la victoire et pourtant négliger la mobilisation politique, c’est comme désirer ‘aller vers le sud en conduisant le char vers le nord’, et le résultat serait inévitablement de renoncer à la victoire ». Par conséquent, en adoptant la stratégie et les tactiques appropriées et correctes, au moment où la guerre est prolongée, les désavantages de l’ennemi et nos avantages augmenteront tous les deux, et inévitablement, le degré de nos forces et de nos faiblesses et de celles de nos ennemis continuera à changer, et des changements continueront aussi à s’opérer dans la position de relative supériorité et d’infériorité des deux camps. Et, de cette façon, la puissance militaire du peuple atteindra sans arrêt et de manière définitive la suprématie de la puissance militaire de l’ennemi et finalement portera une défaite définitive à la puissance militaire de l’ennemi.

   Pour récapituler, au stade initial, c’est-à-dire jusqu’à un certain stade de développement de la guerre populaire, notre puissance militaire a des chances de rester plus faible que celle de l’ennemi. Mais cette puissance de l’ennemi et la faiblesse du peuple ne sont jamais absolues, elles sont relatives, elles sont temporaires. En se reposant sur les vastes régions rurales et sur les paysans pauvres, au moyen de la poursuite de la ligne de masse, de la ligne de classe, des principes de la lutte de guérilla et de la guerre populaire prolongée, en paroles et en faits, comme exposé par le camarade Mao, la puissance militaire du peuple peut progressivement et de manière définitive submerger celle de l’ennemi au moment où la guerre révolutionnaire se prolonge et peut finalement infliger une défaite décisive aux forces armées de l’ennemi. Quelle que soit la vigueur des forces de l’ennemi et quelle que soit la fragilité des forces populaire au début de la guerre révolutionnaire, grâce à la réalisation et à l’application créative des enseignements globaux de la stratégie et des tactiques flexibles de la guérilla et de la guerre populaire prolongée, il est possible d’échafauder un nouveau modèle d’armée, c’est-à-dire l’armée rouge, et d’établir, l’une après l’autre, des zones de base avancées dans les régions rurales arriérées, et il est tout à fait possible de porter vers l’avant la révolution vers sa victoire finale en consolidant et en élargissant petit à petit l’armée populaire et les zones de base grâce aux luttes. En commençant par la grande révolution chinoise, les expériences historiques même des guerres révolutionnaires de pays tels que le Vietnam, le Laos, le Cambodge, etc., témoignent de la vérité précitée.

   4. La quatrième caractéristique principale – la contradiction inconciliable entre les différentes nationalités et les classes dirigeantes indiennes occasionnant une confrontation armée incessante – contribue largement à l’affaiblissement de l’ennemi et aide la marche en avant du mouvement révolutionnaire.

   Cette situation provient du fait que la révolution démocratique inachevée en Inde a laissé la question nationale irrésolue, et c’est le parti du prolétariat qui doit prendre en main la tâche historique de la résolution de ce problème dans une perspective de classe. Une importante partie de la campagne isolée, la plus avantageuse pour l’instauration de zones libérées rouges d’un point de vue géographique et militaire, est principalement habitée par les nationalités et les tribus mécontentes et agitées qui sont engagées dans une confrontation armée acharnée avec l’état indien. Par conséquent, il devient impératif pour les forces armées ennemies d’être déployées en grand nombre dans des zones toujours plus étendues pour maîtriser les luttes armées menées par les diverses nationalités.

   Des centaines de milliers de troupes armées ennemies ont été déployées depuis longtemps rien que dans les états du Cachemire et de Nord-Est. De plus en plus de nationalités pourraient entrer dans une confrontation armée avec l’état indien réactionnaire qui les garde dans un état d’assujettissement et d’oppression, leur refusant leur droit à l’autodétermination. Étant donné qu’une partie considérable des forces armées ennemies sera inévitablement engagée contre la vague croissante des luttes par les diverses nationalités, il sera difficile pour les classes dirigeantes indiennes de mobiliser toutes leurs forces armées contre notre guerre révolutionnaire. Si notre parti peut poser la base correcte pour convaincre les nationalités et les tribus grâce à notre politique de garantie de l’autodétermination pour les nationalités et d’autonomie politique pour les tribus, et former un puissant front uni contre l’ennemi commun (c-à-d l’impérialisme, la bourgeoisie bureaucrate compradore et le féodalisme) avec ces forces, nous pourrons répandre les flammes de la lutte armée à presque toutes les régions stratégiques dans le pays.

   Inutile de dire que ceci sera un grand facteur positif pour la progression rapide de la guerre populaire, l’armée de guérilla populaire devenant l’Armée de Libération Populaire, en instaurant plusieurs zones de base pour ensuite progresser vers la victoire à l’échelle nationale.

   Les quatre caractéristiques principales mentionnées ci-dessus déterminent la ligne pour guider la guerre révolutionnaire de l’Inde aussi bien que beaucoup de ces principes stratégiques et tactiques. Il résulte de la première et de la quatrième caractéristique qu’il est possible pour notre parti et notre armée populaire de s’accroître et de vaincre l’ennemi. Cependant, il résulte également de la deuxième et de la troisième caractéristique qu’il est impossible pour notre parti et notre armée populaire de s’accroître très rapidement ou de vaincre notre ennemi rapidement. Par conséquent, la guerre révolutionnaire en Inde sera de nature prolongée.

   Toutefois, la situation révolutionnaire peut devenir encore plus favorable pour la progression rapide de la guerre populaire en raison de plusieurs facteurs tels que : intensification supplémentaire de la crise impérialiste ; une guerre avec les pays voisins ou à une échelle mondiale ; intensification des contradictions internes parmi les classes dirigeantes indiennes qui conduira peut-être à une crise politique et à une instabilité encore plus graves, obligeant de ce fait l’ennemi à détourner ses forces armées et ses ressources économiques pour s’occuper des révoltes de masse grandissantes ; les éventualités de l’émergence de révoltes parmi la police, les forces paramilitaires aussi bien que l’armée, et ainsi de suite.

   Certaines personnes soutiennent qu’en Inde, il est impossible d’établir des zones libérées, de construire une armée rouge et de se livrer à une guerre populaire prolongée parce qu’il y a relativement plus de développement industriel, des rapports capitalistes de production dans l’agriculture et de meilleurs équipements de transport et de communication, et parce que le gouvernement indien a un puissant système administratif centralisé avec une très grosse armée moderne par rapport à la Chine pré-révolutionnaire. Ces arguments sont faux. Quelle que soit la force de la puissance militaire de l’ennemi et la fragilité de la puissance militaire populaire, en nous basant sur l’immense campagne arriérée – la position la plus faible de l’ennemi – et en nous reposant sur les vastes masses de la paysannerie, désirant vivement la révolution agraire et suivant de façon créative la stratégie et la tactique flexibles de la lutte de guérilla et de la guerre populaire prolongée – comme un repas entier et mangée bouchée par bouchée, exactement de la même manière – en appliquant la meilleure partie de notre armée (une force quelques fois plus solide que celle de l’ennemi) contre différentes parties particulières des forces ennemies et suivant la politique et la tactique de l’attaque soudaine et de l’anéantissement, il est tout à fait possible de vaincre les forces ennemies et de parvenir à la victoire pour le peuple dans des combats singuliers. Il est ainsi possible d’augmenter les forces armées populaires, d’atteindre la suprématie sur les forces ennemies et de vaincre l’ennemi de manière décisive.

   Tout en tenant compte des facteurs favorables à l’ennemi, nous devons, dans le courant de la mise en œuvre de la guerre populaire prolongée, prendre beaucoup plus de précautions et il faut que nous établissions des zones libérées en développant des zones de guérilla en n’oubliant pas qu’il n’est pas possible de construire des zones libérées coup sur coup. Nous devons mobiliser la population dans la lutte de classe plus intelligemment et prudemment, sur base de la ligne de classe et de la ligne de masse. Nous devons nous rappeler que le seul élément positif dont dispose l’ennemi (même cela est temporaire) est la puissance supérieure de l’appareil étatique, tout particulièrement les forces armées mercenaires. D’autre part, tous les autres éléments sont du côté du parti révolutionnaire et de l’armée de guérilla populaire – parmi ceux-ci, le principal étant le motif juste de notre guerre, notre responsabilité historique dans la résolution de la question agraire et de la question de la nationalité qui sont l’aspiration d’une écrasante proportion de la population du pays, la crise croissante et les contradictions au sein des classes dirigeantes et le fait que nous ne menons pas un vieux modèle de guerre conventionnelle mais une guerre populaire en mobilisant la population à une très grande échelle, aussi bien d’un point de vue militaire que politique. Par conséquent, les facteurs favorables à l’ennemi ne peuvent pas changer la nature prolongée de la guerre révolutionnaire qui résulte des caractéristiques principales de notre pays, comme des leçons tirées des révolutions chinoises et russes, et principalement de la révolution chinoise.

   Non seulement l’Inde, mais chaque pays a, en plus des caractéristiques générales, ses propres caractéristiques spécifiques et ses propres particularités. Nous devons également nous rappeler que la révolution subira des pertes si nous ne réussissons pas à prendre en compte les caractéristiques spécifiques et les particularités en formulant les principes de base de notre voie révolutionnaire. Toutefois, nous devons garder à l’esprit que ces caractéristiques spécifiques et ces particularités ne peuvent pas transformer les caractéristiques générales de la guerre révolutionnaire ou de la voie révolutionnaire déterminées par ces caractéristiques.

Phases stratégiques

   Que la « guerre populaire prolongée » traversera trois phases stratégiques est un principe général (l’expérience des révolutions de la Chine, du Vietnam et d’autres pays ont prouvé ceci). Elles sont (i) Phase de défense stratégique ; (ii) Phase d’impasse stratégique ; et (iii) Phase d’offensive stratégique.

   Au fond, notre guerre populaire prolongée suivra aussi ce principe général.

   L’expérience des révolutions victorieuses passées d’autres pays révèle le fait que dans une guerre populaire prolongée, la première phase d’offensive stratégique, qui la suivra, se termineront relativement plus rapidement. Cependant, le changement vers les deuxième et troisième phase dépend surtout de la situation nationale et internationale.

Élections parlementaires – notre position

   D’après le marxisme-léninisme, la participation ou le boycott des élections sont des formes de lutte et relatifs à la tactique. Mais après l’émergence du révisionnisme de Khrouchtchev, alors que la voie parlementaire et la participation aux élections sont devenus la stratégie des révisionnistes modernes, avec cet aspect en toile de fond, nous ne pouvons pas laisser cette question comme étant simplement une question de seule tactique. Donc, il n’est pas juste de dire que comme toutes les autres tactiques, cette tactique aussi ne peut être utilisée que si elle convient aux conditions concrètes du pays en général et qu’elle est au service de la stratégie révolutionnaire, c-à-d la prise du pouvoir grâce à la guerre populaire prolongée.

   Dans les conditions concrètes de l’Inde semi-coloniale et semi-féodale où la révolution démocratique bourgeoise non plus n’a pas été achevée et où existes d’inégales conditions sociales, économiques et politiques, les conditions objectives permettent au parti prolétarien de lancer et de poursuivre une lutte armée dans la vaste campagne. Au nom de la préparation à la lutte armée, la participation aux élections ne fera que saboter le mouvement révolutionnaire. Aucune période pacifique de préparation à la révolution n’est nécessaire en Inde, à la différence des pays capitalistes où les révolutions démocratiques bourgeoises ont été achevées et où l’insurrection armée est la voie de la révolution.

   Par conséquent, en règle générale, dans les conditions actuelles dans notre pays, la participation aux élections n’aide ni à développer la lutte de classe révolutionnaire ni à augmenter la conscience démocratique parmi la population. Plus exactement, cela ne fera qu’entretenir les illusions constitutionnelles et les tendances légalistes parmi les rangs du parti et les masses dans leur ensemble.

   Certains disent que le parti révolutionnaire doit participer au parlement et aux assemblées, citant trois raisons : 1) il n’y a pas de marée haute de révolution ; 2) que les forces subjectives sont faibles actuellement pour lancer et développer la lutte armée et 3) que le peuple se fait des illusions sur le système parlementaire.

   Tous ces arguments sont sans fondements, et n’ont aucun rapport quel qu’il soit avec les réalités concrètes de terrain en Inde. Premièrement, la question du flux et du reflux comme expliquée par le camarade Lénine s’applique aux pays suivant une tactique insurrectionnelle où les périodes de flux sont utilisées pour la préparation à la révolution et les périodes de reflux sont utilisées pour l’insurrection armée ou la révolte. En Inde, une situation révolutionnaire existe et la voie de la révolution est celle de la guerre populaire prolongée, la participation au parlement n’a aucun rapport avec le flux et le reflux de la révolution et la lutte armée peut être lancée et la prise du pouvoir à l’échelon régional peut être accomplie dans la campagne.

   Deuxièmement, la participation au parlement n’aide pas à développer les forces subjectives. En vérité, cela les enfoncera seulement dans le légalisme et les détournera de la tâche ardue et minutieuse de la construction d’un parti clandestin, de l’intensification de la lutte de classe révolutionnaire et de la progression de la lutte armée contre l’état. En outre, les expériences de participation aux élections pendant les 50 dernières années prouvent amplement ce fait que, la plupart de ceux qui ont participé aux élections parlementaires en vertu de n’importe quel argument, se sont soit transformés en apologistes du parlementarisme et sont devenus des révisionnistes inébranlables ou ont seulement augmenté les illusions sur le système parlementaire.

   L’argument selon lequel le peuple indien se fait des illusions sur les institutions parlementaires et que donc il faut participer pour dissiper ces illusions est encore plus détestable et dangereux. Les institutions et le système parlementaires en Inde sont en grande partie discrédités en Inde aux yeux de la population et la participation dans ceux-ci ne feront que créer ou augmenter les illusions parmi la population. Il n’y a aucune base objective en Inde pour dénoncer le système parlementaire depuis l’intérieur. La meilleure manière de la faire est la propagande directe et l’organisation de la population contre le système parlementaire et électoral sur la base du slogan du boycott des élections.

   Ce n’est qu’en encourageant les institutions alternatives de pouvoir populaire au cours de l’intensification de la lutte de guérilla révolutionnaire agraire en cours qu’ils sera possible d’accroître la conscience populaire et d’effacer leurs illusions, quelles qu’elles puissent être, au sujet de l’actuel système parlementaire. De plus, il est nécessaire, dans ce but, de propager abondamment et concrètement de boycotter les élections parlementaires et, en même temps, concernant les organes alternatifs de pouvoir populaire. La tactique de la participation aux élections ébranle la tâche de la construction et du développement de la lutte armée révolutionnaire.

   En outre, l’expérience historique en Inde jusqu’ici a seulement prouvé que la plus grande partie de ceux qui ont participé aux élections sont soit devenus des révisionnistes ou ont détourné la lutte armée révolutionnaire dans des directions légales et pacifiques. Les divers groupes marxistes-léninistes de notre pays qui suivent la tactique de la participation aux élections parlementaires s’embourbent de plus en plus dans le bourbier opportuniste de droite, tandis que certains ont déjà renoncé à la lutte armée et sont devenus des révisionnistes.

   Par conséquent, nous pouvons déduire que le boycott des élections, bien qu’une question de tactique, acquiert le sens de la stratégie dans les conditions concrètes obtenues en Inde étant donné que ce n’est pas du tout compatible avec la stratégie de la guerre populaire prolongée.

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