RÉVOLUTION AU PÉROU : Le Pérou et les leçons du fascisme

RÉVOLUTION AU PÉROU : Le Pérou et les leçons du fascisme

Par : Partisan.ca

17 Avril 2020

Cet article fait partie d’une série d’articles qui seront publiés cette année, d’abord en ligne puis en version imprimée, et qui traitent des succès de la guerre populaire au Pérou au cours des quarante dernières années. Notre intention est de célébrer le quarantième anniversaire du début de la guerre populaire au Pérou et de discuter des leçons que la classe ouvrière canadienne peut tirer de sa lutte pour les intégrer à la nôtre.                         

Le fascisme sort une fois de plus des vils égouts du capitalisme, traînant son sinistre corps alors qu’il se prépare à défendre les échecs de l’impérialisme contre la juste colère des masses. Alors que les antifascistes – qui doivent être guidés par un véritable parti communiste – se préparent à mener à nouveau une lutte historique contre les fascistes, il est essentiel qu’ils comprennent bien la nature du fascisme. Cette situation est compliquée par la menace du social-fascisme, qui s’efforce de déguiser le fascisme pour la consommation des masses et de faire dérailler les véritables antifascistes de leur lutte ardente. Cependant, l’histoire a montré à maintes reprises que les fascistes ne peuvent pas gagner, car le fascisme n’est qu’un râle de mort que le capitalisme laisse échapper alors qu’il approche de la fin de sa phase finale. Opposé à des antifascistes disciplinés ayant une bonne compréhension du fascisme, il n’est qu’un tigre de papier, à brûler et à disperser dans les méandres de l’histoire.

Pour comprendre pourquoi le fascisme sort de l’ombre au Canada, tant dans les rues de villes comme Vancouver qu’au sein de l’appareil d’État, il faut d’abord comprendre la question « Qu’est-ce que le Canada ? ». À cette question, il ne peut y avoir qu’une seule réponse correcte et complète, donnée par un document du même nom de la PCR-RCP : « Le Canada est un État capitaliste, colonisateur et impérialiste », où une classe ouvrière (le prolétariat) est exploitée par la classe propriétaire (la bourgeoisie), les nations colonisées des peuples indigènes sont opprimées par la classe dominante colonisatrice, et la classe dominante exporte des capitaux pour profiter des ressources et de la main-d’œuvre des pays étrangers pauvres. La classe dirigeante, craignant une révolution de la classe ouvrière qu’elle exploite impitoyablement, utilise ensuite les pillages des colonies internes et de celles des pays étrangers pour donner des miettes aux travailleurs tout en maintenant une croissance des profits. Le produit de cela est l’aristocratie ouvrière, le petit sous-ensemble de travailleurs privilégiés et corrompus qui prennent la direction de syndicats sans pouvoir et tentent d’orienter le prolétariat vers l’opportunisme. Ce processus d’impérialisme, où les monopoles des cartels et des banques injectent des capitaux dans les colonies afin d’extraire de vastes quantités de richesses des travailleurs et des ressources des colonies, est l’étape finale du capitalisme. Le monde entier est passé sous la coupe de blocs capitalistes opposés, et la course au profit capitaliste est obligée de rechercher une croissance économique indéfinie sur une planète finie aux ressources limitées. Dans ce contexte, le fascisme surgit alors que l’impérialisme commence inévitablement à échouer et que les forces de la révolution menacent le pouvoir des capitalistes en son noyau. La classe capitaliste, dans sa tentative infructueuse de maintenir son pouvoir, fait ressortir l’arme du fascisme, par opposition à son autre mode de fonctionnement, la démocratie libérale. Avec le fascisme, elle est capable de briser plus efficacement la lutte des opprimés et de poursuivre son exploitation du monde. Aujourd’hui, alors que nous vivons à l’époque de l’offensive stratégique de la révolution mondiale, où les impérialistes savent qu’ils seront bientôt écrasés par des vagues de révolution, le fascisme devient une menace toujours plus grande, dont les bases ont été mises en place et prête à être lâchée sur le peuple.

La nature même des impérialistes, qui, comme l’a dit le président Mao, est de « engendrer des troubles, échouer, engendrer encore des troubles, échouer encore », explique pourquoi le fascisme réapparaît au Canada ainsi que dans d’autres puissances impérialistes à travers le monde, principalement aux États-Unis. Les impérialistes échouent à nouveau. Cependant, cette compréhension n’explique pas la montée du fascisme dans les pays pauvres, dominés par les impérialistes, et ne permet pas d’aller à la racine de ce qu’est réellement le fascisme. Pour cela, nous devons étudier les enseignements du président Gonzalo, qui a mené la lumineuse guerre populaire contre le vieil État fasciste au Pérou de 1980 à son arrestation en 1992. Il nous enseigne que le fascisme peut en effet surgir dans les pays pauvres et dominés également, contraints à l’existence contre le courant résolu de l’histoire par les contradictions de classe qui existent dans toutes les sociétés, avant le communisme. Il développe la définition précédente de Dimitrov, qui affirmait que le fascisme était « la dictature ouverte et terroriste des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins et les plus impérialistes du capital financier », ce qui impliquait que le fascisme ne pouvait naître que dans le centre impérialiste où se trouvait le capital financier. Ici, dans ces pays du « tiers monde » opprimés, il existe deux grandes catégories de capitalistes. La première, les grands capitalistes, qui contrôlent la grande majorité des grands projets industriels et des ressources. Ils collaborent avec les impérialistes étrangers pour permettre l’exploitation de leur pays, tandis que l’autre, les petits et moyens capitalistes des petites boutiques et usines, qui sont eux-mêmes freinés par la domination de la grande bourgeoisie, et sont généralement démocratiques dans leur vision des choses. Tout comme les impérialistes sont la racine du fascisme au Canada, dans ces nations semi-coloniales, ce sont les grands capitalistes qui cultivent les fruits bâtards du fascisme comme dernière mesure contre les mouvements démocratiques anti-impérialistes des petits et moyens capitalistes, des intellectuels et des paysans, dirigés par les travailleurs par l’intermédiaire du Parti communiste.

Il est clair que la perversion du fascisme est endémique à toutes les sociétés capitalistes, mais qu’est-ce que le fascisme ? Après tout, même l’antifasciste le plus militant ne peut espérer être efficace pour liquider les fascistes s’il n’est pas capable d’identifier les fascistes et de les différencier des autres réactionnaires. En effet, si les mouvements antifascistes en Amérique du Nord – généralement dirigés par des anarchistes sans parti – ont été largement inefficaces, c’est précisément parce que la définition scientifique du fascisme, synthétisée par la longue lutte du mouvement communiste international, a été embrouillée et vidée de son sens. La preuve en est la façon dont les membres de la gauche post-moderniste ont tendance à qualifier de « fasciste » toute forme de violence d’État, même si cette violence est infligée dans les limites d’une constitution libérale-démocrate. C’est une analyse erronée. Là encore, le président Gonzalo nous donne une grande leçon. Dans sa interview de 1988 avec El Diario, il dit : « En ce qui concerne l’identification du fascisme avec la terreur, avec la répression, nous pensons que c’est une erreur ». Il dit cela parce que dans la vision marxiste, le but d’un État – sa raison d’être – est d’infliger une violence aux ennemis de la classe dirigeante. Même à l’époque de la « démocratie » parlementaire libérale, la police et d’autres appareils sont utilisés pour réprimer, avec une violence horrible, les membres courageux de la classe ouvrière qui suivent leurs instincts de classe et utilisent leur droit de se rebeller. Le fait que la même chose se passe sous le fascisme, bien qu’à un niveau plus élevé, n’est pas très utile pour définir ce qu’est le fascisme. Au contraire, le fascisme doit être défini selon trois caractéristiques cardinales : la négation de la démocratie libérale, la centralisation du pouvoir de l’État par l’exécutif et la corporatisation de la société. En étudiant ces trois éléments, la véritable nature de classe du fascisme, ainsi que la manière de trouver et d’éliminer tous les types de fascistes, devient parfaitement claire.

Le premier élément, la négation de la démocratie libérale, est peut-être le plus semblable aux notions capitalistes de ce qu’est le fascisme. C’est également cet élément qui nous permet de voir que le fascisme n’est qu’une face du capitalisme, l’autre face étant la démocratie libérale. Aux yeux des capitalistes, leur « démocratie » est principalement représentée dans leurs élections. Cependant, pour les travailleurs qui constituent la grande majorité du peuple, cette démocratie est une imposture, contrôlée par l’hégémonie des médias corporatistes et utilisée par un groupe de partis capitalistes pour la plupart homogènes. Pour les travailleurs, ce qui est plus important dans la démocratie libérale, c’est que dans une démocratie libérale, les capitalistes permettent aux travailleurs de s’organiser assez librement, dans leurs rassemblements, leurs publications et leurs organisations. De plus, l’État capitaliste, sous cette fausse démocratie, permet aux révolutionnaires, qui dirigent les travailleurs et éduquent les masses, d’opérer avec un minimum d’interférences, au moins en ce qui concerne les actions qui tombent dans le champ étroit de leur légalité. Les capitalistes utiliseront l’une ou l’autre méthode de fonctionnement en fonction de ce qui est nécessaire pour empêcher la révolution, mais le fascisme n’est pas une nouvelle étape du capitalisme. C’est plutôt une arme que la classe dominante peut utiliser contre les travailleurs. La négation de la démocratie libérale, qui est l’autre arme, montre que l’arme du fascisme a été choisie. Lorsque même les formes élémentaires d’organisation de la classe ouvrière se heurtent à la violence politique, le premier qualificatif du fascisme, la négation des principes de la démocratie libérale, a été atteint.

            Le deuxième élément, la centralisation du pouvoir dans l’exécutif, est une chose qui a été observée tout au long du XXe siècle dans les centres impérialiste, en particulier aux États-Unis. Ce concept est assez simple : il s’agit de transférer le pouvoir des institutions « démocratiques » élues, comme le parlement, vers des postes exécutifs comme la présidence. Le but d’un tel changement est de mettre les débats et les désaccords dans les rangs de la classe capitaliste, permettant à l’État de traiter rapidement et impitoyablement toute crise, afin que la classe capitaliste dans son ensemble puisse survivre. Dans la pratique, cela se traduit par la création d’agences telles que la CIA, qui relève directement de la branche exécutive du gouvernement américain, dirigée par le président, et qui n’a pas de comptes à rendre à des organes tels que le Congrès. Dans le contexte canadien, cela peut être vu dans le pouvoir presque illimité qui est donné aux services de renseignement de sécurité canadiens, pour mener des enquêtes par des moyens douteux.

            Le troisième élément du fascisme, la corporatisation de la société, est un élément fondamental de la théorisation fasciste depuis ses tout débuts dans l’Italie de Mussolini. Cette théorisation perverse soutient que la société doit être organisée sur le modèle de l’industrie – c’est-à-dire que des corporations doivent être formées, englobant tous les membres de toutes les classes dans chaque industrie. Par exemple, une corporation pour l’industrie automobile serait formée, dont tous les employés de l’industrie automobile, des ouvriers aux cadres et aux dirigeants, seraient membres. Chacune de ces sociétés doit alors agir comme un organe unifié au sein du « corps » plus large d’une nation, un tel arrangement étant censé apporter une harmonie nationale. En pratique, cette prétendue harmonie n’est que la suppression des intérêts des travailleurs. Les intérêts des travailleurs et des capitalistes sont inconciliables, et toute tentative d’unir leurs intérêts d’une manière ou d’une autre n’est qu’une tentative détestable de soumettre la légitime rébellion des opprimés contre les oppresseurs. Le fait que le fascisme tienne tant à cette pratique ne fait que révéler encore davantage ce qu’est réellement le fascisme : un outil de dernier recours des capitalistes pour « harmoniser » les travailleurs loin de leur rôle révolutionnaire, par la tromperie et la coercition.

            Nous pouvons alors voir que le fascisme est un outil, ou un mode de fonctionnement pour les capitalistes, qui prive les travailleurs de leurs droits politiques les plus fondamentaux, et tente d’éliminer le phénomène universel de la lutte des classes. Comment lutter contre ce fascisme ? C’est la question la plus importante de toutes, car comprendre sans mettre en pratique est une entreprise inutile, et le savoir « doit se manifester par le saut de la connaissance rationnelle à la pratique révolutionnaire », comme l’a dit le président Mao. À cette question, il n’y a qu’une seule réponse correcte. Pour lutter contre le fascisme, nous devons épouser la cause de la révolution et être prêts à nous battre pour elle. Pourquoi ? Parce que notre définition du fascisme montre que le fascisme est endémique au capitalisme, et qu’il est tout aussi naturel pour lui que la démocratie libérale. Si nous voulons liquider le fascisme de la surface de la Terre, le socialisme doit évincer le capitalisme dans le monde entier et l’humanité doit marcher ensemble vers le communisme. Cependant, dans ce long et difficile chemin que nous devons emprunter, il y a un obstacle que nous devons affronter avant même de pouvoir nous attaquer au fascisme : le social-fascisme, ou comme on l’appelle plus communément, la social-démocratie. Ce jumeau maléfique du fascisme, la social-démocratie, se fraye un chemin dans le mouvement antifasciste, cherchant à voler les travailleurs de ses griffes et de ses crocs avant même d’avoir eu le premier contact avec l’ennemi. La caractérisation de la social-démocratie comme jumelle du fascisme n’est pas une simple calomnie, mais une conclusion à laquelle nous sommes parvenus au terme d’un siècle d’expérience et de lutte. Comme le montre la définition du fascisme, le fascisme est lui-même une négation de la démocratie libérale, qui est rejetée par la classe dirigeante quand elle fait ressortir le fascisme pour écraser les opprimés rebelles. Son symptôme est le déchaînement d’une vague de terreur non déguisée contre les travailleurs, qui sont privés de leurs droits légaux de se défendre politiquement. Pourtant, les social-fascistes, qui se faufilent dans les rangs des travailleurs avec une vague rhétorique « de gauche », trompent les travailleurs en leur faisant croire qu’ils sont « modérés » et qu’ils s’abstiennent de la violence supposée du véritable antifascisme, et les poussent au contraire, contre leur instinct, à ne compter que sur les droits limités et bientôt révoqués que la démocratie libérale leur accorde. Cela se traduit par des manifestations sans buts réels et des slogans vides de sens alors que les États commencent leur transition vers le fascisme, en demandant par exemple des tireurs d’élite contre les défenseurs des terres indigènes et en mettant en place des camps de concentration pour les immigrants racisés. Le fascisme est essentiellement une attaque militaire contre la classe ouvrière à laquelle les travailleurs doivent répondre avec leurs propres défenses militaires. Le social-fascisme vole les armes dont disposent les travailleurs – son organisation, son militantisme et son rôle historique en tant que dernière classe de l’histoire – au moment même où la classe ouvrière se prépare à l’offensive des capitalistes.

            Ce n’est pas un hasard si, tout comme le fascisme, le social-fascisme sert à empêcher la révolution, l’un en écrasant avec force, et l’autre en subvertissant, et en dirigeant la colère des masses vers un exutoire improductif. De même, ce n’est pas une coïncidence si de nombreux exemples de collaboration directe entre les deux jumeaux sont disséminés dans l’histoire, que ce soit le parti social-démocrate allemand (SPD) qui a envoyé le Freikorps fasciste pour assassiner notre chère camarade Rosa Luxemburg et écraser la révolution allemande, ou le pacte de non-violence entre les fascistes italiens et leur parti social-démocrate. L’une des plus grandes luttes de l’histoire contre le fascisme et l’impérialisme, la guerre populaire menée par le Parti communiste du Pérou depuis les années 1980, est également entrée en contradiction avec le social-fascisme. Comme l’indiquent les rapports déclassifiés établis pour le ministère américain de la défense par l’Institut national de recherche sur la défense de la RAND Corporation, la capacité des social-fascistes péruviens à gaspiller l’énergie révolutionnaire des masses par des moyens légaux a été l’une des défenses les plus efficaces du régime fasciste d’Alan García contre le Parti communiste du Pérou dans la capitale Lima. Au Canada également, les social-fascistes, représentés principalement par le Nouveau Parti Démocratique, volent l’énergie des masses au service du fascisme. « Nous sommes contre le fascisme », prétendent-ils en essayant de faire appel aux travailleurs et aux progressistes, mais où sont leurs partisans lors des manifestations antifascistes militantes à Vancouver, où les maoïstes et les anarchistes se dressent contre les fascistes de rue et leurs collaborateurs policiers ? Ils ne sont certainement pas occupés au Parlement, car aucun de leurs sièges à la Chambre des Communes, sur lesquels ils parient tout, n’est utilisé pour faire quoi que ce soit contre le capitalisme canadien, le colonialisme ou l’impérialisme, aussi inefficace que cela pourrait être. En voyant cela, la chose correcte à faire pour tout futur antifasciste serait d’abandonner tout faux espoir dans ces faux partis capitalistes, et de faire ce que les braves masses au Pérou ont osé faire : se joindre aux communistes pour faire la révolution.

            Cette époque appartient à l’offensive stratégique de la révolution prolétarienne mondiale. Le capitalisme approche de la fin de sa phase finale, et la crise de l’impérialisme s’accentue de jour en jour, en s’efforçant de freiner l’inévitable. Dans cette dernière poussée vers un monde juste, la classe ouvrière et tous ceux qui la dirigent et luttent à ses côtés doivent être prêts à tout donner pour combattre le fascisme, à tout donner pour tout gagner. Comme l’a dit le  président Gonzalo, « étant communistes, nous ne craignons rien », et nous devons porter notre vie « sur le bout des doigts afin de pouvoir la donner chaque fois que la révolution l’exige ». L’antifascisme, qui est nécessaire parce que les conditions objectives d’une lutte communiste totale sont en train de mûrir, doit lui-même être considéré comme une partie de la cause révolutionnaire, et une tâche nécessaire de la classe ouvrière en tant que classe finale dans l’histoire du monde. Pour réussir cette lourde tâche, il faudra le plus grand dévouement des combattants les plus avancés que la classe ouvrière peut apporter, guidée par le marxisme-léninisme-maoïsme, l’idéologie des travailleurs d’aujourd’hui. L’antifascisme doit être repris par les communistes, et avec les masses qu’ils dirigent, ils enverront violemment le fascisme à la poubelle de l’histoire, pour qu’on ne le revoit plus jamais.

flechesommaire2