La voie d’encercler la ville par la campagne

Parti Communiste du Brésil (Fraction Rouge)

Guerre populaire et Révolution

4. La voie d’encercler la ville par la campagne

   « Le marxisme a éduqué le prolétariat à diriger la paysannerie » Lénine

   Ce que l’expérience historique a également montré, c’est que la voie que la Guerre Populaire a traversé dans les pays opprimés est celle de l’encerclement de la ville par la campagne. Mais ce n’est pas l’essence de la Guerre Populaire comme certains l’interprètent mécaniquement. Comme décrit ci-dessus, l’essence de la Guerre Populaire est d’être une guerre des masses menée par le Parti Communiste, dans laquelle la question du pouvoir est un objectif central, poursuivi depuis le début et conquis partie par partie jusqu’à sa conquête dans tout le pays. Cela signifie que son objectif, toujours soutenu par les masses mobilisées, politisées, organisées et armées petit à petit, à travers la lutte armée, détruit les bases sur lesquelles repose l’ancien État, générant un vide de pouvoir pour établir le Nouveau Pouvoir Populaire soutenu par les masses armées. C’est-à-dire, le pouvoir conquis et défendu par la force armée dirigée par le Parti Communiste. En tant que conception scientifique, la Guerre Populaire part de la connaissance des lois qui régissent le développement socio-économique de la réalité, du pays et de la société dans laquelle elle est appliquée.

   Ainsi, dans le cas des pays opprimés, les pays arriérés où l’impérialisme les subjuguent principalement par la forme semi-coloniale de domination, un capitalisme bureaucratique a été engendré sur la base féodale ou semi-féodale pourrie, maintenant les anciennes relations de ces sociétés arriérées à travers l’évolution de ses formes qui feignent souvent un certain degré de développement et de progrès. Le maintien de cette base pourrie et des relations semi-féodales est fondamentalement soutenu par la non-suppression des relations de propriété foncière centrées sur le monopole et la concentration entre les mains d’une poignée de grands propriétaires fonciers, au détriment de l’immense majorité des paysans pauvres sans terre ou avec peu de terres, en plus d’un certain nombre de couches de paysans moyens et riches. Et bien sûr, de telles bases économiques et relations sociales sont également projetées dans toute la superstructure de la société comme sa détermination et ses formes idéologiques, politiques, juridiques et culturelles nécessaires à sa justification et à sa reproduction. Ainsi, un grand retard persiste dans la campagne soumise à l’exploitation de la ville, dans laquelle se concentrent les structures de pouvoir des classes dirigeantes locales soumises et associées à l’impérialisme. Ainsi, la prédominance de latifundios [grands propriétaires fonciers] et l’existence de nombreux paysans font de la campagne une importante réserve économique et politique pour la grande bourgeoisie et la domination de l’impérialisme.

   Dans ces conditions, où le Parti Communiste a besoin d’une stratégie qui brise la condition de la campagne d’être la réserve de la bourgeoisie et instaure l’alliance ouvrière-paysanne, il doit organiser les paysans dans la lutte pour la conquête de la terre et la destruction des latifundios, à travers la guerre paysanne. De plus, la guerre paysanne est ce qui permet au prolétariat de ces pays d’organiser leur force armée et de construire leur hégémonie. Toute cette situation rend le terrain, du point de vue militaire, tactiquement favorable à la révolution et défavorable à l’ancien État. Mais pour que le mouvement révolutionnaire ne soit pas isolé à la campagne, la Guerre Populaire doit aussi être menée dans la ville, mais en complément et en préparation de la future insurrection générale, pour culminer avec la conquête du pouvoir dans tout le pays. C’est pourquoi la route que la Guerre Populaire traverse dans ces pays doit être la voie de la campagne vers la ville ou la stratégie de l’encerclement de la ville par la campagne. C’est-à-dire que cette voie n’est que la spécification de la Guerre Populaire pour les pays arriérés et opprimés par l’impérialisme.

   « Le Président Mao a établi la voie d’encercler les villes depuis la campagne et son noyau les bases d’appui, en gardant à l’esprit que les puissances impérialistes et leurs alliés réactionnaires chinois  étaient retranchés dans les villes principales et que si la révolution refusait de capituler et voulait persévérer dans la lutte elle devrait transformer les zones rurales arriérées en bases d’appui avancées et solides, dans de grands bastions militaires, politiques, économiques et culturelles de la révolution d’où elle peut se battre contre l’ennemi féroce, qui a attaqué les zones rurales en utilisant les villes et en guidant la révolution étape par étape jusqu’à la victoire complète à travers une guerre prolongée. » (…) « Sur la base de cette thèse maoïste, le Président Gonzalo a établi plus en avant une Guerre Populaire unitaire où la campagne est le théâtre principal des actions armées, parce que dans notre pays nous avons une immense majorité de masses paysannes et il faut y construire des Bases d’appui… En outre, le Président Gonzalo précise que dans les villes en complément, des actions armées doivent être menées, comme le montre l’expérience internationale et la nôtre … »((PCP – La Ligne Militaire – 1er Congrès du PCP – 1988 ))

   Mais, en mettant l’accent sur le problème de la révolution dans les pays arriérés et opprimés aujourd’hui, il est nécessaire de mettre en garde contre un phénomène nouveau. Il s’agit du problème de la forme que prend le développement de la décomposition de l’impérialisme et de sa recrudescence réactionnaire inhérente, celle que Lénine caractérise comme « une tendance à la réaction et à la violence »,((Lénine – L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme)) appliquée par tous les moyens et de toutes les façons. Soit par l’économie du capitalisme bureaucratique (semi-colonial et semi-féodal) que l’impérialisme engendre dans ces pays, ou soit par les guerres contre-insurrectionnelles, favorisant l’évacuation des campagnes et générant le phénomène des grandes mégalopoles, créant ainsi des poches explosives des masses, principalement semi-prolétariennes. Une telle réalité de l’explosion latente a placé le problème des soulèvements insurrectionnels comme une situation toujours présente. Nous avons vu et appelé à y prêter attention, à développer des tactiques dans les luttes populaires de résistance dans ces centres urbains, combattant la manigance que le révisionnisme et toutes sortes d’opportunisme font de la révolte de ces masses, servant la stratégie de l’encerclement de la ville par la campagne et conjurant le danger des déviations de la dénégation de cette stratégie dans l’illusion tentante que la ville soit devenue le principal et que la voie serait l’insurrection. Ceci est juste un nouveau piège pour abandonner la stratégie de la Guerre Populaire dans ces pays qui doivent suivre la voie d’encercler la ville par la campagne, comme les relations économiques et sociales, dans l’ensemble et dans la campagne en particulier, restent inchangées dans leur essence, souvent déguisées par les nouvelles formes qu’elles incarnent.

   L’une des formes d’expansion du capitalisme bureaucratique à la campagne aujourd’hui, exprimée comme les frontières les plus récentes de la pénétration et de l’appropriation des monopoles nationaux et transnationaux de territoires entiers dans les pays arriérés et opprimés, est l’exploitation minière écrasante, les cultures de bois homogènes et les biocarburants (canne à sucre, soja, palmiers, etc.). Plus qu’un saut dans la dégradation de l’environnement naturel par l’impérialisme, ces actions sont caractérisées comme une aggravation, en tous points, de la question agraire-paysanne et de l’aggravation de la lutte des classes à la campagne, affectant aussi radicalement les paysans, plus que jamais les minorités nationales (peuples autochtones) et autres populations traditionnelles. Sans sous-estimer le problème de la défense de l’« environnement » de l’action prédatrice des entreprises impérialistes, mais en l’orientant correctement du point de vue des intérêts de classe du prolétariat et des masses populaires, nous devons voir cela avant tout comme l’occasion de renforcer la mobilisation plus large des masses rurales dans la défense de la terre sur laquelle elles travaillent, en attirant plus de soutien des masses urbaines, en élargissant et en renforçant l’alliance ouvrière-paysanne et le front uni dans son ensemble, établissant la Guerre Populaire comme le seul moyen de balayer les monopoles de la campagne. Cela nous aide aussi à appeler les masses paysannes déplacées vers les grands centres urbains déjà chaotiques à retourner à la campagne, à la terre et promouvoir la révolution, la Guerre Populaire. Et empêcher les masses de tomber dans les pièges et le terrain miné de la « lutte écologique » derrière laquelle l’impérialisme manigance.

   « Il est fondamental de maintenir la validité de la voie d’encercler les villes par la campagne et en son noyau la Base d’appui car, avec la guérilla des insurgés itinérants, l’Armée Populaire de Guérilla n’aura pas la Base d’appui qui sera l’arrière garde qui la soutient et aucun Nouveau Pouvoir ne serait construit non plus. Nous sommes totalement opposés au foquisme. »((PCP – La Ligne Militaire – 1er Congrès du PCP – 1988))

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