6. La répression

Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien

#10 – Les journées de juin 1848

6. La répression

   Au matin du 25 juin, Cavaignac, qui n’est pas encore assuré de la victoire, lance aux barricades la proclamation suivante:

   Ouvriers, et vous tous qui tenez encore les armes levées contre la République, une dernière fois, au nom de tout ce qu’il y a de respectable, de saint, de sacré pour les hommes, déposez vos armes. L’Assemblée nationale, la nation tout entière vous le demandent. On vous dit que de cruelles vengeances vous attendent : ce sont vos ennemis, les nôtres qui parlent ainsi ! On vous dit que vous serez sacrifiés de sang-froid ! Venez à nous, venez comme des frères repentants et soumis à la loi, et les bras de la République sont tout prêts à vous recevoir.

   Autant de promesses que Cavaignac n’avait pas l’intention de tenir. La bourgeoisie est féroce dans la guerre des classes.

   La brutalité de Cavaignac fut d’ailleurs une des causes de la victoire. Engels le souligne avec raison :

   Jusqu’ici, dit-il, on n’avait employé le canon qu’une seule fois dans les rues; de Paris; c’était en vendémiaire 1795, lorsque Napoléon dispersa avec des cartouches les insurgés de la rue Saint-Honoré. Mais, on n’avait jamais encore fait usage de l’artillerie contre les barricades, contre les maisons, et encore moins avait-on songé aux grenades et aux fusées incendiaires. Le peuple n’y était pas encore préparé, il était sans défense contre de pareils moyens et il répugnait à ses sentiments de noblesse de recourir à l’incendie, qui eût été la seule arme efficace. Le peuple n’avait jusqu’ici pas même l’idée qu’on pût employer en plein Paris des procédés de combat importés d’Algérie. C’est pourquoi il recula, et son premier recul décida de sa défaite (article cité dans Bibliographie).

   Combien de morts ? Le chiffre est impossible à fixer avec précision. Les rapports officiels annoncent 1.460 morts et 2.569 blessés. On ne peut accorder aucune valeur à ces statistiques. Voici quelques faits:

   Paris fut un charnier : le 28 juin, au seul cimetière du Nord, un commissaire de police compta 15 tapissières pleines de corps empilés; rue Blanche, on était empoisonné par l’odeur des cadavres, sommairement enterrés au cimetière Montmartre, et quand le pasteur Valette, le dimanche 25, voulut célébrer le culte aux Billettes, il dut y renoncer : le cloître était encombré de morts (Schmidt, p. 121).

   À Paris 15.000 arrestations. Sans jugement 4.000 personnes furent transportées. Les conseils de guerre fonctionnèrent jusqu’en 1849.

   Ce fut, avant la Commune, la plus grande saignée ouvrière du siècle.

   Marquons sa place dans l’histoire de la lutte des classes.