Le français, langue diplomatique internationale

Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien

#16 – Le chauvinisme linguistique

Le français, langue diplomatique internationale

   L’établissement du français comme langue diplomatique internationale, à partir du traité de Nimègue (1678) n’a rien non plus à voir avec sa valeur en tant que langue. L’adoption n’en a pas été précédée d’une étude systématique des qualités que doit présenter une langue diplomatique, ni de la démonstration qu’il aurait, plus qu’une autre langue, ces qualités. En dehors de toute considération de richesse ou de clarté, on admettra que la langue la plus apte à cet emploi devait être la plus unifiée et la plus fixe. L’anglais du XVIIème siècle, par exemple, quoique ayant subi des influences dialectales « peut-être » plus diverses, est certainement aussi unifié que le français, et, en tant que langue écrite, il jouit d’une fixité comparable à celle du français, la condition essentielle de cette fixité étant une littérature classique qui n’a rien à envier à la nôtre, dès le XVIème siècle. Le toscan fixé en tant que langue écrite par Dante, Pétrarque, Boccace, puis Machiavel et Guicciardini, admis comme langue littéraire italienne dès Bembo (XVIème siècle) ne laisse non plus rien à désirer. On pourrait en dire autant de l’espagnol fixé en tant que langue littéraire nationale dès Alphonse X (XIIIème siècle), et fixé par sa riche littérature des XVème et XVIème siècles en tant que langue grammaticale.

   Toutes ces langues, dont la morphologie est si voisine de la nôtre, peuvent au surplus difficilement passer pour moins claires ; il ne serait peut-être pas difficile de les trouver plus riches que le français du XVIIème siècle, si appauvri par les grammairiens puristes Vaugelas et Ménage, que tous les livres doivent l’avouer. Si le français s’impose à Nimègue, ce n’est ni par son unification, ni par sa fixité, ni par sa richesse, ni par sa clarté. Si le français triomphe à Nimègue, c’est que la France triomphe aussi. Et si l’usage se maintient d’employer cette langue c’est que, sauf la brève éclipse de la guerre de 7 ans (1756-63) la diplomatie française, depuis le traité de Westphalie (1648) jusqu’en 1814, c’est-à-dire pendant 166 ans, n’a que des traités à dicter en vainqueur (abstraction faite des autres conditions historiques de l’expansion du français au XVIIIème siècle, par exemple).