Quinzième leçon

Principes fondamentaux de philosophie

Georges Politzer

QUATRIEME PARTIE – LE MATERIALISME HISTORIQUE

Quinzième leçon. — La production : forces productives et rapports de production

1. Les conditions de la vie matérielle de la société

   Nous avons vu dans la troisième partie de ce traité quelles sont les conséquences du matérialisme dialectique appliqué à l’histoire des sociétés ; nous avons étudié notamment comment la vie spirituelle de la société reflète les conditions de sa vie matérielle.

   Mais une question se pose : « Que faut-il entendre, du point de vue du matérialisme historique, par ces « conditions de la vie matérielle de la société » ? Les conditions matérielles, c’est-à-dire existant indépendamment de la volonté des hommes, requises pour qu’une société se développe sont nombreuses et en interaction.

   « Quelle est donc, dans le système des conditions de la vie matérielle de la société, la force principale qui détermine la physionomie de la société, le caractère du régime social, le développement de la société d’un régime à un autre ? » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3, a, p. 19.)

   Certains ont soutenu que c’était le milieu géographique, d’autres que c’était la croissance de la population. Fatalité géographique ou fatalité démographique par conséquent.

   Pour vivre, la société n’aurait donc, en cas de besoin, que deux solutions : ou bien changer de territoire, comme font les tribus de nomades, conquérir de nouvelles terres, ou bien diminuer le nombre de la population, en pratiquant l’eugénisme à l’exemple des antiques Spartiates [Ils abandonnaient dans les montagnes les nouveau-nés mal conformés ou chétifs.], ou en laissant périr les bouches inutiles, vieillards, infirmes, malades, fous, comme le faisaient certaines tribus primitives.

   La guerre de conquête et l’extermination massive des populations combinent les deux solutions. L’eugénisme et l’extermination des malades mentaux, notamment, accompagnaient chez les hitlériens, en théorie comme en pratique, la doctrine de « l’espace vital ». Les mêmes thèses barbares fleurissent maintenant aux Etats-Unis. [Voir le livre de Vogt : La faim du monde, qui prétend qu’il y aurait « trop d’hommes sur terre » et préconise ouvertement la guerre comme remède : en fait au stade impérialiste, le capitalisme a besoin de la guerre pour se survivre. « Ils font de leur mieux pour être seuls sur terre », a dit P. Eluard.]

   Ces thèses ravalent l’homme au rang de l’animal. Lorsqu’une espèce animale vit sur un territoire de superficie donnée ayant des ressources alimentaires données, il s’établit des « lois de la population » qui permettent de prévoir les fluctuations de l’espèce. Le manque de nourriture, l’obligation de consommer une nourriture différente, peuvent conduire soit à la disparition soit à la transformation de l’espèce.

   Mais l’homme n’est pas l’animal : il travaille, il lutte contre la nature. N’oublions pas la dialectique : il n’y a pas d’un côté la nature, de l’autre les hommes : ici la géographie, là la biologie, chacune entraînant un effet fatal.

   Cette idée est démentie par la pratique millénaire de l’humanité qui a transformé la Terre à son usage.

a) Le milieu géographique.

   Le milieu géographique, la nature qui environne la société, avec son climat, ses ressources naturelles, ses facilités de communications, ses sols, est sans nul doute une condition nécessaire et permanente de la vie matérielle de la société. Il est évident qu’il influe sur son développement : il le favorise ou le ralentit. La facilité d’extraction de la houille en Angleterre a favorisé le développement de l’industrie dans ce pays. Au contraire la présence d’une zone marécageuse qui exige des travaux d’assèchement, ou d’une zone désertique qui exige l’irrigation, ou encore l’absence du pétrole sont des circonstances qui peuvent freiner le développement d’une contrée.

   Mais l’influence du milieu géographique n’est pas déterminante. La preuve en est que les changements dans la société s’effectuent bien plus vite que les changements dans le milieu géographique. Si le milieu géographique exerçait une influence déterminante sur l’histoire des sociétés, celles-ci devraient garder les mêmes traits tant que le milieu géographique resterait pour l’essentiel le même. Or, en trois mille ans l’Europe a connu quatre et même cinq régimes sociaux différents : la commune primitive, l’esclavage, le régime féodal, le capitalisme, et le socialisme. Pendant ce temps les conditions géographiques de l’Europe n’ont presque pas changé.

   Au contraire, c’est le régime social qui est déterminant pour la modification du milieu géographique. L’esclavagisme antique a épuisé les terres du bassin méditerranéen et poussé à la conquête et au défrichement de la Gaule. La bourgeoisie marchande hollandaise a conquis à l’aube des temps modernes une partie de son pays sur la mer. Le capitalisme libre-échangiste a transformé les champs de blé anglais en prairies d’élevage ; le capitalisme a déboisé des régions entières d’Europe, favorisant ainsi les inondations ; il appauvrit les sols cultivables et transforme en déserts des régions entières des Etats-Unis. Au contraire, les grands chantiers du communisme en U.R.S.S. fertilisent les déserts, détournent le cours des fleuves, améliorent le climat ; la science d’avant-garde, étudiant les lois du développement des sols, a créé l’agriculture polaire, régénéré les célèbres « terres noires » et découvert les lois de l’évolution des paysages. [Voir Saponov : La Terre en Fleurs. Troisième partie : « La création de la vie ». Editeurs Français Réunis.] En Chine, la démocratie populaire a mis un terme aux inondations catastrophiques des grands fleuves.

   Les classes réactionnaires invoquent le « milieu géographique » pour se décharger de leurs responsabilités dans les calamités publiques. Mais si les digues de Hollande se sont rompues en 1953, c’est que la bourgeoisie réactionnaire refusait de distraire un sou du budget de guerre pour les entretenir ; si, en Grèce, des populations entières sont laissées sans secours contre les séismes, et en Italie contre les inondations, c’est la politique de classe de la bourgeoisie et non le « milieu géographique » qui en est la cause déterminante.

   Les historiens sociaux-démocrates qui veulent dissimuler le véritable moteur du développement social prétendent expliquer l’histoire par le « milieu géographique ». Ce matérialisme grossier n’a d’autre but que de faire croire à l’immuabilité d’une soi-disant « civilisation » occidentale ou atlantique, à l’opposition de « l’Est » et de « l’Ouest », et en bref de justifier la guerre froide.

b) La population.

   La population, sa croissance, sa densité sont sans aucun doute des éléments indispensables parmi les conditions de la vie matérielle de la société. Sans un minimum d’hommes, aucune société ne peut assurer sa vie matérielle, tenir tête aux forces de la nature. Le chiffre de la population active est un des éléments dont il faut tenir compte pour évaluer les forces productives. La croissance de la population exerce une influence sur le développement social: elle le facilite ou le ralentit. L’afflux de main-d’œuvre immigrée aux Etats-Unis a favorisé le développement rapide d’une grande industrie qui a à peine un siècle d’existence. Inversement l’extermination partielle des peuples indiens de l’Amérique du Nord par les colonisateurs anglo-saxons a contribué à la stagnation technique et économique des tribus survivantes.

   Mais cette influence, là encore, ne peut être déterminante. La preuve en est que la croissance de la population, pair elle-même, ne peut pas expliquer pourquoi à tel régime social succède précisément tel régime nouveau et non pas un autre, à l’esclavage, le féodalisme, à ce dernier le régime bourgeois, etc. Si la croissance de la population exerçait une influence déterminante, les pays parvenus à la plus forte densité devraient jouir automatiquement du régime social le plus avancé. Thèse absurde : avant 1939, la densité de la population en Belgique était 26 fois plus élevée qu’en U.R.S.S. ; cependant la Belgique en est encore au capitalisme quand l’U.R.S.S. en a fini avec ce régime.

   Au contraire, c’est le régime social qui est déterminant pour expliquer le mouvement de la population. Il n’est pas difficile de comprendre que le capitalisme en diminuant le pouvoir d’achat des masses, en exténuant les travailleurs, en leur imposant une vie misérable augmente la mortalité (parmi les enfants surtout.) En U.R.S.S., au contraire, où les conditions de vie socialistes s’opposent trait pour trait, la population a augmenté de 1949 à 1952 de près de 10 millions, soit la Belgique et le département du Nord pris ensemble.

   Les économistes bourgeois qui, dans leurs analyses, partent du mouvement de la population, sans voir qu’il n’est en réalité qu’une résultante, commettent donc une erreur grossière.

   Par conséquent, ce n’est ni le milieu géographique ni la croissance de la population qui détermine le caractère du régime social et le développement de la société d’un régime à un autre.

   Le matérialisme historique considère qu’il y a parmi les conditions de la vie matérielle de la société une autre force, dont l’existence est indépendante de la volonté des hommes, et qui est la force principale du développement social. Cette force est constituée par la manière dont les hommes obtiennent leurs moyens d’existence, les biens matériels nécessaires à la vie. C’est ce qu’on appelle le mode de production des biens matériels.

2. Le mode de production

   En dehors de la nature et des hommes il n’y a rien, et nous venons de voir qu’aucun de ces deux éléments pris à part ne peut expliquer le développement des sociétés. Seule leur unité dialectique peut fournir la réponse, et leur unité dialectique, c’est le travail, c’est la production. Sans le travail, sans la production la société ne peut ni vivre ni se développer : ce n’est pas une malédiction divine, c’est, la condition objective de toute existence humaine.

   Mais il est bien des façons pour la société de se procurer les moyens d’existence nécessaires: elle peut le faire par exemple en utilisant des outils d’artisan ou en utilisant des machines, en se servant d’animaux ou en se servant d’esclaves, etc. Il faut donc étudier de près la manière dont s’effectue la production, le mode de production.

   Lorsqu’on parle de la manière d’obtenir les biens matériels indispensables à l’existence, le petit-bourgeois entend les conditions dans lesquelles on peut les acheter sur le marché. Mais il s’agit là de répartition et de consommation, et pas du tout de production. Il est évident que sans production il n’y aurait ni répartition ni consommation.

a) Forces productives

   Pour vivre il faut de la nourriture, des vêtements, des chaussures, le logement, le combustible, etc. Pour avoir ces biens matériels il faut que la société les produise. Pour les produire il faut des instruments appropriés, il faut savoir fabriquer ces instruments et savoir s’en servir.

   L’analyse des forces qui nous permettent de tirer de la nature la subsistance de la société nous conduit donc à distinguer :

— les instruments de production, à l’aide desquels sont produits les biens matériels (étant bien entendu que, parmi les biens matériels, il faut ranger non seulement les biens de consommation mais aussi les instruments de production eux-mêmes) ;

— les hommes qui manient ces instruments (leur nombre notamment), et sans lesquels ces instruments ne peuvent être mis en mouvement ;

l’expérience de la production, acquise par les générations successives : les traditions des métiers, les connaissances techniques et scientifiques ; il est difficile, par exemple, de remplacer en peu de temps l’expérience accumulée dans l’industrie lyonnaise de la soie ;

les habitudes de travail propres à chaque travailleur, sa qualification, son habileté, le fait qu’il est rompu au métier.

   Autant de forces matérielles qui, prises toutes ensemble, dans leur interaction, constituent les forces productives.

   Dans cet ensemble, quel est cependant l’élément déterminant qui permet de définir l’état des forces productives ? Ce sont les instruments de production. C’est leur nature en effet qui détermine le nombre d’hommes nécessaire pour un travail donné, les connaissances techniques indispensables, ainsi que les habitudes de travail que le producteur acquiert en les utilisant. L’aspect manuel du travail comme aussi son aspect intellectuel dépendent de la nature des instruments de production.

   Le développement des forces productives est conditionné par celui des instruments de production : grossiers outils de pierre primitifs ; puis arc et flèches, ce qui permet le passage de la chasse à la domestication des animaux et à l’élevage primitif ; puis outils de métal, ce qui permet le passage à l’agriculture ; puis nouveaux perfectionnements permettant le travail des matériaux, la poterie, le travail à la forge, et par suite le développement des métiers et leur séparation d’avec l’agriculture ; par la suite, apparition des manufactures caractérisées par la division du travail en tâches partielles en vue de la fabrication d’un seul produit donné [« C’est le travailleur collectif formé par la combinaison d’un grand nombre d’ouvriers parcellaires qui constitue le mécanisme spécifique de la période manufacturière. » (K. Marx : Le Capital, L. 1er, t. II, p. 39.)] ; puis passage des instruments de production artisanaux à la machine permettant le passage de la manufacture à la fabrique mécanisée, à l’usine, à la grande industrie mécanique moderne avec systèmes de machines ; apparition de la machine à vapeur, puis de l’énergie électrique. Voilà en gros le tableau du développement des forces productives tout au cours de l’histoire de l’humanité.

   Nous remarquons que ce développement est à l’origine de la division du travail entre les hommes, notamment la première grande division du travail : entre les primitifs chasseurs et pêcheurs et d’autre part les tribus pratiquant l’élevage, puis l’agriculture. — et la seconde grande division du travail : entre les métiers et l’agriculture. Cette seconde division du travail entraîne nécessairement l’obligation d’échanger les produits entre agriculteurs et artisans de métiers, de trouver une forme de répartition autre que la répartition domestique : c’est ainsi qu’apparaîtra, dans des conditions déterminées que nous préciserons, la marchandise. [Voir la leçon suivante, point II.] C’est également cette seconde division du travail qui est à l’origine de la différenciation progressive entre la campagne et la ville (celle-ci nécessaire à la fois comme centre de production artisanale et comme centre d’échange.)

   Enfin le développement des instruments de production n’est pas resté sans effet sur les autres aspects des forces productives :

   « Il va de soi que le développement et le perfectionnement des instruments de production ont été accomplis par les hommes, qui ont un rapport à la production, et non pas indépendamment des hommes. Par conséquent, en même temps que les instruments de production changent et se développent, les hommes — élément essentiel des forces productives, — changent et se développent également ; leur expérience de production, leurs habitudes de travail, leur aptitude à manier les instruments de production ont changé et se sont développées. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3. c. ; p. 23.24.)

   C’est ainsi que, pour les besoins de la grande industrie moderne, la bourgeoisie capitaliste a dû se résigner à apprendre aux travailleurs à lire, à écrire et à compter : elle a dû organiser l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ainsi que quelques écoles professionnelles.

   Léon Blum a essayé de réintroduire ici l’idéalisme en alléguant que les outils ne pouvaient être perfectionnés que grâce aux inventions de l’esprit humain, et que par conséquent c’est l’esprit qu’on trouve à l’origine du progrès des forces productives. Mais nous savons comment les idées naissent de la pratique elle-même : c’est sous la stimulation des besoins de la vie matérielle que les idées de perfectionnement surgissent ; elles surgissent dans la pratique de tel ou tel outil.

   L’outil est l’intermédiaire entre l’homme et la nature ; sa fonction est de permettre la transformation des objets naturels en objets utilisables par l’homme. C’est pourquoi l’outil reflète à la fois les exigences propres à la matière qu’il faut travailler (on ne travaille pas le cuivre avec les mêmes outils que l’acier) et les exigences vitales de l’homme, c’est-à-dire les propriétés de l’objet qui doit lui servir et qu’il faut fabriquer (outils différents pour des tâches différentes).

   Sous le premier aspect l’outil exprime la soumission de l’homme à la nécessité naturelle ; sous le second il exprime la subordination de la nature aux besoins et à l’action de l’homme, donc la liberté de l’homme. L’outil exprime ainsi d’une façon profondément dialectique la lutte de l’homme et de la nature, et les forces productives expriment

   « le comportement des hommes à l’égard des objets et des forces de la nature dont ils se servent pour produire des biens matériels. » (Staline : ouvr. cité, 3. a, p. 20.)

   Avec quoi les hommes produisent-ils ? avec l’araire primitive ou avec la charrue tractée à socs multiples ? Voilà au fond, pour prendre un exemple, la première question que soulève l’analyse du mode de production : la question du niveau des forces productives.

b) Rapports de production.

   Tant s’en faut cependant que nous soyons au bout de notre analyse. La production est lutte de l’homme contre la nature. Mais jamais et nulle part l’homme ne lutte isolément, sous peine de succomber ou de revenir à l’état animal. Les hommes luttent contre la nature en commun. Quelles que soient les conditions, la production est toujours une production sociale. C’est la société qui a fait l’homme ce qu’il est, c’est la production sociale qui l’a tiré de l’animalité.

   L’une des erreurs de base de l’économie politique bourgeoise, c’est de raisonner au départ sur l’activité économique d’un homme isolé, sorte de Robinson ou d’Adam économique qui n’a jamais existé : c’est là pure fiction métaphysique. C’est pourquoi nous ne somme pas partis des biens matériels nécessaires à l’individu, mais de ceux qui sont nécessaires à la société prise dans son ensemble. Si la production a toujours et partout un caractère social, il est inévitable qu’à l’occasion de la production, à l’intérieur de la production, s’établissent certains rapports entre les hommes. Il ne s’agit pas de rapports platoniques, il s’agit de rapports qui concernent étroitement la production, qui sont commandés par elle. Non seulement existent les rapports des hommes avec la nature (forces productives), mais existent aussi les rapports des hommes entre eux dans le processus de la production ; ces rapports entre hommes, nous les appelons rapports de production.

   Les rapports de production entre les hommes peuvent être de divers types :

— des hommes peuvent s’associer librement pour effectuer en commun, en s’entraidant, en collaborant, une œuvre commune : par exemple construire une maison ; ce sont alors rapports de collaboration et d’entraide entre des hommes libres de toute exploitation ;

— mais un homme peut aussi, dans certaines conditions, obliger son semblable à produire pour lui : dès lors les rapports de production changent radicalement de caractère ; ils deviennent rapports de domination et de soumission, il y a exploitation du travail d’autrui ;

— enfin au cours de l’histoire, on peut rencontrer des sociétés où coexistent ces deux types, l’un étant en voie de dépérissement, l’autre de renforcement : il y a rapports de transition d’une forme à une autre.

   Mais quel que soit le type des rapports de production, ceux-ci sont toujours un élément indispensable de la production. Nous en tenant pour l’instant à un exemple simple, disons que l’homme qui travaille pour lui-même ne travaille jamais comme celui qui travaille pour autrui : cela est si vrai que les exploiteurs cherchent toujours à masquer l’exploitation sous une prétendue collaboration, à faire passer aux yeux des exploités les rapports d’exploitation pour des rapports de collaboration « familiale » ; c’est le paternalisme: « défendez les intérêts du patron, vous en serez récompensés dans l’autre monde. »

   Mais si le caractère des rapports de production est un élément indispensable de la production, ils ne se ramènent pas, n’en déplaise au patronat paternaliste, à l’idée qu’on peut s’en faire. Léon Blum disait hypocritement qu’il ne voyait pas ce que les rapports économiques entre les hommes ont de plus « matériel » que les autres. Mais nous savons que la matérialité, c’est le fait d’exister indépendamment de la volonté et de la conscience des hommes. La production est pour les hommes une nécessité objective et elle ne peut s’accomplir que dans le cadre, non moins objectif, de la société telle qu’elle existe. Par exemple, celui qui ne possède aucun des biens matériels nécessaires à la vie est matériellement contraint de travailler pour autrui, dans des rapports de soumission. Ainsi l’exploitation n’est pas une « idée », c’est un fait objectif, qui pèse de tout son poids sur la production.

   « Dans la production, les hommes n’agissent pas seulement sur la nature, mais aussi les uns sur les autres. Ils ne produisent qu’en collaborant d’une manière déterminée et en échangeant entre eux leurs activités. Pour produire, ils entrent en relations et en rapports déterminés les uns avec les autres, et ce n’est que dans les limites de ces relations et de ces rapports sociaux que s’établit leur action sur la nature, la production. » (K. Marx. Travail salarié et capital, suivi de Salaire, prix et profit, P. 31.)

   On ne peut donc séparer l’action des forces productives du caractère des rapports de production. Forces productives et rapports de production sont deux aspects indissolublement liés du mode de production qui « incarne », selon l’expression de Staline, leur unité dialectique dans le processus de production des biens matériels.

   C’est une erreur fondamentale que de ramener l’étude de la production à l’étude des forces productives seulement. C’est pourtant l’erreur commise par ceux qui croient que le marxisme consiste à expliquer le développement des sociétés par le seul développement des forces productives et qui passent sous silence la nature des rapports de production. Expliquer le monde moderne par la machine à vapeur en omettant l’analyse des rapports de production capitalistes, ce n’est pas être matérialiste, c’est falsifier le marxisme. Expliquer aux enfants des écoles le progrès historique des techniques en omettant de leur enseigner ce qu’est l’exploitation capitaliste, c’est les tromper, leur donner une image fausse du passé, du présent, de l’avenir.

   Même erreur chez ceux qui, oubliant le progrès social, le progrès des rapports de production, ne voient dans le « progrès » que le progrès technique. Ce fut l’utopie bourgeoise du XIXe siècle. Ainsi se sont préparées d’amères désillusions car le progrès technique et scientifique peut servir aussi bien aux œuvres de paix qu’aux œuvres de guerre, la machine peut ou bien écraser l’ouvrier ou bien l’affranchir. Lorsque, à l’époque impérialiste, le déclin du capitalisme eût fait apparaître ses plaies incurables, misère, oppression, guerre, utilisation de la technique la plus moderne pour les œuvres de mort, les utopistes de « la technique » crièrent à la faillite du progrès, ils rendirent la machine responsable des maux que seul engendre le Capital ! C’est à la même mystification que se consacrent certains sociologues bourgeois, apôtres de la « sociologie industrielle », et notamment leur chef de file, Georges Friedmann : adoptant le « point de vue » des patrons, ils feignent de chercher dans le machinisme la cause de l’attitude « négative » de l’ouvrier des pays capitalistes devant le travail, alors que la vraie cause c’est l’utilisation capitaliste des machines pour le rendement, pour la productivité capitaliste, pour la surexploitation. Les forces productives, dit Marx, n’exercent leur action que dans les limites des rapports de production. C’est pourquoi en Union soviétique, où les rapports d’exploitation ont disparu, l’utilisation de la machine ne peut avoir pour le travailleur que d’heureux effets.

   « En U.R.S.S., les machines n’économisent pas seulement le travail, mais facilitent en même temps le labeur des travailleurs ; par suite, dans les conditions de l’économie socialiste, à la différence de ce qui se passe dans les conditions du capitalisme, les ouvriers utilisent très volontiers les machines dans leur travail. » (G. Malenkov : « Rapport au XIXe Congrès du P.C.U.S. ». Cahiers du communisme (N° spécial), nov. 1952, p. 113.)

   Le matérialisme historique envisage donc le mode de production dans son ensemble, dans son unité: rapports de production et forces productives. Cependant comme les forces productives n’agissent que dans les limites des rapports de production, on désigne ordinairement les divers modes de production par le caractère des rapports de production qui y sont dominants : quand on parle du mode de production féodal, on veut dire que les rapports de production féodaux y étaient dominants, et mettaient leur empreinte sur toute la vie sociale ; on ne veut pas nécessairement dire qu’ils étaient les seuls. Inversement, il n’est pas scientifique de désigner une époque historique par l’état des forces productives, comme dans les expressions: l’âge de pierre, l’âge des métaux, l’ère de la machine à vapeur ou l’ère atomique.

3. La propriété des moyens de production

   Etudiant les forces productives (point II, a), nous avons vu que les instruments de production en constituent l’élément déterminant. C’est en effet la nature des instruments de production qui détermine le niveau des forces productives.

   Voyons maintenant ce qui, dans les rapports de production, est le plus important. Quel est l’élément qui détermine leur caractère ?

   C’est la propriété des moyens de production.

   Il est clair, en effet, que celui qui est démuni de ces moyens ne peut vivre qu’à condition d’accepter la domination de celui qui les possède.

   Les moyens de production ne doivent pas être confondus avec les biens de consommation (meubles, maison d’habitation, automobile familiale, etc.). Nous entendons par moyens de production tout ce qui est nécessaire pour produire.

   Quels sont, par exemple, les moyens de production dans une société moderne ? D’abord les biens naturels (terre, forêts, eaux, sous-sol, matières premières) ; puis les instruments de production, qui permettent la transformation de ces biens naturels ; puis les installations nécessaires à l’activité productrice : bâtiments d’usines, installations minières, etc. ; les moyens de transport, de communication. Il faut ajouter les moyens d’échange entre les membres de la société : installations nécessaires à la répartition, au commerce (entrepôts, magasins de vente) et organismes de crédit (banque).

   La question à poser quand on veut définir le caractère des rapports de production est donc celle-ci : qui possède les moyens de production ?

   Est-ce la société entière ? Ou bien des individus ou des groupes, qui s’en servent pour exploiter d’autres individus et d’autres groupes ?

   Répondre à cette question, c’est indiquer l’état des rapports de production, l’état des rapports économiques et sociaux entre les hommes.

   On comprend dès lors que, si les moyens de production sont en possession de la société tout entière, les rapports entre les hommes peuvent être des rapports de collaboration et d’entraide.

   Dans le cas contraire, ceux qui sont dépourvus de tout moyen de production ne pourront pas vivre sans se mettre à la disposition de ceux qui les détiennent. Les uns travaillent, les autres exploitent ce travail. Les intérêts des uns s’opposent aux intérêts des autres. La solidarité n’existe qu’entre ceux qui jouent le même rôle dans la production : c’est une solidarité de classe.

   La société est alors divisée en classes sociales antagonistes. Il y a propriété privée des moyens de production.

   « Par classe sociale, on entend un ensemble de gens qui, dans la production, jouent un rôle similaire, sont à l’égard d’autres hommes dans des rapports identiques. » (Lénine). [Nous reviendrons plus longuement sur la notion de classe sociale dans la 17e leçon.]

   L’expression classe sociale n’a donc de sens qu’au niveau des rapports de production. C’est une notion qui se définit par le type de propriété, ou par l’absence de propriété, et qui ne doit pas être confondue avec les catégories sociales, lesquelles se définissent par les techniques, les métiers, les activités sociales nécessaires à la vie de la société, par exemple: métallurgiste, mineur ou cheminot. Etre « paysan », c’est appartenir à une catégorie sociale, mais cela ne définit pas la classe à laquelle on appartient : on peut être grand propriétaire terrien capitaliste (un « paysan aux mains blanches »), ou propriétaire exploitant avec l’aide d’ouvriers agricoles, ou propriétaire d’une exploitation familiale, ou bien ouvrier agricole, etc. [Dans l’expression : « alliance des ouvriers et des paysans », on veut désigner les paysans travailleurs (petits propriétaires, fermiers, métayers) et, bien entendu, les ouvriers agricoles.]

   De même à l’usine le « patron », ce n’est pas le directeur l’ingénieur, c’est le capitaliste ou le groupe de capitalistes (« société ») propriétaire des moyens de production.

   Quand une classe sociale est propriétaire des moyens de production, elle personnifie pour ainsi dire les rapports de production qui lui sont favorables : on parlera donc indifféremment de rapports de production « capitalistes » ou de rapports de production « bourgeois ». Lorsque ces rapports de production sont dominants dans un mode de production donné, les mêmes expressions servent à désigner aussi le mode de production : on dit ainsi : la classe « féodale », les rapports de production « féodaux », le mode de production « féodal », car la bourgeoisie n’est pas alors la classe dominante.

   Nous pouvons maintenant préciser la notion de rapports de production :

   « Ces rapports englobent : a) les formes de propriété des moyens de production ; b) la situation des différents groupes sociaux dans la production et leurs relations réciproques ou, pour reprendre l’expression de Marx, « l’échange de leurs activités », qui découlent de ces formes ; c) les formes de répartition de produits, qui en dépendent entièrement. C’est tout cela qui, dans son ensemble, constitue l’objet de l’économie politique. » (Staline : « Les problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. », Derniers écrits, p. 162.)

   Ce sont donc bien les formes de propriété qui constituent l’élément décisif des rapports de production. Il va de soi que les classes exploiteuses prennent toutes les mesures utiles pour sauvegarder les formes de propriété qui assurent leurs privilèges. Les rapports de production, caractérisés par le régime de la propriété des moyens de production, forment la base économique du régime social tout entier.

   Nous disposons maintenant de toutes les notions nécessaires pour comprendre que le mode de production constitue la force principale du développement social.

4. Le changement du mode de production, clé de l’histoire des sociétés

   La production présente cette particularité d’être toujours en voie de changement et de développement, de ne jamais s’arrêter au même point pour une longue période, tandis que le milieu géographique reste en gros le même. Les hommes cherchent en effet sans cesse à tirer le parti maximum de ce que leur offre la nature, ils essaient de perfectionner sans cesse la production qui est donc toujours en mouvement.

   Si l’homme ne cherchait pas à toujours mieux satisfaire ses besoins matériels, il ne serait pas un être conscient, mais un animal soumis à l’aveugle nécessité. Mais l’homme trouve dans la production le moyen d’utiliser à son profit la nécessité naturelle, c’est pourquoi la production ne s’arrête jamais pour longtemps au même point.

   Cette vérité est, pour l’idéaliste, un sujet de scandale: il dénonce la soif insatiable de biens matériels ; le christianisme y voit l’œuvre du démon, du mal. Mais on sait aussi que ces thèmes sont à l’usage exclusif des masses laborieuses ; on leur prêche le jeûne et l’abstinence, tandis que les classes exploiteuses se vautrent dans une écœurante profusion de biens matériels. En réalité l’accroissement de la production est une exigence objective des sociétés humaines, et seule l’exploitation de l’homme par l’homme empêche cette exigence d’avoir ses effets naturels et bienfaisants.

   C’est le changement du mode de production qui seul permet d’expliquer pourquoi tel régime succède à tel autre, pourquoi changent les idées sociales, les opinions et institutions politiques, pourquoi il devient nécessaire à un moment donné de refondre tout le système social et politique.

   Déjà Aristote avait entrevu le lien entre l’esclavage et le niveau des forces productives.

   « Si chaque outil, tel était le rêve d’Aristote, le plus grand penseur de l’Antiquité, si chaque outil pouvait exécuter sur sommation, ou bien de lui-même, sa fonction propre, comme les chefs-d’œuvre de Dédale se mouvaient d’eux-mêmes, ou comme les trépieds de Vulcain se mettaient spontanément à leur travail sacré ; si, par exemple, les navettes des tisserands tissaient d’elles-mêmes, le chef d’atelier n’aurait plus besoin d’aides ni le maître d’esclaves. » (K. Marx : Le Capital, L. Ier, t. II, p, 91. Editions Sociales.)

   Au moyen-âge, la métaphysique chrétienne, considérant la société comme un reflet immuable du plan divin, justifia l’existence des corporations qui, en limitant l’essor des forces productives, contribuaient à la stabilité du régime féodal. Mais si, à l’origine, ce système se proposait de garantir la société contre la pénurie, à la longue cette peur du mouvement, du changement se révéla comme n’étant rien d’autre que la peur des féodaux devant la montée de la bourgeoisie. Celle-ci, une fois au pouvoir, supprima les restrictions imposées à la production et interdit les corporations.

   Ainsi le pouvoir politique fut nécessaire pour imposer le droit nouveau, reflet du nouveau mode de production. Et les nouvelles idées furent nécessaires pour justifier ce pouvoir nouveau et ce droit nouveau. La philosophie fut une arme idéologique contre le vieil ordre de choses. La bourgeoisie triomphante inscrivit le droit de propriété bourgeois dans la Déclaration des droits de l’homme, elle organisa des assemblées parlementaires bourgeoises, elle fit prévaloir sa morale, elle créa un nouvel enseignement d’où elle bannit la philosophie du moyen-âge, — et en même temps elle interdit les associations ouvrières, pour se protéger contre la lutte du prolétariat exploité.

   Ainsi imposa-t-elle à toute la nation le « genre de vie » bourgeois et les idées qui lui étaient appropriées : « Tel genre de vie, tel genre de pensée. » [Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3. b. Cette formule n’a donc pas du tout le même sens que la formule mécaniste de Feuerbach : « On pense différemment dans un palais et dans une chaumière. »]

   Qu’on relise les pages immortelles de la première partie du Manifeste du Parti communiste :

   « Partout où elle [la bourgeoisie] a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié, pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.

   La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages.

   La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent. » (Manifeste, p. 31.)

   Faute de comprendre que la bourgeoisie a voulu consolider par tous les moyens le mode de production dont elle est elle-même le produit, on s’interdit toute intelligence des événements historiques qui se situent, par exemple, entre 1789 et 1815.

   Les historiens bourgeois distinguent eux-mêmes une époque primitive, l’antiquité, le Moyen-Âge et les temps modernes. Or, en quoi consiste la différence entre ces époques ? En ceci pour l’essentiel : primitivement existait la propriété commune des biens ; l’aube de l’histoire et de la civilisation voit s’établir le mode de production esclavagiste qui domine dans l’antiquité ; tandis que le Moyen-Âge est dominé par la propriété féodale de la terre, et que les temps modernes voient le développement de la propriété bourgeoise mercantile, puis le triomphe et le déclin de la bourgeoisie capitaliste. Mais, disent les historiens antimarxistes, il y a des traits communs à l’antiquité, au Moyen-Âge, aux temps modernes : la pensée de

   Platon ou les discours de Cicéron par exemple ne nous sont pas étrangers. C’est exact ; et voici comment s’expliquent ces traits communs, au moins en ce qui concerne les institutions et les idéologies :

  1. Esclavagisme, féodalisme, capitalisme ont un caractère commun, quelle que soit l’ampleur de leurs différences : ce sont des rapports de production basés sur l’exploitation d’une classe par une autre, sur la propriété privée des moyens de production. Donc la lutte entre classes se retrouve dans ces trois types de sociétés, avec toutes ses conséquences sur le plan des institutions et des idées.
  2. Sous ces trois modes de production existent des couches de petite bourgeoisie (marchande, artisanale, rurale, intellectuelle). Ce fait historique durable a pour effet la formation et le maintien d’une psychologie de « l’homme moyen », individualiste, attaché à la propriété privée, plein de contradictions, car, témoin passif de la lutte des classes, il capitule sans cesse devant la classe dominante exploiteuse.

   Mais, en même temps qu’ils se ressemblent, ces trois régimes diffèrent, qualitativement, par leur base économique. Ils constituent des formations sociales distinctes. L’objet de la science historique est précisément d’étudier à la fois leurs différences spécifiques et leurs ressemblances.

5. Conclusion

   Le matérialisme historique est la théorie générale des modes de production.

   L’économie politique est la science spécifique des lois objectives qui régissent les rapports de production entre les hommes.

   La science historique a pour objet spécifique les relations réciproques entre les classes qui personnifient ces rapports de production, et notamment leurs relations politiques.

   Il n’y a pas de science historique si l’on ne pose pas à chaque moment la question du caractère des rapports de production, du caractère de la propriété, des classes sociales, de l’intérêt de classe.

   La science historique véritable ne peut donc se borner à étudier les actes des rois, des chefs d’armées, des conquérants, car l’histoire c’est, en dernière analyse, l’histoire des peuples.

   « L’histoire du développement social est… l’histoire des producteurs de biens matériels, l’histoire des masses laborieuses qui sont les forces fondamentales du processus de production et produisent les biens matériels nécessaires à l’existence de la société. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3. b, p. 21.)

   En effet, la loi profonde de l’histoire c’est la correspondance nécessaire entre rapports de production et forces productives : cette loi exprime les intérêts vitaux des grandes masses de l’humanité.

   Aussi le marxisme est-il, selon l’expression de Staline, « la science… de la révolution des masses opprimées et exploitées… »

   Mais si les hommes font leur propre histoire, ils la font « dans des conditions données qui les déterminent » (Marx). Ce n’est pas dans le cerveau des hommes, dans leurs opinions et idées qu’il faut chercher la clé de l’histoire, mais bien dans les rapports de production et les lois économiques objectives, qui s’exercent indépendamment de la volonté des hommes, dès que ceux-ci produisent socialement, et qui dépendent de la forme de propriété des moyens de production, c’est-à-dire de la base économique.

   La science historique véritable ne peut se passer de la connaissance de ces lois.

   C’est pourquoi le parti du prolétariat, s’il veut conduire la classe ouvrière à sa mission historique, ne doit pas seulement l’appeler à l’action de masse pour ses intérêts, mais établir son programme et son activité pratique sur la connaissance des lois du développement économique. [L’établissement du nouveau programme du Parti communiste de l’U.R.S.S. et des directives pratiques pour le passage au communisme n’était pas scientifiquement possible sans la découverte des lois de l’économie socialiste, sans l’étude des rapports de production socialistes et des conditions de leur transformation en rapports de production communistes. C’est cette exigence que méconnaissait Iarochenko et à laquelle Staline a répondu dans son dernier ouvrage : Les Problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. ; voir Derniers Ecrits, notamment p. 146 et suivantes.]

QUESTIONS DE CONTROLE

  1. Quelles sont les conditions de la vie matérielle de la société ?
  2. Définissez les forces productives.
  3. Définissez les rapports de production.
  4. Quel est l’élément décisif des rapports de production ?
  5. Définissez les moyens de production.
  6. Qu’est-ce qu’une classe sociale ?
  7. Montrez que le changement du mode de production modifie nécessairement toute la physionomie de la société.

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