Deux entretiens sur l’entraide et la coopération dans l’agriculture

Deux entretiens sur l’entraide et la coopération dans l’agriculture((Entretiens que le camarade Mao Tsétoung a eus avec les responsables du Département du Travail rural du Comité central du Parti communiste chinois, avant et pendant la Troisième Conférence sur l’Entraide et la Coopération dans l’Agricul­ture, convoquée par le Comité central du Parti communiste chinois et tenue du 26 octobre au 5 novembre 1953.))

Mao Zedong

Octobre et novembre 1953

I. ENTRETIEN DU 15 OCTOBRE

La réussite des coopératives agricoles de production peut entraîner un grand développement des équipes d’entraide.

Dans les régions nouvellement libérées, tous les districts, grands, moyens ou petits, devront, après une préparation sérieuse, établir cet hiver ou le printemps prochain une ou deux coopératives, au moins une, en général une ou deux, tout au plus trois, selon le travail que l’on aura accompli. Il faut fixer un chiffre de contrôle et répartir les tâches. Si le chiffre est trop élevé, ce sera une progression aventureuse; dans le cas contraire, on tombera dans la déviation de droite. Penser qu’il n’est pas forcément nécessaire de fixer un chiffre, c’est du laisser- aller. Peut-on créer plus de trois coopératives dans un district? Oui, bien sûr, pourvu qu’elles réunissent les conditions requises, se con­forment aux statuts et résolutions, se créent sur la base du libre con­sentement, disposent de cadres qualifiés (les deux principaux critères étant l’impartialité et la compétence) et soient gérées comme il faut; c’est comme disait le général Han Sin à propos de ses troupes: Plus il y en aura, mieux cela vaudra((Han Sin fut un grand général sous le règne de Lieou Pang, premier empereur de la dynastie des Han. D’après les Mémoires historiques, ce dernier lui demanda un jour: « Combien de troupes pouvez-vous commander?” Et Han Sin de répondre: « Plus il y en aura, mieux cela vaudra. »)).

Il faut inviter les comités du Parti des préfectures et des districts à déployer de gros efforts pour mener à bien ce travail. Les sections du travail rural des bureaux du Comité central et celles des comités du Parti des provinces et des municipalités doivent prendre fermement en main cette tâche et axer sur elle toutes leurs activités.

On fixera les chiffres de contrôle et on répartira les tâches en conséquence. Cette répartition, qui se fera sans contrainte, n’est pas de l’autoritarisme. Après la conférence d’octobre, on aura, pour s’atteler au travail, novembre et décembre de cette année, puis janvier et février de l’année prochaine, plus le mois de mars pour le Nord, soit en tout quatre ou cinq mois. Je vous préviens dès aujourd’hui qu’on tiendra une réunion en vue d’une vérification dans les premiers mois de l’année prochaine. Vous pouvez être sûrs que cette vérification aura lieu, afin de voir comment ça marche.

Dans certaines régions de minorités nationales, où la réforme agraire n’est pas encore achevée, on peut ne pas créer de coopératives. Il y a quelques districts aussi, où le travail a été très mal fait, ceux, par exemple, qui comptent 30 à 40 pour cent de cantons retardataires et dont le secrétaire du comité du Parti se montre fort incompétent, de sorte que la coopération, une fois amorcée, y provoquerait du désordre; ces districts-là peuvent temporairement ne pas se lancer dans cette entreprise, on ne leur assignera pas de tâches. Mais les comités du Parti pour les provinces et les préfectures devront les aider à remettre de l’ordre dans leur travail et à créer les conditions nécessaires pour que des coopératives puissent être établies l’année prochaine en hiver, après la moisson d’automne.

En règle générale, on doit passer par l’équipe d’entraide avant d’arriver à la coopérative; mais, si on veut établir directement une coopérative, il est toujours permis d’essayer. Si on prend ce raccourci, et avec succès, ça ira plus vite. Pourquoi ne pourrait-on pas essayer? C’est fort possible,

Les sections du travail rural aux différents échelons doivent consi­dérer l’entraide et la coopération comme une entreprise extrêmement importante. Comme les paysans individuels ne peuvent augmenter la production que dans une mesure limitée, il faut développer l’entraide et la coopération. Si ce n’est pas le socialisme qui occupe le front rural, ce sera inévitablement le capitalisme, Comment serait-il possible d’em­prunter une voie qui ne soit ni capitaliste ni socialiste? La voie capita­liste peut aussi mener à une augmentation de la production, mais cela prend plus de temps; et c’est une voie douloureuse. Nous n’allons pas pratiquer le capitalisme, c’est une chose bien arrêtée. Si on n’édifie pas le socialisme, le capitalisme ne manquera pas de déferler partout.

La ligne générale, le programme général, l’industrialisation, la transformation socialiste, toutes ces questions seront abordées à la réunion qui va se tenir ce mois-ci.

« Protéger effectivement la propriété privée” et garantir les « quatre grandes libertés”((Voir p. 239 du présent tome.)) sont profitables aux paysans riches et aux paysans moyens aisés. Dès lors, pourquoi cela figure-t-il dans la loi? Certes, elle stipule que la propriété privée est à protéger, mais on n’y trouve pas le terme « effectivement ». En ce moment, il y a des paysans qui vendent leurs terres, ce n’est pas bien; la loi ne l’interdit pas, mais nous devons faire du travail parmi eux pour les en empêcher. La solution, c’est de mettre sur pied des coopératives. Avec les seules équipes d’entraide, on n’arrive pas à dissuader les paysans de vendre leurs terres; il nous faut des coopératives, et surtout de grandes coopératives. Organisés dans de grandes coopératives, les paysans n’auront plus besoin de louer leurs terres; en effet, une grande coopérative de 100 à 200 foyers peut prendre en charge quelques veufs, veuves, orphelins ou autres personnes sans appui; et le problème se trouve résolu. Est-ce que les petites coopératives peuvent, elles aussi, faire quelque chose dans ce sens? C’est une question à étudier. Et les équipes d’entraide doivent aussi venir en aide aux veufs, veuves, orphelins et autres personnes sans appui. Là où on ne peut pas créer de grandes coopératives, on en établira de moyennes; et si cela est impossible, on en constituera de petites. Mais, bien entendu, il faudra en créer de moyennes ou de grandes chaque fois qu’on pourra. Il ne faut pas être mécontent à la vue des grandes. Une coopérative qui réunit 100 à 200 foyers doit être tenue pour une grande; celle-ci peut même en regrouper 300 à 400. Une grande coopérative englobant plusieurs sous-coopératives, c’est aussi une création et on ne doit pas forcément dissoudre les grandes coopératives. Bien gérer une coopérative ne veut pas dire que tout soit parfait. On doit savoir tirer profit de toutes sortes d’ex­périences, il faut se garder d’imposer partout le même modèle.

Les régions anciennement libérées doivent créer davantage de coopératives; toutefois, il se peut que certaines nouvelles régions libé­rées devancent des anciennes; par exemple, la région de Kouantchong ira probablement plus vite que le Chensi du Nord, et la plaine de Tchengtou, sans doute plus vite qu’une région comme Fouping. Il faut en finir avec le préjugé selon lequel les régions nouvellement libérées ne peuvent marcher que lentement. Le Nord-Est n’est pas en fait une région anciennement libérée, et la Mandchourie du Sud ne diffère guère des régions au sud de la Grande Muraille, tardivement libérées. Le Kiangsou et la région de Hangtcheou-Kiahsing-Houtcheou vont devancer, selon toute probabilité, les régions montagneuses ancienne­ment libérées du Chantong et de la Chine du Nord, et ils doivent les devancer. Généralement parlant, le mouvement de coopération dans les régions nouvellement libérées peut se dérouler à un rythme moins rapide, mais, en certains endroits où les cadres sont capables et la population fortement concentrée sur un terrain plat, il se peut qu’après la création de quelques coopératives modèles, la coopération connaisse un développement assez rapide.

Dans la Chine du Nord, on compte actuellement 6.000 coopéra­tives. Pour en avoir le double, il suffit de répartir les tâches; et si l’on veut le triple, il convient alors de procéder à des consultations. Il faut répartir les tâches d’une façon rationnelle et avoir des chiffres de contrôle, sinon on travaillerait sans plan précis. Pour le Nord-Est, le nombre des coopératives devra être multiplié par deux, deux et demi, ou trois; et il en sera de même pour la Chine du Nord. Les chiffres de contrôle ne doivent pas être trop élevés afin que les échelons locaux puissent aller au-delà, car dépasser la norme exalte l’enthousiasme.

En créant des coopératives, il faut suivre le principe de quantité, qualité, économie. Par économie, j’entends qu’il ne faut pas « fabri­quer des produits de rebut », sous peine de gaspiller les énergies des paysans et d’entraîner des conséquences néfastes, un échec sur le plan politique et une baisse de la production céréalière. On doit en défini­tive accroître la production, notamment celle des céréales, du coton, de la canne à sucre et des légumes. Si l’on n’arrive pas à produire davantage de grains, cela conduira à une impasse et ne profitera ni à l’Etat ni à la population.

Les banlieues doivent produire plus de légumes; sinon, on se trou­vera aussi dans une situation sans issue. l’Etat et la population en pâtiront. Dans les banlieues, comme le sol est fertile, bien aplani et qu’il relève de la propriété publique, on peut constituer en priorité de grandes coopératives. Naturellement, il faut procéder avec minutie; le manque de soin est d’autant plus inadmissible que la culture ma­raîchère diffère de celle des céréales. On doit établir, à titre d’essai, des coopératives types et se garder de toute progression aventureuse.

Pour l’approvisionnement des villes en produits maraîchers, on ne peut compter sur les paysans individuels qui vont en ville vendre leurs légumes. On doit trouver des moyens pour augmenter la production, et les coopératives d’approvisionnement et de vente doivent, elles aussi, prendre des mesures. A l’heure actuelle, dans les grandes villes, il y a une contradiction très aiguë entre l’offre et la demande en légumes.

Il en est également ainsi pour les céréales et le coton; et bientôt une grande contradiction du même genre apparaîtra pour ce qui est de la viande et des matières grasses. L’offre se laisse distancer par la demande qui s’accroît considérablement.

Pour régler la contradiction entre l’offre et la demande, il faut résoudre celle entre le système de propriété et les forces productives. Quelle est la forme de propriété qui convient, la propriété individuelle ou la propriété collective? La propriété capitaliste ou la propriété socialiste? Les rapports de production basés sur la propriété indivi­duelle sont foncièrement incompatibles avec un approvisionnement abondant. De cette forme de propriété on doit passer à la propriété collective, passer au socialisme. On distingue la coopérative de forme élémentaire, caractérisée par un apport en terres, et celle de forme supérieure, où les terres, mises en commun, sont devenues propriété de la coopérative.

On peut bien dire que la ligne générale est là pour résoudre le problème de la propriété. La propriété d’Etat doit être étendue par la mise sur pied, la rénovation et l’agrandissement d’entreprises d’Etat. Il y a deux sortes de propriétés privées: celle des travailleurs et celle de la bourgeoisie; la première doit être transformée en propriété collective, et la seconde, en propriété d’Etat (en passant par les entre­prises mixtes, à capital privé et d’Etat, qui seront intégrées au secteur socialiste). C’est ainsi seulement qu’il sera possible de développer les forces productives et de réaliser l’industrialisation du pays. La contra­diction entre l’offre et la demande ne saurait être résolue qu’avec le développement des forces productives.

II. ENTRETIEN DU 4 NOVEMBRE

Tout ce que nous faisons doit concorder avec la réalité; autrement on tombe dans l’erreur. Agir en fonction de la réalité signifie tenir compte des besoins et des possibilités du moment, et celles-ci portent sur les conditions politiques et économiques ainsi que sur l’état des cadres. Aujourd’hui, le développement de la coopération agricole s’avère à la fois nécessaire et possible. Il y a là une grande potentialité. Ne pas la mettre en valeur, c’est marquer le pas tout en prétendant avancer à pas assurés. Les jambes sont faites pour marcher, on aurait tort de toujours piétiner. C’était une faute — et c’en est toujours une — que de dissoudre de force les coopératives qui possédaient toutes les conditions requises, « Le redressement des erreurs ducs à la préci­pitation et à la progression aventureuse » était en somme une bourrasque qui s’est abattue d’en haut et a renversé des coopératives qu’on aurait dû maintenir. Il faut mener des enquêtes à propos de ces coopératives, donner des éclaircissements et avouer l’erreur commise, sinon les cadres des cantons et les éléments actifs des coopératives en question garde­ront toute leur rancœur.

Il faut édifier le socialisme. “Protéger effectivement la propriété privée” est une conception bourgeoise. « Se réunir toute la journée, parler sans aborder aucun sujet sérieux et se plaire à accorder de petites faveurs: difficile alors d’arriver à quelque chose ». « Sans abor­der aucun sujet sérieux » signifie ne pas parler du socialisme, ne pas édifier le socialisme. L’établissement du crédit agricole, l’octroi de grain à titre d’assistance, la perception de l’impôt agricole à taux fixe, la réduction ou l’exemption de cette charge en vertu des décrets, l’aménagement d’ouvrages hydrauliques de petite envergure, le creuse­ment des puits et des canaux, les labours profonds et la plantation serrée, l’épandage rationnel des engrais, la popularisation des charrues de type nouveau, des norias, des pulvérisateurs, des insecticides, etc. sont autant de bonnes choses. Cependant, ce ne sont là que de petites faveurs accordées aux paysans, si on fait cela sur la base de la petite économie paysanne plutôt que sur celle du socialisme. Mais, si on lie ces bonnes choses à la ligne générale, au socialisme, ce sera tout diffé­rent, il ne s’agira plus de petites faveurs. Il faut édifier le socialisme et établir un lien entre ces bonnes choses et lui. Quant à « protéger effectivement la propriété privée » et à garantir les « quatre grandes libertés », cela constitue, à plus forte raison, une faveur modique, dont les bénéficiaires sont d’ailleurs les paysans riches et les paysans moyens aises. Si on voulait augmenter considérablement la production de céréales et résoudre le problème de l’alimentation, problème majeur ayant trait à la prospérité nationale et au bien-être du peuple, en comp­tant sur la petite économie paysanne, en accordant de petites faveurs sur la base de l’économie individuelle, plutôt qu’en s’appuyant sur le socialisme, il serait vraiment « difficile alors d’arriver à quelque chose » !

Un vieil adage dit: « Quand on tire la corde principale du filet, les mailles s’ouvrent ». Ce n’est qu’en actionnant l’axe que l’on peut mettre en mouvement le reste; l’axe, c’est le thème principal. La con­tradiction entre le socialisme et le capitalisme ainsi que sa solution graduelle, voilà le thème principal, voilà l’axe. Tenir cet axe, c’est avoir en main le levier de commande de toutes les activités politiques et économiques destinées à aider les paysans.

Il existe dans les coopératives agricoles de production des contra­dictions internes comme externes. Les coopératives actuelles sont encore de caractère semi-socialiste et les exploitations individuelles en dehors des coopératives reposent entièrement sur la propriété privée ; il existe donc une contradiction entre les deux. A la différence des coopératives, les équipes d’entraide ne font que pratiquer le travail en commun; elles ne touchent pas à la propriété. Les coopératives existantes sont encore fondées sur la propriété privée, les membres restant propriétaires de leurs apports en terres, bêtes de trait et gros outillage agricole; ainsi, il existe également une contradiction au sein des coopératives mêmes, entre les facteurs socialistes et la propriété privée; cette contradiction, il faudra la régler progressivement. Elle sera résolue plus tard, quand on aura passé de la propriété semi- publique et semi-privée actuelle à la propriété collective. La méthode que nous appliquons est d’avancer pas à pas: on passe des équipes d’entraide renfermant des germes du socialisme aux coopératives de type semi-socialiste d’abord, aux coopératives de type entièrement socialiste ensuite (connues aussi sous le nom de coopératives agricoles de production; il ne convient pas de les appeler kolkhozes). En général, les équipes d’entraide servent encore de base aux coopératives agricoles de production.

A un moment donné, certains documents ne faisaient pas mention de l’entraide et de la coopération; dans chacun d’eux j’ai ajouté quelques mots appelant à développer l’entraide et la coopération ou à entreprendre tout travail politique et économique, indispensable et réalisable. Invoquant l’existence de la petite économie paysanne, d’aucuns combattaient tout particulièrement les ingérences excessives dans les affaires des paysans. Effectivement, à l’époque, on a constaté des ingérences excessives: les « cinq excès” qui, se déversant d’en haut par divers canaux, avaient créé à la base une grande confusion. Les « cinq excès » ne sont à aucun moment admissibles, pas plus dans les régions rurales que dans les usines et les unités de l’armée. Le Comité central a émis plusieurs documents dans lesquels il se prononce contre les ingérences excessives, ce qui a fait quelque bien. Qu’est-ce donc qu’une ingérence excessive? C’est élaborer un plan de manière subjectiviste et irréaliste, sans tenir compte de ce qui est nécessaire et possible; ou, même quand le plan est réaliste, recourir à l’autori­tarisme dans son exécution. Le subjectivisme et l’autoritarisme sont toujours inadmissibles, et il en sera encore ainsi dans dix mille ans. Ils sont à rejeter non seulement pour la petite économie paysanne dis­persée, mais aussi pour les coopératives. Cependant, le fait d’entre­prendre ce qui est nécessaire et réalisable, sans user de méthodes autoritaires, ne doit pas être taxé d’intervention excessive. Nous devons nous servir de ce critère pour vérifier notre travail. Tout ce qui est subjectiviste, non conforme il la réalité, est erroné; tout procédé autoritaire l’est aussi. Piétiner sur place est une manifestation de la déviation de droite; s’obstiner à faire ce que les possibilités réelles ne permettent pas, c’est dévier à « gauche »; ce sont là autant de manifes­tations du subjectivisme. S’il est erroné de procéder à une progression aventureuse, c’était une faute de n’avoir pas créé des coopératives qui auraient pu être établies, et c’est une faute plus grande encore de dissoudre de force des coopératives.

« La vie est dure à la campagne, la situation n’est guère encoura­geante, les mesures adoptées ne cadrent pas avec la petite économie paysanne. » Tels sont les propos que l’on entend au sein comme en dehors du Parti. A la campagne, la vie est certes un peu dure, mais il faut procéder à une analyse adéquate à ce sujet. En fait, la vie à la campagne n’est pas si dure: environ 10 pour cent seulement des foyers manquent de grain, et la moitié d’entre eux, composés de veufs, veuves, orphelins et autres personnes sans appui, ont de grandes difficultés faute de force de travail; mais les équipes d’entraide et les coopératives peuvent leur apporter de l’aide. Leur vie s’est quand même beau­coup améliorée par rapport à l’époque du Kuomintang; en tout cas, des terres leur ont été distribuées. Il est vrai que la vie est dure pour ceux qui ont été frappés par des calamités naturelles, mais on leur a donné du grain à titre d’assistance. Les conditions de vie des paysans sont, en général, assez bonnes et elles tendent à s’améliorer, voilà pourquoi 80 à 90 pour cent des paysans sont satisfaits et soutiennent le gouver­nement. Les propriétaires fonciers et les paysans riches, qui représentent 7 pour cent environ de la population rurale, sont mécontents du gouvernement. « La vie est dure à la campagne, on n’en peut plus, » Je n’ai jamais été de cet avis. En affirmant que la vie est dure à la campagne, certains ont aussi parlé de la dispersion qui caractérise la vie rurale, c’est-à-dire de la dispersion propre à la petite économie paysanne, mais ce faisant, ils ne soufflaient mot de l’établissement des coopératives. La transformation socialiste de l’économie individuelle, le développement de l’entraide et de la coopération, la création des coopératives, c’est là non seulement une orientation à suivre, mais aussi la tâche même du moment.

S’il n’y avait pas eu la Conférence sur le Travail des Finances et de l’Economie, tenue aux mois de juillet et d’août derniers, le problème de la ligne générale n’aurait pu être résolu pour beaucoup de cama­rades. Cette conférence avait précisément pour tâche principale de régler ce problème. Critiquer Po Yi-po, c’est critiquer son erreur de s’écarter de la ligne générale. Celle-ci peut se résumer ainsi: réaliser graduellement l’industrialisation socialiste du pays et la transformation socialiste de l’agriculture, de l’artisanat ainsi que de l’industrie et du commerce capitalistes. L’achat et l’approvisionnement planifiés des grains, qui viennent d’être mis en pratique, donnent une grande impul­sion au socialisme. Puis, nous avons convoqué la présente conférence sur l’entraide et la coopération, qui lui imprimera une nouvelle impul­sion considérable. Du fait que, durant une bonne moitié de cette année, il y a eu un recul dans le mouvement d’entraide et de coopéra­tion, la présente conférence devrait adopter une attitude plus active à cet égard. Mais les mesures politiques à appliquer doivent être expliquées clairement ; cela est d’une très grande importance.

« Direction active et développement méthodique » est un excellent mot d’ordre. Pendant une bonne moitié de cette année, le mouvement a connu un recul, il a marqué le pas sans avancer, ce n’est pas très bien. Mais cela aussi a du bon. C’est comme dans les opérations mili­taires: après une bataille, on consacre un certain temps au repos, à l’instruction et à la consolidation des troupes avant d’en engager une autre. Le problème est que, à certains endroits, on a abandonné un peu trop de positions; ailleurs, il ne s’agit pas d’avoir trop reculé, mais on n’a pas créé ni permis de créer des coopératives dont l’établissement était possible, ou bien on n’a pas approuvé celles qui venaient d’être fondées, les considérant comme illégales. Dans le monde, il arrive souvent que beaucoup de choses nouvelles et justes soient considérées comme illégales. Dans le passé, nous étions dans 1’“illégalité » alors que le Kuomintang était “légal »! Or, ces coopératives “illégales » se sont maintenues et s’assurent une bonne gestion. Pourriez-vous ne pas les reconnaître? En fin de compte, vous devrez admettre qu’elles sont légales; après tout, elles ont triomphé.

A cette conférence, on a insisté sur la direction active et le développement méthodique, mais il est à prévoir qu’il se produira des complications. Vous dites qu’il faut diriger activement et développer méthodiquement le mouvement, mais dans la pratique vous risquez de ne pas y arriver. Cette direction et ce développement exigent qu’on fixe des chiffres de contrôle, qu’on répartisse les tâches, puis qu’on vérifie si celles-ci ont été accomplies. Ne pas remplir la tâche là où il est possible de la mener à bien, c’est inadmissible, c’est manquer d’enthousiasme pour le socialisme. Il ressort d’une enquête que 5 à 10 pour cent des coopératives ont accusé une baisse de production et que leur gestion laisse beaucoup à désirer. Un tel état de choses est dû à l’absence d’une direction active. Bien entendu, il est inévitable qu’un petit nombre de coopératives, faute d’une bonne gestion, aient vu diminuer leur production. Mais si 20 pour cent des coopératives, ou même plus, enregistraient une baisse de production, cela poserait un problème.

La ligne générale vise à transformer graduellement les rapports de production. Staline a dit que la base des rapports de production, c’est la propriété((Voir J. Staline: « Le Matérialisme dialectique et le matérialisme historique« .)); c’est un point que nos camarades doivent bien compren­dre. A l’heure actuelle, la propriété privée et la propriété publique socialiste sont légales l’une comme l’autre, mais la première deviendra peu à peu illégale. « Protéger effectivement la propriété privée » et pratiquer les « quatre grandes libertés » sur un lopin de terre de trois mous, c’est accroître la force des paysans riches qui sont en petit nombre, c’est suivre la voie capitaliste.

Les cadres des échelons du district et de l’arrondissement doivent axer progressivement leur travail sur l’entraide et la coopération dans la production agricole, sur l’édification du socialisme. S’ils n’œuvrent pas pour le socialisme, pour quoi travaillent-ils alors? Pour l’économie individuelle? Les secrétaires des comités du Parti pour les districts et les arrondissements doivent considérer l’édification du socialisme comme une tâche d’importance majeure. Il faut que les secrétaires assument leur responsabilité. Moi-même, je suis le secrétaire du Comité central. Les secrétaires des bureaux du Comité central, des comités du Parti pour les provinces, les préfectures, les districts, les arrondissements, bref, les secrétaires à tous les échelons doivent assu­mer leur responsabilité et prendre eux-mêmes la tâche en main. Le Comité central consacre maintenant 70 à 80 pour cent de ses efforts à la transformation socialiste de l’agriculture. La transformation de l’industrie et du commerce capitalistes entre aussi dans le cadre de l’édification du socialisme. Les camarades des sections du travail rural aux différents échelons et tous ceux qui participent à la présente conférence doivent devenir des experts en matière de transformation socialiste de l’agriculture, s’y connaissant en théorie, ligne, mesures politiques et méthodes.

Pour l’approvisionnement des villes en légumes, l’essentiel est d’assurer une fourniture planifiée. Dans les grandes villes et dans les nouvelles agglomérations, où la population est fortement concentrée, comment pourrait-on se passer de légumes? Il faut trouver une solu­tion à ce problème. Comme les équipes d’entraide dans les banlieues n’arrivent pas à assurer la production et la fourniture des légumes, on peut établir directement des coopératives de type semi-socialiste, et même de type entièrement socialiste, sans passer par les équipes d’entraide. Cette question est à étudier.

Voici notre plan pour l’établissement de coopératives: on en créera un peu plus de 52.000 à partir de cet hiver ou du printemps prochain jusqu’à la veille de la moisson d’automne; en 1957, il sera possible de porter leur nombre à 700.000. Cependant, il est à prévoir qu’à un certain moment un développement soudain pourrait le faire passer à un million et même plus. En un mot, il faut garantir la quantité et la qualité, et assurer une direction active et un développement méthodique.

Notre Conférence a été un succès. Si, au lieu de la tenir maintenant, nous l’avions reportée à janvier prochain, cela aurait été trop tard, car nous ne pourrions pas profiter de cet hiver. Une nouvelle conférence aura lieu le 26 mars 1954, en vue de vérifier l’exécution de notre plan. C’est une très bonne idée que d’avoir fixé, au cours de notre Con­férence, la date de la suivante où l’on vérifiera l’application de nos résolutions. L’automne prochain, nous nous retrouverons pour discuter et fixer les tâches de l’hiver suivant.

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