Discours à la conférence nationale du Parti Communiste Chinois

Discours à la conférence nationale du Parti Communiste Chinois

Mao Zedong

Mars 1955

DISCOURS D’OUVERTURE

21 mars 1955

Camarades délégués à la Conférence nationale du Parti communiste chinois,

Trois points figurent à l’ordre du jour de la présente conférence: primo, le premier plan quinquennal pour le développement de l’éco­nomie nationale et le rapport sur ce plan; secundo, le rapport sur l’alliance antiparti Kao Kang — Jao Chou-che; tertio, la création d’une commission centrale de contrôle.

En 1952, alors que la phase du relèvement de notre économie nationale touchait à sa fin, le Comité central, en se fondant sur la thèse de Lénine concernant la période de transition, a fait le bilan de l’expérience que nous avons acquise depuis la fondation de la Républi­que populaire de Chine et a défini la ligne générale du Parti pour la période de transition. Cette ligne consiste à réaliser progressivement, en l’espace de trois quinquennats environ, l’industrialisation socialiste du pays en même temps que la transformation socialiste de l’agricul­ture, de l’artisanat ainsi que de l’industrie et du commerce capitalistes, afin d’édifier en Chine une société socialiste. Comme les faits l’ont prouvé, la ligne générale du Parti est juste, de même que les diverses politiques et mesures importantes qu’il a adoptées pour assurer son application. Grâce aux efforts de tous les camarades du Parti et de tout le peuple, notre travail connaît de grands succès. Mais il présente aussi des insuffisances et des erreurs. Nombre des mesures que nous avons prises ne pouvaient pas être parfaites à tous les égards; il nous faudra, au cours de leur application, les compléter ou les rectifier à la lumière de l’expérience nouvelle.

Le premier plan quinquennal pour le développement de l’économie nationale constitue un pas important pour la réalisation de la ligne générale du Parti. La présente conférence doit, en tenant compte de l’expérience pratique, examiner très attentivement le projet de ce plan, de façon qu’il ait un contenu plus adéquat et devienne parfaitement réalisable.

Dans un grand pays comme le nôtre, où les conditions sont com­plexes et où l’économie nationale était très arriérée, édifier une société socialiste n’est pas chose facile. Trois quinquennats nous suffiraient pour la construire, mais si on veut bâtir un Etat socialiste puissant, hautement industrialisé, il faudra des dizaines d’années d’efforts acharnés, disons cinquante ans, c’est-à-dire toute la seconde moitié du siècle. Notre tâche exige que nous réglions de façon judicieuse les rapports au sein de notre peuple — ceux entre la classe ouvrière et la paysannerie en particulier — et les rapports entre nos diverses nationa­lités ; en même temps, nous devons continuer de développer, comme il convient, notre étroite coopération avec le grand Etat socialiste avancé qu’est l’Union soviétique, et avec les pays de démocratie populaire; nous devons développer aussi notre coopération avec tous les pays et peuples attachés à la paix dans le monde capitaliste.

Nous disons souvent que nous ne devons pas tirer orgueil de nos succès dans le travail, mais rester modestes et apprendre des pays avancés et des masses, et que nos camarades doivent apprendre les uns des autres, afin de commettre le moins d’erreurs possible. Il me parait nécessaire de le rappeler ici encore à cette conférence. L’affaire antiparti Kao Kang — Jao Chou-che nous montre bien que des mani­festations de présomption se font jour effectivement dans le Parti et qu’elles prennent même de sérieuses proportions chez certains cama­rades. Faute d’être surmonté, un tel état d’esprit nous empêcherait d’accomplir la tâche grandiose qu’est la construction d’une société socialiste.

Comme vous le savez, Camarades, l’apparition de l’alliance anti­parti Kao Kang -Jao Chou-che n’est pas due au hasard, c’est une manifestation frappante de l’âpre lutte de classes qui se déroule à l’étape actuelle dans le pays. En effet, cette alliance avait pour dessein criminel de scinder notre Parti et de s’emparer, par des machinations, du pouvoir suprême du Parti et de l’Etat, en vue de frayer la voie à une restauration contre-révolutionnaire. Sous la direction du Comité central étroitement uni, le Parti l’a démolie complètement et en est devenu plus uni, plus solide encore. C’est là une victoire éclatante dans notre lutte pour la cause du socialisme.

Pour notre Parti, l’affaire Kao Kang — Jao Chou-che est une sé­rieuse leçon; tout le Parti doit la garder présente à l’esprit et faire de son mieux pour éviter la répétition de pareille chose dans ses rangs. Ces deux individus fomentaient des complots, se livraient à des acti­vités clandestines au sein du Parti et montaient les camarades les uns contre les autres en cachette; mais, en public, ils cherchaient à camoufler leurs activités. Ce sont là des agissements ignobles, exactement pareils à ceux auxquels recouraient le plus souvent dans le passé la classe des propriétaires fonciers et la bourgeoisie. Dans Le Manifeste du Parti communiste, Marx et Engels écrivent: « Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. » En tant que com­munistes et, à plus forte raison, en tant que cadres dirigeants du Parti, nous nous devons de faire preuve de franchise et de droiture sur le plan politique et d’être toujours disposés à exprimer ouvertement nos vues politiques, à faire connaître notre position, qu’elle soit favorable ou défavorable, sur chaque problème politique d’importance majeure; nous ne devons en aucun cas nous livrer à des complots comme l’ont fait Kao Kang et Jao Chou-che.

Le Comité central estime que, pour bâtir une société socialiste, il est nécessaire de créer maintenant, conformément aux Statuts du Parti, une commission centrale de contrôle à la place de la Commission de contrôle de la discipline, de manière à renforcer, dans la nouvelle phase de l’âpre lutte de classes, la discipline du Parti et la lutte contre toutes sortes d’infractions aux lois et règlements, et à empêcher, tout parti­culièrement, la répétition des affaires du genre de l’alliance antiparti Kao -Jao qui a porté de graves préjudices aux intérêts du Parti.

Etant donné les multiples enseignements du passé et le fait qu’on ne peut obtenir de meilleurs résultats et éviter autant que possible des erreurs qu’en alliant l’intelligence personnelle à l’intelligence collective, le Comité central et les comités du Parti à tous les échelons doivent s’en tenir au principe de direction collégiale, tout en continuant de combattre les deux tendances malsaines que sont la dictature person­nelle et l’ultra-décentralisation. Il faut bien comprendre que direction collégiale et responsabilité personnelle ne s’excluent pas, mais qu’au contraire, elles sont en étroite connexion. D’ailleurs, la responsabilité personnelle n’a rien à voir avec la dictature personnelle, qui viole le principe de direction collégiale.

La situation internationale actuelle est favorable à notre édification socialiste. Le camp socialiste ayant à sa tête l’Union soviétique est puissant et uni, tandis que le camp impérialiste est faible, en proie à de multiples contradictions et crises insurmontables. Cependant, nous devons nous rappeler que des forces impérialistes nous encer­clent toujours, il nous faut donc être préparés à toute éventualité. Si l’impérialisme déclenche une nouvelle guerre, il est fort probable qu’elle commencera par une attaque surprise comme la Seconde guerre mondiale. Nous devons donc être prêts tant sur le plan moral que matériel, pour ne pas être pris au dépourvu si cela venait à se produire. C’est l’un des aspects de la question. L’autre est que, dans le pays, les débris des forces contre-révolutionnaires mènent toujours des activités effrénées, aussi devons-nous leur porter de nouveaux coups, de façon méthodique et judicieuse, en nous basant sur les faits, et affaiblir davantage ces forces contre-révolutionnaires dissimulées, pour que la construction socialiste puisse se poursuivre en toute sécurité. Si nous prenons des mesures adéquates quant à ces deux aspects, nous pourrons empêcher l’ennemi de nous causer de graves préjudices; sinon nous tomberons dans l’erreur.

Camarades, nous sommes engagés dans une nouvelle période his­torique. Faire la révolution socialiste dans un pays d’Orient, peuplé de 600 millions d’habitants, afin de changer le cours de son histoire et sa physionomie, de réaliser pour l’essentiel, au cours de trois quin­quennats environ, son industrialisation et la transformation socialiste de l’agriculture, de l’artisanat ainsi que de l’industrie et du commerce capitalistes. et de rattraper et même dépasser, au bout de quelques décennies, les pays capitalistes les plus puissants du monde, cela comportera forcément des difficultés. Des difficultés aussi nombreuses que celles de la période de la révolution démocratique, et probablement de plus grandes encore. Mais, Camarades, en tant que communistes, nous avons la réputation de mépriser les difficultés. Sur le plan tacti­que, pourtant, nous devons tenir compte de toutes. Nous devrons adopter à l’égard de chacune d’elles une attitude sérieuse, créer les conditions nécessaires et prendre les mesures qui conviennent pour les vaincre une à une, série par série. Comme le montre l’expérience que nous avons acquise au cours de ces dernières décennies, nous avons toujours su vaincre les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés. Devant les communistes, les difficultés ne peuvent que sonner la retraite. C’est vraiment comme on dit: « Les montagnes sont obligées de courber la tête et les rivières de laisser le passage. » Nous pouvons en tirer l’enseignement que les difficultés sont à mépriser. Cela est valable sur le plan stratégique, du point de vue de l’ensemble. Si énormes que soient les difficultés, nous pouvons les jauger d’un seul coup d’œil. Elles ne peuvent nous être créées que par nos ennemis dans la société ou par la nature. Nous savons tous que l’impérialisme, les contre-révolutionnaires à l’intérieur du pays et leurs agents dans notre Parti sont bel et bien des forces moribondes, alors que nous, nous représentons les forces montantes, et que la vérité est de notre côté. Face à eux, nous sommes toujours invincibles. Cela se comprend si nous passons en revue notre propre histoire. Lors de sa fondation en 1921, notre Parti était si petit qu’il ne comptait en tout et pour tout que quelques dizaines de membres. Mais, par la suite, il s’est développé il tel point qu’il a pu renverser son puissant ennemi à l’intérieur du pays. La nature, en tant qu’ennemie, peut être vaincue, elle aussi. Dans la nature comme dans la société, toutes les forces montantes sont invincibles de par leur essence, tandis que les vieilles forces, aussi considérables qu’elles soient, sont vouées à disparaître. Ainsi, nous pouvons et nous devons braver les plus grosses difficultés qu’on puisse rencontrer dans le monde et les considérer comme insignifiantes. Voilà en quoi consiste notre optimisme, optimisme qui d’ailleurs est fondé du point de vue scientifique. Si nous arrivons à mieux connaître le marxisme-léninisme et les sciences naturelles, bref, à mieux connaître les lois régissant le monde objectif et à éviter autant que possible les erreurs d’ordre subjectiviste, alors nous pourrons atteindre notre but dans notre révolution et notre édification.

DISCOURS DE CONCLUSION

31 mars 1915

Camarades,

Maintenant que nous avons entendu toutes les interventions, je voudrais dire quelques mots sur les problèmes suivants: l’appréciation de la présente conférence, le plan quinquennal, l’affaire Kao -Jao, la situation actuelle, le VIIIe Congrès du Parti.

I. L’APPRECIATION DE LA PRESENTE CONFERENCE

Nos camarades, dans leur immense majorité, estiment que notre Conférence est un succès. C’est une nouvelle conférence de rectification du style de travail après le mouvement de rectification du temps de Yenan. Nous y avons pratiqué la démocratie et procédé à la critique et à l’autocritique, ce qui nous a permis de nous mieux comprendre, de parvenir à une plus grande unité de pensée et d’en arriver à la communauté de vue. Des points de vue communs, nous en avions déjà, mais il existait quand même entre nous des opinions différentes sur certains problèmes ; grâce à cette conférence, nous avons réalisé l’unité de vue. Et sur cette base, c’est-à-dire sur l’identité de vue en ce qui concerne l’idéologie, la politique et de nombreuses mesures politiques, notre Parti sera encore plus uni. Tout comme l’a dit le camarade Chou En-laï, si le VIIe Congrès du Parti et le mouve­ment de rectification idéologique et politique qui avait eu lieu auparavant dans tout le Parti ont jeté le fondement de l’unité de pensée du Parti, unité qui a conduit à la victoire de la révolution démocratique menée contre l’impérialisme, le féodalisme et le capi­talisme bureaucratique, eh bien, la présente conférence nous permettra de triompher dans la lutte pour le socialisme.

Cette conférence prouve que notre Parti a atteint un niveau beau­coup plus élevé par rapport aussi bien à la période du VIIe Congrès, il y a dix ans, qu’à celle des deuxième et troisième sessions plénières du Comité central, en 1949 et en 1950. Cela est encourageant. Notre Conférence montre que nous avons fait des progrès.

Nous sommes entrés dans une nouvelle période historique où nos efforts, nos réflexions et nos recherches sont axés sur l’industrialisation socialiste, la transformation socialiste et la modernisation de la défense nationale, et où nous commençons des recherches sur l’énergie atomi­que. Les camarades de tout le Parti ont fait des efforts pour accroître leur compétence, certains allant plus en profondeur, d’autres moins ; il en est de même pour les camarades ici présents. C’est comme pour les médecins. Il y en a qui savent faire une opération et d’autres non: il y en a qui peuvent faire des intraveineuses, tandis que d’autres en sont incapables et ne savent que faire des sous-cutanées; il y en a même qui n’osent pas pénétrer sous la peau et ne font que l’effleurer. S’il y a des camarades qui n’ont pas fait assez d’efforts pour aller au fond des choses, la plupart travaillent assidûment, et beaucoup, semble-t-il, ont creusé les questions dont ils s’occupent, et acquis quelque compétence en la matière. On a pu le constater d’ailleurs à cette conférence. C’est là une chose excellente. Car nous avons maintenant à affronter des problèmes nouveaux: l’industrialisation socialiste, la transformation socialiste, la modernisation de la défense nationale et d’autres nouveaux secteurs de travail. La tâche qui nous incombe est de nous adapter aux nouvelles circonstances et d’approfondir nos connaissances pour devenir compétents. Il faut donc éduquer ceux qui, incapables jusqu’ici d’approfondir les questions, se conten­taient de connaissances superficielles, afin qu’ils deviennent tous compétents.

La lutte contre l’alliance antiparti Kao Kang — Jao Chou-che fera faire au Parti un grand pas en avant.

Nous devons effectuer un travail de propagande auprès des 5 millions d’intellectuels, communistes et non communistes, et des cadres de tous les échelons, pour qu’ils assimilent le matérialisme dialectique et s’opposent à l’idéalisme. Nous formerons ainsi le puis­sant contingent de théoriciens dont nous avons absolument besoin. Ce sera aussi une chose excellente.

Pour le constituer, nous devons établir un plan et faire en sorte que des millions de gens étudient le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, fondement théorique du marxisme, et com­battent l’idéalisme et le matérialisme mécaniste de toutes nuances. Nous avons déjà bon nombre de cadres qui s’occupent du travail théorique, mais nous n’avons pas encore de contingent de théoriciens, encore moins de contingent puissant. Or, sans un tel contingent, la cause du Parti, l’industrialisation socialiste du pays, la transformation socialiste, la modernisation de la défense nationale et les recherches sur l’énergie atomique ne sauraient progresser ni réussir. C’est pourquoi, Camarades, je vous recommande de lire des ouvrages philosophiques. Pas mal de gens ne s’intéressent pas à la philosophie et n’ont pas l’habitude de l’étudier. Ils pourraient commencer, pour y prendre goût, par de petites brochures et des articles courts, passer ensuite aux ouvrages de 70.000 à 80.000 caractères et s’attaquer finalement aux livres qui en comptent des centaines de milliers. Le marxisme embrasse plusieurs disciplines: la philosophie marxiste, l’économie marxiste et le socialisme marxiste, c’est-à-dire la théorie de la lutte des classes. Mais le fondement, c’est la philosophie marxiste. Si on ne la possède pas, on n’aura pas de langage et de méthodes communs, et on se perdra dans des discussions stériles, sans pouvoir tirer au clair quoi que ce soit. Mais si l’on assimile les principes du matérialisme dialectique, on s’épargnera de nombreux détours et l’on évitera bien des erreurs.

II. LE PREMIER PLAN QUINQUENNAL

Les camarades sont d’avis que la plupart des interventions faites au cours des délibérations sur le plan quinquennal sont bonnes; nous en sommes tous satisfaits. Il y en a même eu d’excellentes, celles qui sont allées jusqu’au fond du problème; on croyait entendre parler des spécialistes. Mais les interventions de certains délégués des départe­ments qui relèvent de l’autorité centrale sont peu satisfaisantes et laissent à désirer du point de vue de l’analyse et de la critique. On peut constater les mêmes lacunes dans celles de quelques délégués des instances locales. Il y a un autre point à noter: dans leurs exposés, des camarades se sont contentés de signaler l’existence du grave problème du gaspillage et d’autres erreurs, sans indiquer aucun moyen d’y remédier. Certains camarades ne sont pas satisfaits de ces exposés, et j’estime qu’ils ont raison.

J’espère que les secrétaires des comités du Parti pour les provinces, municipalités et préfectures, ainsi que les camarades responsables des départements relevant de l’autorité centrale, feront tous de durs efforts pour devenir des experts dans le travail politique et économique à mesure que s’étendra leur connaissance du marxisme-léninisme. Il faut à la fois bien accomplir le travail politique et idéologique et mener à bien l’édification économique. Il nous faut acquérir une vraie compétence en matière d’édification économique.

Parmi les nombreux problèmes que les instances locales ont soumis, au cours de la présente conférence, à l’autorité centrale en vue d’une solution, il faut résoudre sans tarder tous ceux au sujet desquels l’autorité centrale a défini des principes directeurs. Quant aux autres, le secrétariat de la Conférence est chargé d’étudier, avec les camarades qui les ont soulevés, les moyens de les résoudre et de faire rapport au Comité central, qui décidera.

De même, les départements qui relèvent de l’autorité centrale ont besoin de la collaboration des instances locales pour la bonne conduite de pas mal d’affaires. Les entreprises et institutions qu’ils ont établies à divers endroits exigent l’aide et le contrôle des comités locaux du Parti, surtout sur le plan politique et idéologique. Ceux-ci ont le devoir d’aider ces entreprises et institutions à accomplir leurs tâches. Ainsi, les instances locales ont besoin de l’aide de l’autorité centrale, et vice versa. Le premier plan quinquennal ne sera réalisé de manière satis­faisante que si les départements qui relèvent de l’autorité centrale et les comités locaux du Parti conjuguent leurs efforts et coopèrent étroite­ment pour l’accomplissement des tâches qui leur sont respectivement assignées.

III. L’ALLIANCE ANTIPARTI KAO KANG-JAO CHOU-CHE

Premier point, il y en a qui se demandent: En définitive, cette alliance existe-t-elle ou non? Ou bien, ce n’est pas une alliance, mais plutôt deux royaumes indépendants, deux « exploitations indivi­duelles »? Certains camarades disent qu’ils n’ont pas vu de document qui s’y rapporte, alors que, s’il s’agissait d’une alliance, il devrait y avoir normalement un accord, un accord écrit bien sûr. Or, un tel texte n’existe vraiment pas: on ne l’a trouvé nulle part. Nous n’en affirmons pas moins que Kao Kang et Jao Chou-che ont bel et bien formé une alliance. Qu’est-ce qui nous a amenés à cette conclusion? 1) Leurs activités conjointes à la Conférence sur le Travail des Finances et de l’Economie, 2) Les manœuvres antiparti auxquelles Jao Chou-che s’est livré de connivence avec Tchang Sicou-chan, lors de la Conférence sur le Travail d’Organisation. 3) Les propos mêmes de Jao Chou-che. « Désormais, a-t-il dit, le Département de l’Organisation du Comité central doit avoir Kouo Feng comme pivot, » Lui-même était le chef de ce Département, et Kouo Feng, homme de confiance de Kao Kang, allait en constituer le pivot, C’était parfait! Quelle étroite union! 4) Une liste des futurs membres du Bureau politique que An Tse-wen avait préparée à notre insu et que Kao et Jao ont fait connaître partout. Ce qui a valu à An Tse-wen un avertissement, Kao Kang, Jao Chou-che et consorts ont diffusé cette liste parmi tous ceux qui parti­cipaient à la Conférence sur le Travail d’Organisation, et même jusque dans les provinces méridionales du pays. Pourquoi une diffusion aussi large? Dans quel but? 5) Le fait que Kao Kang a par deux fois plaidé auprès de moi la cause de Jao Chou-che et que ce dernier a tenté jusqu’à la dernière minute de défendre son allié. Kao Kang m’a dit que Jao Chou-che était en très mauvaise posture et il m’a prié d’intervenir pour le tirer de là. « Mais pourquoi parlez-vous à sa place? lui ai-je répliqué. Je suis à Pékin, et Jao Chou-che aussi. Pourquoi vous a-t-il envoyé me trouver au lieu de venir lui-même? Même s’il était au Tibet, il pourrait me télégraphier; or, il est il Pékin, et il a deux jambes ! » La seconde fois, la veille du jour où il allait être lui-même démasqué, Kao Kang a encore pris fait et cause pour Jao Chou-che. Et celui-ci a cherché jusqu’au dernier moment à le défendre, deman­dant qu’on lui rende justice. A la réunion élargie du Bureau politique du Comité central, tenue pour dévoiler Kao Kang, j’ai dit qu’il y avait à Pékin deux quartiers généraux: l’un, celui que je dirigeais, soulevait le vent et allumait le feu au grand jour, tandis que le second, conduit par d’autres, déchaînait vent et feu dans l’ombre, provoquant un néfaste courant souterrain. Après tout, l’autorité politique était-elle détenue par un seul centre ou par plusieurs? A en juger par tout ce qui précède, on peut voir que loin d’être deux royaumes indépendants ou deux « exploitations individuelles” sans lien aucun, Kao Kang et Jao Chou-che formaient réellement une alliance antiparti.

Cependant, l’absence de texte consacrant leur accord a fait naître des doutes chez certains camarades, qui disaient qu’il ne s’agissait probablement pas d’une alliance. C’est confondre deux types d’al­liances, alliance antiparti des comploteurs et alliance politique ou économique, généralement de caractère ouvert et officiel, c’est les mettre sur le même plan. Kao et Jao s’étaient ligués précisément pour comploter. Est-ce que cela suppose obligatoirement un accord écrit? Si, faute d’un accord écrit, une alliance ne peut être considérée comme telle, comment expliquer alors l’existence de chacun des deux groupes antiparti, celui de Kao Kang et celui de Jao Chou-che? En effet, Kao Kang n’a pas passé d’accord avec Tchang Sieou-chan, Tchang Ming-yuan, Tchao Teh-tsouen, Ma Hong et Kouo Feng; en tout cas, nous n’en avons pas vu le texte. Nous faudrait-il en conséquence nier l’existence de ce groupe antiparti? Il en est de même pour Jao Chou-che, Hsiang Ming et Yang Fan: on n’a pas trouvé non plus d’engagement écrit entre eux. Il est donc faux de dire qu’il ne peut y avoir d’alliance véritable sans document écrit.

Deuxième point, quelle attitude doivent adopter les camarades qui ont été influencés par Kao et Jao, et ceux qui ne l’ont pas été? Ceux qui ont été influencés l’ont d’ailleurs été à des degrés divers. Certains n’ont été que légèrement atteints, leur cas n’est pas grave. Mais quelques autres camarades ont été impliqués assez sérieusement: ils se sont entretenus avec Kao et Jao sur beaucoup de problèmes et ont agi en sous-main, faisant de la propagande en leur faveur. Il y a donc une différence entre ces deux catégories de camarades. Mais, que l’influence ait été légère ou profonde, la plupart d’entre eux ont exprimé leur position à cette conférence. Certaines de ces interventions étaient même très bonnes, elles ont été applaudies par toute l’assis­tance; d’autres, malgré des lacunes, étaient assez bonnes, la plupart des participants les ont bien accueillies; d’autres encore n’étant pas suffisamment développées, les orateurs ont repris la parole aujourd’hui pour les compléter; d’autres enfin pouvaient aller dans l’ensemble, à part certains passages qui ne convenaient pas. Quoi qu’il en soit, tous ces camarades ont fait des déclarations plus ou moins positives; nous devons leur ouvrir les bras à tous, car, tout compte fait, ils se sont prononcés dans un sens favorable. Quelques camarades qui avaient demandé à prendre la parole n’ont pas eu le temps d’intervenir, ils peuvent faire un rapport écrit au Comité central. Il y a des camarades qui ne sont pas encore intervenus et qui n’avaient été que légèrement touchés, leur cas n’est pas grave; ils savaient quelque chose sur l’affaire, mais ils ont gardé le silence. Par ailleurs, parmi ceux qui ont pris la parole, n’y en a-t-il pas qui n’ont pas tout dit? Compte tenu de tout cela, nous décidons maintenant que chacun pourra reprendre le texte de son intervention ou de son rapport sur le plan quinquennal comme sur l’alliance antiparti Kao -Jao, et qu’on aura cinq jours pour le relire, phrase par phrase, mot par mot, en vue d’y ajouter ce qui a été omis ou de changer ce qui ne va pas. Nous ne devons pas prendre comme prétexte les propos incorrects tenus à la présente conférence par certains camarades pour les fourrer par la suite dans le pétrin. Vous pouvez remanier le texte de votre intervention; on ne tiendra compte que de la version définitive.

L’attitude que nous devons adopter à l’égard de ces camarades, c’est non seulement d’observer leur comportement, mais aussi de les aider, dans l’espoir qu’ils se corrigeront. Autrement dit, nous ne devons pas seulement voir s’ils vont se corriger, mais les aider à le faire. L’homme a besoin d’aide. Si belle que soit la fleur de lotus, elle a besoin du vert des feuilles pour rehausser son éclat. Une palissade a besoin de trois pieux pour pouvoir tenir debout, et un vaillant homme, du concours de trois autres pour faire des prouesses. Agir seul n’est pas bon, l’aide des autres est toujours indispensable, surtout dans une telle occurrence. Observer, c’est nécessaire, c’est pour voir si les cama­rades se corrigent; mais, ce serait de la passivité que d’en rester là. Il faut faire quelque chose de plus: les aider. Nous devons ouvrir les bras à tous ceux qui ont été influencés, à quelque degré que ce soit, par Kao Kang et Jao Chou-che et qui veulent sincèrement se corriger; nous devons non seulement les observer, mais encore leur venir en aide. Voilà l’attitude positive vis-à-vis des camarades qui sont tombés dans l’erreur.

Quant à ceux qui ne se sont pas laissé influencer, ils doivent faire très attention à ne pas s’enorgueiIlir et à ne pas attraper la maladie; c’est extrêmement important. Parmi les camarades dont j’ai parlé plus haut, il y en a qui sans doute se sont laissé prendre au piège, tandis que d’autres étaient profondément embourbés. Mais il se peut qu’ayant commis des erreurs, ces camarades soient devenus assez vigilants pour en éviter de semblables à l’avenir. Quand on a eu certaines maladies, on est immunisé contre elles. Le vaccin, lui, a une action préventive, mais il ne protège pas absolument: même une fois vacciné, on risque encore d’attraper la variole. C’est pourquoi on ferait mieux de se faire vacciner de nouveau après trois ou cinq ans; en l’occurrence, la vaccination, c’est une conférence comme la nôtre. Quant aux autres camarades, ils doivent veiller à ne pas être orgueilleux et à ne pas faire d’erreurs. Pourquoi Kao Kang et Jao Chou-che les ont-ils laissés de côté? C’est que parmi eux, il y avait plusieurs caté­gories. La première, ce sont ceux qu’ils considéraient comme des ennemis; évidemment, ce n’est pas eux qu’ils allaient essayer de gagner. La deuxième, ce sont ceux qu’ils n’estimaient pas, des minables à leurs yeux, des gens qu’ils n’avaient pas à rallier pour l’instant, parce qu’ils pensaient que « l’ordre une fois rétabli dans le pays », ces gens-là les suivraient d’eux-mêmes. La troisième, ce sont ceux que Kao et Jao n’ont pas osé approcher probablement parce qu’ils ont pensé dès le départ qu’avec des gens si bien immunisés il n’y aurait rien à faire, bien qu’ils ne les aient pas considérés comme des ennemis, ni comme des minables. Quant à la quatrième catégorie, ce sont ceux qu’ils n’ont pas eu le temps de contacter. C’est qu’il fallait du temps pour qu’une telle peste se propage. Si cela avait été dévoilé un an plus tard, on ne peut pas affirmer que certains camarades n’auraient pas été entraînés. Il ne faut donc pas jouer les héros et dire: « voyez comme vous vous êtes souillés et comme je suis propre! » Un an de plus sans rien dévoiler, et je suis sûr que pas mal de camarades auraient été affectés.

Voilà, à mon avis, ce à quoi tous les camarades, qu’ils aient subi ou non l’influence de Kao et de Jao, doivent faire attention.

Troisième point, sur les questions de principe, il faut veiller cons­tamment à garder ses distances avec les camarades dont les propos et les actions sont contraires aux principes du Parti. Quand leurs propos et actions vont à l’encontre des principes du Parti et nous inspirent de la répugnance, nous ne devons pas, sur des questions et dans des circonstances de ce genre, nous identifier à eux. Sur d’autres questions, comme par exemple le plan quinquennal, la résolution et le rapport sur l’alliance antiparti Kao — Jao, les mesures politiques justes ainsi que les règlements justes régissant la vie intérieure du Parti, si nos camarades respectent les principes du Parti en parole et en acte, nous devons, bien entendu, les soutenir énergiquement et faire corps avec eux. Par contre, il faut garder ses distances avec ceux qui ne respec­tent pas les principes du Parti, autrement dit tracer une claire ligne de démarcation entre soi-même et eux, les contrecarrer sur-le-champ. Il ne faut pas gommer ces distances parce qu’il s’agit d’un vieil ami, d’un ancien supérieur, d’un ancien subordonné ou d’un ancien collègue, d’un camarade d’école ou de quelqu’un du pays natal. Si vous estimez trop anciennes, trop intimes vos relations avec eux pour pouvoir ouvrir la bouche, garder vos distances, les contrecarrer et tracer une claire ligne de démarcation entre vous et eux, alors vous vous empêtrerez chaque jour davantage et leur « spectre” ne vous laissera pas de répit. De tels cas ont été nombreux lors de la récente affaire antiparti Kao — Jao et tout au long des précédentes luttes entre les deux lignes dans le Parti. C’est pourquoi il faut prendre nettement position, s’en tenir fermement aux principes.

Quatrième point, il y a des camarades qui disent: « Nous étions au courant de certains agissements de Kao et de Jao, mais nous n’avions pu réaliser qu’il s’agissait d’un complot.” Je crois qu’il faut distinguer deux cas: Dans le premier, il s’agit de camarades qui ont entendu Kao et Jao débiter un tas de propos contraires aux principes du Parti et avec qui ces deux individus ont même discuté de questions touchant à leurs activités antiparti ; ces camarades auraient dû perce­voir leur dessein. Dans le second cas, ce sont des camarades qui connaissaient, d’une manière générale, certains des méfaits de Kao et de Jao, ils n’ont pu percer leur complot antiparti ; cela est excusable, car ce sont des choses qu’il n’est pas facile de discerner. Le Comité central lui-même ne l’a découvert qu’en 1953. C’est en effet par tout ce qui s’était passé à la Conférence sur le Travail des Finances et de l’Economie ainsi qu’à la Conférence sur le Travail d’Organisation, et par tous les problèmes apparus dans la période ayant précédé la première Conférence que nous avions été amenés à remarquer leurs activités anormales. A la Conférence sur le Travail des Finances et de l’Economie, chaque fois que nous constations que leurs activités s’écartaient de l’ordinaire, nous les contrecarrions. Voilà pourquoi, par la suite, Kao et Jao les ont continuées entièrement sous le man­teau. C’est seulement durant l’automne-hiver 1953 que nous sommes parvenus à découvrir le complot, les comploteurs et leur clique. Ainsi, pendant longtemps, nous ne nous doutions aucunement que Kao et Jao étaient de mauvais éléments. Des cas semblables se sont produits par le passé: lorsque nous étions dans les monts Tsingkang, par exemple, il y avait des gens qui étaient passés à l’ennemi, ce à quoi nous ne nous étions jamais attendus. Camarades, vous avez tous sans doute pu observer chose pareille.

De là nous devons tirer un enseignement: attention à ne pas nous laisser tromper par les fausses apparences. Or, certains de nos cama­rades sont aisément égarés par de telles apparences. Il y a une contradiction entre l’apparence et l’essence des choses. C’est seulement en analysant et en étudiant l’apparence que l’on peut saisir l’essence, d’où la raison d’être de la science. Si l’on pouvait saisir l’essence tout simplement par intuition, à quoi bon la science? Quelle serait l’utilité de la recherche scientifique? Si elle est nécessaire, c’est précisément parce que l’apparence est en contradiction avec l’essence. Les fausses apparences des choses, en tant que telles, diffèrent d’ailleurs des apparences proprement dites. D’où une leçon: éviter autant que possible d’être dupé par les fausses apparences.

Cinquième point, le danger de l’arrogance. Il ne faut pas jouer les héros. Toute œuvre est le fruit du travail du grand nombre, tandis que le rôle du petit nombre est limité. Il faut reconnaître le rôle joué par le petit nombre, c’est-à-dire par les dirigeants et les cadres, mais leur rôle n’a rien d’extraordinaire, et ce sont les masses qui jouent un rôle d’importance capitale. Pour exprimer le juste rapport entre les cadres et les masses, disons que notre œuvre ne peut pas se passer des cadres mais que ce sont les larges masses populaires qui l’accomplissent; les cadres assument certes un rôle dirigeant, mais il ne faut pas l’exagérer. Est-ce que sans vous, rien n’irait plus? L’histoire, les faits prouvent que sans vous, les choses marchent toujours. Par exemple, sans Kao Kang et Jao Chou-che, est-ce que les choses ont mal tourné? Pas du tout, les choses vont très bien. N’est-il pas vrai qu’on a bien pu aussi se passer de Trotski, de Tchang Kouo-tao et de Tchen Tou-sieou ! Ce sont tous là de mauvais éléments. Il y a belle lurette que Confucius est mort, et nous avons maintenant en Chine un parti communiste, qui est plus avisé que lui. On peut constater que, sans Confucius, les choses vont bien mieux. Même un homme honnête n’est pas indispensable. Sans lui, la Terre cessera-t-elle de tourner? Elle tournera toujours, et les choses marcheront comme par le passé, ou même mieux.

Il existe deux catégories de gens: les vieux militants, qui ont un long passé révolutionnaire et qui sont nombreux dans cette salle, et les jeunes, qui représentent les forces montantes. Qui, des deux, promet davantage? Les forces montantes, bien sur, tout comme l’a dit aujourd’hui le camarade Chou En-laï. Certains camarades tirent vanité de leur ancienneté révolutionnaire. Ils ont tort. S’il était permis d’être orgueilleux, ce serait plutôt aux jeunes de l’être. Pour les plus de quarante ou cinquante ans, plus on est âgé, plus on a d’expérience et plus on doit rester modeste. Ainsi, les jeunes nous considéreront comme ayant vraiment de l’expérience. « Nos aînés ont réellement de l’expérience, diront-ils, on ne doit pas les sous-estimer. Et regardez comme ils sont modestes! » Mais n’est-ce pas ridicule, quand on a quarante ou cinquante ans, de tirer orgueil de sa riche expérience? Voilà qui pousserait les jeunes à murmurer: « Votre expérience, elle ne vaut rien, puisque vous vous conduisez comme des gosses! » Que les enfants soient un peu vaniteux, c’est compréhensible ; mais que des personnes déjà avancées en âge, des gens qui ont pourtant beau­coup d’expérience, en viennent à se gonfler d’orgueil, à se rengorger, ça ne convient pas. Selon le dicton: « Pour bien se conduire, il faut se garder de faire la roue. » L’homme n’a pas de plumage, alors pourquoi ce dicton? C’est comme les chiens: parfois ils sont tout farauds, et parfois ils ont l’oreille basse. Quand ils ont l’oreille basse, c’est sans doute qu’ils ont reçu des coups de bâton; mais quand ils ont quelques succès, les voilà tout farauds. J’espère que tous les cama­rades, avant tout les vétérans, veilleront à savoir en rabattre comme à ne pas plastronner, qu’ils resteront modestes pour aller toujours de l’avant.

Sixième point, il faut faire attention à ne pas verser dans la déviation « de gauche » ou dans celle de droite. On dit que celle « de gauche » vaut mieux que celle de droite, et beaucoup de camarades le répètent. En réalité, il y en a aussi pas mal qui soutiennent le contraire dans leur for intérieur, mais, à part les gens sincères, personne ne le dit. Quoi qu’il en soit, il existe ces deux opinions. Que veut dire dévier à « gauche »? C’est agir sans tenir compte de ce que permettent l’époque et la situation où l’on se trouve, c’est se montrer aventureux tant sur les questions qui touchent aux principes et mesures politiques que dans les actes, c’est frapper sans discrimination dans la lutte comme dans les controverses. Ce n’est pas bien. Par contre, se laisser dépasser par son époque, par la situation où l’on se trouve, et manquer de combativité, c’est la déviation de droite. Ce n’est pas bien non plus. Dans notre Parti, il y en a qui préfèrent la déviation « de gauche0, et il y a aussi pas mal de gens qui tendent vers la droite, ou qui prennent une position centre-droite. Tout cela est mauvais. Il faut lutter sur les deux fronts: contre la déviation « de gauche » et celle de droite.

Voilà les quelques points que je voulais aborder au sujet de l’alliance antiparti Kao Kang — Jao Chou-che.

IV. LA SITUATION ACTUELLE

Quelle est la situation actuelle dans le monde, en Chine et dans le Parti? Qu’est-ce qui l’emporte, la lumière ou les ténèbres? Il faut affirmer que c’est la lumière qui l’emporte sur les ténèbres aussi bien dans le monde, en Chine que dans le Parti. Il en est de même pour la présente conférence. N’allez pas croire que les ténèbres aient pré­valu parce que beaucoup de camarades ont fait une autocritique. Ils ont mis l’accent sur leurs insuffisances, leurs erreurs, et ont laissé de côté leurs aspects positifs ; en quelle année ils avaient rejoint les rangs de la révolution, en quels lieux ils avaient remporté des victoires dans les combats et des succès dans le travail, de tout cela, ils n’ont dit mot. On verrait tout en noir à ne considérer que leur autocritique. En réalité, ce n’est qu’un de leurs côtés, et pour beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, le côté- secondaire. Il n’en est pas de même pour Kao Kang, Jao Chou-che et leurs cinq tigres de lieutenants: Tchang Sieou- chan, Tchang Ming-yuan, Tchao Teh-tsouen, Ma Hong et Kouo Feng, et le point de vue selon lequel la lumière l’emporte ne s’applique pas à eux. Quel pourrait bien être le côté lumineux chez Kao Kang? C’est l’obscurité incarnée, une masse de ténèbres, où ni la lumière du soleil ni celle de la lune ne pourrait pénétrer. Par contre, pour ce qui est de nos camarades, ce n’est pas la même chose: s’ils sont souillés par quelques taches noires, en se savonnant à plusieurs reprises, ils peuvent redevenir propres.

Pourquoi insistons-nous sur la nécessité de nous préparer à faire face à toutes les éventualités, à une restauration contre-révolutionnaire, à la répétition de l’affaire Kao — Jao? C’est qu’on n’a rien à perdre à envisager le pire. Dans toutes nos activités, quelles qu’elles soient, nous devons faire le nécessaire pour le prévenir. Ce qui pourrait arriver de pire, ce serait une nouvelle guerre mondiale déclenchée par les impérialistes, le retour au pouvoir de Tchiang Kaï-chek à Pékin et une nouvelle affaire du genre de l’alliance antiparti Kao — Jao; qui plus est, il se peut qu’il y ait non pas un, mais dix, voire cent événements de ce genre. Mais quel qu’en soit le nombre, nous n’aurons rien à craindre si nous nous y sommes préparés. Après tout, dix, ça ne fait que cinq paires, il n’y a là rien d’effrayant, et nous avons déjà envisagé tout cela. La bombe atomique et la bombe à hydrogène, que l’impérialisme brandit pour nous intimider, n’ont rien de terri­fiant non plus. Le monde est fait de telle sorte que toute chose peut être maîtrisée par une autre. Toute arme offensive rencontrera toujours un autre engin capable de l’emporter sur elle. Si vous lisez Feng chen pang (Déification des héros)((Roman légendaire chinois dont l’histoire se déroule dans le cadre de la guerre entre les Yin (les Chang) et les Tcheou.)), vous verrez bien qu’il n’y a pas d’“armes magiques » dont on ne puisse triompher. En fait, quantité d’“armes magiques » ont été neutralisées. Nous avons la conviction que, tant que nous nous appuyerons sur le peuple, il n’y aura jamais d’“armes magiques » invincibles dans le monde.

V. LUTTONS POUR ASSURER LE SUCCES DU VIIIe CONGRES DU PARTI

Le Comité central a décidé de convoquer, au second semestre de 1956, le VIIIe Congrès du Parti. Il y aura à l’ordre du jour les trois points suivants: 1) le rapport sur les activités du Comité central; 2) la révision des Statuts du Parti; 3) l’élection d’un nouveau comité central. L’élection des délégués et la préparation des documents devront être achevées avant juillet 1956. Il importe que, durant un peu plus d’un an qui nous reste, notre travail fasse un grand pas en avant dans tous les domaines: économie, culture et éducation, affaires militaires, affaires du Parti, travail politique et idéologique, organisa­tions de masse, front uni et minorités nationales.

Je voudrais m’arrêter un peu, en passant, sur le travail concernant les minorités nationales. Il faut combattre le chauvinisme grand-han. Ne vous imaginez pas que les Hans aident unilatéralement les mino­rités nationales; en fait, elles apportent aussi une aide considérable aux Hans, Certains camarades aiment bien se vanter d’avoir rudement aidé les minorités nationales. Mais ils ne se rendent pas compte que nous ne pouvons nous passer d’elles. Qui vit sur 50 à 60 pour cent de notre territoire? Les Hans ou les autres nationalités? Les minorités nationales. Elles vivent dans des régions où il y a de grandes richesses naturelles et d’immenses ressources souterraines. L’aide que nous leur avons apportée jusqu’ici est très restreinte, elle est même nulle dans certains domaines, alors que les minorités na­tionales ont aidé les Hans. Il y en a qui ont besoin de notre assistance pour pouvoir nous aider par la suite. Déjà les minorités nationales ont apporté aux Hans un soutien politique très important en s’inté­grant dans la grande communauté de la nation chinoise. C’est une aide qu’elles ont accordée aux Hans sur le plan politique. Le peuple chinois tout entier se réjouit de cette union nationale. Elles ont donc apporté, dans les domaines politique, économique et de la défense nationale, une grande contribution à l’ensemble du pays, à toute la nation chinoise. Il serait faux de se figurer que les Hans ont aidé unilatéralement les minorités nationales et que celles-ci n’ont pas assisté les Hans, ou de s’enorgueillir d’avoir rendu quelques services à ces nationalités.

Quand nous disons que notre travail doit faire un grand pas en avant dans tous les domaines en l’espace d’un an, cela implique que nous devons porter remède aux insuffisances et aux erreurs qui ont été mises en évidence. Il ne faut pas les laisser telles quelles jusqu’au moment où se tiendra le VIIIe Congrès l’année prochaine, en se contentant des promesses qui ont été faites ici. Quand nous deman­dons de lutter pour la convocation du VIIIe Congrès, c’est justement pour combler les lacunes et corriger les erreurs. On doit, par exemple, faire de sérieux efforts pour en finir avec les prodigalités, le gaspillage et la passion des grosses toitures en architecture. Une fois rentrés chez vous, n’allez pas vous étendre pour vous plonger dans le sommeil après avoir fait ici de belles promesses.

Certains proposent de tenir une conférence comme celle-ci chaque année ou tous les deux ans, pour que nous puissions nous contrôler mutuellement. Je trouve que c’est une proposition à prendre en considération. Qui exerce le contrôle sur nous? Le contrôle mutuel est une bonne méthode, il permettra à la cause du Parti et de l’Etat de se développer rapidement. Oui, rapidement, et non lentement. Il y a déjà dix ans que l’on n’a pas convoqué de congrès du Parti. Evidemment, on ne devait pas le convoquer au cours des cinq premières années, puisqu’il y avait encore la guerre et que, de toute façon, le VIIe Congrès venait d’avoir lieu. Quant à ces cinq dernières années, on aurait pu en tenir un, mais on ne l’a pas fait. Ce qui présentait d’ailleurs un avantage: son renvoi à plus tard, c’est-à-dire après le règlement de l’affaire Kao-Jao, pouvait empêcher ces derniers de mettre ce congrès à profit. Entre-temps. notre plan quinquennal s’est engagé dans la bonne voie, la ligne générale pour la période de transition a été définie et, grâce à la présente conférence, l’unité de pensée de nos camarades s’est trouvée renforcée, ce qui prépare le terrain pour le VIIIe Congrès du Parti. On n’y fera pas son auto­critique à tour de rôle, mais les insuffisances et les erreurs dans notre travail devront toujours faire l’objet de critiques et d’autocritiques ouvertes. Si on ne pratique pas ce principe marxiste, ça n’ira pas.

Les critiques doivent être rigoureuses. Certaines de celles que nous avons pu entendre ici ne l’étaient pas assez à mon avis, comme si on avait toujours peur de blesser les gens. Mais si on n’est pas assez sévère et si on ne frappe pas assez fort, celui qu’on critique ne sentira pratiquement rien et il ne fera pas attention aux critiques. On doit nommer la personne ou l’organisme dont il s’agit. Vous n’avez pas bien fait votre travail et j’en suis mécontent. Ma critique vous offense? Tant pis! Si l’on craint de froisser les gens, c’est simplement parce qu’on a peur de perdre des voix ou d’affecter les relations harmonieuses dans le travail. Est-ce que cela me privera de mon bol de riz si vous ne votez pas pour moi? Allons donc! De fait, on s’entend bien mieux si on met sans ménagement tous les problèmes sur le tapis. Il ne faut pas arrondir les angles. Pourquoi le taureau a-t-il deux cornes? Pour lutter! C’est-à-dire aussi bien pour attaquer que pour se défendre. Je pose souvent aux camarades cette question: “Etes-vous bien armés de ‘cornes’ ? » Vérifiez vous- mêmes, Camarades. A mon avis, certains camarades sont armés ; d’autres aussi, mais leurs armes sont moins acérées ; d’autres enfin ne le sont pas du tout. Je crois qu’il faut être armé, car c’est conforme au marxisme, qui recommande la critique et l’autocritique.

Se réunir périodiquement pour pratiquer la critique et l’autocriti­que serait donc une bonne méthode, une méthode qui permettrait aux camarades de se contrôler mutuellement, et à la cause du Parti et de l’Etat de progresser rapidement. Les camarades des comités provin­ciaux et municipaux du Parti sont priés de réfléchir sur la possibilité d’en faire autant. Vous voulez vous mettre à l’école du Comité central, n’est-ce pas? Vous pourriez très bien suivre son exemple sur ce point.

Pour terminer, j’appelle les camarades ici présents ainsi que les camarades de tout le Parti:

A lutter pour assurer le succès du VIIIe Congrès du Parti qui sera convoqué en 1956 !

A lutter pour faire triompher le premier plan quinquennal !

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