Sur les luttes Sanfan et Woufan

Sur les luttes Sanfan et Woufan((Le terme sanfan désigne la lutte engagée fin 19J1, parmi le personnel des organismes et entreprises d’Etat, contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie. Quant au terme woufan, il désigne la lutte déclenchée au début de 1912, dans les entreprises privées, contre les « cinq vices », forfaits commis par des industriels et commerçants: les pots-de-vin, la fraude fiscale, le détournement des biens de l’Etat, l’escroquerie dans l’exécution des contrats passés avec l’Etat et le vol des informations économiques.))((Directives importantes rédigées par le camarade Mao Tsétoung au nom du Comité central du Parti communiste chinois.))

Mao Zedong

Novembre 1951 — mars 1952

I

La lutte contre la corruption et le gaspillage est une tâche de grande importance pour tout le Parti; nous vous avions déjà prévenus d’y prêter sérieusement attention. Nous avons besoin d’un grand travail d’assainissement dans l’ensemble du Parti pour dévoiler à fond tous les cas de malversation, d’importance majeure, moyenne ou mineure; nous ferons porter les principaux coups sur les grands concussionnaires, tandis qu’à l’égard des concussionnaires moyens et petits, nous suivrons la politique d’éducation et de rééducation en vue de prévenir la récidive. C’est ainsi seulement qu’on pourra surmonter le danger extrê­mement grave que représente la corrosion par la bourgeoisie de beau­coup de membres du Parti, mettre fin à une telle situation, déjà prévue lors de la deuxième session plénière du Comité central issu du VIIe Congrès du Parti, et réaliser le principe adopté par ladite session pour prévenir la corrosion. Nous vous prions instamment d’accorder votre attention à tout ce qui précède.

(10 novembre 1951)

II

Il faut porter une sérieuse attention sur le fait que des cadres qui se sont laissé corrompre par la bourgeoisie ont commis de graves malversa­tions. Veillez à déceler, à démasquer et à punir de tels coupables et considérez cette lutte comme étant d’une importance majeure.

(10 novembre 1951)

III

Il faut accorder à la lutte contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie la même importance qu’à la répression de la contre-révolution. Dans cette lutte, il est également nécessaire de mobiliser les larges masses populaires, y compris les partis démocratiques et les personnalités des différents milieux sociaux; il faut aussi qu’elle soit menée avec éclat et que les principaux dirigeants la prennent en charge et se mettent personnellement à la tâche. De même, on doit encourager les aveux et les dénonciations. Pour les cas d’importance mineure, les coupables seront éduqués par la critique; quant aux grands coupables, ils seront destitués et punis, ou condamnés à la réclusion (pour rééducation par le travail forcé); un certain nombre de con­cussionnaires dont le cas est des plus graves seront même fusillés. C’est ainsi seulement que la question pourra être résolue.

(8 décembre 1951)

IV

A l’heure actuelle, il est extrêmement nécessaire et opportun que nous menions dans toutes les villes du pays, et d’abord dans les villes grandes et moyennes, en nous appuyant sur la classe ouvrière, en unis­sant à nous les capitalistes respectueux des lois et d’autres couches de la population urbaine, une grande lutte résolue, poussée à fond contre les capitalistes contrevenants, pour combattre les pots-de-vin, la fraude fiscale, le détournement des biens de l’Etat, l’escroquerie dans l’exécu­tion des contrats passés avec l’Etat et le vol des informations économi­ques ; nous devons coordonner cette lutte avec celle engagée dans les organismes du Parti, du gouvernement et de l’armée ainsi que dans les organisations populaires contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie. Dans cette lutte-là, les organisations du Parti dans les différentes villes doivent disposer soigneusement les forces de classes et celles de masses, veiller à l’application de la tactique consistant à utiliser les contradictions, à provoquer la division, à rallier à nous la majorité et à isoler la minorité de façon à former rapidement un front uni pour le mouvement woufan. Dans une grande ville, quand le mou­vement connaîtra un développement impétueux, un tel front uni pourra se former en trois semaines environ. Ce front uni une fois formé, les capitalistes réactionnaires qui ont commis les crimes les plus graves se verront isolés et l’Etat sera bien placé pour leur infliger, sans ren­contrer beaucoup d’opposition, les sanctions qui s’imposeraient, par exemple, amendes, confiscation, arrestation, peine de prison ou exécu­tion. Toutes les grandes villes (y compris les chefs-lieux de province) devront dans la première décade de février s’engager dans la lutte woufan, nous vous prions donc de prendre immédiatement les disposi­tions nécessaires.

(26 janvier 1952)

V

1. Dans le mouvement woufan, les principes fondamentaux à observer pour traiter les cas des entreprises industrielles et commer­ciales sont les suivants: Clémence pour les infractions anciennes, sévérité pour les infractions récentes (par exemple, en ce qui concerne la fraude fiscale, la restitution ne portera que sur 1951); clémence pour la majorité, sévérité pour la minorité; clémence pour qui avoue, sévérité pour le récalcitrant; indulgence pour l’industrie, sévérité pour le com­merce; indulgence pour le commerce normal, sévérité pour le commerce spéculatif. Les comités du Parti aux différents échelons sont priés de s’en tenir à ces principes dans le mouvement woufan

2. Tenant compte des objectifs du woufan, on doit classer les entreprises industrielles et commerciales privées en cinq catégories: celles qui respectent les lois, celles qui les respectent pour l’essentiel, celles qui respectent à demi les lois et les enfreignent à demi, celles qui enfreignent gravement les lois et celles qui les enfreignent entière­ment. A s’en tenir aux grandes villes, les trois premières catégories représentent à peu près 95 pour cent et les deux dernières 5 pour cent environ. Les grandes villes n’offrent pas toutes exactement ce même pourcentage, mais la différence n’est pas très grande. Elle peut par contre être notable dans le cas des villes moyennes.

3. Dans ces cinq catégories sont compris les capitalistes ainsi que les artisans indépendants et les commerçants à boutique familiale non capitalistes, mais non les petits marchands étalagistes ou ambulants. Dans les grandes villes, on peut pour le moment laisser de côté ces derniers, mais il conviendrait de s’occuper des artisans indépendants et des commerçants à boutique familiale. Dans les villes moyennes, par contre, il serait préférable, au cours du mouvement, de régler le cas des petits marchands étalagistes ou ambulants aussi bien que des artisans indépendants et des commerçants à boutique familiale. Les artisans et les commerçants indépendants qui n’emploient pas d’ouvriers ou de commis (certains d’entre eux prennent toutefois des apprentis) sont très nombreux dans les villes grandes et moyennes de notre pays. Parmi eux, beaucoup respectent les lois, nombre d’autres les respectent pour l’essentiel mais les enfreignent partiellement (ils commettent des fraudes fiscales de montant modeste, autrement dit des délits peu graves). Il y en a aussi un petit nombre qui respectent à demi les lois et les enfreignent à demi, c’est-à-dire que leurs fraudes fiscales sont de montant plus important. Dans ce mouvement, nous devons nous occuper des nombreux petits capitalistes en statuant sur leur cas, et nous tâcherons d’en faire autant à l’égard des artisans et des commer­çants indépendants, dont le nombre est à peu près égal à celui des petits capitalistes. Cela profitera à la fois au mouvement woufan actuelle­ment en cours et à l’édification économique ultérieure. En général, les petits capitalistes aussi bien que les artisans et les commerçants indépendants n’ont pas commis d’infractions sérieuses, et il n’est pas difficile de se prononcer à leur sujet, De cette façon, nous gagnerons l’appui des larges masses populaires. Toutefois, dans certaines villes, on peut statuer d’abord sur le cas des entreprises industrielles et com­merciales et ensuite sur celui des artisans et des commerçants indépen­dants, si cela s’avère plus pratique.

4. En partant de la situation concrète des villes, nous avons décidé de répartir les entreprises industrielles et commerciales en cinq caté­gories au lieu de quatre comme auparavant, c’est-à-dire de scinder en deux la catégorie de ces entreprises qui respectent les lois: celles qui les respectent et celles qui le font pour l’essentiel, les trois autres catégories restant inchangées. Parmi les 50.000 entreprises industrielles et commerciales de Pékin (y compris les artisans et commerçants indé­pendants mais non les petits marchands étalagistes ou ambulants), 10 pour cent environ se conforment aux lois, 60 pour cent environ les observent pour l’essentiel, 25 pour cent environ respectent les lois à demi et les violent à demi, 4 pour cent environ les enfreignent grave­ment, et un pour cent environ les transgressent complètement. Etablir une distinction entre celles qui respectent complètement les lois et celles qui le font pour l’essentiel tout en commettant des infractions peu importantes, et parmi ces dernières traiter différemment celles qui fraudent moins et celles qui fraudent plus dans le domaine fiscal, voilà une manière de procéder qui peut avoir un très grand effet éducatif.

5. Les comités du Parti dans certaines villes grandes et moyennes ont déclenché hâtivement le mouvement woufan, alors qu’ils connais­saient très mal la situation des diverses catégories d’entreprises indus­trielles et commerciales, qu’ils n’avaient pas une idée nette de la tactique consistant à les traiter différemment et que les groupes de travail (ou groupes d’inspection) envoyés par le syndicat et l’adminis­tration locale avaient été constitués et préparés à la diable. Cela a causé du désordre. Nous espérons que ces comités prêteront attention à cette situation et la redresseront sans délai. Par ailleurs, l’inspection des entreprises industrielles et commerciales contrevenantes doit se faire sous le strict contrôle du comité municipal du Parti et de l’admi­nistration municipale. Aucun autre organisme n’est autorisé à envoyer des gens procéder à l’inspection, et encore moins à amener quand bon lui semble les capitalistes dans ses bureaux pour interrogation. De plus, au cours du mouvement sanfan aussi bien que dans le woufan, il est défendu de recourir aux châtiments corporels pour arracher des aveux et il faut prendre des mesures strictes pour prévenir les suicides. Là où de tels cas se sont produits, il faut recourir aussitôt à des mesures préventives pour que les mouvements sanfan et woufan puissent se dérouler dans des conditions saines et normales et s’assurer un plein succès.

6. Pour le moment, ces mouvements ne doivent pas être déclen­chés dans les districts, les arrondissements et les cantons. Le Comité central fera savoir à quel moment et de quelle façon il faudra opérer. Les mouvements woufan et sanfan qui se déroulent à titre d’essai, respectivement dans les chefs-lieux de certains districts et dans certains arrondissements, doivent être strictement contrôlés pour que le labou­rage de printemps et les autres activités économiques n’en soient pas affectés. Les villes moyennes ne doivent pas d’ailleurs amorcer le mouvement woufan toutes à la fois, mais plutôt par étapes et sous strict contrôle.

(5 mars 1952)

VI

Nous devons, pendant et après la lutte woufan, atteindre les objectifs suivants:

1. Connaître à fond la situation des entreprises industrielles et commerciales privées, afin d’unir à nous la bourgeoisie et de la con­trôler, et de réaliser l’économie planifiée de l’Etat. Il est impossible d’accomplir cette dernière tâche sans avoir une idée claire de leur situation.

2. Etablir une nette ligne de démarcation entre la classe ouvrière et la bourgeoisie, en finir dans les syndicats avec la corruption et avec la bureaucratie qui nous sépare des masses, et en expulser les laquais de la bourgeoisie. On trouve partout dans les syndicats de tels laquais et des éléments intermédiaires qui vacillent entre le Travail et le Capital. Nous devons, dans la lutte, éduquer et gagner ces éléments intermédiaires et expulser les laquais des capitalistes, qui ont commis des crimes graves.

3. Réorganiser les guildes et les associations de l’industrie et du commerce, expulser de leurs organes dirigeants ceux qui sont pétris des « cinq vices », ainsi que ceux qui ont perdu tout prestige, et y faire entrer ceux qui se sont assez bien comportés dans le mouvement Les industriels et les commerçants de toutes catégories, sauf ceux qui ont complètement enfreint les lois, doivent y avoir leurs représentants.

4. Aider les responsables de l’Association pour la Construction démocratique de la Chine à mettre de l’ordre dans leur organisation en expulsant ceux qui sont atteints des « cinq vices » et ceux qui sont complètement discrédités et en admettant des personnes mieux quali­fiées pour faire de cette association une organisation politique capable de représenter les intérêts légitimes de la bourgeoisie, principalement de la bourgeoisie industrielle, et d’éduquer la bourgeoisie dans l’esprit du Programme commun et des principes du mouvement Quant aux associations secrètes organisées par divers groupes de capitalistes, telles que le « Lunch Club du Jeudi »((Association secrète de certains capitalistes de Tchongking qui avait commis, sous le manteau, un grand nombre de graves infractions à la loi; elle fut découverte et supprimée durant le mouvement Woufan.)), il faut prendre des mesures pour les dissoudre.

5. Eliminer les « cinq vices » et liquider le commerce spéculatif, de façon que toute la bourgeoisie obéisse aux lois et décrets de l’Etat et poursuive des activités industrielles et commerciales favorables à l’économie nationale et au bien-être du peuple. Développer l’industrie privée dans les limites définies par l’Etat (à condition que les capita­listes le veuillent bien et que ce développement soit conforme au Pro­gramme commun) et réduire graduellement le commerce privé. Dans ses plans, l’Etat augmentera d’année en année ses commandes à l’indus­trie privée et le volume de l’écoulement par ses soins de la production de cette dernière; et il renforcera chaque année davantage la planifica­tion vis-à-vis de l’industrie et du commerce privés. Réajuster le taux de bénéfice du capital privé, de manière que celui-ci puisse réaliser des bénéfices sans toutefois tirer des profits exorbitants.

6. Abolir la comptabilité secrète et rendre publics les comptes de l’entreprise, établir graduellement le système de contrôle de la production et de la gestion par les ouvriers et les commis de magasin.

7. Récupérer la majeure partie des pertes financières de l’Etat et du peuple par les payements de l’impôt fraudé, la restitution des biens volés, les amendes et les confiscations.

8. Etablir des cellules du Parti parmi les ouvriers et les commis de magasin de toutes les grandes et moyennes entreprises privées pour y renforcer le travail du Parti.

(25 mars 1952)

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