4. Les côtés négatifs des succès économiques

Pour une formation bolchévik

Staline

4. Les côtés négatifs des succès économiques

   Tels sont les faits principaux touchant notre situation internationale et intérieure, que nombre de nos camarades du Parti ont oubliés ou n’ont pas remarqués.

   Voilà pourquoi nos gens ont été pris au dépourvu par les événements des dernières années, en ce qui concerne le sabotage et les actes de diversion.

   On peut demander : mais pourquoi nos hommes n’ont-ils pas remarqué tout cela, pourquoi ont-ils oublié toutes ces choses t D’où viennent cette amnésie, cette cécité, cette insouciance, cette bénignité ? N’est-ce pas là un vice organique dans le travail de nos hommes ?

   Non, ce n’est pas un vice organique. C’est un phénomène temporaire, qui peut être rapidement liquidé à la condition que nos hommes fassent certains efforts.

   Mais alors, de quoi s’agit-il ?

   La vérité est que, ces dernières années, nos camarades du Parti étaient entièrement absorbés par le travail économique, les succès économiques les exaltaient à l’extrême ; devant cette exaltation, ils ont oublié toute autre chose, délaissé tout le reste.

   La vérité est qu’étant exaltés par les succès économiques, ils y ont vu le commencement et la fin de tout ; quant aux problèmes touchant la situation internationale de l’Union soviétique, l’encerclement capitaliste, le renforcement du travail politique du Parti, la lutte contre le sabotage, etc., ils ont simplement cessé d’y faire attention, estimant que toutes ces questions sont choses de deuxième et même de troisième ordre.

   Certes, les succès et les réalisations sont une grande chose.

   Nos succès dans le domaine de l’édification socialiste sont immenses en effet.

   Mais les succès, comme tout ce qui existe au monde, ont aussi leurs ombres. Les grands succès et les grandes réalisations font souvent naître chez des hommes peu rompus a la politique l’insouciance, la bénignité, le contentement de soi, une assurance excessive, la suffisance, la vantardise, vous ne pouvez nier que, ces derniers temps, les vantards pullulent chez nous.

   Il n’est pas étonnant que, dans cette ambiance de grands et sérieux succès dans le domaine de l’édification socialiste, des tendances se font jour à la fanfaronnade, à la démonstration pompeuse de nos succès, des tendances à sous-estimer les forces de nos ennemis et à surestimer nos propres forces et, comme conséquence de tout cela, la cécité politique se manifeste.

   A ce propos, je dois dire quelques mots sur les dangers liés aux succès, sur les dangers liés aux réalisations.

   Les dangers liés aux difficultés, nous les connaissons par expérience.

   Voilà plusieurs années que nous menons la lutte contre les dangers de ce genre, et, il faut le dire, non sans succès. Les dangers liés aux difficultés font souvent naître chez les gens instables des tendances à l’abattement, au manque de foi en leurs forces, des tendances au pessimisme.

   Et, au contraire, là où il s’agit de vaincre les dangers résultant des difficultés, les hommes se trempent dans cette lutte et en sortent de véritables bolcheviks de silex. Telle est la nature des dangers liés aux difficultés. Tels sont les résultats que donne la lutte menée pour triompher des difficultés.

   Mais il est un autre genre de dangers, dangers liés aux succès, liés aux réalisations. Parfaitement, des dangers liés aux succès, aux réalisations.

   Ces dangers consistent en ceci : chez les hommes peu rompus à la politique et n’ayant pas beaucoup d’expérience, l’ambiance des succès, – succès sur succès, réalisation sur réalisation, dépassement de plan sur dépassement de plan, – engendre des tendances à l’insouciance et au contentement de soi, crée une atmosphère de solennité, d’apparat et de félicitations mutuelles qui tue le sens de la mesure et émousse le flair politique, désaimante les hommes et les incite à se reposer sur leurs lauriers.

   Il n’est pas étonnant que dans cette atmosphère grisante de suffisance et de contentement de soi, que dans cette atmosphère de démonstrations pompeuses et de tapageuses louanges réciproques, les gens oublient certains faits essentiels d’une importance primordiale pour les destinées de notre pays ; les gens commencent à ne pas remarquer des choses désagréables comme l’encerclement capitaliste, les nouvelles formes de sabotage, les dangers attachés à nos succès, etc. Encerclement capitaliste ? Bah ! mais c’est une bagatelle !

   Quelle importance peut bien avoir un encerclement capitaliste, si nous accomplissons et dépassons nos plans économiques ? Nouvelles formes de sabotage, lutte contre le trotskisme ? Bêtises que tout cela !

   Quelle importance peuvent bien avoir toutes ces vétilles, si nous accomplissons et dépassons nos plans économiques ? Statut du Parti, caractère électif des organes du Parti, devoir pour les dirigeants du Parti de rendre compte de leur mandat devant la masse des militants du Parti ? Mais tout cela est-il bien nécessaire ?

   D’une façon générale, est-ce la peine de perdre son temps à ces vétilles, si notre économie croît, et si la situation matérielle des ouvriers et des paysans s’améliore de plus en plus ? Bêtises que tout cela !

   Nous dépassons nos plans, nous avons un Parti qui n’est pas mal ; le Comité central du Parti n’est pas mal non plus. Du diable si nous avons besoin d’autre chose ?

   Drôles de gens que ceux qui siègent là-bas à Moscou, au Comité central du Parti : ils inventent un tas de problèmes, ils discutent d’on ne sait quel sabotage, ils ne dorment pas eux-mêmes et empêchent les autres de dormir…

   Voilà un exemple démonstratif de la facilité et de la « simplicité » avec laquelle certains de nos camarades sans expérience, emportés par le vertige des succès économiques, contractent la cécité politique.

   Tels sont les dangers liés aux succès, aux réalisations. Voilà ce qui fait que nos camarades du Parti, s’étant laissés emporter par les succès économiques, ont oublié les faits d’ordre international et intérieur, dont l’importance est essentielle pour l’Union soviétique et n’ont pas remarqué tout un ensemble de dangers qui entourent notre pays.

   Telles sont les racines de notre insouciance, de notre amnésie, de notre bénignité, de notre cécité politique.

   Telles sont les racines des défauts de notre travail économique et du Parti.

flechesommaire2