La dictature prolétarienne dégénère en dictature bourgeoise

La Yougoslavie est-elle un pays socialiste ?

A propos de la lettre ouverte du Comité Central du P.C.U.S.

26 septembre 1963

La dictature prolétarienne dégénère en dictature bourgeoise

   Le fait que le capitalisme ait envahi la Yougoslavie, dans les villes comme à la campagne, que le secteur économique de la propriété du peuple entier ait dégénéré en économie du capitalisme d’Etat et que la Yougoslavie se soit transformée en un appendice de l’impérialisme américain, est dû, en dernière analyse, à la dégénérescence du Parti et du pouvoir politique.

   Au cours de la Seconde guerre mondiale, le Parti communiste de Yougoslavie et le peuple yougoslave menèrent une lutte héroïque contre les agresseurs fascistes allemands et italiens, renversèrent la domination réactionnaire de l’impérialisme et de ses laquais et instaurèrent un régime démocratique populaire de dictature du prolétariat.

   Peu après, le groupe dirigeant du Parti communiste de Yougoslavie, trahissant le marxisme-­léninisme, s’engagea dans la voie du révisionnisme, c’est ainsi qu’en Yougoslavie le Parti et le pouvoir ont dégénéré et changé graduellement de nature.

   Le Parti communiste de Yougoslavie possédait une glorieuse tradition révolutionnaire.

   La trahison de la clique Tito se heurta d’abord à une vive opposition au sein du Parti. Pour réprimer cette opposition, la clique Tito usa du pouvoir détenu par elle pour évincer et exclure du Parti un grand nombre de communistes fidèles au marxisme-léninisme.

   Rien qu’entre 1948 et 1952, plus de 200.000 membres du Parti furent ainsi exclus, soit la moitié de l’effectif original du Parti communiste de Yougoslavie.

   Des marxistes-­léninistes, des cadres révolutionnaires et de simples citoyens aux convictions révolutionnaires, accusés d’être des « éléments du Komin­form », furent arrêtés en masse et exécutés.

   Le nombre des communistes et des éléments révolutionnaires actifs, arrêtés et emprisonnés, dépassa à lui seul 30.000.

   Dans le même temps, la clique Tito ouvrit les portes toutes grandes aux contre­révolutionnaires, aux éléments bourgeois, aux éléments anti-socialistes de toutes nuances, et aux arrivistes qui cherchaient à monter en grade et à faire fortune au moyen de la carte du Parti. En novembre 1952, la clique Tito proclama que « le nom de Parti n’était plus approprié ».

   Elle changea le nom du Parti communiste de Yougoslavie, qui devint la Ligue des Communistes de Yougoslavie.

   Allant à l’encontre de la volonté de tous les communistes honnêtes du pays, la clique Tito altéra le caractère du Parti, celui de détachement d’avant­-garde du prolétariat, et c’est de cette façon que la Ligue des Communistes de Yougoslavie est devenue, en fait, un instrument servant à maintenir le pouvoir dictatorial de la clique Tito.

   Dans les pays socialistes, le pouvoir se trouve sous la direction du Parti communiste.

   Que le Parti communiste dégénère en parti bourgeois, et le pouvoir change inévitablement de nature, la dictature du prolétariat dégénère en dictature bourgeoise.

   Le régime de dictature du prolétariat en Yougoslavie était le fruit d’une longue et héroïque lutte du peuple yougoslave. Mais après la trahison de la clique Tito, ce pouvoir changea de nature.

   La clique Tito proclame :

   « La dictature révolutionnaire du prolétariat, c’est­-à­-dire un moyen utilisé par le régime d’Etat socialiste, devient de moins en moins nécessaire. »

   N’existerait-­il donc plus de dictature en Yougoslavie ?

   Si, il y a dictature. La dictature du prolétariat a certes disparu, mais elle a été remplacée par la dictature bourgeoise, et c’est, une dictature fasciste des plus sauvages.

   Le régime de Tito a instauré un grand nombre de prisons et de camps de concentration de type fasciste ou des dizaines de milliers de révolutionnaires sont morts sous les tortures les plus inhumaines.

   En même temps, il a gracié de nombreux contre­révolutionnaires et éléments ayant trahi le pays lors de la guerre antifasciste.

   Dans une interview accordée le 7 janvier 1951 à un correspondant de l’United Press, Tito dit que 11.000 détenus politiques avaient été amnistiés en Yougoslavie.

   Le 13 mars 1962, 150.000 contre­-révolutionnaires qui vivaient en exil à l’étranger furent, à leur tour, l’objet d’une amnistie.

   La dictature n’existe effectivement plus à l’égard de ces ennemis du peuple, et ceux-­ci ont pu jouir de la « démocratie ».

   Quelles que soient les belles phrases dont use la clique Tito, sa soidisant « démocratie » est une démocratie s’exerçant uniquement à l’égard d’un petit nombre d’éléments bourgeois, anciens et nouveaux ; pour la grande masse des travailleurs, c’est la plus pure dictature.

   La clique Tito a transformé la machine d’Etat révolutionnaire, qui avait été instaurée en Yougoslavie pour réprimer une minorité de gens formant la classe exploiteuse, en une machine d’Etat ayant pour objectif la répression du prolétariat et de la grande masse des travailleurs.

   La dégénérescence du pouvoir d’Etat en Yougoslavie s’est produite non au moyen du renversement de l’ancien pouvoir par la violence et de l’établissement d’un nouveau pouvoir, mais par une « évolution pacifique ».

   Les mêmes individus — la clique Tito — détiennent le pouvoir. Mais en fait, ces gens ne représentent plus les intérêts des ouvriers, des paysans, les intérêts de tous les travailleurs, mais ceux de l’impérialisme et de la bourgeoisie, ancienne et nouvelle, de Yougoslavie.

   Utilisant le pouvoir, la clique Tito contrôle toutes les artères de l’économie nationale, exploite à outrance le peuple travailleur ; c!est ainsi que s’est formée en Yougoslavie une bourgeoisie bureaucratique.

   Par ailleurs, du fait que ­celle-­ci dépend de l’impérialisme américain et possède un caractère compradore très accentué, elle est en même temps une bourgeoisie compradore.

   Le pouvoir détenu par la clique Tito est une dictature exercée par cette bourgeoisie bureaucratique et compradore.

   Les faits précités montrent, sous différents aspects, que la politique poursuivie par le régime de Tito est une politique de restauration et de développement du capitalisme, qui ramène la Yougoslavie à l’état de pays semi-­colonial ou dépendant.

   La dégénérescence du pouvoir d’Etat en Yougoslavie a abouti à la destruction du système économique socialiste et à la restauration du système économique capitaliste.

   Quand le système économique capitaliste est rétabli sous une nouvelle forme et qu’une bourgeoisie bureaucratique et compradore de type nouveau s’est formée graduellement, celle-ci exige le renforcement de la dictature bourgeoise et le développement d’un système politique correspondant au système économique capitaliste afin de consolider sa position dominante.

   C’est précisément de cette manière que s’est réalisée pas à pas, en Yougoslavie, la dégénérescence du Parti et du pouvoir qui a abouti à la restauration du capitalisme dans l’ensemble du système socioéconomique.

   Le processus de dégénérescence de la Yougoslavie se poursuit depuis quinze années. Il constitue une véritable histoire de l’ « évolution pacifique » par laquelle un pays socialiste devient un pays capitaliste.

   C’est en s’appuyant sur l’impérialisme américain, sur la machine d’Etat de la dictature de la bourgeoisie bureaucratique et compradore, sur l’aristocratie ouvrière à sa solde et sur les paysans riches à la campagne que la clique Tito maintient sa domination en Yougoslavie ; en même temps, elle recourt à toutes sortes de moyens trompeurs pour masquer sa physionomie réactionnaire et mystifier les masses populaires.

   Cependant, sa politique réactionnaire est des plus impopulaires.

   Que là Yougoslavie, de pays socialiste, ait dégénéré en pays capitaliste, de pays indépendant, soit tombée au rang de semi-colonie ou de dépendance de l’impérialisme, ce sont là des phénomènes nuisibles aux intérêts fondamentaux du peuple yougoslave, qui ne peuvent que se heurter à l’opposition de tous les communistes honnêtes et des masses populaires yougoslaves, dans leur écrasante majorité.

   Nous éprouvons une profonde sympathie pour le peuple et les communistes yougoslaves actuellement dans une situation difficile.

   La clique Tito peut dicter sa loi pendant un certain temps, mais nous sommes persuadés que quelles que soient les pressions et les manœuvres trompeuses auxquelles il a recours, aucun groupe au pouvoir, s’il est hostile au peuple, ne peut avoir de fin heureuse. Il est évident que la clique Tito ne fera pas exception.

   Les hommes qui sont victimes d’une mystification finissent toujours par en prendre conscience.

   Le peuple et les communistes yougoslaves, qui possèdent une glorieuse histoire, ne laisseront pas cette clique de renégats disposer indéfiniment de leur sort.

   Le peuple yougoslave a devant lui un avenir radieux.