Un appendice de l’impérialisme américain

La Yougoslavie est-elle un pays socialiste ?

A propos de la lettre ouverte du Comité Central du P.C.U.S.

26 septembre 1963

Un appendice de l’impérialisme américain

   Le processus de restauration du capitalisme en Yougoslavie se confond avec le processus d’alignement de la clique Tito sur l’impérialisme américain, le processus de dégénérescence de la Yougoslavie, devenue un appendice de l’impérialisme américain. En répudiant le marxisme-­léninisme, la clique Tito s’est engagée dans une voie honteuse, mettant à l’encan la souveraineté nationale et vivant des aumônes de l’impérialisme américain.

   Selon des statistiques, d’ailleurs incomplètes, il apparaît que de la fin de la Seconde guerre mondiale à janvier 1963, les Etats­-Unis et d’autres puissances impérialistes ont accordé à la clique Tito différentes sortes d’ « aides » s’élevant au total à environ 5.460 millions de dollars américains, sur lesquels l’ « aide » américaine représente plus de 60 pour cent, soit 3.500 millions de dollars.

   La majeure partie de l’aide américaine a été octroyée après 1050.

   L’aide américaine constitue la pierre angulaire des finances et de l’économie yougoslaves.

   Selon des statistiques officielles, les crédits que la clique Tito a obtenus en 1961 des Etats-­Unis ou d’organisations financières internationales contrôlées par ceux-ci se montaient au total à un peu plus de 346 millions de dollars américains, soit 47,4 pour cent des recettes budgétaires fédérales de cette même année.

   Si l’on y ajoute le montant de l’aide d’autres pays occidentaux, l’aide que la clique Tito a reçue en 1961 des pays occidentaux représentait un total d’environ 493 millions de dollars américains, soit 67,6 pour cent des recettes budgétaires fédérales de la même année.

   Pour obtenir l’aide américaine, la clique Tito a conclu avec les Etats-­Unis une série de traités et accords par lesquels elle a vendu le pays.

   Les notes échangées en 1951 entre la Yougoslavie et les Etats-­Unis au sujet de l’ « Accord sur l’assistance en matière de défense commune » prévoient que les hauts fonctionnaires du gouvernement américain peuvent « en toute liberté et sans restriction aucune » inspecter et surveiller à travers la Yougoslavie la réception et la répartition du matériel fourni sous forme d’aide militaire américaine et qu’ils ont le droit de jouir de « toutes les facilités de communications et de renseignements ».

   Il y est encore stipulé que la Yougoslavie doit fournir aux Etats-Unis des matières premières stratégiques.

   L’ « Accord sur l’aide militaire » conclu en 1951 entre la Yougoslavie et les Etats-­Unis stipule que la Yougoslavie doit « apporter la plus grande contribution … à la puissance défensive du monde libre » et être prête à mettre des forces armées à la disposition de l’O.N.U. La mission militaire envoyée par les Etats-­Unis aux termes de cet accord contrôle et entraîne directement les troupes yougoslaves.

   L' »Accord sur la coopération économique » conclu en 1952 entre la Yougoslavie et les Etats­-Unis prévoit que l’aide américaine doit être utilisée par la Yougoslavie pour « la promotion des droits fondamentaux de l’individu, de la liberté et des institutions démocratiques », en d’autres termes, pour la promotion du système capitaliste.

   En 1954, la Yougoslavie conclut un Traité d’Alliance, de Coopération politique et d’Assistance mutuelle avec la Grèce et la Turquie, Etats membres de l’O.T.A.N.

   Ce traité stipule que les trois pays agissent en coordination sur le plan militaire et diplomatique, faisant ainsi en fait de la Yougoslavie un membre des blocs militaires placés sous le contrôle des Etats-­Unis.

   Après 1954, la Yougoslavie a signé avec les Etats­-Unis une série d’accords par lesquels elle a vendu sa souveraineté ; rien qu’entre 1957 et 1962, plus de 50 accords ont été ainsi conclus.

   Par suite de la signature de ces traités et accords, et du fait que la clique Tito a transformé la Yougoslavie en un appendice de l’impérialisme américain, les États-Unis ont obtenu de ce pays:

  • le droit de contrôler ses affaires militaires ;
  • le droit de contrôler ses affaires extérieures ;
  • le droit d’intervenir dans ses affaires intérieures ;
  • le droit de contrôler les finances et la monnaie ;
  • le droit de contrôler son commerce extérieur ;
  • le droit d’accaparer ses matériaux stratégiques ;
  • le droit de recueillir en Yougoslavie des renseignements militaires et économiques.

   C’est ainsi que l’indépendance et la souveraineté de la Yougoslavie ont été mises à l’encan par la clique Tito.

   Outre la conclusion d’une série de traités inégaux avec les Etats-Unis, traités par lesquels elle a vendu la souveraineté du pays, la clique Tito, en vue d’obtenir l’aide américaine, a pris diverses autres mesures sur le plan de la politique intérieure et extérieure, afin de pourvoir aux besoins du capital monopoliste occidental dans sa pénétration en Yougoslavie.

   Dès 1950, elle a mis fin au monopole du commerce extérieur jusque­là détenu par l’Etat.

   Le « Décret sur le commerce extérieur », promulgué en 1953, autorise les entreprises à faire du commerce extérieur en toute indépendance, à commercer directement avec les entreprises du capital monopoliste de l’Occident.

   En 1961, le régime de Tito procéda à une nouvelle « réforme » du système concernant les devises étrangères et le commerce extérieur.

   Le contenu essentiel de cette réforme résidait en un nouveau relâchement des restrictions sur l’importation et l’exportation. L’importation d’importants produits semi-­finis et de certains articles de consommation bénéficia d’une « libéralisation totale » et les limitations imposées à l’importation d’autres marchandises furent réduites à des degrés divers.

   Toutes les restrictions furent levées à l’octroi des devises destinées à l’acquisition de marchandises dites d’importation libre.

   Nul n’ignore que le monopole du commerce extérieur par l’Etat est un principe fondamental du socialisme.

   A propos du prolétariat industriel, Lénine a dit :

   « il n’est absolument pas en état de relever notre industrie et de faire de la Russie un pays industriel sans la protection de l’industrie, laquelle ne signifie nullement la protection par la politique douanière, mais seulement et exclusivement par le monopole du commerce extérieur ». (Œuvres, tome 33)

   Staline a dit que « le monopole du commerce extérieur est l’une des assises de la plate­forme du gouvernement soviétique » et que la suppression de ce monopole, c’est « l’abandon de l’industrialisation » du pays, c’est « l’envahissement du marché soviétique par les marchandises des pays capitalistes », c’est « la transformation de notre pays, de pays indépendant en pays semi­-colonial ». (Œuvres complètes, tome 10)

   En abolissant le monopole du commerce extérieur par l’Etat, le régime de Tito ouvre toutes grandes ses portes au capital monopoliste de l’impérialisme.

   Quelles ont été les conséquences sur le plan économique du fait que la clique Tito a reçu une aide américaine massive et ouvert toutes grandes ses portes à l’impérialisme ?

   Primo : La Yougoslavie est devenue un marché sur lequel l’impérialisme pratique le dumping.

   De grandes quantités de produits industriels et agricoles des pays impérialistes ont envahi le marché yougoslave.

   En quête de profits égoïstes, les capitalistes compradores de Yougoslavie, qui ont fait des fortunes colossales en servant le capital monopoliste étranger, ont importé d’énormes quantités de marchandises que le pays est capable de produire ou dont il possède même d’importants stocks.

   Comme l’a admis le Politika du 25 juillet 1961, l’industrie yougoslave « est en butte aux coups de la constante et très complexe concurrence des industries étrangères, cela se voit partout ».

   Secundo : La Yougoslavie est devenue une sphère d’investissements de l’impérialisme.

   Nombre d’entreprises industrielles yougoslaves ont été mises sur pied grâce à l’ « aide » des Etats-­Unis et d’autres pays impérialistes. Le capital monopoliste étranger a pénétré massivement et directement en Yougoslavie.

   Selon Papic, directeur général de la Banque nationale d’Investissements de Yougoslavie, dans la période allant de 1952 à 1956, « la participation des capitaux étrangers atteignait 32,5 pour cent de la valeur totale des investissements économiques ».

  Le secrétaire d’Etat américain Dean Rusk a dit le 5 février 1962 que les capitaux de la Yougoslavie « proviennent en majeure partie de l’Occident ».

   Tertio : La Yougoslavie est devenue une source de matières premières pour l’impérialisme.

   Depuis 1951, aux termes de l’ « Accord sur l’aide militaire » conclu entre les Etats-Unis et la Yougoslavie, la clique Tito a fourni à flot continu des matières premières stratégiques aux Etats-­Unis.

   L’Annuaire de statistiques de la République fédérale populaire de Yougoslavie, de 1961, montre que depuis 1957, environ la moitié des exportations yougoslaves de magnésium, de plomb, de zinc, d’antimoine et d’autres métaux importants est allée aux Etats-­Unis.

   Quarto: Les entreprises industrielles yougoslaves sont devenues des ateliers de montage pour les entreprises monopolistes de l’Occident.

   Nombre d’industries essentielles de la Yougoslavie produisent sous licence des pays occidentaux et avec des produits semi­-finis, des pièces détachées, des pièces de rechange et des articles semi-manufactures importés.

   Leur production est placée sous la coupe des entreprises monopolistes de l’Occident.

   En fait, un grand nombre de produits industriels vendus en Yougoslavie comme marchandises du pays sont des assemblages de pièces détachées importées de l’étranger, sur lesquels figurent des marques de fabrique yougoslaves.

   Le Vesnik u sredu du 25 avril 1962 écrivait :

   « Certaines de nos entreprises industrielles commencent à se transformer en organisations commerciales d’un genre particulier. Au lieu de produire, elles s’occupent du montage, et ne font que coller leurs marques sur les produits d’autrui. »

   Dans ces circonstances, la Yougoslavie est devenue une partie intégrante du marché mondial du capital monopoliste occidental.

   Que ce soit dans le domaine des finances ou dans celui de l’économie, la Yougoslavie est indissolublement liée au marché mondial capitaliste, elle est devenue un appendice de l’impérialisme, plus particulièrement de l’impérialisme américain.

   Quand un pays socialiste aliène son indépendance et « sa souveraineté et devient un appendice de l’impérialisme, cela mène inévitablement à la restauration du régime capitaliste.

   La soi­-disant voie spécifique d’édification du « socialisme » avec l’aide américaine, voie exaltée par la clique Tito, n’est rien d’autre que la voie de la transformation du système socialiste en système capitaliste en fonction des besoins de l’impérialisme, la voie qui conduit un pays indépendant à dégénérer en semi­-colonie.

   Or, Khrouchtchev persiste à dire que cet appendice de l’impérialisme américain « édifie le socialisme ».

   N’est­-ce pas absolument fantastique !

   Une variété nouvelle de « socialisme » portant l’estampille « aide américaine » est venue s’ajouter à ces faux socialismes de toutes nuances qui furent critiqués par Marx, Engels et Lénine.

   Il s’agit probablement de la « grande contribution » apportée par Tito et Khrouchtchev au « développement créateur du marxisme-léninisme » !